• Chapitre 11

    Munich, 21 octobre 2058

    Le parc des expositions grouillait de monde. Anonymes au milieu de la foule des visiteurs ordinaires, circulaient des milliers de membres de la Roue venus du monde entier. Très proche du dernier, le Troisième Rassemblement avait été programmé plus tôt que prévu en raison de l’arrestation et de l’incarcération de Mary-Anne. Tous les participants se remémoraient le cœur lourd, le deuxième qui avait eu lieu dans la liesse générale lors du mariage de leur leader avec la jeune femme et tous ressentaient empathiquement le chagrin qui l’étouffait. L'absence de son épouse bien aimée le minait. Une absence qui ressemblait plutôt à une disparition définitive. N'aurait-il pas mieux valu qu'elle soit morte ?

    C'était la journée inaugurale de ce meeting pluriculturel organisé par les alliés de la Roue. Ce genre de manifestation donnant lieu à une énorme affluence, servait à merveille leurs desseins. Bien qu’elle soit placée sous haute surveillance en raison même de son importance, curieusement nul dans les sphères gouvernementales ne paraissait imaginer que les mutants puissent s’y aventurer juste après le retentissant procès de l’une des leurs. Ces pleutres qui n’avaient rien fait pour la secourir n’étaient décidément bons qu’à se terrer comme des rats !

    À moins que les responsables de la sécurité internationale ne s’avisent qu’il n’était décemment pas possible d’arrêter tous les individus de grande taille qui se baladeraient forcément dans l’immense parc le temps de la manifestation.

    Il faut dire qu’après le fiasco de l’unique intervention d’un de ces dégénérés dans la salle d’audience, la peur suscitée par les monstres de la secte maudite avait baissé de plusieurs crans. Dès lors, perdus dans la cohue, les Mutants, les Élus et tous les alliés du mouvement passaient inaperçus. Nul ne pouvait entendre leurs télépathiques conversations tandis qu'ils circulaient, badauds parmi les badauds, devant les nombreux stands en faisant mine, ainsi que le faisaient les autres visiteurs, de s'intéresser aux multiples animations proposées à la curiosité des chalands. Et Dieu sait qu'il ne manquait pas de centres d'intérêt pour les milliers de gens qui se pressaient dans les immenses bulles de verre climatisées abritant l'exposition !

    Toutes les formes d'arts y étaient représentées. Elles se côtoyaient harmonieusement mêlant judicieusement le summum de la modernité au charme désuet du passé: cinéma, théâtre, danse, musique, peinture, sculpture, littérature, gastronomie, architecture, décoration, artisanat…

    On pouvait assister à des spectacles de cirque ou de cabaret, à des mini concerts de musique allant du classique d’avant la Grande Crise aux rythmes « Néo-Tech » du moment. On découvrait les toutes dernières productions holographiques mais il était également possible pour ne pas dire tendance de revoir - pièces rarissimes pour collectionneurs passionnés - de vieux films sur bandes, ceux en noir et blanc oubliés par la re colorisation étant les plus recherchés. Çà et là on pouvait s’extasier comme des gosses devant un cracheur de feu, une troupe d’acrobates virtuoses, un duo de clowns hilarant ou un magicien particulièrement habile.

    L’un d’eux, prestidigitateur hors pair qui captivait son public par ses tours de passe-passe, n’était autre qu’un Mu. Qui aurait pu deviner que sa prestation était vraiment magique ?

    Fins gourmets et gourmands se bousculaient devant le stand intitulé : « Alimentation et gastronomie à travers les pays et les siècles. » qui proposait à la dégustation les mets les plus variés dont certains, peu ragoûtants, prétendaient s'inspirer de la préhistoire et provoquaient chez les plus audacieux dégustateurs d'intempestifs et très désagréables problèmes digestifs qu'ils allaient évacuer en courant dans les multiples sanisettes disséminées dans chaque bulle.

    Ce premier jour fut celui des officiels, parmi lesquels deux ou trois figures emblématiques de Sages de la Maison Blanche qui se pointèrent, entourés d'une véritable armada de gardes du corps et ne restèrent que le temps de se montrer un peu et de serrer quelques mains sous l'œil des caméras avant de s'éclipser. Seuls restèrent ceux pour lesquels ces énormes manifestations publiques étaient une aubaine médiatique sans pareil et ne représentaient aucun danger potentiel. Au contraire des Sages qui n'avaient accordé aucune interview, ceux-là, sourire de commande aux lèvres et le verbe haut, venaient chacun à leur tour parader devant les stands.

    Dès qu'ils apparaissaient, ils se retrouvaient cernés par des dizaines de micros et de caméras devant lesquels ils rivalisaient de grandes déclarations pour attirer sur eux l'attention générale, ignorant totalement que d'autres « capteurs », bien plus indiscrets que les micros de la presse audio visuelle, étaient branchés sur leurs esprits, véritables mines de renseignements pour les Mus qui se partageaient le soir venu les informations ainsi glanées. Hélas, rien ne filtra sur le lieu d'incarcération de Mary ni ce jour-là ni les suivants.

    Sur ce sujet, la seule chose qui leur fut confirmée, c'est que la « monstrueuse créature » avait été lobotomisée dès le lendemain de son procès et conduite tout de suite après, sous bonne garde, dans un pénitencier d’État. Le lieu de son incarcération était tenu si secret que seules quelques rares personnes en avaient connaissance et que ces personnes étaient toutes munies de brouilleurs mentaux. À leur retour, les gardes convoyeurs, bien que toujours sous contrôle de leur implant, avaient subi un lavage de cerveau en règle.

    On savait que la femme pervertie par les mutants, purgeait sa perpète dans un pénitencier lui-même hyper protégé par des murailles élevées hérissés d'antennes de brouillage-psy. Mais lequel ? Les services de renseignement de la Roue en avait répertorié une centaine dans le Monde, tous aussi bien protégés les un que les autres depuis l'évasion spectaculaire des lobos du camp australien. Par mesure d’extrême sécurité, on était même allé jusqu’à implanter des brouilleurs psys dans le cervelet de toutes les catégories de personnel pénitentiaire, des directeurs aux simples cuisiniers ! Mais Mary n'était pas dans un camp de travail. Or l’expérience avait prouvé que nul ne s'évadait des forteresses d'État qui n'avaient rien à voir avec les camps justement. Pas de plein air pour les prisonniers de ces lieux totalement clos. Juste une sortie dans une courette entourée de hauts murs, journalière pour les moins sévères, hebdomadaire pour les plus durs.

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  • Commentaires

    2
    Jeudi 10 Novembre 2022 à 11:35

    Une prison de haute sécurité, ce n'est pas gai. 

    1
    Mercredi 9 Novembre 2022 à 19:28

    Pauvre Mary, dont on sait peu de chose sur sa prison... amitiés, jill

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