• Chapitre 6

    4 octobre, Tribunal de Lille

     

    9 h. C'était le dernier jour du procès de la sorcière et l'affluence extraordinaire des premières journées ne s'était pas démentie. Il y avait foule dans la salle d'audience et foule plus grande encore dehors. Comme prévu, le Monde avait les yeux braqués sur Lille. Le maire avait déjà répondu à plusieurs interviewes. Il se rengorgeait, flatté de la renommée que ce procès donnait à sa ville. À lui donc par extension !

    - J'ai marié sa meilleure amie. Je l'aurais mariée elle aussi si son fiancé ne s'était pas rendu compte à temps du piège horrible dans lequel elle allait le faire tomber. Pauvre garçon ! Jean-Hubert du Mercy de Combarant est mon ami vous savez. Et l'un des plus talentueux architectes de notre époque ! Il ne méritait pas ça ! Déclarait ce fourbe auquel ni Hubert ni Alexeï n'adressait plus la parole depuis.

    Dès l'ouverture de l'audience, les témoins se succédèrent à une cadence infernale, prêtant serment et jurant de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Leur interrogatoire par l'accusation était bref et concluant. Il n'y eut aucune interruption de séance pour vice de procédure, aucune objection, aucun contre-interrogatoire de la part de Mary-Anne, fidèle à sa ligne de conduite.

    Sans compter ses amis et leur famille, quarante personnes avaient été appelées à la barre durant les trois premiers jours. Ses voisins de pallier, ses supérieurs, ses collègues et autres connaissances plus vagues dont certains de ses patients qu'elle avait oubliés mais qui eux, s'étaient souvenu fort à propos des erreurs qu'elle avait commises lorsque le Pouvoir avait commencé à se manifester, en les soulignant bien sûr d'un lourd trait de soufre...

    Comme les autres en dehors de ses amis, ils étaient aux ordres de l'accusation. Sur les vingt derniers qui défilèrent le matin de ce quatrième jour et qui jurèrent l'avoir vue s'adonner à des pratiques réprouvées, il n'y en avait pas un qu'elle connaisse ne serait-ce que de vue !

    Quand le tout dernier eut comparu - un homme d'une quarantaine d'année qu'elle ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam- et que, des larmes dans la voix, il eut répondu avec une diabolique précision aux questions dirigées de l'Avocat général, elle demeura quelques secondes abasourdie. Celui- là avait été un chef-d'œuvre de perfection mensongère en se présentant comme l'un de ses anciens amants ! Lequel, malgré l'amour qu'il lui portait selon son propre aveu, avait fini par la quitter parce qu'il la trouvait un peu…bizarre.

    - Qu'entendez-vous par bizarre ?

    - Ben…. Heu…

    - Elle répondait à des questions que vous n'aviez pas encore posées ?

    - Oui, c'est ça !

    - Elle déplaçait des objets sans les toucher ?

    - Exactement !

    - Elle vous a guéri une belle coupure rien qu'en la touchant avez-vous déclaré !

    - Euh… Ben oui …

    - Elle vous faisait peur n'est-ce-pas ?

    - Très peur !

    - Vous sentiez qu'elle était anormale ?

    - Oui !

    - Alors vous avez décidé de la quitter avant qu'elle ne vous pervertisse !

    - Oui monsieur !

    - Merci, je n'ai plus de questions monsieur le Président.

    Le témoin est à vous mademoiselle Conroy-Defrance. Comme je l'ai fait précédemment pour les autres je me dois de vous inciter fermement à pratiquer un contre-interrogatoire mais je suppose que vous allez maintenir votre aberrante ligne de conduite n'est-ce-pas ?

    - Tout à fait ! Pas de question monsieur !

    Son faux amant se tourna vers elle, suppliant. Un comédien lui aussi, grassement payé sans doute mais qui n'avait manifestement pas eu le temps d'apprendre son texte aussi parfaitement que les autres :

    - Pardonne moi Marie-Ange, pardonne moi, je t'en conjure ! Je t'ai tellement aimée tu sais mais ça ne pouvait pas continuer comme ça, tu me comprends j'espère !

    - Vous voulez sûrement dire Mary-Anne ? L'avait repris le Président.

    - Heu… Oui…. Avait-il bafouillé, confus. Excusez-moi Monsieur, c'est… C’est l'émotion vous comprenez ?

    - Je comprends ! Bien ! Pour la dernière fois, mademoiselle Conroy-Defrance, n’avez-vous vraiment aucune question à poser au témoin ?

    - Ce clown inconsistant ? Non monsieur le Président ! Il semble que l’accusation se soit jusqu'à présent contentée de tous les mensonges débités au cours de cette granguignolade non ? Alors pourquoi en rajouter ?

    - Vos insinuations sont un outrage à cette Cour mademoiselle ! Le Jury et moi-même, nous en tiendrons compte, soyez en sûre ! Si vous continuez sur ce ton nous allons vous faire…

    - Sortir ? Je vous en prie, faites donc monsieur ! C’est en effet l’usage contre les trublions, n’est-ce-pas ? Et puis, qu’ai-je besoin d’être là ? L’affaire est faite quoi qu’il en soit alors vous pouvez aussi bien vous passer d’une fauteuse de troubles telle que moi !

    Pâle de rage, il la fusilla du regard. Cette démone bafouait le Tribunal ! Pire elle le tournait en ridicule, lui, le Président et il avait vraiment envie de la faire ramener manu militari à sa cellule avant qu’elle ne réussisse à retourner l’opinion publique en sa faveur. Mais il savait bien qu'il ne le pouvait pas ! Elle n’était pas un membre frondeur du public mais l’accusée en même temps que son propre avocat et en tant que telle, elle devait être présente et tout entendre afin de posséder tous les éléments utiles à sa défense. Il fulminait intérieurement d’être contraint de respecter cette inhabituelle procédure aussi poursuivit-il en s’efforçant au calme :

    - Loin de vous servir, votre attitude sarcastique parle contre vous, vous savez ! Bien ! Avez-vous d'autres témoins à nous proposer ? Et j'insiste sur le fait que c'est votre dernière chance ! Greffiers, veuillez notez cela s'il vous plaît !

    - Aucun et j'insiste sur le fait que cette dernière chance que vous m'offrez serait une perte de temps inutile. Greffiers, veuillez noter cela s'il vous plaît !

    Cet assaut d'humour inattendu de la part d'une accusée jusqu'alors marmoréenne et qui se permettait pour la première fois depuis le début de son procès, un demi-sourire ironique, déclencha quelques gloussements dans la salle. Piètre victoire ! Ils furent vite noyés par les murmures indignés. Le Président abattit son marteau et d'un coup sec fit taire tout le monde.

    Les jurés eux, ne riaient pas. Pas même l'ombre d'un sourire n'éclairait leurs mines sévères. À aucun moment au cours des jours précédents, ils ne s'étaient départis de leur attitude hostile.

    Combien les avait-on payés pour jouer ce rôle ?

    Car il ne pouvait s'agir que d'habiles comédiens eux aussi, pour posséder une telle maîtrise de leurs traits, figés en permanence en un masque dur et réprobateur chaque fois qu'ils la regardaient !

    Les preuves qu'on leur avait montrées - des faux qui avaient l'air si vrais- auraient de toute façon suffi à retourner les plus hésitants, s'il s'était trouvé parmi ces hommes et ces femmes, un seul d'entre eux qui soit un honnête citoyen tiré au sort comme il se doit !

    À midi le Président proclama une suspension, le temps pour chacun d'aller se restaurer en discutant âprement le bout de gras. Bien qu’à son sens, il n'y ait pas matière à discussion. Aucun doute n'était permis, cette femme était coupable !

    Lui en tous cas, il avait faim !

    On l'enferma sous bonne garde. Elle eut droit à une de ces misérables galettes hyper protidiques qu'elle abhorrait, accompagnée d’un verre d'eau tièdasse. À croire qu'on l'avait fait tiédir tout exprès à son intention. Elle savait bien que les distributeurs qu’elle avait repérés dans la salle des pas perdus, fournissaient une eau pure et fraîche à souhait ! Elle fut suivie jusque dans les toilettes pour dames où elle demanda à se rendre pour se soulager et se rafraîchir un peu. Ensuite, elle somnola assise entre ses deux gardiens en attendant la reprise des débats. Elle était épuisée, vidée par ce mois de détention qui l’avait amaigrie et par ce procès qui avait tout du marathon. Elle sentait la pression insistante de Hawk sur son esprit fatigué mais elle tint bon.

    À 14 h le spectacle reprit. Dans le but d'étayer la thèse de l'anormalité qui constituait le plus lourd des chefs d'accusation, le Procureur appela trois experts: un neurologue, un neuropsy et un neurochirurgien. À sa demande et dans leur domaine respectif, ils firent l’un après l’autre un brillant exposé de leurs expériences sur les cerveaux des mutants, décrivant surtout les différentes phases de la lobotomie.

    Scanographies à l'appui, ils firent ressortir les disparités évidentes - du moins pour eux - entre le cerveau d'un normal et celui d'un mutant avant l'opération. Ce que chacun put voir, c'est qu'un cerveau de mutant était effectivement un peu plus gros que la normale, en raison justement, d'un développement de certains lobes, le frontal notamment, considéré comme anormal par ces doctes messieurs.

    - Voilà bien une preuve visible de leur anormalité ! D'où la nécessité d’opérer le fameux lobe hypertrophié ! Dirent-ils.

    Leur conviction en la matière était tangible, leur sincérité, troublante même pour les plus sceptiques. Plus convaincant encore fut le film des lobos au travail, robots obéissants, apparemment en bonne santé, bien traités, bien nourris. Heureux en somme comme peuvent l'être des animaux domestiques.

    - Ce qui, après tout, est bien bon pour ces anormaux qui n'en méritent pas tant ! Conclurent-ils

    - Messieurs, vous n'avez pas à prendre partie! Leur rappela le Président. Mais intérieurement, il les applaudissait des deux mains et il n'était pas le seul !

    Au terme de ces savantes démonstrations, prenant un peu d'avance sur son réquisitoire, la désignant d'un index accusateur et appuyant sa tirade d'un théâtral effet de manche, l'Avocat général clama :

    - En guérissant l'un d'entre eux par je ne sais quel diabolique procédé, cette femme s'est rendue coupable d'un double crime. Car c'est en le guérissant qu'elle lui a permis de guérir tous les autres, les ramenant ainsi à leur criminelle anormalité ! Ce faisant, elle a directement causé la mort atroce de huit-cents innocents, tous loyaux serviteurs de l'Ordre public et de la Justice.

    - Ça suffit ! Assez de mensonges !

    La voix qui tonnait ainsi était déformée par la colère.

    Un homme s'était dressé, grand, impressionnant et malgré ses prunelles marrons, ses yeux étincelant de rage lançaient des éclairs bleus. Mary prit peur. Si c'était…Non ! Ce n'était pas lui, il n'était pas fou ! Mais c'était bien un Mu. Par quels subterfuges avait-il réussi à déjouer l’étroite surveillance déployée autour du tribunal et même à pénétrer dans la ville où les contrôles s’étaient multipliés ?

    L'insensé ! Son intervention soudaine avait frappé la salle de stupeur. En une fraction de seconde, elle le reconnut. C'était Antonio !

    Déterminé à lui venir en aide coûte que coûte comme elle l'avait fait pour lui, il avait passé outre aux ordres de la Roue, à ceux de Hawk surtout qu’il s’était pris à haïr de privilégier l’avenir du mouvement plutôt que celui de sa propre épouse! Il la sacrifiait. Ils la sacrifiaient tous. Il les maudissait de rester terrés à ne rien faire alors que lui ne pensait qu’à la sauver. Pour y parvenir, il s'était fermé aux siens. Même sa femme n'était pas au courant de son projet fou de tenter l’impossible pour libérer l’Élue. Peu à peu l'affection qu'il ressentait pour sa salvatrice s'était mué en un sentiment plus fort et plus tendre avant de devenir de l’amour. Un amour insensé qui avait peu à peu oblitéré tout le reste : la Roue, sa femme et ses enfants, son indéfectible amitié envers le Faucon…Tellement fort et fou qu'il avait fini par obscurcir totalement son jugement, le poussant à une action irraisonnée autant que suicidaire.

    Désespérée, elle lut tout cela dans son regard halluciné posé sur elle. Elle n'eut pas le temps de lui lancer un avertissement télépathique que déjà, il était cerné par dix gops décidés qui braquaient sur lui leur neutro, prêts à s'en servir. Les autres gardes affectés au procès, une centaine, pas moins, scrutaient le public pour voir s'il avait des complices. Au fond de la salle, un cordon armé se posta immédiatement devant la monumentale porte à double battants, barrant ainsi la seule issue possible.

    La majorité de l'auditoire s'était levée. Les gens s'observaient les uns les autres, tremblant de découvrir en leur voisin un de ces monstres honnis. Une femme terrorisée tenta de s'enfuir, elle fut aussitôt maîtrisée et neutralisée par une décharge qui, quoique légère la jeta à terre sans connaissance.

    Des cris s'élevèrent. Un vent de panique soufflait sur le tribunal.

    - Que personne ne bouge ! Restez assis ! Hurla le Président, lui-même debout derrière son pupitre.

    Vert de peur, il brandissait son marteau comme une arme dérisoire. Presque tous obéirent et ceux qui refusèrent, suppliant qu'on les laisse sortir, furent rassis de force par des gops menaçants. Des cris hystériques, des pleurs, des vociférations et des protestations vigoureuses fusaient de tous côtés.

    - Silence ou je fais évacuer la salle ! Brailla encore le Président d'une voix que la peur rendait stridente, sans se rendre compte que cet ordre là, contredisait le premier.

    Quand la voix furieuse d'Antonio avait retenti, Mary elle aussi, s'était levée mais les deux gops chargés de la surveiller l'avaient presque assommée d'une giclée neutralisante tandis qu’un troisième monté à la rescousse dans le box, la tenait à présent en joue. Même menottée elle était considérée comme dangereuse. Elle ne voyait donc plus grand chose de ce qui se passait dans la salle. À moitié dans les vapes, aurait elle pu empêcher ce qui se produisit alors ? Elle ne le saurait jamais.

    Profitant du chaos général, Antonio abattit d'un coup deux des gops qui le serraient de près d'un double éclair meurtrier jailli d'entre ses iris redevenus bleus puis, d'un bond prodigieux, il se catapulta vers le pupitre du Président. Ceux qui le virent faire, incapables de réagir, les yeux exorbités, purent par la suite dire qu'ils l'avaient vu, s'élever à un mètre du sol et s'envoler littéralement.

    C'était bien la première fois que tant de monde d'un coup était confronté de visu au pouvoir contre-nature des adeptes de la secte maudite. Un pouvoir qui leur venait du Diable, assurément ! Un pouvoir effrayant et qui pouvait tuer !

    Ce que tous ignoraient, c'est que c'était également la première fois qu'un Mu faisait usage de ce pouvoir-là. S'ils en avaient connaissance, jamais aucun d'entre eux ne s'en était servi. La Roue le leur interdisait et leur profond pacifisme faisait le reste. Mais Antonio était au-delà de toute morale. Il avait subi, la lobotomie et l'internement. Il avait connu la douleur, l'humiliation puis la guérison par les mains de cette douce jeune femme pour laquelle son cœur battait en secret. Un secret si douloureux à garder ! Elle l'avait guéri, certes mais au fond de lui, quelque chose s'était brisé à tout jamais. Lorsqu'il avait appris que celle qui l'avait sauvé, celle qu'il adorait en silence, risquait de subir à son tour la même horreur que lui, sa raison avait vacillé. Son indigne procès, l'immobilisme de ses compagnons qu'il se refusait à comprendre, avaient achevé de le déstabiliser Plus rien ne pouvait l'arrêter. Pour la sauver, il était même prêt à donner sa propre vie.

    Tel un oiseau de proie, il atterrit en face d'un Président de tribunal décomposé, aussi livide qu'un cadavre. Le grand homme en lâcha son marteau de saisissement et s'écroula sur lui-même, évanoui sous le coup d'une indicible trouille. Sous lui, une mare nauséabonde s'élargissait. Antonio désarçonné ne put mettre son plan à exécution. Son otage potentiel lui faisait faux bond. Il eut juste le temps de sentir la décharge paralysante qui le foudroya dans le dos et s'effondra.

    Encore sous le choc, Mary entendit à peine le cri d'adieu et le « je t'aime ! » qu'il lui lança mentalement avant de mourir. Le Mutant avait choisi sa propre mort. Tout plutôt qu'une seconde lobotomie ! Quand le coup l’avait atteint, instinctivement ses dents s’étaient refermées sur la capsule d'un poison si violent qu'il en faisait éclater le cerveau. Ainsi, ceux qui le dissèqueraient ne trouveraient dans sa boîte crânienne qu'une innommable bouillie, impropre à l'analyse. Il mourut instantanément sous le regard impuissant de ceux qui le voulaient vivant.

    Le spectacle que découvrirent les gops était atroce : le Président, pantin désarticulé, gisait évanoui. Son corps massif baignait dans l'urine, les déjections et le vomi, à demi recouvert par celui du mutant dont la tête n'était pas belle à voir. Ce fou était bel et bien mort. Son sang s'écoulait par les oreilles, le nez et la bouche. Ses yeux grands ouverts pleuraient eux aussi des larmes rouge vif.

    - Voyez ! Voyez ce qu'ils sont capables de faire ! Clama l'avocat général tandis qu'on emmenait les dépouilles des deux gardes froidement abattus par le démon. Sa voix que l'émotion faisait trembler était néanmoins ferme. Il ne désarmait pas, lui et ce coup-là était un coup de maître pour son futur réquisitoire.

    - Voyez ce qu'ils sont capable de se faire à eux-mêmes ! Poursuivit-il grandiloquent lorsqu'on emporta le cadavre d'Antonio.

    Tout cela dûment filmé et enregistré par les journalistes du monde entier bien entendu ! Mais on ne leur permit pas de voir, ni même d'entrevoir la déconfiture totale du Président de la digne Cour. Officiellement, il avait été victime de l'agression soudaine d'un mutant isolé et incontrôlé. D'ailleurs, les quatre -vingt-dix-huit gardes qui restaient après son attaque meurtrière, furent suspendus dès le lendemain et les huit survivants qui le cernaient furent emprisonnés quelques jours plus tard pour avoir honteusement failli à leur devoir.

    Leur mission était de prendre vivants tous ceux qui tenteraient de libérer l'inculpée durant le procès. Et le seul qui avait osé s'était suicidé. Cent soldats de l'Ordre, aguerris, tous issus des Forces spéciales, totalement incapables de maîtriser un seul homme, fût-il un de ces monstres ! Quel outrage, quelle humiliation pour la corporation tout entière !

    Le premier assesseur, qui avait repris les choses en main, fit transporter le Président loin de l'œil fouineur des caméras. C'est dans la plus grande discrétion que le haut dignitaire de la cour de justice fut amené à Hippocrate pour y subir des examens. On annonça qu'il serait probablement remplacé pour la suite et la fin du procès.

    Après quoi et avant qu'elles n'aient le droit de sortir une par une, toutes les personnes présentes dans la salle d'audience, furent rigoureusement contrôlées, journalistes compris. Quelques unes furent arrêtées seulement parce qu'elles avaient le malheur de ressembler même de loin à des mutants. Neuf hommes et sept femmes, tous innocents, payèrent de leur liberté, l'intervention kamikaze d'Antonio. Naturellement, la fin du procès fut ajournée.

    Il devait reprendre le lendemain, le temps pour le nouveau président d'arriver de la capitale. Pas à total huis-clos mais en présence des journalistes, des témoins, des experts, des forces de l'ordre bien sûr - totalement renouvelées et même doublées - et des seuls proches de l'accusée, parents et amis auxquels on avait jusqu’alors refusé l’entrée du Tribunal sauf pour y être entendus à la barre des témoins.

    Ordre avait en effet été donné de se présenter le 5 octobre à 9 h dans la grand salle du Palais de Justice de Lille, à Ophélia Conroy-Defrance, veuve d’un mutant et mère de l'accusée, à Jean Hubert du Mercy de Combarant son ex-fiancé éconduit, à Surprise Andrevski sa meilleure amie revenue trop tard sur ses déclarations, à Alexeï Andrevski, époux de la dénonciatrice et ex patron de l’infirmière indigne, à Jézabel Beauregard son amie et sa thérapsy, ainsi qu'aux Moret-Montarel et fils, amis reconnus de la famille Conroy-Defrance.

    Pour l'exemple et afin qu'aucun d'entre eux ne tombe plus jamais les yeux fermés dans les pièges des mutants et de leurs alliés, ils devaient assister à ce dernier jour.

    Pour l’exemple et afin de ne plus jamais souffrir de cet aveuglement criminel, ils devaient entendre tomber le verdict infamant sur cette femme, cette anormale, cette criminelle de la pire espèce qui les avait tous si odieusement trompés.

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  • Commentaires

    2
    Samedi 5 Novembre 2022 à 10:07

    Il y a de la révolte, ça me plait bien !

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    1
    Vendredi 4 Novembre 2022 à 19:22

    Bien du monde dans ce palais de justice, pour une affaire hors norme, amitiés, JB

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