• L'Arbre 2 - Chapitre 14 - Les Enfants-Arbres

    Les Enfants-Arbres

    … D’une même voix, nous crions notre colère. D’un même pas, nous marchons vers ce lieu qui est notre berceau commun. Notre Jardin est en danger. Nos parents sont en danger.

    La magie de notre père s’éteint petit à petit. Il en a trop usé pour nous donner une mère et lui garder son éternelle beauté, pour nous faire naître, pour sauver d’une mort certaine les imprudents qui se sont aventurés à leurs risques et périls dans son domaine où pullulent les rats, les renards, les chiens et les chats sauvages. Pour maintenir en forme sa garde rapprochée, pour nous guérir de nos blessures et des maladies contractées en dehors du Jardin.

    D’où que nous nous trouvions, disséminés que nous sommes sur la planète, nous avons senti le péril. L’une d’entre nous se souviens même de l’avoir regardé en face il y a des années de cela, sans savoir alors qu’il allait un jour s’en prendre à ce que nous avons de plus cher en dehors de nos compagnons et de nos propres enfants.

    Oui, nous vivons dans le monde du dehors, parmi les Hommes mais nous ne sommes qu’à moitié humains et si nous bénéficions d’une grande longévité, nous n’en sommes pas moins mortels. Alors penser que nous pourrions disparaître sans laisser à nos enfants et petits enfants cet héritage hors du commun qu’est le Jardin de nos parents, nous est insupportable.

    Tous autant que nous sommes, nous représentons les derniers membres d’une inconcevable fratrie. Ceux que la mort n’a pas encore agrippés de ses doigts crochus. Ceux dont les cendres ne nourrissent pas encore les pieds de notre vénéré père. Nous sommes les Enfants-Arbres, les fruits miraculeux de l’amour incommensurable de deux êtres que rien ne prédestinait à vivre ensemble de par leur nature en apparence totalement dissemblable. Arbre, notre père magnifique et tendre et la Dame verte, notre mère bien-aimée si belle, si douce, si éternellement jeune mais dont le sein généreux ne donne plus de lait-sève depuis si longtemps puisqu’elle n’enfante plus.

    Nous savons qu’en elle brûle la nostalgie de ces printemps fabuleux qui nous voyaient sortir tout nus et verts de nos cocons de branches. Nous savons aussi que notre père souffre en silence de la voir trop souvent le regard perdu au-dedans d’elle.

    Ils se taisent chacun leur côté mais ils ont beau ne pas les dire, leur osmose est si profonde qu’ils ne peuvent réellement se cacher leurs tourments. Pas plus qu’ils ne peuvent le faire pour nous, aussi loin que nous nous trouvions du Jardin. Il existe entre nous tous, que nous le voulions ou non, un lien puissant et solide qui vibre de toutes nos émotions, de nos joies à nos peines. Ces vibrations se propagent par les racines de nos frères les arbres et par nos ondes psychiques, qu’elles soit à-demi humaines ou totalement végétales. C’est de cette façon que nous avons appris le danger qui rôde chez nous, là-bas, autour de l’enceinte touffue de la « Forêt interdite ». D’énormes monstres mécaniques sans âme et des équipes de robots humains diligentées par un autre robot humain froid et calculateur, s’ébranlent en ce moment-même et vont être acheminées vers notre monde pour le détruire. La vieille ville écroulée, enfouie sous la végétation est prête à se venger. Si nous ne parvenons pas à stopper le bras d’acier armé par l’Architecte, telle le Phénix, elle va renaître de ses cendres, plus haute, plus vaste que l’ancienne et c’en sera fini du Jardin oublié et de sa magie.

    Que deviendra notre mère ? Elle, elle ne peut plus vivre dehors. Elle est trop…végétale à présent. Depuis qu’elle y est revenue, quasi mourante il y a des lustres de cela, elle ne l’a plus quitté. En serait-elle capable que probablement, elle refuserait de revenir vivre parmi les Hommes. Ce monde d’humains inhumains lui a fait trop de mal ! Quant à notre père par tous les pores de notre peau, par la moindre goutte de sang-sève qui coule dans nos veines, nous savons…Non ! Ce mot hideux ne franchira pas nos lèvres.

    Hâtons-nous ! Le temps qui court joue contre nous.

    Là-bas au hameau, le premier des Gardiens vient de rende l’âme, suivi presque aussitôt par tous les plus anciens de ses compagnons. Lorsque la sève que notre père avait introduite dans leurs veines et mêlée à leur sang a cessé de couler éteignant une à une ces étincelles de vie végétale qu’il avait allumées en eux, nous l’avons ressenti instantanément dans notre propre cœur comme une blessure sanguinolente. Alors, nous avons su que le moment était venu. Pour défendre nos parents contre les manigances de l’intrus, il ne reste désormais que le dernier promu de ce corps d’élite exceptionnel, entouré de son épouse et de quatre survivants affaiblis qui ont choisi de surseoir encore un peu à cette extinction programmée et souhaitée par eux tous, des Gardiens du Jardin oublié…

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  • Commentaires

    4
    Dimanche 18 Septembre 2022 à 17:05

    C'est le temps de la fin qui arrive, c'est triste. 

    Bises

    3
    Dimanche 18 Septembre 2022 à 04:33

    A quelle notion le temps !

    Bon dimanche à toi 

    Bises 

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    2
    Dimanche 18 Septembre 2022 à 02:46
    colettedc

    Oui, hâtez-vous, le temps se rapproche !!!

    Bon dimanche Anne-Marie,

    Bisous

    1
    Samedi 17 Septembre 2022 à 22:02

    Le temps, auront-ils le temps.... amitiés, JB

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