• Mary….Sa douce Mary Où se trouvait-elle à présent ?

    En ce Cinquième Rassemblement, elle était au centre de bien des questions. Même si une lourde chape de secret semblait avoir étouffé l’affaire, tout le monde n’avait pas oublié le procès de Mary-Anne Conroy-Defrance. Certains journalistes incorruptibles dont la curiosité à ce sujet comme à celui des mutants, était demeurée inassouvie depuis bien trop longtemps, comptaient sur cet extraordinaire meeting pour la satisfaire enfin.

    Qu’était devenue la jeune femme considérée alors comme l’ennemie publique numéro un parce qu’elle avait été « corrompue » par les mutants ? Au final, à quoi avait servi son arrestation puisque le chef du mouvement qu’on était censé piéger, jouissait aujourd’hui d’une liberté plus que relative à en juger par cet événement grandiose ?

    Qui étaient réellement les amis de Blue Hawk ? Des anormaux ou plutôt le résultat d’une étrange mutation génétique ? Et si c’était le cas, à quoi, à qui était due cette mutation que rien de très humain ne paraissait pouvoir expliquer ? La Roue, comme ils avaient baptisé leur mouvement, était-elle la secte satanique qu’on disait, ou plus simplement une mouvance philosophique ?

    Était-elle une nouvelle religion ou une confrérie de gentils sorciers comme ce qu’ils paraissaient être aujourd’hui ? D’où leur venaient ces pouvoirs magiques étonnants, pour ne pas dire effrayants dont ils faisaient la démonstration en souriant ? Le mythe des petits hommes verts venus de Mars avait eu son heure de gloire autrefois. On n’était pas très loin aujourd’hui de le remplacer par celui des géants aux yeux bleus débarqués de quelque lointaine galaxie à bord de leur engin interplanétaire en forme de…roue bien sûr !

    Qu’on les voit comme témoins d’on ne savait quel Dieu, disciples de Satan ou extraterrestre les avis étaient encore très partagés même si la tendance les faisaient petit à petit pencher du côté obscur au côté lumineux. S’ils étaient des E.T, ils étaient bien pacifiques ! Quels qu’ils soient, ces avis convergeaient sur un point : on voulait savoir.

    Dans la foule des gens « ordinaires », c’était aussi la curiosité qui prédominait désormais. Elle avait remplacé le rejet pur et simple. La haine primitive de l’anormalité et des sectes, avait fait place à des sentiments plus mitigés. Si une certaine peur persistait, chez beaucoup elle se teintait à présent d’une touche encore infime d’admiration pour ces géants aux prunelles bleues qui ne craignaient pas la mort pour eux-même mais répugnaient à la donner à autrui.

    À les voir ainsi de près, si grands et beaux, on était aujourd’hui plus enclin à les vénérer qu’à les craindre. Leur calme olympien et la force retenue qu’ils dégageaient forçaient le respect. On s’apercevait également avec une pointe d’étonnement amusé, que s’ils se ressemblaient effectivement beaucoup, ils étaient aussi différents les uns des autres que les noirs ou les chinois entre eux. En fait, ils avaient tous l’air de charrier du sang apache ou navajo dans leurs veines. Des apaches et des navajos aux yeux bleus, voilà tout !

    Rien de bien mystérieux ou de particulièrement diabolique là-dedans ! Une grande tribu bien plus qu’une secte en somme. Des hommes, des femmes, des enfants au sourire franc, pleins de douceur et de gentillesse qui répondait en toute simplicité à leurs questions timides, comme le faisait leur chef.

    Si Hawk consentit en effet à répondre à beaucoup de questions, il éluda adroitement celles qui concernaient Mary. Le mot d’ordre général était d’ailleurs d’afficher une façade d’oubli, d’indifférence même, pour tout ce qui touchait à sa femme et chacun le suivit scrupuleusement. Il en allait de la sécurité de l’évadée.

    En revanche, parce que c’était là le but du Cinquième Rassemblement, il éclaira la lanterne du Monde au sujet de la Roue Universelle. Il s’adressa à la multitude assemblée avec l’aisance d’un orateur aguerri, dominant de sa haute taille les milliers de micros et de caméras tridi tendus vers lui. Il dit et beaucoup le crurent, combien les peuples avaient été abusés par le pouvoir en place. Se servant sans vergogne de la détresse et des terreurs enfouies depuis la Grande Crise, le gouvernement en avait profité pour les asservir plus encore. Un gouvernement sous la coupe d’un seul homme.

    « Qui ? Qui ? » Trépignaient les journalistes. Mais il gardait l’information pour plus tard, leur dit- il.

    Comme les Mus savent le faire, il montra à la foule ébahie, la corruption, les exactions des Sages et de leurs serviteurs. Des paroles accompagnées d’images aussi explicites que frappantes.

    Que ce soit en direct ou à la télé, les gens découvrirent avec effroi comment on les maintenait dans un abêtissement psychique artificiel par le biais des médias et du corps médical tout entier. Hawk dénonça avec force et prouva la complicité de l’OMS et de l’Ordre Mondial des Médecins avec le Gouvernement pour parvenir à ce but.

    Il expliqua tout cela sans haine ni colère en dépit de la peine que lui causait la mort de son beau-frère et de son ami Phil Adams. Cette absence d’animosité donna plus de force encore à ses mots. Leur impact fut phénoménal sur l’opinion publique mondiale qui découvrait enfin le visage de l’énigmatique leader recherché par tous les gops de la planète. En fait, il n’avait pas l’air plus diabolique que ça. Ni tellement dangereux à tout prendre, constatait-on étonné ! Pas plus que ne paraissait dangereux son mouvement que beaucoup déjà ne voulaient plus voir comme une secte. Au pire, ils paraissaient un rien illuminés mais en aucun cas, ils n’avaient l’air de démons comme on le leur avait rabâché durant trop longtemps ! Et puis ces dons qu’ils possédaient, si extraordinaires, si magiques, si utiles, comment avait-on pu les assimiler à des pratiques sataniques ?

    Il faut dire que les Mus ne se privèrent pas de dévoiler leurs multiples talents aux regards émerveillés des milliers de spectateurs, tandis que les caméras tournaient à plein régime et que crépitaient les flashes des nombreux reporters venus de tous les coins du globe pour couvrir cet évènement sans précédent. Comme chaque fois, le Pouvoir était amplifié par leur union psychique, elle-même rendue exceptionnelle par le nombre élevé de Mutants présents sur les deux sites de rassemblement.

    C’est ainsi que d’un bout à l’autre de la terre, tout comme à Pékin ou dans l’ancien camp australien, on put voir et s’ébaubir des incroyables prodiges que réalisaient en direct ces grands gaillards bruns aux étonnants yeux bleus et leurs compagnes aussi belles que les déesses des vieilles légendes indiennes. Même leurs enfants étaient capables des plus fabuleux tours de magie ! Le charme agissait. Ce que l’on avait toujours considéré comme de sulfureuses diableries, devenait soudain des miracles.

    Les Mus pratiquaient naturellement la lévitation, sans aucun des tours de passe-passe utilisés par les plus affûtés des magiciens. Ils déplaçaient d’un seul regard les objets les plus hétéroclites. De très lourds parfois ! Ils faisaient apparaître des images issues de leurs cerveaux, non pas anormaux, on n’en était plus là, mais hors-normes en tous cas.

    Mieux, ou pire encore, ils pouvaient montrer ce qu’il se passait dans celui des simples mortels qui assistaient à la fois effrayés et ravis, à la projection de leur moi intime. Bien entendu, les mutants ne montraient que ce qui était montrable. Leur but était non pas de choquer l’opinion mais de la séduire et de prouver leur bonne foi.

    Ils guérirent à la demande de simples bobos, juste en posant les paumes dessus. Mais ils traitèrent de la même façon des maux bien plus graves tel ce brûlé récent, atteint au troisième degré et qui n’avait pas encore eu le temps de passer en Chirurgie reconstructive. Ses brûlures disparurent instantanément ! On comprenait mieux pourquoi ils étaient mis à l’index par l’O M S et consort ! Avec eux, ce pouvait être la fin de la médecine traditionnelle ! Lorsqu’ils libéraient l’incomparable énergie contenue en eux, du bout de leurs doigts, du creux de leurs paumes, fusait une étrange lumière bleue.

    Ceux qui osèrent les toucher, dirent qu’à leur contact, ils avaient ressenti comme une décharge électrique. Certains prétendirent même avoir vu des éclairs de cette lumière bleuâtre jaillir de leur tête quand ils pratiquaient leur « sorcellerie ». On ne change pas les mentalités en un seul jour !

    Quelques spectateurs plus réceptifs que les autres purent également entamer de courts échanges télépathiques avec les Mus. S’ils résistaient bien un peu quand ils se sentaient ainsi investis par ces ondes psychiques étrangères, ils se prenaient vite au jeu. Au début, comme ils ne pouvaient longtemps lutter contre une telle force d’invasion sans en souffrir, ils se contentaient d’être des récepteurs volontaires. Puis mourant d’envie de pousser l’expérience un peu plus loin, ils essayaient assez rapidement de répondre de la même manière. C’était un exercice difficile qui demandait une énorme concentration mais, stimulés par leur mentor aux prunelles magnétiques, ils finissaient par y parvenir. Alors, l’étonnement et la joie se peignaient sur leur visage, donnant à d’autres l’envie de tenter le surprenant dialogue silencieux.

    Tous ceux qui avaient osé et réussi le test télépathique se hâtaient de témoigner avec enthousiasme de leur fantastique expérience aux journalistes qui, à leur tour et en direct face aux caméras, s’essayaient, impressionnés à ce moyen de communication peu banal.

    Cependant, le plus grand des prodiges de cette manifestation exceptionnelle et hyper médiatisée, fut sans conteste l’impact phénoménal qu’eurent la présence et les paroles de Blue Hawk sur les foules massées autour de la scène dressée sur la place Tienanmen d’où il intervint maintes fois au cours des trois jours que dura le Cinquième Rassemblement.

    Il se prêta de bonne grâce à de multiples interviewes, accepta avec le sourire qu’on le traite de doux dingue à tendance mégalomaniaque, admettant volontiers que la démarche des Mus lors de ce rassemblement puisse être taxée de démagogie.

    « Peu importe que vous nous trouviez démagogues si nous parvenons à faire passer notre message avoua-t-il. Non, nous ne sommes pas les ennemis des nations, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement. Et non, nous ne sommes pas si différents de vous qu’on s’évertue à vous le faire croire ! »

    Chaque fois qu’il prenait la parole, c’était la même chose. Il suffisait qu’il pose son regard bleu pénétrant sur l’assistance pour que tout brouhaha cesse dans la seconde. On savait aussitôt qu’il allait parler. Et dès que sa voix s’élevait, rauque, quasi hypnotique, elle captivait l’auditoire où qu’il se trouve, massé devant la scène à Pékin, agglutiné face à l’écran tridi géant dans le bush australien ou encore scotché devant la télé à son domicile.

    Pour eux tous, il martelait calmement chaque mot, donnant à chacun de ses discours une telle densité, qu’aucun de ceux qui l’écoutaient ne parviendrait jamais à l’oublier.

    Tous ces gens, nourris de peur et de haine pendant de nombreuses années, voyaient en ce géant serein tellement charismatique, seul devant son micro et qui les dominait d’avantage par son aura majestueuse que par sa taille ou par sa place sur cette scène surélevée, le messager de la vérité. Ils attendaient de lui qu’il la leur délivre enfin !

    Le dernier de ses discours, prononcé à la fin du troisième jour, devait marquer durablement les esprits. Lorsqu’il prit place, l’attente était encore plus tangible que les jours précédents. Il en ressentit de tels frémissements qu’avant qu’il ne parle, un impalpable halo bleu émanant de son corps, l’entoura. Saisie d’une frayeur quasi mystique, les yeux écarquillés, retenant son souffle, la foule était suspendue à ses lèvres. Il parla.

    «Vous tous qui m’écoutez, oubliez votre peur ! Repoussez les limites qui vous sont imposées depuis trop longtemps. Car c’est en vous que se trouvent toutes les réponses à vos questions. Ne vous demandez pas : qui sont-ils ? Mais plutôt : qui sommes-nous ? Qui suis-je ? Il vous faudra du temps encore et une réelle volonté pour découvrir la vérité au fond de votre cœur. Je n’ai pas de réponse à vous donner mais je peux vous proposer des clés pour les trouver, le voulez-vous ?

    Un murmure approbateur lui répondit. Il reprit :

    « Oui, oubliez votre peur car c’est elle qui vous dévore. Elle qui masque en vous la vérité que vous recherchez. La vérité que vous vous cachez inconsciemment. La vérité que l’on vous travestit en haut lieu !

    À cause de la peur, vous avez cruellement rejeté, dénoncé, condamné même, aussi sûrement que le fait la justice, tous ceux que vous appelez des anormaux. Vous l’avez fait aveuglément uniquement parce qu’ils diffèrent de ce que l’on a fait de vous !

    Qui, une fois au moins, n’a pas dénoncé un quidam dans la rue, un voisin ou pire, un ami, pour un comportement jugé anormal ?

    Qui n’a pas voué aux Gémonies, un honnête citoyen juste doué d’une certaine intuition ou d’un soupçon de prescience ? Des tares assurément malvenues de nos jours !

    Combien d’entre vous possèdent des facultés un tant soit peu paranormales et s’en cachent, se croyant atteint de la pire des maladies, l’anormalité ?

    Combien de thérapsys ont dénoncé de tels cas sur ordre express de l’OMS qui a décrété que l’anormalité ne peut être guérie que par la lobotomie ?

    Moi, Mutant, anormal notoire, animal pourchassé, je peux répondre à toutes ces questions, parce que je peux lire en chacun de vous, c’est vrai !

    En condamnant ceux que vous croyez anormaux, en nous condamnant parce que vous voyez en nous des démons ou les membres d’une nouvelle secte de l’apocalypse, c’est vous-même que vous condamnez. Ce qui est en nous est en vous. Nous ne sommes pas différents, seulement, ce que nous savons, vous l’avez oublié.

    Depuis des siècles maintenant, Les humains n’utilisent plus qu’une infime partie de leur potentiel psychique. Or, il est reconnu que ce qui ne sert plus s’atrophie. En revanche, je ne peux vous expliquer pourquoi seuls nous, les Mus, avons gardé en nous vivace, et surdéveloppé cette part inutilisée de potentiel. Pourtant, en dehors de ces capacités qui vous font peur, nous sommes comme vous, des humains pétris du désir commun à tous de vivre en paix au grand jour !

    Car si nous, les mutants comme vous nous appelez, nous sommes anormaux, ce n’est pas dans le sens de « tarés » qu’on donne généralement à ce terme. À moins que la différence ne soit une tare ! C’est en tous cas ainsi que la considère nos dirigeants et c’est cela qu’ils ont inculqué au Monde !

    Si nous sommes anormaux à leurs yeux - hors normes me semble plus approprié - c’est parce que, effectivement, nous n’entrons pas dans les normes rigides et sacrées édictées par le Gouvernement Unique des Sages ! Des normes sévères, terriblement restrictives qui définissent ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

    Ces normes, non seulement on exige que vous vous y conformiez mais plus encore, on vous y enferme de force. Toute rébellion est punie de lobotomie partielle, d’internement en camp de travail et, pour les pires cas, en QHI. C’est ce qu’ils ont trouvé de plus sûr pour extirper le plus infime germe d’anormalité en vous. Pour séparer efficacement le bon grain de l’ivraie ! C’est de cette façon qu’ils bafouent la liberté pour chacun d’être ce que l’a nature l’a fait !

    Nous, les Mus, nous ne refusons pas ces « normes » qui nous permettraient de vivre parmi vous sans nous cacher. Cela ne veut pas dire que nous aimerions nous y conformer, non ! Il se trouve simplement que par nous ne savons quel caprice du destin, nous n’y entrons pas ! Comment pourrions-nous rejeter ce qui est notre nature sans en souffrir, sans en mourir peut-être ?

    En effet, vous devez savoir que c’est tellement puissant, tellement développé que lorsque l’un d’entre nous essaie de lutter contre, il en éprouve une douleur au-delà de toute mesure !

    Alors cette « hors-normalité » qui nous met au ban de la société, non seulement nous l’assumons par la force des choses mais encore nous avons décidé de la revendiquer, comme chacun de vous désormais, devrait revendiquer le droit à la différence !

    Oubliez votre peur ! Ne soyez plus des moutons bêlants enfermés dans leur enclos, tenus en respect par les chiens de garde des Sages ! Refusez le moule unique dans lequel on vous maintient prisonniers à seule fin de vous empêcher à jamais d’apprendre qui vous êtes vraiment !

    Oubliez votre peur et vous saurez. C’est votre richesse intérieure que vous retrouverez, votre moi profond. Les trésors enfouis de votre personnalité intrinsèque qui remonteront à la surface et brilleront au grand soleil de la liberté !

    Oubliez votre peur et vous lirez en moi comme je lis en vous ! Vous saurez alors que nous ne sommes pas des dangers pour votre monde, pour votre paix si chèrement reconstruite ! Non !

    Nous ne sommes un danger que pour ceux qui ont semé en vous cette peur, cette haine, cette méfiance qui vous animaient encore hier et que je sens se dissoudre petit à petit ! C’est grâce à cela qu’ils vous tiennent sous leur emprise. Si vous n’avez plus peur, ils perdront leur pouvoir sur vous. Là réside le danger que nous représentons pour eux. Nous lisons en eux comme nous le faisons en vous. Aussi connaissons-nous parfaitement la noirceur de leurs véritables motivations. Ils vous manipulent afin de conserver le pouvoir et nous, nous savons qui, du fond de son repaire, les manipule tous pour conserver le sien !

    Ce qu’ils vénèrent et dispensent, c’est le mensonge ! Ce que nous vous proposons, c’est la vérité.

    Ce qu’ils génèrent, c’est l’ombre, la peur, la délation ce que nous vous offrons de partager, c’est la lumière, la sérénité, la fraternité retrouvée.

    Ils se prosternent devant cette noire idole qui a pour nom Solomon Mitchell, foulant aux pieds les beaux idéaux qui faisaient d’eux des Sages.

    Jamais nous ne vous demanderons d’abandonner vos idéaux, ni de vous prosterner devant nous comme j’en vois déjà certains prêts à le faire. Nous ne voulons être et ne sommes que des hommes et des femmes ordinaires qui ont hérité Dieu sait comment de dons extraordinaires. Mais jamais au grand jamais nous n’utiliserons ce Pouvoir qui vous impressionne tant pour asservir nos semblables.

    Car oui, je le dis et le répète, vous et nous, sommes semblables comme le sont tous les humains en dépit de leurs différences.

    Je le crois sincèrement et vous le croyez aussi. Écoutez votre cœur parler, vous savez au fond de vous que ce que je dis est la vérité ! Au-delà de la couleur de notre peau, de notre religion, de notre culture ou des dons reçus à notre naissance, dans notre multiplicité et notre variété, nous sommes tous frères, tous rejetons de la même mère, la Terre !

    Oubliez votre peur et nous redeviendrons enfin les enfants unis de la même Humanité, car c’est la différence qui fait la richesse des Hommes ! »

    Il se tut. Le halo bleu qui l’entourait se dissipa peu à peu. Subjuguée par ses paroles, la foule demeurait muette. On en vit plus d’un se frotter les yeux comme au sortir d’un lourd sommeil. Puis soudain, les bravos crépitèrent et de l’immense assemblée monta une clameur où se mêlaient les voix des simples spectateurs à celles des mutants et de leurs amis.

    Le plaidoyer vibrant de Blue Hawk avait fait mouche.

    Car il s’agissait bien d’un plaidoyer qui n’était pas sans en rappeler un autre entendu quelques mois auparavant et dont soudain la teneur revenait en force dans les mémoires les plus rétives. Celui-là aussi, de la même façon flamboyante, avait fait l’apologie de la différence. Pourtant, pas une seule fois le nom de Mary-Anne Conroy-Defrance ne fut prononcé. Encore secoués par ce qu’ils venaient d’entendre et de comprendre, aucun des journalistes présents ne songea plus à questionner le leader de la Roue sur la jeune femme dont on ne savait plus rien depuis son incarcération. La majorité de ceux qui se souvenaient encore d’elle pensaient même qu’elle était morte

    Et si elle était encore en vie, dans quel état était-elle aujourd’hui après ce qu’elle avait dû subir, enfermée en QHI, lobotomisée, séparée à vie de sa famille, isolée du reste de l’humanité telle une pestiférée. QHI, lobotomie, ces deux mots faisaient terriblement peur. Et sans comprendre pourquoi cette idée subite les traversait, beaucoup se demandaient si elle avait réellement mérité une si lourde peine !


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  • Début avril 2059

     

    Le Cinquième Rassemblement ne fut pas comme les autres. Ce qui le différencia, c’est qu’il se déroula en duplex entre la place Tienanmen à Pékin et l’enceinte désaffectée de l’ancien camp de travail réservé aux seuls Mutants dans le bush australien. Deux hauts lieux symboliques de la répression et, choisis parmi tant d’autres, deux cruels exemples de ce que pouvait être le pouvoir oppresseurs d’humains sur d’autres humains.

    « L’Homme est un loup pour l’Homme ! » Cette maxime s’était maintes fois vérifiée par le passé, elle se vérifiait encore.

    Ce rassemblement exceptionnel s’étala sur trois jours pleins, entre le premier et le trois avril. Le fait qu’il se déroule en deux endroits différents, multiplia par cent le nombre des participants auxquels il fallait ajouter tous ceux qui ne pouvaient se permettre qu’une présence astrale. Soit en tout, plus d’un million de personnes, Mutants, Élus et ralliés confondus. Entre chaque Rassemblement, le Pouvoir grandissait à tel point que l’aura bleue qui s’élevait de la multitude, interdisait toute attaque des forces de l’ordre. Bien des gens, voyant cela, se demandaient pourquoi les mutants, armés de cette immense puissance psychique, n’en profitaient pas pour asseoir leur domination sur le Monde et prendre les rênes du Gouvernement Unique.

    C’était encore mal les connaître !

    Le deuxième événement qui lui donna un caractère aussi exceptionnel fut que pour la première fois, TV7 le couvrit officiellement, lui assurant de ce fait le retentissement sans précédent qu’avait escompté lui donner le Rassembleur. Enfin, en réponse cinglante au dernier crime de Solomon Mitchell et en dépit des supplications de sa sœur et de ses amis, Hawk avait décidé de profiter de la présence des caméras et d’espions probables de Washington pour se montrer à leur pire ennemi à visage découvert. Le message qu’il voulait délivrer était :

    « Nous ne vous craignons pas ! Je n’ai pas peur de toi Solomon ! Tu peux tuer un, dix, cent d’entre nous, mille autres se dresseront et te feront face ! »

    Il voulait par cette action rendre hommage à ceux qui venaient de mourir pour la cause : Phil Adams, sa femme et Lazaro, le mari de Fleur. Ils avaient été surpris par Solomon lui-même alors qu’ils fouillaient son labo souterrain secret.

    C’est en découvrant à l’intérieur celui qu’il croyait être son ami que Mitchell avait eu la soudaine révélation de l’imposture de ce dernier en même temps que de ses dons de télépathe, car seules de telles facultés avaient pu lui permettre de trouver son repaire ainsi que le code d’ouverture. En effet, tout était consigné dans son cerveau et nulle-part ailleurs. Il lui avait fait confiance au point de baisser sa garde psychique en face de lui, et pour cause, il ignorait sa vraie nature. Voilà ce qu’il en coûtait de donner son amitié sans s’être mieux renseigné auparavant ! Ça ne risquait plus de lui arriver désormais !

    Sûr de son fait, Adam lui aussi avait relâché son attention.

    Dans sa villa de Beverly Hills ce jour-là, Solomon n’était censé rentrer à Washington que le lendemain. Quel événement lui avait fait anticiper son retour ? En tous cas, lorsqu’il avait débarqué dans son bunker, ni Adam ni ses complices n’étaient sur leurs gardes. Ce n’est qu’en entendant le chuintement de la lourde porte qui se refermait, qu’ils avaient compris qu’ils étaient piégés. Puis ils avaient vu Solomon, le neutro pointé sur eux, prêt à les balayer d’une décharge paralysante. Il les voulait vivants. Ils ne savaient que trop bien pourquoi. Ils n’avaient eu que le temps de prévenir télépathiquement tous les autres membres de leur équipe avant de se donner la mort de la même façon qu’Antonio lors du procès de Mary.

    Pâle de fureur et de dépit, Mitchell avait assisté à leur agonie foudroyante sans pouvoir faire quoi que ce soit pour l’empêcher. Depuis, sa rage ne cessait de grandir. Il se maudissait d’avoir lui-même introduit un traître à la Maison Blanche. Le pire des fourbes puisqu’il avait parfaitement réussi à gagner sa presque totale confiance, jusqu’à devenir son ami. Presque parce qu’en fait, Solomon ne se fiait jamais totalement à autrui. Qu’on le regarde un peu trop fixement et il devenait aussitôt suspicieux. Cela lui était d’ailleurs arrivé en découvrant à plusieurs reprises, les yeux de Phil Adams posé sur lui. Il s’en souvenait parfaitement maintenant tout comme il se rappelait avoir mis ces regards appuyés sur le compte d’une dévote admiration. Voilà où l’avait amené son orgueil. Il s’en serait battu mais il avait mieux à faire que de s’apitoyer sur lui-même et de se fustiger de sa propre stupidité.

    Il ne faisait aucun doute qu’avant de mourir, les espions avaient transmis à leur chef ce qu’ils avaient découvert dans son repaire, voilà pourquoi il devenait urgent de venir à bout des mutants. Il les savait à présent capables de tout pour parvenir à leurs fins. N’avaient-ils pas infiltré la Maison Blanche et circonvenu la chaîne de télévision gouvernementale dont la présence sur les lieux des deux meetings n’avait pas été autorisée? Une présence manifestement bienveillante qui permettait au Gourou de la secte maudite de se montrer pour la première fois à la face du monde sous son meilleur jour.

    Ce dernier avait désormais un visage qu’il découvrit sans en être étonné. Il savait depuis longtemps qu’il ne pouvait qu’être en tous points semblable à celui de ses congénères. Il avait un nom aussi : Hawk Bluestone, dit Blue Hawk.

    Derrière l’écran, il le fixait et lui délivrait un message que lui seul pouvait entendre : « Vois qui je suis, ce que je suis et tremble Solomon ! » Semblait-il lui dire cependant que la foule pressée devant la scène où le Démon jouait le rôle de Dieu tout puissant, buvait la moindre de ses paroles.

    Une foule immense qui avait bravé tous les interdits pour se rendre à ce meeting que seul avait annoncé un formidable bouche à oreille admirablement orchestré par de non moins formidables manipulateurs. La présence impressionnante des forces de l’ordre, n’avait pu empêcher ce double rassemblement. Pourtant nombreux sur les deux sites, les gops avait bien tenté de contenir la vague populaire qui affluait vers la place Tienanmen ou vers le camp désaffecté dans le bush australien mais ils avaient été si rapidement débordés qu’ils avaient renoncé, se contentant de demeurer sur place, stoïques, en attendant les ordres qui ne pourraient manquer de leur parvenir. Des ordres qui, à leur sens, ne pourraient qu’être inutiles. Ils sentaient aux tréfonds de leur conscience qu’aucune attaque contre ces diables n’avait de chance d’aboutir.

    En petits groupes, on pouvait les avoir, en grand nombre comme ça avait été le cas à chacun de leurs foutus rassemblement, non seulement ils étaient invincibles mais encore, ils vous laminaient les neurones !

    Solomon le savait aussi et trouvait intolérable de ne pouvoir arrêter cette mascarade ! Il ne pouvait ordonner aucune arrestation. Les gops étaient de toute façon en nombre insuffisant pour venir à bout d’une telle masse humaine que ce soit à Pékin ou en Australie.

    Auraient-ils été plus nombreux qu’il leur aurait quand même été impossible de faire le tri entre les normaux et les démons qui se pavanaient désormais librement au milieu d’eux, sans risquer une véritable levée de boucliers tellement tous ces naïfs paraissaient subjugués par ceux qui se faisaient à présent ouvertement appeler les « Mus ».

    Il ne pouvait pas non plus ordonner que les forces de l’ordre ouvrent le feu sans créer un mouvement de panique énorme et par là même provoquer un massacre d’une telle ampleur que son gouvernement ne se serait pas relevé de cette dernière bavure monumentale ! Il était déjà passablement affaibli depuis le raid astral de ces salauds de Mus à la Maison blanche. Il ne pouvait donc qu’assister, impuissant et la rage au cœur, à la victoire de son ennemi juré. Une victoire provisoire, il en faisait le serment !

    Oui, Hawk Bluestone gagnait cette manche haut la main, d’abord en paraissant enfin au grand jour en tant que leader incontesté du mouvement exécré mais également en révélant au Monde les motivations pacifiques des Mus. Prouver à ceux qui en doutaient encore que la « Roue universelle » n’avait rien de la secte maudite dénoncée par Solomon Mitchell et par sa presse étatique, tel était le principal objectif du Faucon. Jamais les Mus ne s’étaient rassemblés en si grand nombre. Hommes, femmes, enfants, grands, beaux, respirant la bonté et la sérénité. Un étalage voulu de cohésion, de puissance, de force tranquille qui avait de quoi impressionner favorablement les foules, même si par la suite elle devait être ressentie comme une manœuvre d’intimidation ou de suprême provocation par les plus opiniâtres détracteurs des anormaux .

    « Regardez-nous ! Disaient leurs yeux tranquilles, nous ne voulons de mal à personne ! Nous souhaitons seulement vivre en paix comme vous, parmi vous. Nous voulons juste que cessent les exécutions sauvages et arbitraires des nôtres comme de ceux qui ont le malheur de nous ressembler ou de défendre notre cause ! »

    C’était exactement le message que voulait faire passer Hawk. Un message d’espoir qui faisait écho à ce qu’il ressentait depuis qu’il savait que sa femme était libre et qu’il avait plus de chances que jamais de la retrouver ainsi que les enfants qui grandissaient en elle.


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  • Le train roulait dans la nuit. Hawk ne dormait pas mais bizarrement, il rêvait.

    …Il était étendu à l’arrière d’une grosse voiture… Terrassé par la douleur, il gémissait, les yeux clos… Il les entrouvrit quelques secondes. et soulevant la tête, par la vitre, il entrevit les murs hauts et sombres d’une vaste bâtisse qui se dressait menaçante dans l’aube grise puis s’éloignait et disparaissait…Le ciel était plombé…Il était frigorifié en dépit des épaisses couvertures qui l’enveloppaient et sous lesquelles il était nu. Il geignait doucement, les deux mains croisées sur son ventre douloureux…

    Il s’évanouit…

    Soudain, il fut deux, tout petits, serrés l’un contre l’autre à l’abri de ce ventre rond, protégés par ces deux mains rassurantes, bien au chaud mais effrayés…De temps en temps un chaos plus fort que les autres le secouait pourtant ce n’était rien comparé aux coups qu’il avait pris pendant qu’on battait maman. Il tenta une fois encore de capter son attention… Comme d’habitude il n’y parvint pas. Alors il se focalisa sur la Protectrice. Il avait déjà réussi plusieurs fois à percer la carapace que la chose minuscule qu’on avait mise dans sa tête avait construite.

    Elle conduisait en silence, perdue dans ses pensées que lui, minuscule entité gémellaire fille-garçon, réussissait à lire malgré la chose dans son crâne, parce qu’elle les aimait lui et maman …

    Il ne captait pas très bien, il était encore trop petit mais il savait qu’elle s’appelait Gertrud et qu’elle venait de sauver maman d’un grand danger. Par le cordon ombilical lui était parvenue une saine et reconstituante nourriture : du lait chaud très sucré qu’elle avait introduit de force entre les lèvres serrées de maman à moitié évanouie. Il était temps ! Il s’était senti si faible depuis quelques jours -aujourd’hui surtout- qu’il avait failli abandonner la lutte pour survivre. Mais il ne pouvait pas mourir. Papa allait venir à son secours…Il avait souffert de chaque coup donné au ventre de maman. Il avait bien cru mourir cette fois mais Gertrud était arrivée à temps et elle avait tué l’araignée. Elle était très en colère… Il entendait les mots qu’elle lâchait par instant pour libérer son trop plein de rage : « Salope d’Andréa ! Qu’elle pourrisse en Enfer ! ». Et elle pleurait…

    Oui, la méchante femme était bien morte, il avait senti son aura de vie s’éteindre au moment même ou Gertrud la tuait.

    Tuer !

    Ce mot était horrible, il ne l’aimait pas ! Il n’empêche qu’il était heureux de ne plus avoir à craindre cette sorcière qui l’appelait bâtard sans savoir qu’il était deux ! Il lança un message à Gertrud pour qu’elle le rassure. Comme si elle l’avait entendu, elle se mit à chanter la berceuse que maman leur fredonnait inlassablement. Elle avait une grosse voix mais c’était tout de même bien agréable. Maman, elle, n’avait plus la force de la chanter…Puis il fut légèrement dérangé… Maman bougeait, elle se réveillait de son évanouissement. Gertrud dut s’en apercevoir car il l’entendit dire d’un ton presque joyeux :

    - Ça y est Mary, nous sommes libres, adieu Krépost’ 7 !

    Hawk sortit de cette nouvelle vision totalement bouleversé. Il sentait encore à la fois les couvertures de laine qui enveloppaient Mary et le liquide amniotique autour des jumeaux. C’était fou !

    - Félie, réveillez- vous ! Dit-il en la secouant légèrement

    - Que… Quoi…

    - Je sais !

    - Tu sais quoi ?

    - Je sais où était enfermée Mary !

    - Était ?

    - Oui, était ! En ce moment-même, elle est en route vers une destination que j’ignore encore, avec une certaine Gertrud qui était gardienne et qui s’est évadée avec elle.

    - Comment…

    - Je le sais ? Pendant quelques instants, j’ai été elle Félie ! Puis les jumeaux dans son ventre ! C’était étrange et si troublant ! J’étais mes enfants Félie, mes enfants ! Vous m’entendez !

    Elle le crut. La fréquentation des Mus l’avait habituée aux choses les plus incroyables. Et Hawk était le plus puissant d’entre tous puisqu’il avait hérité des pouvoirs de son mari.

    - Où est-elle alors mon fils ?

    - Quelque part en Russie. La forteresse dont elle vient de s’échapper s’appelle Krépost’7. La Forteresse 7 J’en ai déjà entendu parler, c’est de loin le plus dur des QHI répertoriés ! Il a été construit sur l’emplacement d’un ancien camp du Goulag, dans un des coins les plus pourris de la Sibérie, la Kolyma ! Il y fait un froid polaire presque toute l’année et c’est à l’autre bout de l’enfer.

    - Elle est si loin Hawk ! Si loin ! Comment et quand allons nous la retrouver si on ne sait même pas où l’emmène cette… Gertrud ? Dit-elle en éclatant en sanglots.

    - Ne pleure pas Mum’ ! Dit-il en la tutoyant pour la première fois.

    - J’ai si peur mon enfant, si peur ! Et si elle quittait le territoire Russe ! Et si…

    - Fais- moi confiance Félie ! Nous la retrouverons. Je sais à présent d’où partir pour retrouver sa trace et les petits nous guideront. Ils l’ont déjà fait, ils le fe…

    Il se figea soudain.

    Une nouvelle vision s’emparait de lui, prémonitoire celle-là, il en était sûr ! C’était le lendemain que ce qu’il voyait allait arriver.

     

    …Il faisait jour. Aussi jour qu’il peut le faire dans cette région du globe en cette saison. Gertrud conduisait l’esprit un peu plus serein. À présent, Mary était assise. Toujours à l’arrière, habillée de vêtements trop larges mais très chauds, les couvertures sur les genoux, elle avait le nez collé à la portière et les yeux levés elle regardait le ciel. Elle était maigre à faire peur. Sur son crâne horriblement rasé, des croûtes achevaient de sécher. Ceux qui l’avaient frappée n’avaient pas épargné son visage encore tuméfié. Ses pommettes saillantes, ses joues creuses, ses yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, son teint grisâtre, son cou décharné, la faisaient ressembler à une morte-vivante ! À une pitoyable rescapée d’un univers concentrationnaire !

    Il pleurait. De grosses larmes sillonnaient ses joues tandis qu’il regardait Mary par le rétroviseur intérieur. Il se rendit compte que c’était par les yeux de Gertrud qu’il le faisait. Que c’étaient par les yeux de Gertrud qu’il pleurait. Que c’était par sa main qu’il les essuyait rageusement…C’était par les oreilles de Gertrud qu’il entendait Mary marmonner.

    Il ou du moins, elle se retourna légèrement, un sourire attendri aux lèvres.

    - Étoile… Étoile… Bredouillait sa protégée.

    - Non Mary, pas étoile ! Soleil ! La corrigea-t-elle en riant. Il n’est pas bien beau ni très chaud mais c’est le soleil. Allez, répète après moi : soleil, articula-t-elle en détachant bien les syllabes.

    Elle parlait le français avec un accent germanique à couper au couteau.

    - So…leil. Ânonna Mary obéissante.

    Puis elle appuya légèrement les deux mains sur son ventre et murmura pour ses deux petits une douce litanie :

    - So…leil… Soleil… Soleil…

    Par le regard extasié et incrédule de Gertrud, Hawk assistait à ce prodigieux phénomène d’une mère communiquant avec ses petits. Son petit pour l’allemande qui ignorait qu’il y en avait deux. De ses paumes, en doux mouvements circulaires, elle les caressait, les rassurait et les réchauffait de la propre chaleur de ses mains, comme pour leur faire profiter du doux rayonnement de ce pâle soleil de mars qui réchauffait néanmoins son visage à travers la vitre de la voiture. Et elle leur répétait à mi-voix ce mot qu’elle venait d’apprendre :

    - Soleil… Soleil…

    - C’est ça ma chérie ! Soleil ! Je vais te montrer, tu vas voir ! Jubilait la femme au volant..

    Elle ralentit et stoppa au beau milieu du chemin bourbeux qui servait de route. Elle descendit, s’étira, huma l’air ambiant puis elle alla à l’arrière de son véhicule, un gros land-cruiser noir immatriculé en Russie. Elle ouvrit une grande valise de laquelle elle sortit une pile de vêtements. Elle ouvrit la portière arrière afin de s’asseoir près de sa passagère qu’elle emmitoufla chaudement : manteau épais, gants fourrés, bonnet. Mary se laissait faire, plus passive qu’un petit enfant. Gertrud était d’une patience angélique malgré l’envie récurrente qui la prenait de secouer « cette chose inerte » comme elle pensait encore par instant. Puis elle l’aida à descendre. La jeune femme tenait à peine debout dans ses bottes trop grandes alors elle la soutint. Il faisait très froid. Il pouvait sentir sur les joues de la grande et massive gardienne, la bise encore piquante de ce début de mars. C’est cependant en même temps que Gertrud qu’il se disait que Mary respirait enfin autre chose que l’air vicié de sa cellule exiguë, qu’elle voyait enfin autre chose qu’un minuscule rectangle de ciel étoilé parcimonieusement découpé par quatre hautes murailles. Et aussi que c’était la première fois qu’elle voyait le jour, le soleil et l’immensité du ciel - bleu ce jour-là - depuis son incarcération au QHI…

    Mary leva les yeux vers l’astre qui était à mi-course de son ascension dans l’azur. Elle cligna et répéta une fois encore :

    - So…leil… So…leil...

    Faisant jaillir dans son cœur comme dans celui de la protectrice une flamme de joie et d’espoir insensé. Elles restèrent toutes deux quelques minutes dehors, à aspirer l’air pur et glacé à grandes goulées, l’une enlaçant l’autre de ses bras forts et rassurants. Lorsque Gertrud sentit contre elle Mary flageoler sur ses jambes maigres, qu’elle la vit tremblante de froid et au bord de l’évanouissement sous cet afflux de bon oxygène, elle la porta dans la voiture, la fit manger et boire du café sucré très chaud. Lorsqu’elle eut tout avalé non sans mal - elle était encore très faible - elle l’allongea, lui mit un oreiller sous la tête et la recouvrit.

    - Repose-toi maintenant mein schatz ! Tout va bien !

    Puis elle se restaura à son tour et reprit le volant …

     

    Hawk s’ébroua. La vision s’était interrompue. Les dernières images qu’il avait eues étaient celle de Mary endormie à l’arrière de la voiture et celle d’un paysage morne et enneigé défilant derrière les vitres. Les larmes lui piquaient les yeux. Même s’il savait que c’était sans doute par pur réflexe animal, il avait vu Mary communiquer avec les bébés dans son ventre. C’était pour lui une espèce de miracle car hormis ces moments de grâce durant lesquels elle avait semblé s’animer, rien ne la différenciait des lobos profonds qu’il lui avait été donné de voir.

    Mary était en tous points semblable à eux, molle, apathique, aphasique, sauf quand elle posait ses mains sur son ventre et qu’elle « parlait » à ses enfants, prononçant laborieusement des mots dont, incroyablement, elle paraissait avoir assimilé le sens et la différence : étoile et soleil.

    Dans ces moments-là, il avait bien cru voir le regard éteint se rallumer et les yeux émeraudes de sa sirène retrouver un bref instant leur éclat passé.

     


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  • Mi-février, un commando organisait un raid astral dans la grande salle de réception de la Maison Blanche qui seule pouvait contenir le mensuel Conseil des Sages en son entier. Obéissant aux conseils de ses amis, Hawk n’en fit pas partie. « Le temps n’est pas encore venu de te montrer à visage découvert » lui dirent-ils.

    Cette opération-là, sans danger pour les Mus, fut également un succès. L’apparition instantanée de douze géants enveloppés d’une bulle bleue iridescente aux abords de la Maison Blanche puis à l’intérieur, fit d’abord lever un vent de panique chez tous ceux qui y assistèrent. Comment ne pas être terrifié par douze mutants encore plus grands que ce que les reportages sur leur arrestation avaient montré ? D’autant qu’ils flottaient à deux mètres du sol, impressionnants de force et de calme. Pour la plupart des témoins du prodige, c’était non seulement la première fois qu’ils voyaient ces démons d’aussi près, mais encore qu’ils étaient directement confrontés à leur diabolique pouvoir. Des démons qui les regardaient de haut - et pour cause- mais sans leur faire le moindre mal. Ils se contentaient de les fixer de leurs yeux si semblables et bleus. Ils les regardaient et leur parlaient sans remuer les lèvres. Paralysés par la peur, sans en comprendre vraiment le sens, ils écoutèrent les mots qui s’imprimaient directement dans leur cerveau et ils se sentirent aussitôt apaisés, comme guéris d’un terrible mal. D’aucuns s’avisèrent que les créatures ressemblaient plus à des dieux descendus tout droit de l’Olympe qu’à des ressortissants de l’Enfer et tous furent étrangement déçus de les voir se dissoudre sous leurs yeux comme par enchantement.

    La terreur des Sages fut plus grande encore lorsqu’ils se matérialisèrent au dessus d’eux et la crainte indicible qui s’empara d’eux, les bloquant sur leur siège, ne fut pas apaisée d’un regard, au contraire. Les douze paires d’yeux les fixaient, menaçantes. Les mots qu’ils entendirent dans leur tête, les images qui s’y imprimèrent, semèrent en eux la plus totale confusion. Adam lui-même n’eut pas à feindre beaucoup pour paraître aussi effrayé que les autres. Jamais il n’avait assisté à une telle démonstration de force de la part de ses amis. En effet, comme s’ils en avaient honte ou qu’ils en souffraient, ils faisaient très peu étalage de leurs incroyables talents, ne les utilisant qu’en cas d’extrême nécessité.

    Seul Solomon semblait de marbre, inaccessible à la peur. Goguenard, il regardait les autres en proie aux affres d’un tourment intérieur si violent, qu’ils en étaient devenus gris, les traits déformés de tics incoercibles. Certains pleuraient, d’autres se débattaient contre d’invisibles démons. Le Révérend regardait comme s’il savait ce qui leur arrivait et comme si lui-même n’était pas atteint. Ce qui était le cas. Les douze anges vengeurs avaient d’abord concentré leur pouvoir télépathique et hypnotique sur l’assemblée des Sages qui s’entre regardaient comme s’ils avaient appris d’épouvantables secrets les uns sur les autres. Là encore c’était vrai. Pendant quelques minutes, les Mus leur avaient donné la faculté de lire dans les esprits. En même temps qu’ils découvraient les plus noirs secrets de leurs congénères, ils pouvaient déchiffrer l’horreur que les autres ressentaient en découvrant les leurs : ambitions, corruptions, calculs sordides, vices inavouables, désirs terre à terre, jalousies, rancœurs, peurs cachées…

    C’est ce flot d’informations visqueuses affluant en vrac dans leur esprit qui les abattit plus sûrement que ne l’aurait fait une décharge paralysante de neutro mais c’est cela aussi qui les fit réaliser que le seul dont on n’avait pas étalé les noires pensées était Solomon. Lequel se retrouva aussitôt épinglé par cent paires d’yeux soupçonneux, devenant vindicatifs à la vue de son sourire ironique. Sourire qui s’effaça bien vite face à la pression quasi insupportable qu’exerçaient sur son esprit tous ces regards mauvais focalisés sur lui. Il perdit en un instant toute sa superbe.

    C’est ce moment précis alors qu’il était vulnérable, que choisirent les douze pour se rassembler au-dessus de lui et de lui seul, tout en maintenant leur emprise sur les autres. Il se leva tentant de fuir mais l’incroyable force mentale déployée par les Mutants et les regards accusateurs des Sages pesant sur lui, le maintinrent assis, cloué à son siège, comme enserré par de solides mais intangibles liens.

    Ainsi aidés par le pouvoir des géants qui le désignaient de l’index, les Sages toujours télépathes purent sonder profondément le Révérend et extirper de son cerveau malade, toute la noirceur qu’il abritait. La vérité la plus crue se fit jour. Ils découvrirent les motivations réelles de Solomon Mitchell, sa soif de pouvoir absolu née d’une mégalomanie galopante, ses manigances pour les maintenir sous sa funeste emprise, ses plus noirs desseins et ses pires exactions qui allaient du simple chantage, au meurtre pour asseoir sa domination sur le Gouvernement Unique. Pire que cela, ils apprirent tout des travaux qu’il menait en secret pour former un gouvernement selon ses désirs et une armée à la mesure de sa mégalomanie. Ils surent que le but poursuivi par Mitchell était leur propre élimination progressive de l’assemblée des Sages.

    Cet homme-là n’ambitionnait rien moins que de devenir le Maître du Monde !

    Les douze enfoncèrent le clou en dévoilant aux femmes et aux hommes déjà terriblement choqués, ce que leur idole déchue pensait d’eux. Ils en furent si mortifiés qu’ils sortirent enfin de leur hébétude et s’avancèrent en bloc vers Solomon, lui montrant un poing vengeur.

    Tout s’était passé dans le silence stupéfait qui avait suivi l’irruption magique des Mutants. Un silence lourd troublé par instant par les sanglots de ceux qui ne supportaient pas la vérité sur eux-mêmes dans le regard des autres. Mitchell savait ce qui s’était passé. Apparemment bien mieux renseigné que ses collègues, il savait presque tout des pouvoirs télépathiques et de suggestion de cette engeance du Diable. Il avait senti son cerveau trituré, malaxé, disséqué plus méthodiquement que ne le ferait jamais son analyseur de pensées et il n’avait pu s’en défendre. Il devinait ce que ces abrutis avaient découvert et qu’il devait démentir de toute urgence. Plus que jamais il haïssait ceux qui avaient permis cela Il se dressa de toute sa hauteur. Les Sages reculèrent d’un pas.

    - Bande d’idiots ! Ce n’est pas moi que vous devez craindre mais eux ! Hurla-t-il en pointant l’index là où s’étaient tenus les mutants quelques secondes plus tôt.

    Car ils n’étaient plus là. Ils avaient disparus aussi vite qu’ils étaient venus. À tel point que beaucoup pensèrent avoir été victime d’une hallucination collective. Mais alors… Tout ce qu’ils avaient entendu. Et vu ! Tout ce qu’ils savaient désormais les uns sur les autres, en particulier sur Solomon… Tout cela n’avait-il été que le fruit de leur imagination ?

    - Vous avez été manipulés ! Ne croyez pas ce qu’ils vous ont soufflé ! Ils veulent nous déstabiliser ! Vous ne vous rendez donc pas compte qu’ils cherchent à foutre le Gouvernement en l’air ?

    C’était peut-être vrai mais ce qu’ils avaient appris sur les autres, ce qui avait été dévoilé d’eux-mêmes était vrai aussi ! Jamais ils n’oseraient s’avouer les uns aux autres ce qu’ils avaient vécu.

    La disparition soudaine des Mutants leur avait ôté tout pouvoir télépathique et ils avaient beau s’épier, ils ne « lisaient » plus rien dans les esprits de ceux qui les épiaient de même. Ce qu’ils voyaient, c’était les relents de peur qui ternissaient encore les regards.

    - Ne vous laissez pas influencer par ces anormaux ! Ne les laissez pas détruire tout ce que nous avons eu tant de mal à construire ensemble ! Je vous en prie mes amis, ne me retirez pas votre confiance !

    Ils retournèrent s’asseoir mais le cœur n’y était plus. S’ils avaient rêvé, c’était un affreux cauchemar qu’ils avaient fait ensemble. Un cauchemar qu’ils n’étaient pas prêts d’oublier et qui laissait sans réponse un tas questions: avaient-ils réellement vu les géants dans leur bulle bleue ? Où était la vérité ? Qui mentait ? Qui manipulait qui ?

    Désormais, les graines du doute étaient semées.

    Elles allaient germer, pousser, grandir et envahir leurs pensées en permanence comme les mauvaises herbes finissent par envahir même les jardins les mieux entretenus.

    Le combat des chefs allait pouvoir commencer. Ils allaient d’abord s’épier et se dénoncer puis, avant d’être par trop affaiblis, ils allaient se liguer et comploter pour éliminer le plus dangereux d’entre tous : Solomon Mitchell ! Et même s’ils ne parvenaient pas à le détrôner, il y avait fort à parier que le Messie noir de la Maison Blanche, poussé dans ces derniers retranchements, allait commettre quelque irréparable erreur et se dévoiler. Le bel édifice gouvernemental unique qu’il avait patiemment construit en incontestable Maître de l’échiquier qu’il était, était à présent bel et bien fissuré. Il ne restait aux Mutants qu’à attendre qu’il s’écroule et qu’apparaisse enfin au grand jour l’imposture des Sages et de leur Maître.

    Hélas, il y avait eu des conséquences tragiques à ce magistral coup de force de la Roue. Des conséquences qu’elle n’eut pas le temps d’empêcher.

    Une centaine d’innocents qui étaient restés sur place, encore ébahis par l’apparition des Mutants dans leur bulle, se réunirent pour en parler jusqu’à plus soif, désireux de partager encore et encore cette magique expérience, oublieux de l’interdiction stricte de tout rassemblement, a fortiori devant le palais gouvernemental. Ils furent promptement arrêtés et emprisonnés sans autre forme de procès. Le lendemain, sur ordre de Solomon, ils furent extraits de leur prison et conduits par ses sbires dans des locaux secrets où ils furent interrogés sur ce qu’ils avaient vu. Le fait qu’ils aient osé encenser les mutants, qu’ils les aient considérés comme des héros, les rendaient suspects, voire complices de ces anormaux notoires. Ils furent torturés durant une semaine. Fous de douleur, ils finirent par avouer des crimes qu’ils n’avaient pas commis, dont celui grave entre tous de connivence avec l’ennemi. Ils allèrent jusqu’à dénoncer d’autres innocents.

    Solomon et les neuropsys à sa solde, essayèrent même sur quelques uns d’entre eux qui avaient le malheur de ressembler aux mutants, leur prototype d’analyseur psy, causant à leur cerveau d’irréparables et mortels dommages. Quand on eut soutiré des survivants les informations les plus diverses et les plus erronées, on se rendit compte que leurs aveux n’étaient d’aucune utilité alors on les exécuta et on jeta leurs corps martyrisés dans des fosses communes. Pour les familles on justifia ces disparitions en leur annonçant le départ de leurs proches pour des camps de travail éloignés. Une punition exemplaire, à la hauteur du délit commis : réunion illicite et protestataire devant la Maison Blanche.

    Adam catastrophé n’avait rien pu faire sans risquer de se trahir et de mettre en danger ceux qui l’entouraient dans sa mission. La Roue avait encore besoin de lui.


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  • Dimanche 4 mars 2059

     

    Hawk était dans un train. Grimé, méconnaissable, des lentilles marron cachaient ses prunelles azur. Une légère voussure dorsale le faisait paraître plus petit. Un teint plus clair et des cheveux châtains parachevaient la transformation, le rendant commun, presque falot même, comparé à ces géants à la peau cuivrée, à la chevelure d’ébène et aux yeux d’un bleu surnaturel que recherchaient toutes les forces gops de la planète. Il était donc anonyme parmi les autres voyageurs anonymes dont beaucoup étaient de ses semblables qui avaient adopté les mêmes subterfuges que lui afin de passer inaperçus. Jusqu’à leurs cartes d’identité électroniques qui étaient fausses mais parfaitement imitées et dûment validées par de hauts fonctionnaires faisant partie de leurs alliés.

    Ils évitaient le plus souvent les autostrades où la surveillance accrue était de rigueur bien avant que la chasse anti mutants n’ait été déclarée ouverte. Les contrôles s’y étaient multipliés. Ils s’étendaient désormais des grands axes aux routes secondaires Des barrages étaient installés très rapidement, sitôt qu’un véhicule suspect était signalé, le plus souvent sur simple dénonciation. Les interpellations arbitraires faisaient rage. Ceux qui en faisaient généralement les frais étaient des gens innocents. On arrêtait n’importe qui, n’importe quand, sous les prétextes les plus variés. S’ensuivaient, fouille des véhicules, interrogatoires longs et virulents allant jusqu’à des passages à tabac totalement injustifiés.

    Mais la raison essentielle qui leur faisait éviter les routes, c’était qu’obligés de vivre dans l’ombre, les Mus n’avaient pas de véhicules personnels. Ils ne le pouvaient pas ! La loi imposait que chaque voiture soit directement reliée au poste de surveillance du CDC (Center of Driving Control) qui non seulement attribuait les BACI (Brevet d’Aptitude à la Conduite Internationale) mais encore possédait toutes les données concernant chaque conducteur à travers le monde. Une surveillance très pointue, justifiée par les mesures anti pollution qui avait fortement restreint le parc automobile mondial et, par extension, le nombre de permis validés, donc de conducteurs. Ces restrictions servaient à présent fort à propos ceux qui les pourchassaient. Il leur aurait fallu un nombre très élevé de chauffeurs parmi les Élus ou encore parmi leurs amis « normaux » pour ce déplacement en masse, ce qui aurait multiplié d’autant les risques encourus.

    Les gops étaient sur les dents, prêts à tout pour arrêter un mutant ou un complice de ces salauds d’anormaux. Ils étaient même prêts à inventer des preuves pour avoir un beau suspect à présenter à ceux qui s’impatientaient. Il fallait donner du grain à moudre à leurs chefs qui râlaient de n’avoir rien à offrir à leurs supérieurs, eux-mêmes fortement énervés de ne pouvoir satisfaire aux demandes réitérées de pontes encore plus haut placés : arrêter un membre de la secte maudite quel qu’en soit le prix, en utilisant tous les moyens, même les plus coercitifs. Or, Dieu seul sait pourquoi, les contrôles dans les trains étaient assez limités. Savait-on en haut lieu, que les mutants pris séparément ou en petits groupes de deux ou trois, étaient beaucoup moins dangereux ? Que leur véritable pouvoir résidait dans l’union ?

    Un pouvoir encore très méconnu, qui faisait peur, surtout depuis la suicidaire intervention de l’un des leurs lors du procès de Mary-Anne Conroy-Defrance.

    Oui, le train était idéal pour les Mus qui pouvaient y voyager ensemble et en plus grand nombre disposant de cette façon d’un plus grand pouvoir en cas de danger. De surcroît, la toute puissante SNCM n’aurait pas apprécié une armada de gops armés jusqu’aux dents ! Un tel déploiement de force n’aurait pas fait bon effet dans un train.. Voilà pourquoi, entre autres solutions dont le bateau, Hawk et la plupart des membres de la Roue avaient choisi ce moyen de locomotion pour se rendre à leur cinquième Rassemblement. Confortablement installé, le casque audio sur les oreilles et faisant mine d’être absorbé par les images qui défilaient sur le mini télécran incorporé au dos du siège qui était devant lui, le leader tant recherché de la Roue pouvait se laisser aller aux pensées qui le tourmentaient. Pendant ce temps, ses amis eux, concentraient leur attention sur les autres voyageurs, sondant les esprits afin d’y déceler la plus petite ombre de suspicion à leur encontre, ou cherchant à repérer l’éventuelle présence de gops en civil dans le convoi.

    Depuis El Oued, ses enfants l’appelaient presque chaque nuit. Le jour aussi parfois, lorsqu’il permettait à son attention de tous les instants de se relâcher un peu. Un appel, c’était ainsi qu’il ressentait, tripes nouées et cœur battant, les signaux ténus qu’il captait lorsque le silence de la nuit recouvrait toute chose. Même infime, c’était dans ces moments de calme, quand toutes les tensions de la journée se dissolvaient, qu’il entendait le plus clairement cet appel. Un SOS lancé par deux minuscules balises à travers l’espace. Ses enfants ! Grâce à eux, il percevait de nouveau l’aura de Mary, sombre et fragile lueur tenacement entretenue par les jumeaux dans le trou noir qu’était devenu l’esprit de leur mère. C’était comme une flamme vacillante qui menaçait de s’éteindre à chaque instant.

    En comptant sa détention provisoire, voilà presque six mois qu’elle était enfermée. Bientôt sept qu’elle était enceinte ! Il imaginait sans peine son ventre alourdi. Il se souvenait avec une diabolique précision de sa douceur satinée sous ses lèvres et sous ses mains… Qu’en était-il à présent de ses formes généreuses ? Que restait-il de sa radieuse beauté ? On l’avait rasée, dépouillée de sa dignité, de son humanité. Elle devait souffrir du confinement, du manque de soin, de malnutrition et ses petits, parce que la nature le voulait ainsi, pompaient leur quote-part de ce peu qu’on devait lui accorder pour sa subsistance !

    Ô oui, il la revoyait belle, épanouie, pleine de vie ! Mais il n’osait l’imaginer telle que la lobotomie et six mois de régime QHI l’avaient rendue. Il n’osait penser à ce que ses geôliers allaient lui faire lorsqu’elle aurait accouché. S’ils la laissaient accoucher !

    Les noms des jumeaux s’étaient imposés à lui avec force, comme si les bébés eux-mêmes les lui avaient soufflés : Océane pour sa fille, Petit Faucon pour son fils. C’est donc ainsi qu’il les appelait chaque jour, leur lançant chaque fois le même vibrant message, sûr qu’ils le recevaient puisqu’ils étaient capables d’émettre. « Tenez bon mes petits ! » Les suppliait-il car il sentait qu’en dépit de ses constants encouragements, leurs deux petites lumières en même temps que celle plus fragile encore de leur mère, s’atténuaient dangereusement. La preuve, ils émettaient de plus en plus faiblement.

    D’autres pourtant se joignaient à lui aussi régulièrement que le leur permettaient leurs incessants déplacements, pour soutenir ces deux petits êtres qu’un destin cruel allait peut-être empêcher de naître. Félie tout d’abord que l’annonce de leur existence avait décidée à rejoindre son beau fils, faisant fi de son immense lassitude.

    L’absence de Mary la minait terriblement et elle avait envie de partager avec celui qui l’aimait le plus en dehors d’elle, l’espoir tenace qu’elle entretenait de retrouver sa fille et de voir venir au monde ses petits-enfants. Brave Hawk était là lui aussi pour épauler son fils dans l’épreuve qu’il traversait. Blue Moon, elle, était restée dans la tribu de son mari où elle faisait fonction de médecine-woman et d’accoucheuse mais, « je suis avec vous par l’esprit » disait-elle. Il y avait enfin ceux de ses fidèles qui l’accompagnaient partout depuis sa première rencontre avec Mary sur la falaise bretonne : Fleur de Lune sa sœur jumelle, Loup, Jeronimo, Déborah et Vent d’été.

    Fleur de Lune était accompagnée de Lazaro qu’elle avait épousé juste une semaine avant leur départ pour ce cinquième Rassemblement. Quant à Loup il était positivement couvé par Jézabel qui refusait de le quitter d’une semelle. Une Jézabel dont les facultés paranormales s’affirmaient en même temps que son ventre s’arrondissait

    À ce petit groupe fortement soudé par le souvenir de la « Sirène » comme ils l’appelaient entre eux, s’adjoignaient aussi souvent que possible, Brise et Nuage avec leur petit Patrick qui grandissait et ne tarderait pas à avoir une petite sœur ainsi que Jean-Hubert chaque fois que sa profession d’architecte lui en laissait le loisir, comme c’était le cas pour ce voyage. Hawk le comptait désormais pour l’un de ses meilleurs amis.

    Lorsqu’ils se réunissaient, formant le cercle rituel leur pouvoir télépathique se trouvait amplifié par les sentiments très forts qu’ils portaient à l’absente, alors ils émettaient vers cette source indéfinie d’où provenaient les signaux des jumeaux, donnant ainsi à Hawk la possibilité de les capter un peu plus clairement. Mais l’espèce de bip bip qui leur parvenait ne leur permettait encore aucune localisation précise. L’émission était confuse.

    Hawk savait que cette mauvaise perception ne pouvait être que l’effet des antennes de brouillage dont lui avait parlé Adam. Cependant une certitude s’ancrait en lui sans qu’il sache d’où elle lui venait : bientôt, il saurait où était Mary.

    Bientôt ! En attendant, il avait demandé aux membres de la Roue et à ses proches, de feindre la plus totale indifférence lorsqu’était mentionnée Mary-Anne Conroy-Defrance, même en présence de normaux fraîchement ralliés. Nul ne devait se douter qu’elle avait, effectivement pour leur mouvement, l’importance que son procès avait voulu donner à penser au public. Ils ne devaient montrer aucune tristesse, lorsque quelqu’un évoquait sa mort probable, aucune colère si l’on faisait état de l’iniquité flagrante de son procès. Ils ne devaient même pas laisser voir la légitime admiration que son plaidoyer avait suscitée.

    « Bien sûr, elle avait été formidable mais enfin, ils ne comprenaient pas le battage énorme qu’on avait fait autour de cette femme qu’ils ne connaissaient pas ! »

    Ils devaient même s’interdire de prononcer son nom devant quiconque n’avait pas fait la preuve formelle de son profond et durable attachement à la cause des Mutants. Nul traître potentiel ne devait soupçonner qu’ils la recherchaient activement. Nulle oreille indiscrète ne devait apprendre, même par hasard, qu’elle était Devenue Mary-Anne-Bluestone, épouse du leader de leur mouvement. Un leader dont au demeurant ils ne pouvaient dévoiler l’identité qu’à des ralliés fiables à cent pour cent. L’éventualité qu’un espion à la solde du Gouvernement Unique ait pu les infiltrer était plus que faible mais ils ne voulaient pas courir le moindre risque que Solomon Mitchell recommence à s’intéresser de trop près à la recluse à vie. Il fallait que l’âme damnée de la Maison Blanche finisse par croire que Mary-Anne Conroy-Defrance n’intéressait plus personne et que son sort laissait les mutants et leur chef indifférents.

    Il fallait qu’il se dise qu’en somme, il avait fait un mauvais calcul en la faisant arrêter et interner. Jusqu’à présent et selon les informations fournies par Adam, ce stratagème semblait fonctionner.

    Si dans les premiers temps qui avaient suivi son arrestation puis son procès et son incarcération, Solomon avait bien pensé à se servir de la jeune infirmière comme appât au vu des aveux-même de sa meilleure amie concernant ses relations avec les mutants, il avait rapidement abandonné cette idée. Un seul avait tenté de la sauver et s’était suicidé avant qu’on ait pu l’interroger sur ses amis.

    Son amant sans doute. Un fou qui ne pouvait être le meneur de cette bande de dégénérés !

    Son autopsie n’avait rien révélé sur le poison qu’il avait utilisé et son cerveau en bouillie n’avait hélas pas pu être analysé ! Il faisait toujours surveiller Surprise Andrevski, la femme qui s’était rétractée après avoir dénoncé sa meilleure amie. Il surveillait également le mari et son copain architecte qui avaient élevé la voix pendant le procès. Ce dernier bougeait tout le temps et on ne savait jamais ni quand ni où il allait partir ni quand il allait réapparaître. En dehors de ses chantiers, il menait une vie de patachon : alcool, sexe et même drogue selon ses informateurs mais à l’évidence, aucun lien avec les mutants. Et s’il avait toujours défendu la femme c’était uniquement parce qu’il avait failli se marier avec elle. Il en avait été follement épris avant d’apprendre ce qu’elle était réellement ! Un fiancé bafoué, voilà ce qu’il était affirmait-il et il paraissait être de bonne foi. Donc rien à attendre de ce côté.

    Rien de suspect non plus pour l’instant dans le comportement irréprochable des époux Andrevski. Lui, continuait à exercer avec un talent reconnu bien au-delà des frontières françaises, sa profession de chirurgien, partagé entre son service à Hippocrate et ses nombreuses conférences dans le monde. Elle, avait cessé de travailler à la naissance de sa fille dont la fragilité nécessitait sa présence constante.

    La thérapsy et la mère de la criminelle avaient toutes deux disparu de la circulation sans laisser la moindre trace, ce qui en faisait des coupables présumées activement recherchées au même titre que les mutants.

    Faute de résultats probants avec sa « chèvre », il avait fini par oublier jusqu’à ce numéro de matricule qu’on lui avait tatoué sur le front. Même jusqu’à son dossier dont il possédait la carte à puce originale dans le coffre personnel de son bunker. Quelle pourrisse dans son trou ! Elle était au moins coupable d’anormalité et à ce titre méritait amplement le sort que la justice lui avait réservé. Il se consacrait donc pleinement à sa marotte première : réussir par tous les moyens à capturer ne serait-ce qu’un mutant. L’analyse de son précieux cerveau lui donnerait toutes les informations dont il avait besoin pour mettre enfin la main sur le chef de la secte maudite. En le tenant lui, il les détruirait tous !

    Selon Adam, telles étaient les visées actuelles de Solomon.

    Tout à ses réflexions, Hawk avait fini par s’endormir, bercé par le staccato des roues sur les rails. Sur le coup de 6h, il se réveilla soudain, plié en deux par une douleur intense à l’abdomen. Il avait l’impression qu’on lui arrachait les tripes. Tenaillé par la souffrance, il en avait le souffle coupé. Sa voisine qui n’était autre que Félie, elle aussi grimée et méconnaissable, sortit brutalement de sa somnolence agitée. Elle le regarda, inquiète de sa pâleur :

    - Ça ne va pas mon petit ?

    - On dirait que je viens d’être roué de coups de pieds dans le ventre et…

    Il ne put terminer. Une nouvelle vague de douleur le submergeait tandis que l’intolérable vérité s’imposait à lui, rendant la souffrance qui l’assaillait plus intense encore.

    - C’est Mary… C’est ma femme qu’on frappe… Hoqueta-t-il en vomissant un flot de bile.

    - Oh mon Dieu ! Gémit Félie devenue aussi blanche que de la craie.

    Hawk s’était rabattu contre le dossier. Il n’entendait plus sa compagne. Il ne la sentit pas lui essuyer la bouche. Perdu dans une espèce de transe, les yeux vitreux, il voyait sa femme, son amour et son cœur saignait.

    Il la voyait prostrée, gémissante sur le sol humide d’un lieu sombre et glacial. Il la voyait tentant de protéger ses petits de ses deux mains croisées sur son ventre nu tandis qu’on la tabassait en s’esclaffant. Il entendait les ricanements lubriques de ceux qui la violaient à tour de rôle…

    Il entrevit un bref instant la monstrueuse araignée au visage de femme, au centre de sa toile gluante, qui riait plus fort que les autres en regardant le spectacle de Mary, torturée et violée…Il ne put retenir un cri de rage et de désespoir qui fit se retourner sur lui des voyageurs assoupis.

    - Calme toi mon petit ! Lui murmura Félie en l’entourant de ses bras. Puis plus haut à l’adresse de ceux qui regardaient vers eux :

    - Il a fait un cauchemar, il vient de perdre sa femme. Un stupide accident de montagne. Excusez- nous !

    Les quelques curieux que le cri de Hawk avait réveillés, marmonnèrent un vague « condoléances ! » avant de replonger dans leur douce quiétude. Hawk ne se rendait pas compte que les larmes coulaient sur ses joues.

    - Dis-moi mon petit ! Je t’en prie, dis-moi ! Qui frappe Mary ? Supplia Félie à mi-voix.

    - Je ne peux pas Mum’… Je ne peux pas…

    - Elle n’est pas….

    - Non ! Oh non ! Mais…

    - Quoi ? Parle bon sang !

    - Ils… Ils… Je les tuerai, tous !

    Il pleurait. Lui, l’homme grand, fort, inébranlable, il pleurait sur sa femme. Sur sa déchéance. Il pleurait pour ce qu’on lui infligeait et qu’il n’osait avouer à sa belle-mère.

    Elle en mourrait si elle apprenait ce qu’il avait vu : Mary dénudée, avilie, couvertes de bleus et de plaies, maigre à faire peur, violée par deux monstres à la fois. Mary, sa femme, si belle et pure, réduite à l’état de poupée de chiffon, molle et soumise aux outrages, dont le seul réflexe encore humain était de protéger ses petits comme le font les femelles chez les animaux. Mary, sa sirène aux yeux d’émeraudes et aux cheveux d’or à jamais souillée par ces ignobles brutes sous le regard concupiscent d’une autre femme… Mary qu’il aimait toujours et plus que jamais… Mary qu’il allait retrouver, grâce aux jumeaux, si du moins elle survivait, avec les bébés qu’elle attendait, à ce qu’on lui faisait subir.

    Il sut d’instinct que la sadique femelle qui se repaissait de la souffrance de son épouse ne faisait qu’un avec l’ombre maléfique de ses derniers cauchemars et que c’était à l’imagination de quelqu’un d’autre, qu’il devait l’apparition de cette femme sous la forme hideuse d’une araignée à visage humain. Il ferma les yeux espérant la visualiser de nouveau. Il voulait graver à jamais ses traits obscènes dans sa mémoire… La retrouver… La tuer… Mais ce ne fut pas elle qu’il vit. Une ombre surgissait, emplissait le lieu sombre et humide de sa présence…protectrice ! Elle était blanche, animée d’une froide colère. Elle prit consistance et forme. C’était une autre femme, grande, massive qui pointait une arme meurtrière. C’est elle qui avait imaginé l’autre en araignée hideuse et velue.

    Elle tira…Dans l’esprit Hawk, tout devint noir…

    Il sortit de cette nouvelle et brève transe visionnaire envahi d’une profonde certitude. Mary allait quitter sa prison. Aujourd’hui même. Et elle n’allait pas mourir ! C’était la première fois qu’il « rêvait » éveillé. La première fois qu’il faisait plus qu’entrevoir comme cela lui était déjà arrivé mais qu’il voyait, réellement et que sa vision était si claire, si cruellement précise, à la fois chargée d’horreur et d’espoir insensé !

    - Nous allons la retrouver Félie !

    - Quoi… Que… Quand ? S’exclama-t-elle.

    Et ce fut à lui de la calmer car déjà les regards se tournaient de nouveau vers eux curieux et quelque peu agacés qu’on trouble ainsi leur tranquillité. Il la serra contre lui et raconta… Elle s’effondra, inconsolable. Il la réconforta :

    - Félie ! Félie ! Elle sera libre ! Aujourd’hui !

    - Comment sais-tu ?

    - Je sais, j’en suis sûr !

    - Où est-elle ?

    - Je ne sais pas encore !

    - Mais alors…

    - Je saurai très bientôt ! Aujourd’hui même peut-être !

    - Quand irons-nous…

    - Dès la fin de ce rassemblement, nous irons la chercher.

    - Promis ?

    - Promis !

    La douleur refluait. Il se sentait vidé. Il s’adossa, referma les yeux et sombra d’un seul coup dans une espèce de semi inconscience au creux de laquelle il percevait par instant des gémissements… Les siens ou ceux de Mary ? Il en sortit vers le soir, pas vraiment mieux mais du moins un peu reposé et l’esprit plus clair. Le long voyage se poursuivait. Félie, les yeux encore gonflés, dormait contre son épaule. Car c’était en effet un long voyage qui les emportait sur les lieux de ce nouveau rassemblement où l’attendaient déjà bon nombre de Mus, d’Élus et d’alliés de leur cause. Cela lui donnait largement le temps de repenser aux évènements récents qui avaient marqué la progression du mouvement.

    Comme il se l’était fixé, fin janvier ils avaient pris le contrôle de TV7, principale chaîne de télé mondiale jusqu’alors à la botte du Gouvernement Unique. Déjà bien infiltrée, elle était désormais aux mains de la Roue, gérée par un staff composé pour moitié de Mus et d’Élus. Les reporters, journalistes et autres envoyés spéciaux, étaient tous soit des Élus, soit des normaux « retournés ».

    Le PDG quant à lui, était un rallié pur et dur à la cause des Mutants, totalement insoupçonnable aux yeux des autorités, tant les propos qu’il tenait en public étaient conformes à ce que l’on attendait d’un dirigeant de chaine étatique. TV7 continuait par conséquent à donner le change. La passation de pouvoir entre l’ancien et le nouveau président s’était d’ailleurs faite avec l’aval des Sages.

    Hawk espérait avoir trompé Solomon Mitchell aussi bien qu’il y était parvenu avec les autres membres du gouvernement.

    La prise de contrôle médiatique ne s’était pas arrêtée à TV7 mais s’était étendue à quelques autres médias influents.

    Toute l’opération s’était déroulée sans coup férir grâce à l’hypnose profonde à laquelle avaient été soumises pendant plusieurs semaines et sans même s’en rendre compte, toutes les personnes qui travaillaient dans ce milieu : techniciens, journalistes, rédacteurs en chef, présentateurs, animateurs, annonceurs, producteurs…

    De la même façon, la Roue s’était assuré la main mise sur une bonne partie du réseau Internet mondial.

    En définitive, l’opération baptisée « Media net » s’était avérée être la première victoire d’importance dans la guerre larvée qui opposait Les Mutants à Solomon Mitchell et ce dernier ne le savait même pas. Mais contrairement à lui, fidèles à leur éthique de non violence, eux n’avaient pas eu recours au meurtre pour s’imposer.


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