• Émile VERHAEREN 1855 - 1916

    Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique) le 21 mai 1855 et mort accidentellement à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française.

    Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale proche de l'anarchisme lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.

    Émile VERHAEREN 1855 - 1916

    ( texte et image, source Wikipédia)

    ***

    Comme je l'ai dit dans ma participation au N° 329 d'Évy qui a pour thème "La pluie",, Émile VERHAEREN  fait partie de mes poètes préférés depuis l'école, lorsque  j'ai dû apprendre ce qui n'était alors qu'une version très raccourcie de son poème "Le vent", parce qu'il faut savoir, pour celles et ceux qui ne le connaîtrait pas, Émile VERHAEREN  avait la plume poétique très prolixe !

    Voici donc, le vent, puis la pluie  dépeints par Émile VERHAEREN

    *

    Le vent

     

    Sur la bruyère longue infiniment,

    Voici le vent cornant Novembre ;

    Sur la bruyère, infiniment,

    Voici le vent

    Qui se déchire et se démembre,

    En souffles lourds, battant les bourgs ;

    Voici le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Aux puits des fermes,

    Les seaux de fer et les poulies

    Grincent ;

    Aux citernes des fermes.

    Les seaux et les poulies

    Grincent et crient

    Toute la mort, dans leurs mélancolies.

     

    Le vent rafle, le long de l'eau,

    Les feuilles mortes des bouleaux,

    Le vent sauvage de Novembre ;

    Le vent mord, dans les branches,

    Des nids d'oiseaux ;

    Le vent râpe du fer

    Et peigne, au loin, les avalanches,

    Rageusement du vieil hiver,

    Rageusement, le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Dans les étables lamentables,

    Les lucarnes rapiécées

    Ballottent leurs loques falotes

    De vitres et de papier.

    - Le vent sauvage de Novembre ! -

    Sur sa butte de gazon bistre,

    De bas en haut, à travers airs,

    De haut en bas, à coups d'éclairs,

    Le moulin noir fauche, sinistre,

    Le moulin noir fauche le vent,

    Le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Les vieux chaumes, à cropetons,

    Autour de leurs clochers d'église.

    Sont ébranlés sur leurs bâtons ;

    Les vieux chaumes et leurs auvents

    Claquent au vent,

    Au vent sauvage de Novembre.

    Les croix du cimetière étroit,

    Les bras des morts que sont ces croix,

    Tombent, comme un grand vol,

    Rabattu noir, contre le sol.

     

    Le vent sauvage de Novembre,

    Le vent,

    L'avez-vous rencontré le vent,

    Au carrefour des trois cents routes,

    Criant de froid, soufflant d'ahan,

    L'avez-vous rencontré le vent,

    Celui des peurs et des déroutes ;

    L'avez-vous vu, cette nuit-là,

    Quand il jeta la lune à bas,

    Et que, n'en pouvant plus,

    Tous les villages vermoulus

    Criaient, comme des bêtes,

    Sous la tempête ?

     

    Sur la bruyère, infiniment,

    Voici le vent hurlant,

    Voici le vent cornant Novembre.

     

     (Recueil : Les villages illusoires - 1895)

     

    (Les parties en rouge sont celles que j'ai apprises)

    ***

     

    La pluie

    Longue comme des fils sans fin, la longue pluie

    Interminablement, à travers le jour gris,

    Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,

    Infiniment, la pluie,

    La longue pluie,

    La pluie.

     

    Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,

    Des haillons mous qui pendent,

    Au ciel maussade et noir.

    Elle s'étire, patiente et lente,

    Sur les chemins, depuis hier soir,

    Sur les chemins et les venelles,

    Continuelle.

     

    Au long des lieues,

    Qui vont des champs vers les banlieues,

    Par les routes interminablement courbées,

    Passent, peinant, suant, fumant,

    En un profil d'enterrement,

    Les attelages, bâches bombées ;

    Dans les ornières régulières

    Parallèles si longuement

    Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,

    L'eau dégoutte, pendant des heures ;

    Et les arbres pleurent et les demeures,

    Mouillés qu'ils sont de longue pluie,

    Tenacement, indéfinie.

     

    Les rivières, à travers leurs digues pourries,

    Se dégonflent sur les prairies,

    Où flotte au loin du foin noyé ;

    Le vent gifle aulnes et noyers ;

    Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps,

    De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ;

     

    Le soir approche, avec ses ombres,

    Dont les plaines et les taillis s'encombrent,

    Et c'est toujours la pluie

    La longue pluie

    Fine et dense, comme la suie.

     

    La longue pluie,

    La pluie - et ses fils identiques

    Et ses ongles systématiques

    Tissent le vêtement,

    Maille à maille, de dénûment,

    Pour les maisons et les enclos

    Des villages gris et vieillots :

    Linges et chapelets de loques

    Qui s'effiloquent,

    Au long de bâtons droits ;

    Bleus colombiers collés au toit ;

    Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,

    Un emplâtre de papier bistre ;

    Logis dont les gouttières régulières

    Forment des croix sur des pignons de pierre ;

    Moulins plantés uniformes et mornes,

    Sur leur butte, comme des cornes

     

    Clochers et chapelles voisines,

    La pluie,

    La longue pluie,

    Pendant l'hiver, les assassine.

     

    La pluie,

    La longue pluie, avec ses longs fils gris.

    Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides,

    La longue pluie

    Des vieux pays,

    Eternelle et torpide !

     

     (Recueil : Les villages illusoires - 1895)
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  • Commentaires

    7
    Lundi 23 Août 2021 à 09:17

    Il était à la mode, j'ai appris aussi une partie du poème "le vent", j'en ai gardé des bons souvenirs de ce poète. 

    Bonne semaine.

    6
    Lundi 23 Août 2021 à 03:55
    colettedc

    Merci Anne-Marie, pour le partage du vent et de la pluie de cet excellent auteur. Bonne journée. Bisous

    5
    Dimanche 22 Août 2021 à 21:10

    J'en ai de vagues souvenirs 

    C'est vrai qu'il est un peu à part 

    Et pas facile à apprendre ... quand on est jeune 

    Bonne soirée 

    Bises 

    4
    Dimanche 22 Août 2021 à 15:48
    Renée

    Il a de super beau poèmes que j'avais découvert entre autre avec le mardi poésie de Lydie.....Bisous doux dimanche

      • Dimanche 22 Août 2021 à 18:52

        J'aime beaucoup son style peu conventionnel, à la fois plein de lyrisme et de réalisme pour l'époque !

        Il avait dépassé les règles assez strictes de la poésie classique  !

        Bonne fin de dimanche

        Bisous doux également

         

    3
    Dimanche 22 Août 2021 à 11:15

    Je ne connaissais pas ce poète. Merci de cette découverte. Bon dimanche. Daniel

      • Dimanche 22 Août 2021 à 11:45

        De rien Daniel !

        C'est un plaisir de partager ce que l'on aime avec d'autres plumes de poète !

        Bon dimanche

        An'Maï

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