• Chapitre 8

    Même le président remplaçant, venu tout droit de la capitale pour reprendre en main le déroulement de ce procès si particulier, fut saisi par la lourdeur de la peine requise. Il ne voyait pas de quoi ni comment, la merveilleuse jeune femme assise dans le box des accusés, pouvait être coupable. Elle lui paraissait douce, fragile, totalement incapable de faire le moindre mal. Anormale, elle ? Allons donc !

    Il lui fallait pourtant continuer à jouer un jeu dont les règles étaient édictées par bien plus haut que lui. C'était sa première grande affaire. Son impact médiatique allait le propulser au sommet de la profession et même si son intervention ne durait que cette seule journée, on le payait très cher pour cela ! Il la regarda. Elle aurait dû être effondrée, en larmes, la tête basse, honteuse et repentante. Mais en réalité, elle ne semblait pas être là. Ses yeux vides paraissaient fixer le néant. Peut-être s'était-elle isolée mentalement pour préparer sa défense ? Mais quelle défense pouvait-elle opposer à ce terrible réquisitoire qui la condamnait aussi sûrement aux yeux de l’opinion ?

    Il n'y avait qu'à voir la mine réjouie des jurés et celle de la majeure partie des journalistes présents. Jusqu'aux greffiers qui souriaient, ravis, en relisant sur leurs écrans les derniers mots prononcés par l'Avocat général. Seuls les proches de l'accusée montraient un masque douloureux et lourd d'incompréhension en regardant celle qui, elle, ne les regardait pas.

    Pour sa part, un profond sentiment d'injustice l'assaillait sans qu'il puisse s'en prémunir.

    - Mademoiselle Conroy-Defrance, vous pouvez présenter votre défense ! Se résigna-t-il à prononcer.

    Elle ne bougea pas, ne cilla même pas. Pâle et lointaine, elle semblait vouloir continuer à ignorer la terre entière. Ne comprenait-elle pas que c'était d'elle dont il s'agissait ?

    - Mary-Anne Conroy-Defrance ! Veuillez vous lever et daignez redescendre parmi nous afin de présenter votre défense ! Insista-t-il en haussant le ton.

    Ses yeux émeraudes s'allumèrent, elle parut reprendre vie, sortir enfin de l'espèce de songe éveillé qui l’enfermait dans ses invisibles rets. Ses joues se colorèrent un peu. Si peu ! Elle se leva, souveraine et abaissa son regard mordoré vers l'auditoire attentif. Puis elle le regarda, lui ! Et il se sentit soudain sondé jusqu'à l'âme. C'était terrifiant et merveilleux à la fois. Jamais il n'oublierait ce regard-là. Ni la sublime créature qui le lui avait lancé. Les mots qu'elle lui dit alors s'imprimèrent à jamais dans son esprit et dans sa mémoire :

    « Je ne me défendrai pas. Du moins pas comme il le faudrait. Vous savez comme moi que c'est inutile. Mes juges sont aussi mes bourreaux. À quoi me servirait d'implorer leur clémence ? Voyez ce que je suis. Qui je suis. Qui sont ceux que par moi les jurés vont condamner aujourd'hui ! Et pourquoi ils sont obligés de le faire! Vous n'êtes pas comme eux ! Vous ne prenez pas pour argent comptant tout ce qui vient des Sages. Je vous en prie, essayez de nous connaître et vous saurez à quel point on nous ment à tous depuis tellement longtemps ! »

    Et elle déversa en lui l'incroyable vérité sur elle et sur les siens. Il la crut et sut que ce procès inique serait son dernier pour une justice dévoyée. Quelque part, un jour, un homme l'attendrait qui lui ouvrirait les portes de son étrange univers.

    Dans le monde, cachés des hommes et des femmes espéraient en silence ceux qui, comme lui, leur rendrait enfin la vraie justice. S'il ne devait y en avoir qu'un, il serait celui-là !

    Nul ne subodora leur muet aparté car il ne dura en fait que quelques secondes. Comprenant qu’elle était capable de lire en lui, il se concentra pour imprimer sa réponse dans son esprit. Il lui promit, pour le bien de son entreprise future, de continuer à jouer son triste rôle, aujourd'hui et à l'avenir, en gardant pour lui ce qu'il venait d'apprendre jusqu'à ce que tous soient prêts à l'entendre. Elle lui sourit et personne en dehors de lui ne comprit la signification de ce sourire. Puis elle descendit et fit face aux jurés. Elle avait mûrement réfléchi à ce qu'elle allait leur dire…

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  • Commentaires

    2
    Lundi 7 Novembre 2022 à 11:02

    La parole est à la défense !

    Bonne journée.

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    1
    Dimanche 6 Novembre 2022 à 19:39

    Comme si on y était à ce procès...  à suivre, amitiés, JB

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