• Chapitre 22

    24 février, 22h

     

    Après deux jours de total farniente et deux nuits réparatrices, toujours sans nouvelles d’Antonio, elle décida de faire fi de ses réticences et d’appeler Hawk.

    « Bonjour Mary ! »

    Elle n’avait pas eu le temps de formuler son appel qu’il était là. Magnifique, flottant à quelques centimètres du sol dans sa bulle bleue, son corps astral la dominait. Son regard d’azur intense posé sur elle la dévisageait, plein d’amour et de sollicitude. Sa voix rauque la pénétrait, perçait les défenses de son esprit rebelle. Les intonations tendres, si caressantes la faisaient frémir. Elle fut tellement éblouie qu’elle en ferma les yeux

    « Ouvre les yeux Mary, regarde moi ! Tu ne rêves pas. »

    « Hawk… »

    « Oui, Antonio a réussi ! Au-delà de tes espérances mon amour ! Nous ne pourrons jamais assez te remercier pour ce que tu as fait ! »

    « Je n’ai pas… »

    « Réfléchi, je sais ! Tu l’as fait d’instinct Mary. Parce que tu es ainsi faite, folle et brave ! »

    « Il avait promis de… »

    « Te prévenir ? Je le lui ai interdit et il en était très en colère, crois-moi ! Je voulais que tu m’appelles mon cœur ! »

    « C'est cruel ! Tu es un… »

    « Salaud ? Tu as raison Mary mais je t’aime ! Je voulais que tu te rendes compte que tu as besoin de moi comme j’ai besoin de toi. Entendre ta voix, te voir sans pouvoir te toucher m’est intolérable ! Moins cependant que ton silence obstiné ! »

    « Hawk, tu m'as aidée,, vous m'avez tous aidée, n'est-ce-pas ? »

    « C'est vrai ma mie mais je pense que tu aurais pu réussir sans nous tellement tu le voulais ! »

    « Hawk… Je… »

    « Non ! Ne dis rien encore dont tu ne sois absolument sûre ! Moi, je t’aime et pour l’instant, ça me suffit ! »

    Dieu ! Elle avait réellement été sur le point de lui dire…Elle se reprit.

    « Alors ils sont tous guéris, n’est-ce-pas ? »

    « Presque tous et bientôt, ils seront libres ! »

    « Libres ? »

    « Oui, ils s’organisent peu à peu. Ils sont déjà parvenus à circonvenir certains gardiens. Ils y vont doucement afin de ne pas éveiller les soupçons des autres. Des neurologues attachés au camp surtout ! Mais c’est en bonne voie et beaucoup des nôtres sont d’ores et déjà en Australie pour leur prêter main forte s’il le faut ! »

    Elle se mit à pleurer de soulagement. De bonheur aussi parce qu’il était là mais cela, elle ne l’aurait admis pour rien au monde. Qu’importe ! Il savait de toute façon !!

    « C’est ça ! Pleure ma douce, libère- toi ! »

    « Je suis si heureuse ! »

    « Si je ne te connaissais pas aussi bien, je serais jaloux d’Antonio. Mais ce n’est pas lui que tu aimes, n’est-ce pas mon cœur ? »

    « Non, c’est… »

    « Hubert ? Parlons- en ! Cesse-donc de te leurrer sur toi-même Mary ! Il faudra bien que tu règles ce problème un jour ! »

    « Je… »

    « Non ! Admets-le enfin, c’est moi que tu aimes ! »

    « Je croyais que tu voulais que je sois sûre avant de te le dire ? »

    Cet aveux à peine déguisé les laissa tous deux muets durant quelques secondes. Elle aurait voulu le ravaler mais c'était trop tard.

    « Te reverrai-je ? » Ne put-elle s’empêcher de lui demander. Elle s’en mordit aussitôt la langue. Il n’allait pas manquer d’en tirer des conclusions ce fourbe !

    « Je ne suis pas fourbe mon amour ! J’en sais simplement plus sur toi que toi-même ! Et c’est oui, nous nous reverrons car chaque fois que tu auras besoin de moi, je viendrai ! »

    Sur ces mots, il disparut, un sourire victorieux aux lèvres.

    « Hawk ! » Cria-t-elle comme pour le retenir mais il n’était plus là.

    Ce ne fut qu’alors qu’elle prit conscience que non seulement leur dialogue avait été totalement télépathique mais encore qu’elle n’en avait ressenti aucune gêne. Elle se rendit également compte qu’elle n’avait pas tenté de ranimer sa haine. Peut-être que la joie profonde qui la baignait de savoir les prisonniers d’Australie guéris et en passe de récupérer leurs facultés normales et paranormales, surpassait tous les autres sentiments.

    Rien de néfaste n’avait pu ternir cette joie, pas même lorsqu’elle avait lu dans l’esprit de Hawk les terribles conséquences de la lobotomie chez certains Mus parmi les premiers arrêtés. Cent d’entre eux avaient succombé à l’étrange dégénérescence qui les frappaient tous au bout de trois ou quatre mois selon les cas, quelquefois d’avantage pour les plus résistants. Elle endommageait progressivement et irrémédiablement leur cerveau finissant par affecter tout leur organisme jusqu’à entraîner la mort.

    Cette dégradation neuronale était encore renforcée par les conditions déplorables de la vie au camp : malnutrition, manque de sommeil, sévices, expériences médicales, travail exténuant, pas de soins, pas d’hygiène…

    Lorsqu’ils mouraient, c’était une double mort, puisque privés de leurs pouvoirs par la lobotomie, ils ne pouvaient les transmettre. Il y avait aussi deux-cents d’entre eux qui, trop atteints, n’avaient pu être sauvés de la mort qu’in extrémis mais qu’Antonio, aidé de ceux qu’il avait déjà régénérés, n’avait pu guérir totalement. Ceux-là, le cerveau marqué à vie, ne récupèreraient probablement jamais ce qui faisait l’essence même des Mus, le Pouvoir ! C’était là une amputation bien plus douloureuse que la lobotomie. Cependant, malades ou pas, ils seraient bientôt tous libres.

    Un poids énorme venait de tomber des épaules de Mary. Elle se sentait légère…Si légère qu’elle planait, accrochée à un nuage. Elle ralluma toutes les lumières qu’elle avait éteintes pour mieux se concentrer et…s’aperçut qu’elle planait réellement ! Elle flottait à un mètre du sol en lévitation spontanée. Il était vraiment temps qu’elle apprenne à contrôler ces facultés dont elle découvrait chaque jour de nouvelles manifestations.

    Elle retomba littéralement sur terre, sans douceur. Heureusement qu’elle était au-dessus de son lit ! Elle imaginait sans peine la catastrophe si elle « s'envolait » ainsi chaque fois qu’elle serait transportée de bonheur ! Et la chute qui s’ensuivrait ! Et la frayeur des possibles témoins de ce phénomène tout à fait anormal ! Elle se retrouverait en prison, à coup sûr ! Là elle était chez elle, en sécurité. Le pendentif n’avait pas besoin de jouer son rôle d’avertisseur. Dehors, il le faisait mais il ne faisait que cela. Il n’empêchait pas les dons de se manifester, il les rendait juste prévisibles, pas contrôlables comme elle le pensait. Cela, elle seule pouvait le faire, elle venait tout juste de le comprendre.

    Elle décida de profiter de la petite semaine de repos qu’il lui restait pour intégrer au mieux ce pouvoir magique qu’un destin mystérieux avait mis dans sa tête et entre ses mains. Elle allait l’accepter enfin, sans honte ni colère, apprendre à le connaître, s’en rendre maîtresse afin de savoir s’en servir utilement et surtout sans danger.

    Elle était une Élue, il fallait qu’elle apprenne à vivre avec cela ! Elle entendit Hawk, son invisible protecteur lui susurrer :

    « Tu as raison mon amour mais reste prudente tout de même ! »

    Pendant quelque secondes, submergée de bonheur, elle flotta de nouveau à un mètre du sol.

    « Je l'aime ! Je l'aime ! » Chantait son cœur en dépit de la volonté de son esprit de refouler encore cette incontournable vérité.

     

    1er Mars

     

    Elle avait repris le travail avec un regain de bonne humeur qu’elle ne voulait toujours pas totalement s'expliquer à elle-même mais qu’elle expliquait aux autres par la proximité du retour d’Hubert. Elle était redevenue pleine d’entrain et de joie de vivre pour le plus grand plaisir de ses amis comme de ses patients, heureux d’avoir enfin retrouvé l’ancienne Mary-Anne, pétillante et encline à l’humour.

    La grossesse de Surprise commençait à se voir. Ce ventre à peine arrondi l’émouvait beaucoup. Un jour qu’elle le tâtait pour y déceler la petite vie en gestation, celle-ci s’en étonna.

    - Eh ! Il ne bouge pas encore !

    - Je sais bien ! Mais l’idée que toi, ma petite sœur de cœur, tu vas bientôt avoir une…un enfant me bouleverse !

    Elle avait une fois de plus failli se trahir en disant à son amie que c’était une petite fille qu’elle attendait, alors qu’elle savait pertinemment pourtant qu’à ce stade, l’échographie n’avait encore rien pu révéler. Heureusement, Surprise n’avait pas noté ce fâcheux lapsus.

    - Un jour ce sera ton tour ma puce ! Avait-elle répondu.

    - C’est ça ! Mais toi, ne te fatigue pas trop hein ! Et pas d’imprudence !

    - Bien maman !

    Elles avaient éclaté de rire comme deux gamines. Alexeï qui passait justement par là, suivi d’une Hortensia l’air aussi grincheux que de coutume, les avait apostrophées d’un ton faussement sévère :

    - Alors mesdames, on s’amuse au lieu de travailler ? Allez, au boulot !

    - Bien chef ! À vos ordres chef !

    Avaient-elles répliqué en chœur en se mettant au garde-à-vous avant de se sauver en courant dans le long couloir blanc résonnant encore de leurs rires. Tout cela sous l’œil indigné et ulcéré de Vésuve dont Mary-Anne avait pu percevoir les pensées vengeresses dirigées seulement contre elle bien sûr ! Elle ne pouvait décemment rien faire contre la femme du « patron »

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  • Commentaires

    2
    Vendredi 21 Octobre 2022 à 16:38

    Ca ne rigole pas au boulot, enfin si derrière le dos du patron. 

    Bon week-end.

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    1
    Mercredi 19 Octobre 2022 à 19:07

    Au boulot, le boss est un sérieux, pas le temps pour la pause "rire".... amitiés, JB

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