• Chapitre 3

    Les Sages de Washington poursuivirent avec ardeur et sérieux le travail de démilitarisation entrepris avant la fin du XXe siècle. Entre 1998 et 2000, la France en effet, avait déjà fait le premier pas en remplaçant progressivement son contingent d’appelés par des engagés volontaires. Les pays qui pratiquaient comme elle, la conscription des jeunes recrues pour le service militaire, avaient peu à peu suivi son exemple. À partir de 2000, on avait vu naître un peu partout des armées de métier réduites à leur plus simple expression. Tous les soldats du monde étaient censés devenir, petit à petit, tels les casques bleus de l’ONU, des garants de la paix. On avait commencé à détruire le gros arsenal militaire, y compris les armes nucléaires.

    Puis la Crise avait éclaté, remettant tout en question. Pour éteindre les multiples foyers de guerre civile ou religieuse qui s’allumaient un peu partout sur la planète, on avait rappelé sous les drapeaux tous les jeunes hommes et femmes en âge de se battre. Il fallait bien remplacer ceux qui mouraient sur les champs de bataille. Lorsque l’humanité, malade, épuisée, lasse de vivre le poing levé, en eut assez de payer à la mort un si lourd tribut, les combats cessèrent et il fallut penser à reconstruire, à guérir. Et l’on reparla désarmement. Alors les Sages élus en 2037 purent enfin se pencher sur un monde à deux doigts de l’agonie. Un monde sauvé de justesse et qu’il fallait remettre en état pour son propre bien et pour celui de ses enfants.

    Peu après ces désastres successifs et faisant suite à des années de politique de l'autruche, on reconnut que les plus vieilles des centrales nucléaires montraient des signes évidents de défaillance. Quelques fuites radioactives spectaculaires et meurtrières vinrent à bout des plus grandes résistances. Se rendant enfin aux raisons des mouvements écologistes, les Sages firent désactiver toutes les centrales jugées dangereuses. Tchernobyl avait été une dure leçon et l’on n'avait mis que trop de temps à l’apprendre.

    On admit également la nécessité absolue de réduire le parc automobile mondial. En effet, bien qu’on ait prédit à maintes et maintes reprises la fin des réserves pétrolifères, trop de véhicules roulaient encore avec ce carburant fossile et néfaste dont les gaz d’échappement causaient de mortels pics de pollution atmosphérique, responsables de l'effet de serre et de la destruction progressive de la couche d'ozone. Mais les pollutions industrielles et domestiques n'étaient pas en reste Il était urgent qu’une loi anti-pollution d’une exemplaire sévérité, soit rapidement mise en place. Cela fut fait et elle fut votée à l'unanimité des Sages.

    La recherche en énergies propres qui avait débuté timidement à la fin du XXe siècle, s’intensifia. On admettait enfin qu’il fallait que cesse le monopole des pétroliers. Un monopole qui pesait trop lourd dans la balance d’une économie mondiale à genoux et qui exerçait par trop son pouvoir absolu sur le monde politique.

    Les méga budgets consacrés auparavant à l’armement et à la guerre, furent affectés équitablement entre la recherche médicale, la protection de l’environnement, le redressement de l’économie et la recherche en énergies nouvelles renouvelables non polluantes. Il fallait également apporter soin et réconfort à tous ceux qui avaient survécu à la Grande Crise, faire renaître en eux espoir et confiance, les remettre au travail et Dieu sait qu’il y en avait !

    Des milices se formèrent spontanément qui se donnèrent pour but de rétablir l’ordre et de stopper le bras haineux de la vindicte populaire. Même s’ils le méritaient, il fallait arrêter les exécutions sommaires et systématiques de tous les rebuts de la terre, pillards, profiteurs, violeurs, voleurs, assassins, pourvoyeurs de drogue ou de chair fraîche et leurs commanditaires, mafiosi, membres éminents des grands cartels, policiers et politiciens véreux, trafiquants d’armes. Trafiquants d'hommes aussi car l'esclavage avait retrouvé de hideuses lettres de noblesse dans les pays sous-développé où même des enfants risquaient la mort pour extraire des pierres précieuses ou de l'or… Le jugement du peuple fut sans appel pour ces criminels. On les pourchassait d’un bout à l’autre de la planète, on allait même jusqu’à les tirer de leurs geôles pour les tuer sans autre forme de procès. Il n’en restait pas beaucoup en 2037 qui aient échappé au massacre. Ceux qui ne moisissaient pas en prison furent retrouvés, arrêtés, honorablement jugés puis exécutés. Nul esprit de vengeance mais pas de pitié non plus. On se débarrassait d’eux comme on l’aurait fait de fruits pourris ou d’animaux malfaisants. Point. Ce furent les dernières fois que fut appliquée la peine de mort.

    Par la suite, les milices qui avaient fait du bon travail, furent néanmoins démantelées et remplacées par un corps de police mondial unique, les Gardiens de l’Ordre et de la Paix. Véritable formation paramilitaire étatique composée de l’élite intègre et dure des anciennes forces policières de tous les pays, ces G O P, hommes et femmes, furent renforcés par d’ex-miliciens reconvertis, autorisés par le gouvernement des Sages à en grossir les rangs. On finit par les appeler « gops », comme l'on disait autrefois flics ou cops.

    La recherche médicale, dotée de nouveaux et faramineux subsides, fit un prodigieux bond en avant. On mit au point un vaccin qui prévenait tous les types de pathologie. Ce vaccin universel procédait directement de la thérapie génique.

    Au cours de l’expérimentation sur les singes on lui avait très vite découvert une propriété extraordinaire et tout à fait inespérée : il ralentissait considérablement le processus de vieillissement. Baptisé UAS, pour Universel Anti Sénescence, il augmenta l’espérance de vie de façon très significative réduisant quasiment à néant l’écart qui existait autrefois entre celle des femmes et celle des hommes. La doyenne des français, Jeanne Calment, qui en 1996, avait atteint l’âge canonique de 120 ans, devait se retourner de bonheur dans sa tombe. Il n’était plus rare désormais de dépasser les 140 ans.

    Demain, avec sa petite trentaine, Mary-Anne ferait d’ailleurs figure de jeunette. Elle n’en serait en effet pas même au quart de sa vie. À moins que les cauchemars qui, depuis un mois faisaient de ses nuits un enfer, ne parviennent à la détruire. Il n’existait hélas aucun vaccin pour la prémunir contre cela. Lasse au-delà de tout, déprimée, elle se demandait quel crime elle avait commis aux yeux de Dieu, qui mérite une telle punition. Elle aurait mille fois préféré subir les pires châtiments réservés aux « criminels » d’aujourd’hui. Un PUP de reboisement en Amazonie par exemple.

    Ces Peines d’Utilité Planétaire, étaient appliquées à tous ceux qui, par des actes délibérés, menaçaient un équilibre écologique difficilement retrouvé, ou à ceux qui contrevenaient aux lois régissant l’Ordre et la Paix édictées par le Gouvernement Unique.

    La jeune femme n’était pas loin de penser que même la lobotomisation et l’internement doublé de l’isolation à vie dans les tristement célèbres Q H I, qu’on appliquait désormais à titre de peine capitale à ceux dont les pulsions criminelles reconnues n’avaient pu être éliminées par une psychothérapie de choc, auraient été préférables à ce qu’elle endurait. Ceux que la Justice condamnait à cette terrible punition ne rêvaient pas eux ! Du moins d’après le peu qu’on en savait.

    Ces songes cauchemardesques suivis de réveils difficiles, étaient de plus en plus fréquents.

    Trêve de pensées moroses, il lui fallait se hâter. Bien que son lieu de travail ne soit pas très éloigné, au train où elle se remuait, elle risquait tout de même de se mettre en retard et elle avait horreur de ça !

    Le HCHU de Lille - qui venait d’être rebaptisé Hôpital Hippocrate - véritable petite ville dans la mégalopole nordique, n’était qu’à un quart d’heure de marche de chez elle. Elle aimait ce court trajet qu’elle effectuait en compagnie de Surprise chaque fois que leur emploi du temps commun le leur permettait. Cette trotte au petit jour, en toutes saisons et par tous les temps, lui faisait toujours un bien fou et achevait de dissiper les dernières vapeurs du sommeil. À ces heures-là, encore moins de voitures qu’en pleine journée où elles étaient déjà peu nombreuses et pas encore de tramways dont les navettes ne commençaient leurs circuits qu’à partir de 7h et dont l’incessant va et vient s’interrompait à 19h précises. Quant au métro, il vrombissait déjà sous ses pieds mais ça ne la dérangeait pas.

    La capitale du Nord, comme toutes les autres grandes villes du monde, observait scrupuleusement la loi écologique anti-pollution votée vingt ans auparavant. Loi qui limitait au strict minimum utile, la circulation des véhicules à carburant vert ou à gazogène, soit une voiture par cellule familiale, autorisée à rouler intra muros, entre quatre et sept heures pour se rendre au boulot, entre seize et dix-huit heures pour en revenir et à toute heure du jour et de la nuit en cas d’urgence reconnue et signalée à la Centrale de Contrôle de Conduite (CCC) ou plus exactement à la CDC (Central Driving Control ), l’anglais étant la langue officielle de l’Union Mondiale des Nations. Laquelle Centrale vérifiait évidemment ultérieurement la validité de la demande et punissait le contrevenant en cas de mensonge avéré. Les seuls autres véhicules autorisés à rouler librement et sans restriction parce que prioritaires, étaient les ambulances, les unités motorisées de soin d’urgence ou UMSU, les médecins, les véhicules des pompiers, ceux des gops et enfin, ceux des officiels signalés par leur logo bleu représentant la Terre. Pour le reste, en ville, on devait se limiter à l’usage des transports en commun, tram, métro ou électro bus, à la bicyclette en solo ou en tandem ou encore, à la marche à pied. Car même si la recherche en ce sens avançait à pas de géant, on n’était pas encore parvenu à la pollution zéro et les véhicules solaires ou bio à grande autonomie n’en étaient encore qu’au stade du prototype.

    Quant aux électrautos, si elles existaient, c’était en petit nombre et elles étaient réservées aux plus fortunés. Eux seuls pouvaient se payer les mini stations de recharge à domicile, extrêmement onéreuses. De plus, la faible autonomie des voitures électriques, les restreignait encore à la circulation citadine et elles étaient soumises aux mêmes restrictions horaires et de vitesse que les autres. En gros, chaque voiture disposait d’un kilométrage annuel autorisé ou KA, de 2000 kilomètres, circulation intra et extra muros comprises, qu’une majorité prévoyante, utilisait pour les congés annuels, se contentant ainsi que le faisait Mary-Anne dont la voiture vieillissait, des transports en commun ou de la marche pour les déplacements courants.

    On ne riait plus depuis longtemps des ingénieux bricoleurs qui avaient réactualisé les traditionnels vélos-pousses asiatiques; pas plus que de celui, à présent richissime qui, s'inspirant des pédalos et des voitures à pédales mises à la disposition des touristes dans certaines stations balnéaires, avait remis au gout du jour pour les déplacements en ville, sous une forme plus robuste et utilitaire, ce qu'on appelait désormais depuis, les pédalautos. Ces véhicules allant de deux à dix places, étaient décapotables, possédaient un coffre volumineux et convenaient à merveille aux écologistes forcenés ou aux sportifs. Leurs conducteurs ne risquaient pas, eux, de contrevenir à la Loi anti-pollution ni à celles de la circulation.

    Toutes ces mesures avaient fortement réduit le parc automobile mondial et par là même, diminué considérablement la pollution atmosphérique. La couche d’ozone autrefois affaiblie, avait fini par reprendre son rôle protecteur.

    Chaque véhicule motorisé était soumis en permanence à la pointilleuse surveillance de la CDC laquelle avait préalablement attribué à son ou ses chauffeurs potentiels, après un examen rigoureux bien entendu, un Brevet d’Aptitude à la Conduite Internationale ou BACI qui répondait aux sévères exigences établies par la commission spécialisée nommée par le gouvernement. Le BACI s’était substitué à l’ancien permis à points. C’était une carte à puces comptabilisée en KA. Véritable témoin de contrôle, cette carte, introduite dans le lecteur interne dont chaque voiture même hors d’âge avait été obligatoirement équipée, remplaçait la clé de contact. Dès le démarrage, elle transmettait à la Centrale toutes les données concernant le conducteur au volant et sa conduite. Tout écart se voyait immédiatement sanctionné par la désactivation sur la carte, d’une ou plusieurs puces. Elle en comprenait vingt, chacune équivalant à cent KA. Dépassement de la vitesse autorisée limitée à 50 en ville, 70 sur route et 90 sur autostrade, dépassement du KA, manquement grave aux règles de sécurité que ce soit en ville ou à l’extérieur et c’était la sanction sans appel.

    Un BACI totalement désactivé entraînait le retrait à vie du permis, la confiscation immédiate du véhicule ainsi que son recyclage programmé dans la foulée. La conséquence en était que les autres conducteurs, considérés comme coresponsables, perdaient ainsi le bénéfice du moyen de transport qu’ils partageaient avec le fautif. En revanche, tout conducteur respectueux des lois se voyait attribué des bonus, allant de 50 à 500 KA pour le super bonus.

    Quand il n’était pas supprimé, le BACI était annuellement réactualisé par la CDC, en tenant compte des malus ou des bonus de l’année précédente mais les KA extra muros non utilisés, eux, n’étaient pas cumulables d’une année sur l’autre. Aussi pouvait-on commencer une année avec 2500 KA maximum, ou avec moins de 1000 KA en fonction de la foudre des malus cumulés.

    À l’approche des vacances, Mary-Anne suscitait l’admiration et l’envie de ses amis avec ses 2500 KA mais pour l’heure, elle s’en moquait bien.

    Même la perspective de revoir sa mère après une longue année de séparation, ne parvenait pas à la sortir du marasme dans lequel la plongeaient encore les réminiscences de ce rêve qui la hantait depuis un peu plus d’un mois.

    Ça avait commencé le 1er juin… Elle se souvenait

    « ...5h, elle se dresse sur son lit, hagarde et trempée de sueur. Ce réveil brutal à l’aube, lui laisse une impression de peur sournoise qui perdurera toute la journée. Contradictoirement, une petite lueur à peine entrevue a brillé, un espoir fugitif vite étouffé par la peur qui l’a envahie toute entière. Malgré la transpiration qui mouille sa fine nuisette, elle a froid, tellement froid… »

    Un mois après, l’appel résonnait encore dans sa tête, si réel !

    « Venez…Venez…Venez ! »

    Plus qu’une simple demande, c’était à la fois une injonction insistante, autoritaire et une supplique implorante, un pathétique appel au secours. Cette prière répétée lui parvenait à la façon de coups assourdis. Tels ceux qu’un mineur en danger de mort, coincé dans un éboulement de galerie, aurait désespérément frappés contre les parois de sa prison de pierre.

    « Venez… Venez… Venez ! »

    Le cri vibrait dans sa poitrine. Il pulsait, suivant le rythme haletant de sa respiration et celui effréné des battements de son cœur. Elle avait posé une main fébrile sur son front douloureux où résonnait une fois encore, comme en écho, l’étrange appel : «  Venez… Venez…»

    Puis ce fut le silence. Un silence pesant et…triste. Oui, triste ! C’est ainsi qu’elle l’avait ressenti en dépit du soulagement qu’il lui avait soudainement apporté. Elle s’était morigénée, avait sauté du lit. Surprise allait l’attendre !

    En la voyant, son amie n’avait pas été dupe. Ses yeux cernés, ses bâillements difficilement réprimés, la trahissaient.

    - Toi, t’es pas au top ! Lui avait-elle dit tout de go.

    - Mal dormi ! Avait-elle répondu évasive.

    - Courage ma vieille ! C’est bientôt les vacances ! Mais pour l’instant, active ou on sera en retard. Et tu connais Hortensia non?

    Évidemment qu’elle connaissait Vésuve, comme tout le service appelait Hortensia Bellini, surveillante générale de la Chirec, parangon de l’ordre et de l’exactitude, qui avait dû être adjudant-chef dans une autre vie. L’italienne ne rigolait pas pendant le boulot. Ni avant ni après d'ailleurs, pensait la majorité. Elles avaient fait la course et Mary-Anne avait oublié son cauchemar. Sa dure journée de travail - Hortensia avait été particulièrement exécrable- avait fini d’en effacer toute trace. Il lui avait en outre fallu consoler Surprise d’une nouvelle déconfiture. Comme d’habitude, ses œillades assassines n’avaient eu aucun effet sur le bel Alexeï, Al pour les intimes. Lorsqu’elles l’avaient croisé au cours de sa visite matinale, il avait posé son irrésistible regard de velours noir sur Mary-Anne qui l’avait ignoré et il avait distraitement salué la jolie rouquine qui elle, le dévorait des yeux.

    - Il ne me voit même pas! À croire que je suis transparente pour lui ! Avait alors marmonné la jeune fille dépitée.

    - Il doit penser que tu es déjà prise ! Tout le monde ici sait que tu sors avec le bel Orion !

    - Je sortais ! Tu as au moins trois rames de retard ma fille ! J’ai rompu avec ce flagorneur il y a déjà presque une semaine !

    - Excuse ! J’ignorais !

    - Sûr ! Si tu mettais le nez dehors un peu plus souvent, tu saurais ! Mary…

    - Ah non! Tu ne vas pas recommencer avec ça !

    Ça, c’était l’acharnement de Surprise à vouloir caser son amie qu’elle trouvait un peu trop sage, prude, solitaire et…

    - Tout le monde n’a pas tes talents de séductrice et ma vie me plaît ainsi ! Je ne suis pas seule, je vous ai, Typh', Jéza et toi et ça me suffit ! D’accord ?

    - Tu m’énerves à toujours deviner ce que je vais dire mais bon ! D’accord ! En tous cas, si tu te décides enfin à t’amuser un peu, touche pas à Alexeï hein ?

    - Bof ! Moi, Alexeï tu sais… Avait-elle répondu sans daigner finir sa phrase.

    - Bof ? Elle a dit Bof ! Je lui parle du sublimissime Al et elle ne trouve rien d’autre à me dire que bof ! J’y crois pas !

    Là-dessus elles avaient éclaté de rire ensemble, au grand dam de Vésuve qui passait justement par là.

    - Au travail mesdemoiselles et fissa au lieu de rester là à glander et à glousser comme des gamines attardées ! Leur avait-elle craché en leur jetant un regard furibard.

    Obéissantes, les deux infirmières étaient reparties à l’assaut du vaste service de Chirec au sein duquel elles officiaient de concert. Le travail n'y manquait pas. Pas plus que dans l'ensemble des autres services au demeurant et ce en dépit de la disparition quasi totale des pathologies bactériennes et virales ainsi que de tous ces fléaux incurables auxquels s’était heurtée la recherche médicale du XXe siècle, tel le cancer, le Sida, Alzheimer, la myopathie, la sclérose en plaques… Tout cela grâce à la découverte du Vaccin Universel et à une formidable avancée en matière de lutte contre le vieillissement. Si les hôpitaux ne désemplissaient pas c’est parce qu’on attachait désormais une importance capitale à la prévention sous toutes ses formes.

    Voilà pourquoi la Chirec était un département si bien coté. C’était le domaine réservé d’Alexeï Andrevski et de toute son équipe. Il en était le patron incontesté et il y exerçait son art avec un talent mondialement reconnu.

    La chirurgie reconstructive regroupait toutes les disciplines de réparation et de maintien à sa forme optimale du corps et de l’esprit : chirurgie plastique, esthétique, ostéoplastie, régénération et remodelage musculaire, tissulaire, cellulaire et neurologique grâce au merveilleux travail interne des cellules souches et des nano-organismes réparateurs. Il englobait, avec la vaccination UAS, les traitements préventifs contre le vieillissement, les traitements de maintien et la thérapie génique. Servi par une technologie de pointe comme tous les autres, il était renforcé par une unité de soutien psy.

    Les raisons de ce fonctionnement intensif des hôpitaux, c’est que l’OMS avait rendu obligatoire le contrôle de la santé dès la naissance et durant toute la vie. Ce contrôle comprenait la vaccination UAS, au troisième mois pour les nourrissons, suivie de rappels tous les deux ans jusqu’à 20 ans, puis tous les cinq ans jusqu’à 40 et enfin tous les dix ans à partir de cet âge. En outre, tout nouveau sexagénaire était soumis à un traitement annuel de maintien anti-sénescence à base de nano-reconstruction des organes vieillissants. L’OMS imposait à cette population dite « à risque », des cures d’une à deux semaines par an en milieu hospitalier, afin d’y subir des batteries de tests ainsi que toute réparation jugée nécessaire par le corps médical habilité : régénération, remodelage, hormonothérapie, psychothérapie…

    Presque à eux seuls, les sexagénaires et au-delà, constituaient par conséquent, la population quasi constante du service de Chirec, vite sortie, vite renouvelée. Le reste était composé des hospitalisés volontaires et des rares cas «d’accidentés »: brûlés, blessés, suicidés ratés et autres imprudents ou négligents.

    Dans le deuxième service en importance, la Matobs, qui regroupait maternité, gynécologie, obstétrique et sexologie, le soutien psy était également de rigueur car outre les accouchements, on y traitait de nombreux cas de stérilités psychosomatiques, d’impuissance ou de frigidité.

    Ces « maladies » étaient apparues pendant et après la Grande Crise chez des millions de rescapés.

    C’est à la Matobs que très jeune infirmière fraîche émoulue, Mary-Anne avait fait ses débuts en aidant son premier bébé à venir au monde. En ce temps-là, la volcanique Hortensia Bellini ne crachait pas encore feu et flammes sur la basse classe infirmière.

    En fin d’après-midi, la jeune femme était si épuisée qu’elle ne se souvenait pas d’avoir rêvé. Ni même d’avoir dormi d’ailleurs. Surprise, aussi fatiguée qu’elle, rhabillée en un tournemain, l’entraîna dehors sitôt la fin de leur service.

    - Viens ma belle ! Je t’offre un pot avant que tu ne regagnes ta tanière !

    « Venez… Venez … » Crut-elle alors entendre dans sa tête.

    Elle se figea, puis vacilla. La main de Surprise sur son épaule la retint de tomber.

    - Eh Mary, ça va ?

    - Juste un peu mal au crâne.

    - Tu veux que je te tienne compagnie ?

    - Non, non ! Ça va, je t’assure ! Mentit-elle. Et ce pieux mensonge dura plus d’un mois.

     

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  • Commentaires

    3
    Samedi 8 Octobre 2022 à 02:59
    colettedc

    Si tout cela advient, nous serons passé(e)s dans le bon temps. Bisous

    2
    Vendredi 30 Septembre 2022 à 16:57

    Si c'est ça l'avenir, je passe mon tour. 

    Je me sens de moins en moins bien dans ce monde. 

    Allonger la vie, je ne suis pas d'accord, comment nourrir toutes ces personnes. 

    Ce que je cautionne, c'est l'arrêt des budgets militaires, pas d'arme, moins de guerre.

    j'attends la suite !

    1
    Jeudi 29 Septembre 2022 à 19:14

    Une fiction qui pourrait bien devenir réalité dans le temps... si on n'y prend garde, amitiés, JB

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