• Chapitre 55

    4 août, l’aube, quelque part sur la ligne 707

     

    Hawk était dans l’un de ces longs électro bus qui desservaient les principales métropoles des States, de la Côte Est à la Côte Ouest et du nord au sud. Ces véritables trains de la route qui transportaient jusqu’à cinq-cents passagers, étaient typiques de l’Amérique du nord. Fonctionnant à l’énergie électrique, ils avaient une autonomie limitée à cent cinquante kilomètres et nécessitaient donc, pour les longs trajets, de nombreux changements dans les électro gares disposées à cet effet sur les autostrades. Ils y rechargeaient leurs énormes batteries tandis qu’un autre électro bus prenait le relais. Hawk voyageait sur la ligne 707 qui reliait New-York à Washington. Anonyme au milieu des autres usagers, il était perdu dans ses pensées.

    Mary…Son corps souple et sensuel noué au sien…Ses mains, sa bouche sur sa peau…Il avait cru mourir mille morts quand, livré à ses caresses, esclave de son désir, il l’avait laissée prendre possession de lui. En aveugle, du bout des doigts puis de la pointe humide de sa langue, elle avait longuement et minutieusement étudié la géographie oubliée de son corps d’homme, allumant au passage des millions d’incendies. Comme la première fois qu’ils avaient fait l’amour, elle refaisait instinctivement les mêmes gestes, lui faisait endurer le même délicieux supplice, l’abandonnant mille fois au bord de l’explosion avant de mettre enfin un terme à sa douce agonie. Maintes fois, ils avaient ainsi retenu leur plaisir jusqu’à la folie, jusqu’au délire, jusqu’à la supplication, avant de laisser déferler la jouissance libératrice.

    Un insatiable appétit les avaient jetés l’un vers l’autre jusqu’à l’aube. Il s’était senti fort, invincible lorsqu’au terme de leurs folles étreintes, elle lui avait murmuré : « Je vous aime Hawk…Je t’aime... » Avant de s’endormir lovée contre lui.

    Elle l’aimait. Il était désormais en droit d’espérer qu’après avoir retrouvé le chemin de son corps et de son cœur, elle retrouverait bientôt celui de son esprit. Armé de cet amour reconquis, il était sûr de vaincre Solomon.

    Il avait laissé Mary, les jumeaux ainsi qui Félie sous la protection de Gertrud que cette énorme marque de confiance avait adoucie. Il lui avait adjoint Léo qu’il avait préféré éloigner de Fleur très visiblement attirée par Hubert. Les deux gardes du corps étaient chargés d’amener sa famille à Black Mesa, dans la maison de son père, où elle serait en sécurité au milieu du peuple Navajo. Emmenés par Brave Hawk que l’impatience, l’inquiétude et une rage permanente rongeaient, les membres de « l’Opération Sirène » étaient également en route vers la capitale où ils devaient rejoindre les autres Mutants déjà présents là-bas comme Blue Hawk le leur avait demandé. Hubert faisait partie du groupe. Pour rien au monde il n’aurait laissé Fleur de Lune partir sans lui. Les combats de celle qu’il aimait étaient les siens désormais. Seuls Alexeï et Jézabel faisaient défaut. Sans Marie-Rêve toujours chez ses parents en Russie, le chirurgien avait repris le chemin du retour vers la France où il devait récupérer Surprise pour l’amener au Centre de soins de Black Mesa. Son état demeurait stationnaire. Il espérait que le pouvoir des Mus conjugué aux compétences des neurologues et neuropsy qui travaillaient au centre, auraient raison de sa « folie ». Jézabel elle, attendait le retour de son mari en compagnie de ses beaux-parents dans leur ranch du Texas. Plus si loin de son terme, elle devait se remettre de la fatigue du long périple en Russie.

    Ce que ni Hawk ni son père ne savaient, c’est que Mary elle aussi était en route pour Washington, accompagnée d’une Gertrud réticente mais déterminée à la suivre partout où elle irait, et de Léo tout aussi déterminé à assumer jusqu’au bout le rôle que lui avait assigné Hawk. Sitôt les jumeaux en sécurité chez les Bluestone et bien que cela lui crève le cœur de les laisser derrière elle, elle avait convaincu ses protecteurs qu’elle devait absolument rejoindre son mari.

    - Je dois y aller, je l’ai vu dans un rêve. Si je n’y vais pas, mon mari mourra ! Avait-elle argumenté.

    Devant leur air buté, elle avait asséné :

    - Si vous refuser de m’accompagner, j’irai seule ! Mais j’irai, soyez en sûrs ! Je l’aime ! Ma place est à ses côtés ! Nous avons été séparés assez longtemps !

    Son opiniâtreté les avait convaincus. Au contraire de Gertrud, Léo croyait au caractère prémonitoire de certains rêves mais plus encore, il croyait au pouvoir de l’amour, c’est cela qui l’avait décidé à contrevenir aux ordres du Faucon.

    Mary sentait confusément qu’elle avait un rôle important à jouer dans le dénouement de ce drame. Elle se souvenait très bien de ce que son mari lui avait dit dans son rêve : « Fouille ta mémoire ! Tu possèdes les clefs du Pouvoir ! »

    - Je vous…Je te laisse les enfants Félie. Dis-leur que je reviendrai. Avait-elle dit à cette petite femme qui était sa mère même si elle l’avait oubliée.

    - Oui, reviens cette fois mon enfant ! Et sois prudente ! Lui avait elle répondu sans oser l’embrasser ni lui souhaiter bonne chance.

     

    Tandis qu’ils roulaient vers la capitale, Mary réfléchissait à la façon dont elle allait pouvoir fausser compagnie à ses cerbères. Elle n’ignorait pas que l’un d’eux était capable de lire en elle et que la deuxième serait difficile à amadouer.

    - N’y pensez même pas madame Bluestone, Hawk me tuerait ! !

    Voilà qui confirmait le manque d’intimité psychique dont elle disposait en face de ces maudits géants aux yeux bleus !

    - Il le faut Léo ! Vous savez que je dois l’aider ! C’est ce que dit mon rêve !

    - Je sais Mary ! Et Hawk savait aussi ! C’est bien pour ça qu’il m’a demandé de vous surveiller de près !

    - Je vous en supplie, ne m’empêchez pas d’y aller ! Mon mari m’a dit qu’un jour, j’ai guéri l’un des vôtres seule alors que je n’étais pas en pleine possessions de vos dons extraordinaires ! Je suis sûre que là encore, je saurai ce que j’ai à faire en temps voulu !

    - Tu ne vas pas risquer ta vie pour cet homme Mary ! Pense à tes enfants !

    - Cet homme, c’est mon mari et justement, je pense à nos enfants, car il est leur père Gertrud, ne l’oublie pas !

    - Mais…

    - Il n’y a pas de mais ! Je le dois ! Quelque chose de plus fort que moi me le commande. C’est MA mission à moi !

    - Sais-tu où tu vas au moins ?

    La question n’était pas anodine. Mis à part le fait qu’elles avaient été sauvées des Gops lancés à leur poursuite en Russie, Gertrud ne savait rien du rôle prépondérant de ce Solomon Mitchell dont elle avait entendu parler par hasard. On la tenait délibérément à l’écart. Après tout ce qu’elle avait fait pour Mary et les jumeaux, c’était injuste ! Si elle avait noté les nombreux conciliabules entre ces drôles de gens, elle n’avait jamais été conviée à y participer.

    - Elle le sait ! Confirma Léo laconique.

    Cette réponse était en soi un accord tacite. Gertrud parut le comprendre aussi car elle s’inclina.

    - Donc pas besoin d’essayer nous fausser compagnie Mary, nous ne vous lâchons pas d’une semelle jusqu’à Washington. Enchaina-t-il.

    - Exactement ! Renchérit Gertrud le regard noir.

    Plus ils s’approchaient de Washington, plus Mary se sentait oppressée, comme broyée dans les mâchoires d’acier d’un piège mortel. Léo lui aussi paraissait écrasé. Elle savait d’instinct que ce n’était pas uniquement par le poids du remords d’avoir désobéi à Blue Hawk. Elle était persuadée qu’en cet instant précis, il pensait à cette fameuse Mission dont ils discutaient tous très souvent et qui semblait d’une importance capitale, non seulement pour leur mouvement, mais plus encore pour la liberté de milliards de gens.

    Qui donc étaient ces membres de la Roue Universelle, ainsi qu’ils appelaient leur…secte, pour se croire investis d’une telle mission messianique et pour peser d’un tel poids sur l’avenir du Monde ?

    Qui étaient ces Élus, dont Hawk lui avait maintes fois répété qu’elle-même faisait partie de par sa naissance ?

    Et surtout, qui était réellement cet omnipotent Dragon noir que son mari était parti combattre sans autre arme que ses dons paranormaux ? Oui, qui était ce Solomon Mitchell dont la simple évocation lui faisait une peur terrible sans qu’elle sache pourquoi ?

    Autant de questions dont les réponses se trouvaient dans sa mémoire effacée. Elle devait en retrouver la clé. Pour Hawk, parce qu’elle l’aimait.

    « Chapitre 54Joyeux Noël »

    Tags Tags : , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    2
    Vendredi 23 Décembre 2022 à 14:22

    Elle va se souvenir, c'est certain !

    1
    Vendredi 23 Décembre 2022 à 11:20

    Dans la mémoire effacée, pas simple ! Amitiés, JB

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :