• Chapitre 24

    Jeudi 1er mars 2059

     

    Le plan d’Andréa prenait forme et consistance et elle se régalait à l’avance de sa phase exécutoire. Les rouages bien huilés de son machiavélique cerveau tournaient à plein régime tandis qu’elle chevauchait allègrement l’un de ses nombreux amants d’une nuit.

    - Je réfléchis toujours mieux en baisant avec quelqu’un d’autre que toi mon chou ! Avait-elle donné comme fallacieux prétexte à Felipe pour ne pas le rejoindre dans son lit cette nuit -là.

    En fait, elle avait repéré ce jeune gardien à peine débarqué à la Forteresse trois jours plus tôt. Il était très beau, très frais surtout. Une denrée rare en ces lieux où la jeunesse se périmait très rapidement ! Elle s’était donc promis de se le faire au plus vite avant qu’il ne tombe dans les filets d’une autre matonne. C’était comme d’habitude, sans conséquence sur sa relation suivie avec Jiménez même si elle lui avait menti en affirmant mieux cogiter loin de lui. Le sexe, que ce soit avec lui ou avec d’autres, avait toujours eu le pouvoir d’augmenter considérablement sa capacité de réflexion.

    Tout en se livrant à une gymnastique des plus satisfaisantes pour ses sens, elle repensait intensément à la petite séance orgiaque organisée dans la cellule 27. Elle seule avait remarqué la présence - discrète pourtant - de la belle Wladi. Elle avait noté la rougeur significative et le regard envieux que la polonaise avait jeté sur les deux hommes qui lui faisaient l’amour en même temps. Mais elle avait tout de suite compris que ce n’était pas eux que Koslowski voulait ! C’était elle, Andréa et elle seule qui la faisait rougir et défaillir de désir ! Cette évidence l’avait frappée comme la foudre : l’autoritaire, la hautaine directrice adjointe, bonne mère et épouse modèle, aimait les femmes !

    Le lendemain, la Baumann et Moïse étaient en repos pour trois jours. À 6h30 ce vendredi-là, juste après le départ du grand chef et de la Walkyrie, elle entra dans le bureau de Wladislawa pour y prendre ses ordres en se déhanchant outrageusement, bien décidée à utiliser ce qu’elle avait deviné des penchants lesbiens de l’adjointe directoriale et à jouer de ses charmes pour la séduire à seule fin de la soudoyer. Les deux premiers boutons de sa chemise négligemment défaits, laissaient entrevoir des seins ronds, haut placés que rien n’entravait.

    Elle capta aussitôt le regard de l’autre femme sur sa poitrine ainsi offerte alors qu’elle se baissait pour poser sur le bureau deux bouteilles de vodka polonaise, exposant un peu plus encore ses deux rondeurs généreuses devant les yeux de Wladi que ce spectacle faisait rougir et transpirer.

    Entre autres informations glanées sur l’adjointe de Douala, Andréa avait appris que la vodka - polonaise bien sûr- était l’un de ses péchés mignons. Elle se marrait en douce de voir les yeux de Wladi, luisants de convoitise autant pour les dives bouteilles que pour ses nichons.

    - Vous m’inviterez bien à en boire un verre après le service, chef ! Lui lança-t-elle en lui servant une de ces œillades assassines dont elle avait le secret et qui faisaient tomber à ses pieds hommes et femmes.

    - Euh…Bien sûr. Balbutia l’interpellée en rougissant de plus belle, oubliant momentanément sa position hiérarchique.

    - Ce soir 18h alors ?

    - Euh… non ! Viens plutôt vers 19h30… Pas ici…Chez moi ! Et... Johnson… Hum… Sois discrète s’il te plaît !

    - Bien m’dame !

    La belle avait mordu à l’hameçon. Elle avait même avalé l’appât et toute la ligne avec !

    À 19h30 plus quelques minutes pour faire bonne mesure et rendre sa proie plus impatiente encore, Andréa se pointa à la surface. Elle s’annonça à l’interphone du coquet logement de Wladi qui lui ouvrit aussitôt et la fit entrer, s’effaçant devant elle. Elle avait troqué sa tenue administrative - veste bleu-marine galonnée, jupe droite juste au-dessous du genou, chemise blanche boutonnée jusqu’en haut et cravatée serré, talons plats, chignon réglementaire - contre une large jupe dansante en soie rouge vif assortie d’un chemisier noir en soie lui aussi dont la légère transparence laissait deviner deux jolis seins aux rondeurs prometteuses, libérés de l’habituelle entrave du soutien-gorge. Elle s’était parfumée, maquillée avec soin et ses cheveux libérés, blonds comme les blés, lui tombaient jusqu’aux reins en vagues opulentes.

    « Fichtre la belle plante que voilà ! Elle cache bien son jeu Wladi ! » Pensait Andréa en la détaillant avec gourmandise.

    Ladite Wladi rosit d’émoi sous le regard de braise de son invitée. À la voir ainsi, tremblante et timide comme une collégienne à son premier rendez-vous, aussi rougissante et romantique qu’une midinette énamourée, nul n’aurait pu croire que c’était-là une femme d’âge mûr, mariée depuis plus de vingt ans et mère de deux grands enfants. Sous ses cils joliment recourbés, elle couvait littéralement Andréa de ses yeux bleus. Elle les baissa soudain, honteuse d’être incapable de cacher son admiration.

    - Viens donc t’asseoir et goûtons cette excellente vodka ! Lui dit- elle pour masquer son trouble en l’entraînant vers le petit salon décoré avec goût.

    Elles s’assirent côte à côte sur le moelleux canapé garni de coussins multicolores. Wladi ouvrit la première bouteille et les servit toutes deux. Après deux ou trois verres, la polonaise avait perdu tous ses complexes. Elle parla d’elle et de sa vie. Elle était intarissable. Trois autres verres plus tard, elle se mit à rire bêtement et à évoquer ses déboires conjugaux, étalant sans complaisance son inexpérience des choses du sexe due au manque d’imagination de son mari au lit. Un désert sexuel qui l’avait conduite ici, sa profession ayant au moins le mérite de ne pas la faire périr d’ennui comme elle y périssait entre les bras de son trop fade époux ! Soudain elle demanda tout à trac :

    - Dis-moi, c’est vrai que tu aimes faire l’amour avec tes détenues ?

    - Ben oui ! Et alors, ça te dérange ?

    - Euh… Pas… pas du tout mais…

    - Mais ça t’intéresse hein coquine !

    - Andréa ! Je ne te permets pas…

    - Oh que si tu me permets ! Et même que tu voudrais bien en savoir plus, pas vrai ?

    - Non… Mais je…

    - Tu es curieuse, c’est normal ! Je vais te dire ma jolie, les hommes c’est super quand on sait les mener et les femmes, c’est pas mal non plus ! Elles ont des mains sacrément plus douces que celles des mecs ! Et la langue ! Je te dis pas ! T’as jamais essayé ?

    - Non, non ! Jamais ! S’écria-t-elle offusquée.

    - Oh la la ! Te braque pas ma poule ! Y a pas de mal à essayer ! Tu sais, moi je suis hétéro et je prends mon plaisir là où je le trouve. Hommes, femmes c’est du pareil au même pour moi du moment qu’ils savent me satisfaire. Tu devrais en faire autant au lieu de te plaindre de ta petite bite de mari !

    - T’exagères Johnson !

    - Oh que non ! J’exagère pas !

    - Quand même …

    - Allons ! Laisse-moi rire ma poulette ! D’abord tu cries au manque d’imagination de ton homme au lit et après, tu joues les effarouchées parce que je te parle d’essayer une chatte à la place d’une queue !

    - D’accord, d’accord ! Te fâche pas, tu as raison Andréa ! Dans un sens, c’est vrai que j’aimerais bien essayer mais dans l’autre, j’aurais peur qu’après ça se sache et qu’on dise que je suis…

    - Une lesbienne ? Tu rigoles chérie ! Il te faudrait une partenaire qui n’en soit pas une justement ! Une partenaire de confiance ! Comme ça, tu ne risquerais pas d’être pervertie ou trahie. Et ce serait juste histoire de comparer ma vieille, c’est tout ! Ça ferait pas de toi une gouine pour autant ! Qu’est-ce que tu crois !

    - Mais qui…

    - Voyons Wladi ! Tu ne vois vraiment pas ?

    - Tu… Tu accepterais de…

    - T’initier ? Ma chérie, j’en meurs d’envie depuis que je suis entrée. Tu es si belle ! Si excitante !

    - Tu… Tu me trouves belle ? Et excitante ?

    - Hyper bandante poupée ! Ton mec est un pauvre con ! Mais je suis pas lui et je crois que je pourrais te satisfaire mieux que lui ! Tu veux vérifier ?

    - J’ai… J’ai peur Andréa… J’ai jamais fait ça avec une femme… Tu seras…

    - Très gentille ! On va commencer doucement. Tu aimes mes seins je crois. Donne ta main !

    Puis, joignant le geste à l’injonction, elle saisit la main tremblante de Wladi et la posa sur sa poitrine tendue à faire craquer les boutons de sa chemise.

    - Vas-y, caresse ma beauté, ça mord pas !

    Pétrifiée, le rouge au front, les yeux clos, Wladi se mordait la lèvre inférieure jusqu’au sang. Elle n’osait esquisser le moindre geste mais elle ne retira pas sa main.

    Ce fut Andréa, qui la reprenant dans la sienne, la força à amorcer un doux mouvement circulaire autour de l’une puis de l’autre de ses larges aréoles brunes dont les pointes se dressèrent aussitôt, leur tirant à toutes deux un soupir de plaisir.

    - Hum… Tu as les mains si douces ma chérie ! Murmura Johnson. Je veux les sentir su ma peau nue…

    Elle repoussa gentiment la main de Wladi puis déboutonna fébrilement sa chemise, dévoilant ses plantureux appas. Elle se prenait au jeu. Les bourgeons incarnats étaient érigés et douloureux, alors, comme sa partenaire, pudique et intimidée ne réagissait toujours pas, elle entreprit de les caresser et de les triturer entre ses doigts impatients.

    Wladi rouvrit grand les yeux et regarda. La chaleur irradiait entre ses cuisses mais elle n’osait rien faire. La honte l’envahissait en même temps que l’envie ravageuse de remplacer la main d’Andréa par la sienne…

    - Hum… C’est bon… Exhalait l’aguicheuse d’un ton rauque en faisant rouler ses tétons entre le pouce et l’index C’est comme ça que je veux que tu me caresses ! Allez, essaie !

    Et elle reprit les deux mains de Wladi cette fois, les reposa d’autorité sur sa poitrine et recommença à les guider, jusqu’à ce qu’elles s’enhardissent et se décident à agir seules. Enfin ! Ensuite, tout alla très vite. La polonaise s’embrasa soudain, perdant toute retenue.

    Les vêtements des deux femmes volèrent aux quatre coins du salon et le canapé devint le théâtre d’un furieux corps à corps où bouches et mains exploraient avidement la moindre parcelle de la peau de l’autre. Les murmures enflammés fusèrent, se transformèrent en gémissements de plaisir puis en cris de jouissance.

    Ce fut un véritable feu d’artifice sexuel et une passionnante découverte pour la respectable épouse de Stanislas Koslowski !

    - Salope ! Hurla-t-elle folle de plaisir, lorsqu’un orgasme cosmique, tel qu’elle n’en avait jamais connu la fit chavirer.

    À demi pâmée, le corps arqué et secoué de spasmes incoercibles, elle hurlait et hurlait encore :

    - Salope ! Putain !

    Elle ne se rendait pas compte que c’était elle-même qu’elle insultait de la sorte, non pas son initiatrice. Elle en redemanda cependant et elles refirent l’amour jusqu’à épuisement. Elle ne cria grâce qu’après avoir exploré toutes les ressources de ce jeu si nouveau pour elle. Lorsque Andréa la quitta, repue elle aussi, elle avait la promesse de la directrice adjointe de se faire ouvrir la cellule zéro dès qu’elle le voudrait. Une promesse extorquée autant dans l’ivresse des sens que dans celle de l’alcool et qu’elle se promettait de faire respecter le plus rapidement possible. Elle la tenait désormais ! Wladi avait goûté aux plaisirs de Lesbos, elle en redemanderait !

    Le samedi soir, après son service, elle était retournée chez Wladislawa sur l’invitation on ne peut plus claire de cette dernière que leurs prouesses de la veille - ainsi qu’elle l’avait prévu - avait mise en appétit. Elle voulait vérifier si elle était capable de faire l’amour avec une femme sans avoir recours à la vodka. Elle put. Et elle en éprouva un plaisir plus enivrant encore que la première fois.

    Enfin rassasiée, la directrice adjointe que sa cuite monumentale du vendredi soir, suivie d’une gueule de bois de première, n’avait pas pour autant rendue amnésique demanda :

    - Dis-moi Andréa ! Pourquoi tiens-tu tant à voir la détenue du mitard de près ? Tu sais pourtant que c’est interdit !

    « Et si tu crois que je vais t’en dire plus sur elle, tu te goures ma petite ! Baiser avec toi, c’est une chose, foutre ma carrière en l’air, c’en est une autre ! » Pensait- elle en épiant la réaction de Johnson.

    Et elle se demandait ce que l’autre pouvait bien savoir pour avoir ainsi joué son va-tout afin de la circonvenir. Car elle se doutait bien que c’était uniquement pour cela qu’elle l’avait soûlée et entraînée dans ses délires érotiques.

    - Je sais bien qu’elle est au secret mais je me demande bien pourquoi et je suis pas la seule, crois-moi ! Tu ne te poses pas de question toi ?

    - Si mais c’est comme ça ! Les ordres sont les ordres ! Moi je suis là pour les faire respecter. Point !

    - Tu es déjà entrée la voir ?

    - Bien sûr ! Quelle question ! Et Douala aussi, une seule fois. Et puis Baumann évidemment puisqu’ en dehors de nous deux, c’est elle sa gardienne attitrée.

    Andréa ne lui avoua pas que ce trouillard de dirlo n’était pas entré dans la cellule zéro. Mais si la polonaise elle, l’avait fait, elle saurait bien lui tirer les vers du nez.

    - Et alors ? Insista-t-elle

    - Et alors rien ! J’ai pas le droit d’en parler et eux non plus !

    - T’as lu son vrai dossier ?

    - Non ! Ça j’ai pas le droit, sauf si Douala venait à mourir et que je doive le remplacer. Lui seul peut le lire et je pense pas qu’il l’ait fait. Il se fout pas mal de 1058.01. La seule chose qui l’intéresse, c’est qu’elle crève rapidement ! Sa mort libérera le mitard. Il espère bien - et moi aussi - qu’on ne nous enverra aucun autre détenu au secret après celle-là ! Faudrait pas que ça devienne une habitude !

    - Ben justement, parlons-en de sa mort à cette sale bête ! Il paraît qu’elle est foutrement malade et qu’elle en a plus pour longtemps ! C’est le bruit qui court depuis pas mal de jours en tous cas ! Alors pourquoi elle a pas encore clamecé hein ?

    - Tu m’emmerdes avec tes questions ! J’en sais rien moi ! Et même si je savais, je pourrais rien te dire, pigé ? En plus, je m’en balance figure-toi de la détenue du mitard !

    - Si tout le monde s’en fout, qu’est-ce qui t’empêche de me la montrer ? Ou qui plutôt ?

    - Qu’est-ce que tu veux dire ?

    - Je me comprends ! C’est pas croyable ! Elle te tient comment Baumann ?

    - T’es folle ou quoi ? Personne me tient ! Tu m’entends ? Personne !

    - Prouve-le alors et laisse-moi la voir ! Ça te coûte quoi de me faire ce petit plaisir ?

    - Fais chier Andréa ! Pourquoi tu veux la voir ? Qu’est ce que tu lui veux à cette pauvre loque ?

    - Mais rien ! Rien du tout, je t’assure ! Juste la voir de près, rien qu’une fois et après, je t’emmerderai plus avec ça ! Juré !

    - Et tu n’en parlerais à personne ? Ça aussi tu es prête à me le jurer ?

    - À personne, même pas à Felipe ! Promis ! Quel serait mon intérêt d’en parler hein ? Tu veux bien me le dire ? Crois-moi mon petit cœur, je me tairai ! Je tiens à ma place moi !

    - Bon, c’est d’accord ! Je te fais confiance chérie ! On verra ça demain. Oui, c’est ça, demain matin de bonne heure, vers 5h tiens, ce sera plus discret ! T’auras qu’à entrer, ce sera ouvert. Au fait, amène une autre bouteille de vodka. Je te préparerai un petit-déjeuner polonais dont tu me diras des nouvelles. Après, on baisera et je t’emmènerai la voir puisque tu y tiens tellement !

    - Top là beauté ! T’es un amour ! Ce sera un vrai plaisir !

    Et là-dessus, elle ne mentait pas. Wladi la changeait agréablement des détenues. Il faut dire qu’elle était nettement plus participative !

    C’était presque gagné ! En fin de compte, ça avait été plus facile et plus rapide que prévu. Demain, elle mettrait son plan à exécution. Elle en éprouvait par avance une joie sadique.

    Le lendemain matin aux alentours de 5h, alors que la Forteresse dormait encore, sa bouteille de vodka à la main, fourmillant d’une délicieuse impatience, Andréa Johnson était devant la porte de Wladi, ouverte comme elle le lui avait dit. Elle entra donc. Complètement nue, adossée à son bureau, offerte, la directrice adjointe l’attendait. L’invite était on ne peut plus évidente.

    - Baise-moi ! Vite ! J’ai envie ! Ordonna la polonaise d’une voix mourante.

    Andréa obtempéra avec ardeur. Elle était pressée. Après quoi elles débouchèrent la bouteille de vodka qu’elles éclusèrent en guise de petit-déjeuner typiquement polonais entre deux folles étreintes. Wladi se révélait insatiable ! Tellement insatiable qu’elle ne se rendit pas compte qu’en fait, Andréa ne vidait jamais son verre et qu’elle elle était donc la seule à boire vraiment. Et même si elle tenait pas mal l’alcool, elle en avait bu au moins les trois quarts à elle seule !

    Ce fut donc plus qu’à moitié ivre qu’au terme de leurs fougueux ébats, elle emmena sa maîtresse jusqu’au quatrième sous-sol, devant la lourde porte à ouverture électronique codée de la cellule zéro qu’elle lui ouvrit. La prisonnière était encore couchée, entièrement cachée par la fine couverture, le nez contre le mûr. Il était un peu plus de 6h. Personne n’était venue la réveiller ni lui apporter son premier repas. Et pour cause, la responsable était occupée ailleurs !

    « Pas grave, elle bouffera demain et si elle crève de faim ce sera pas plus mal ! » Pensait Andréa qui touchait au but. Elle était là, dans la Zéro et non plus derrière un œilleton. Elle était tout près du monstre ! Enfin ! Si près qu’elle pouvait sentir l’odeur infecte, pestilentielle qui se dégageait d’elle !

    « Normal qu’elle pue cette chienne ! Une douche tous les quinze jours c’est pas assez pour la décrasser… » Pensait-elle encore en scrutant avidement la forme recroquevillée de froid sur l’étroite paillasse.

    Et la petite fête qu’elle avait promis d’offrir à Jiménez quand elle aurait atteint son but, se dessina soudain très précisément. Elle n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle avait envisagé au départ. C’était vrai qu’elle avait prévu de s’occuper d’abord de la mutante en lui faisant subir quelques petites tortures de son cru, Indécelables mais bougrement douloureuses ! Après quoi elle serait allée rejoindre son amant et aurait déployé à son seul profit, toute la gamme, très étendue de ses talent sexuels. Passer un prisonnier à tabac l’avait toujours mise dans une forme éblouissante et le festival érotique qui s’ensuivait généralement n’était jamais pour déplaire à ceux de ses amants qui en bénéficiaient. Le sadisme exacerbait ses sens, la rendant plus inventive encore que d’habitude. Mais l’idée géniale qui venait de la traverser puis de s’imposer à elle avec une merveilleuse netteté, nécessitait un plus grand nombre de participants pour la parfaite réussite de leur nouba … Galvanisée par ce qu’elle venait de concocter, elle ordonna :

    - Debout raclure!

    Comme la loque sous la couverture ne réagissait pas, elle la secoua. C’était la première fois qu’elle la touchait. Un frisson de répulsion la parcourut. Elle aurait voulu la tuer à coups de poings, là, sur place. En même temps que le dégoût, l’envie de massacrer l’ordure qui tardait à obéir faisait naître une autre sensation, trouble, violente. Une sensation qui la submergeait, lui embrasait le ventre, durcissait les pointes de ses seins, l’amenant presque à l’orgasme. Elle en oubliait la présence de Wladi près d’elle.

    - J’ai dit lève toi salope ! Éructa-t-elle en la secouant plus fort.

    - Hi hi hi ! T’…T’as oublié… s… son… M…Matricule ! Pouffa une Wladi hilare.

    - Ah oui ! Son putain de matricule ! Je l’oublie toujours ! 1058.01, lève-toi espèce de fiente puante ! Vociféra-t-elle.

    Ce qu’elle découvrit dès que la mutante se fut dégagée de la couverture et levée, la mit en rage et décupla sa haine et ses envies de meurtre.

    « Pas tout de suite, retiens-toi Andréa ! Faut d’abord qu’on s’amuse un peu avec elle ! » Se morigéna-t-elle. Mais, putain de merde ! Il y avait bien de quoi perdre son sang froid. La sale bête était grosse. Elle portait un petit monstre comme elle dans son ventre ! Un bâtard immonde ! Quand on la voyait de tout près et chaque jour en plus, il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que cette pourriture était enceinte. C’était donc ça que cette salope de Baumann protégeait !

    - T… T’as vu ? Elle est m…mal en p… point hein ? Bredouilla Wladi, la voix pâteuse.

    « Merde ! Elle est encore là celle-là ! »

    - Mal en point ! Tu veux rire ? Elle pleine comme une grosse truie sur le point de mettre bas ! C’est quoi ce bordel ? T’étais au courant ?

    - Oui… Non… Et puis M… Merde ! J… Je m…m’en f… f… fous moi! Elle v… va c…crever de t… t…toute f… façon ! Rétorqua laborieusement Wladi.

    Andréa se força à se calmer. Pas besoin de braquer la polonaise ! Elle était soûle et ça l’arrangeait.

    - T’as raison ma poule ! On s’en fout après tout ! Fit-elle semblant d’acquiescer. Puis, mielleuse, elle poursuivit mine de rien :

    - Tu as tenu parole, je t’adore ! Et je te promets que ça restera entre nous, comme le reste ma chérie !

    Et ce « reste » était une allusion à peine voilée à cet autre secret - très embarrassant pour Wladi - qu’elles partageaient désormais et qui pouvait lui servir de moyen de pression sur la directrice adjointe lorsqu’elle aurait recouvré ses esprits ! Pour peu qu’elle ait des remords, on ne sait jamais !

    - Maintenant que… Que tu as eu ce que… Tu… Tu voulais, Tu …re… rev…Reviendras me … Voir ?

    - Mais bien sûr ma beauté ! Je te plais, tu me plais, y a pas de raison de s’en priver pas vrai ? Bon ! Tu dois être fatiguée ma chatte ! T’as pas l’habitude comme moi mais t’inquiète, ça viendra ! Va donc te reposer, je te retrouve ce soir dans ton bureau ! Je te ferai des trucs, je te dis que ça ! En attendant, faut que je bosse ! Je suis pas l’adjointe du dirlo moi !

    - Tu. Tu viendras ? Tu le jures ?

    - Promis juré, mon petit sucre d’amour ! Va !

    La promesse de nouveaux plaisirs fit vaciller Wladi mais elle obéit et partit en titubant sans même se rendre compte qu’elle n’avait pas refermé la cellule. À peine eut-elle disparu au détour du couloir, qu’Andréa appela Jiménez pour lui faire part de son idée pour la « petite fête promise » et lui donner ses instructions sans toutefois lui dire ce qu’elle amènerait.

    - T’as réussi à voir la détenue de ton mitard alors ? demanda-t-il

    - Ouais chéri et ça m’a mise très, très très en forme ! Prépare toi à une sacrée surprise, tu vas pas être déçu mon chou !

    Puis elle revint à l’infâme créature qui, debout, les mains croisées sur son gros ventre et sur la vermine qu’il contenait, attendait ses ordres avec ce regard abruti qu’elle avait déjà vu chez tous ces salauds de mutants lobotomisés du camp australien. Un regard bien plus idiot et vide que celui des lobos de droit commun !

    - 1058.01 ! Douche ! Aboya-t-elle.

    Elle n’attendit pas que la proie tant convoitée se mette en mouvement pour l’empoigner brutalement et la traîner manu militari vers l’escalier qui menait à l’étage sanitaire des femmes. Personne en vue ! Normal, c’était dimanche, Baumann était absente et Wladi ivre morte devait être en train de cuver sa vodka en plus de son trop plein de baise. Les détenues n’iraient pas à la douche aujourd’hui, les matonnes faisaient la grasse matinée !

    Elle ne s’attarda dans les sanitaires des femmes que le temps de tondre la garce. Il y avait tellement longtemps qu’elle en avait envie qu’elle le fit avec rage jusqu’à en écorcher le crâne de la protégée de Baumann. Piètre vengeance mais ce n’était que le début ! La Walkyrie n’aurait pas intérêt à l’ouvrir. Elle était en tort sur ce coup-là. Tous les détenus étaient tondus à ras, c’était le règlement !

    Elle emprunta ensuite les longs couloirs qui menaient au bloc sanitaire des hommes.

    - Avance chienne, direction les douches ! Hurla-t-elle à sa victime qui flageolait sur ses jambes maigres.

    Et pour qu’elle aille plus vite, elle lui asséna dans le dos de violents coups de crosse de son arme de service. Elle avait abandonné l’usage obligatoire du numéro matricule. Elle n’en avait plus besoin puisque la chienne en question devrait avancer de toute façon, de gré ou de force. Elle aurait même trouvé le jeu encore plus amusant si elle avait résisté, ça lui aurait donné une excuse pour la punir cruellement. Mais ces bêtes là étaient programmées pour obéir et elle n’avait pas besoin d’un putain de prétexte pour frapper cette pourriture de mutante.

    Celle-là allait payer pour tous les autres. Elle allait en baver et souffrir. Car ils souffraient ces salauds. Elle était bien placée pour le savoir. Là-bas, en Australie, ils couinaient comme des porcs qu’on égorge quand on les tabassait !

    Au bloc des douches de l’aile ouest, son comité d’accueil l’attendait. Outre Felipe, presque tous les gardiens mâles en service ce jour-là étaient au rendez-vous qu’elle leur avait fixé par l’intermédiaire du gardien-chef mais en plus, il y avait une dizaine de détenus triés sur le volet par Jiménez selon les critères qu’elle lui avait imposés. Ils faisaient partie des fortes têtes, habitués du trou. Comme pour beaucoup de lobotomisés légers, leurs mauvais penchants n’avaient pas été suffisamment gommés. C’était même la raison de leur présence au QHI.

    Pour faire bonne mesure, ils étaient sexuellement frustrés. Une frustration régulière entretenue par leur proximité avec la cellule de Max. En tout donc, une petite vingtaine de mâles en rut, le regard veule et la langue pendante de convoitise pour la plupart. Être conviés à une partouze d’Andréa Johnson - c’est ce que Felipe leur avait dit faute d’en savoir d’avantage lui-même - suffisait à expliquer leur degré déjà bien avancé d’excitation sexuelle. Son apparition avec le zombie qui vacillait devant elle, prêt à s’écrouler, fit baisser d’un cran ce même degré chez plus d’un !

    Comparée à Andréa, véritable bombe incendiaire, bien en chair, plantureuse, dont les yeux marrons luisant de satisfaction perverse vous aguichaient à force d’œillades assassines et dont les formes généreuses constituaient à elles seules un irrésistible appel à la luxure, au viol même, la créature qui l’accompagnait, ou plutôt que Johnson poussait devant eux, n’était pas belle à voir. Grise, décharnée, elle n’avait plus rien de très humain. Elle avait dû être ravissante autrefois ! Elle avait des yeux étonnants qui, bien qu’éteints, étaient d’un vert saisissant ! Creusés par la pénombre permanente de sa cellule autant que par les privations, ils lui mangeaient le visage. Un visage tellement émacié que les pommettes en saillaient horriblement. Aucun détenu de la Forteresse n’avait jamais eu le temps d’atteindre un tel stade de dégradation !

    À en juger par l’état de son crâne couvert d’écorchures sanguinolentes, elle venait d’être rasée sans douceur. Andréa bien sûr ! La guenille informe qui la recouvrait pendait lamentablement autour d’elle. Elle était si élimée, si ravaudée de toutes parts qu’on se demandait par quel miracle elle tenait encore accrochée aux maigres épaules de la créature. De plus, elle devait crever de froid car elle était visiblement nue là-dessous ! L’hiver était particulièrement glacial cette année et les sanitaires n’étaient jamais beaucoup chauffés ! Pas plus que les mitards au demeurant !

    On ne pouvait qu’être saisi d’horreur à la vue de ce cadavre ambulant pourtant, aucun des « invités » d’Andréa ne fit mine de se désister. Ils étaient venus pour s’amuser et ils attendaient, l’œil torve, que leur hôtesse leur explique les règles du jeu dans lequel la morte-vivante avait son rôle, ils n’en doutaient pas. Hormis les détenus, ils avaient tous entendu parler d’elle mais évidemment, aucun ne l’avait vue et, du dégoût vite surmonté, ils étaient passés à la curiosité : comment cette garce d’Andréa s’y était-elle prise pour faire lever l’interdit ? Jiménez fut le premier à réagir. Il aimait les femmes en général et ne répugnait pas à s’en faire une moche de temps à autre mais celle-là !

    - C’est bon Andréa, tu as réussi ton coup et tu nous as fait partager, bravo ! Mais ramène-la dans son trou maintenant et passons aux choses sérieuses ! Elle est pas baisable ta moribonde ! Va plutôt nous chercher quelques belles donzelles dans ton quartier si tu veux qu’on s’amuse !

    - Pas question ! Elle est là, elle y reste et c’est avec elle qu’on va rigoler un peu si tu permets. Je me suis pas donné autant de mal pour pas en profiter maintenant que je l’ai sous la main !

    - T’es folle ! Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse de ce détritus ? Si Douala l’apprend, on va tous en baver !

    - Il a pas besoin de savoir ! T’irais pas lui dire tout de même ?

    - J’ai jamais balancé personne ! Et Koslowski ?

    - Elle a sifflé une bouteille de vodka, alors ou elle est en plein coma éthylique ou elle est en train de ronfler dans sa piaule à l’heure qu’il est !

    - T’es sûre ?

    - Écoute mon chou, t’es pas obligé de rester si ça te débecte tellement ou si t’as les foies ! Tu te casses, t’emmènes avec toi ceux que ça intéresse pas et vous la bouclez ! Mais tu laisses s’amuser ceux qui en crèvent d’envie bordel !

    - T’es vraiment cinglée Johnson ! OK, je reste, et tout le monde reste avec moi ! Si y en a qui veulent se défiler, je leur colle une décharge paralysante dans la gueule, compris ! Et si par la suite y en a un seul qui l’ouvre, croyez-moi, il le paiera très cher !

    Les détenus s’en foutaient et les matons n’avaient plus qu’à obéir, Jiménez ne faisait jamais de promesses en l’air ! Même si c’était à contrecœur pour certains, aucun ne bougea ni ne pipa mot. D’ailleurs, l’alcool qu’ils avaient amené avec eux aurait tôt fait de noyer leurs scrupules !

    - Ça, c’est parlé en homme ! Alors tu restes ?

    - Je reste, mais à deux conditions !

    - Accouche !

    - Primo, moi je touche pas à cette…chose dégueulasse ! Deuzio, toi tu t’occupes que de moi comme promis, OK ?

    - OK ! Bon les mecs, que la fête commence !

    - Encore une chose Andréa, Qu’est-ce qu’on fait si elle crève ?

    - Si elle crève, tout le monde sera content ! Le dirlo va jamais la voir, il en a la frousse. Wladi, elle s’en branle. Personne la regrettera ici, à part cette grosse vache de Baumann qui les protège elle et son bâtard depuis trop longtemps ! Et tu crois qu’elle s’en vanterait la vieille pute ? Elle se taira, comme nous ! Parce que si elle parle, elle sera la première à déguster, je t’en fiche mon billet ! Regarde-là, elle va crever de toute façon !

    - Son bâtard ? Qu’est ce que tu racontes ?

    - Regarde-bien mon mignon ! Tu remarques rien ?

    Il s’approcha, regarda. Souleva le haillon rapiécé et en demeura bouche bée. La lobo était enceinte. Cinq ou six mois, il n’aurait su dire vu son pitoyable état.

    Elle était si squelettique que nue, on ne devait voir que son gros ventre. Les mains croisées sur son abominable progéniture, prostrée, elle attendait, qu’on lui donne des ordres. C’était encore moins qu’un animal alors pourquoi s’en faire ?

    Pour s’en convaincre, il repoussa l’infâme créature qui s’affala de tout son long sur le sol sans rien faire pour tenter de se relever.

    « Moins qu’une bête, vraiment ! » Pensa-t-il rassuré. Il éclata de rire, libéré et se tourna vers Andréa.

    - Bon ! Tu nous as bien promis une fête non ? Alors allons-y ! Lui dit-il.

    Ravie, elle se coula dans ses bras et l’embrassa à pleine bouche sous les cris de joie des autres. Lorsqu’ils se séparèrent, elle constata que le groupe d’hommes surexcité s’était rassemblé autour d’eux. Attentifs, ils écoutèrent ce qu’elle attendait d’eux. Puis, pour se mettre en train, ils débouchèrent les bouteilles de whisky et de vodka généreusement offertes par l’organisatrice de la fête.

    Nul ne vit Angelo Battistini s’esquiver. Pendant la discussion entre son chef et sa maîtresse, il s’était discrètement reculé vers la porte, attendant le moment propice pour prendre la fuite. En dépit de son prénom, il n’était pas un ange cependant la tournure que prenaient les évènements lui faisait craindre le pire et il ne voulait pas participer à la mise à mort de l’espèce de débris humain que leur avait amené cette roulure d’Andréa. Il la détestait depuis qu’elle l’avait ridiculisé devant Jiménez, le lendemain de leur unique nuit, bafouant son honneur de mâle et d’italien. « Grande gueule mais petite bite le napolitain ! » avait-elle commenté sans s’apercevoir qu’il était là, derrière la porte entr’ouverte du bureau du gardien-chef. Depuis il rêvait de se venger. Le moment était venu. Il n’entendit pas la fin des instructions et ne vit pas le début de la beuverie qui précéda la curée.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 22 Novembre 2022 à 19:37

    Whisky et Vodka, ce soir c'est tchin tchin ici ;-) amitiés, JB

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