• "Les rêves d’Élisa" -Liberté - Chapitre 24

    Un sentiment qui ressemble à de l’espoir la fait avancer plus vite en dépit de la fatigue qui lui raidit les membres et de la sourde peur qu’elle continue à ressentir.

    La délivrance est proche. Elle le sait, elle le sent.

    Depuis qu’ils se sont mis en route, la main de Jonathan n’a pas lâché la sienne. Sa présence aimante, rassurante, occulte celle des autres, même celle si maternelle de Martha ou celle tellement détestable de Khaled.

    La masse haute et impressionnante du dôme se fait de plus en plus précise. Immense, elle écrase l’horizon, efface presque le ciel et rend minuscule tout ce qui l’environne. Sa surface ternie par des siècles d’intempérie, ne réfléchit plus qu’à peine les rayons du soleil, pourtant, dès qu’elle ferme les yeux ne serait-ce qu’une seconde, elle la voit étincelante comme elle l’était autrefois.

    - Étonnant hein ! Entend-elle Jonathan lui dire.

    Et ses yeux étincellent presque autant que le dôme gigantesque !

    - Inquiétant plutôt, je dirais !

    S’entend-elle lui répondre, le cœur étreint d’un sombre pressentiment.

    Elle se souvient. C’était il y a tellement longtemps ! 

    Un souvenir entêtant à la fois si lointain et si présent ! Ce qu’elle a ressenti alors, revient brusquement la submerger avec la violence destructrice d’un tsunami.

    C’est tellement puissant que sa main se crispe dans celle de Jonathan et qu’elle recule instinctivement.

    - Ça ne va pas mon amour ?

    - Si…enfin pas trop ! Quand tu m’as emmenée la première fois, elle était bien plus belle qu’aujourd’hui ton «Arche» et pourtant en la découvrant, je n’ai pu m’empêcher d’éprouver la plus grande peur de ma vie !

    -  Quel genre de peur Élisa ?

    - Tu le sais bien ! Je te l’ai dit à l’époque !

    - C’est vrai ! Mais il faut que tu verbalises !

    - Je croirais entendre Bob !

    - Quel Bob ?

    -Ben tu sais ça aussi non ? Bob, le drôle de robot que vous m’avez envoyé ! Á moins que je n’aie rêvé ça aussi ! Vous ne l’avez pas mis à la casse j’espère !

    - Nous n’envoyons pas nos robots à la casse Élisa. Ils nous ont été d’une trop grande utilité pour ça ! Et ils continueront à nous servir aussi longtemps qu’ils seront en capacité de le faire !

    Rétorque sévèrement le dénommé Septime qui lui a confirmé son identité quelques heures plus tôt.

    - Tant mieux, j’aurais été peinée d’apprendre qu’il a été puni pour avoir failli trop m’en dire.

    - Ce « Bob » comme tu l’as baptisé, ne t’a dit que ce que nous voulions qu’il te dise. Une fois sa tâche accomplie, il n’était plus utile qu’il continue à œuvrer auprès de toi.

    Précise la hautaine Serena.

    - De même que l’avatar de ton amie a « disparu », une fois son travail terminé. Poursuit Mélodie.

    - Dieu que vous êtes froids et impersonnels ! Pires que Bob, je dirais ! Vous ne semblez éprouver aucun sentiment !

    - Nous…

    -Stop ! Intervient Jonathan, interrompant la réponse de Septime. Et toi Élisa, réponds à ma question s’il te plaît. De quoi avais-tu peur le jour où tu as découvert « L’Arche »?

    - D’abord, cette coupole gigantesque posée dans le paysage tel un immense vaisseau spatial, m’a fortement impressionnée. Puis en me disant que j’allais y entrer, l’angoisse ma saisie au point de m’en faire trembler de la tête aux pieds, souviens-toi !

    - Je me souviens ! Continue !

    - Alors, je me suis rappelée… L’arrêt sur le parking. L’appel que tu as reçu… Tu as eu beau t’éloigner pour que je n’entende rien, j’ai bien perçu la colère de ton interlocuteur à l’autre bout, ton énervement… Et les regards que tu me lançais, me donnaient à penser que j’étais au centre de cette discussion. De cette dispute plutôt !

    - Et ?

    - En me souvenant, j’ai soudain compris que l’enjeu de cette expérience à laquelle j’avais accepté de me soumettre, allait bien au-delà de ce que tu nous en avais raconté dans l’amphi. J’aurais été bien en peine de mettre le doigt sur ce qui clochait mais ça m’a fichu une trouille de tous les diables. Je savais d’instinct que si je mettais un pied là-dedans, je n’en sortirais plus jamais ! Je te l’ai dit. J’ai dit que je renonçais, que je voulais rentrer chez moi…

    - Mais tu avais signé. Et nous étions tellement épris l’un de l’autre…

    - Que j’ai mis un bâillon à mes craintes et que je t’ai suivi.

    - C’est ça !

    - Allons-y Jonathan ! Il faut que je sache pourquoi j’avais peur au point d’être prête à renoncer à toi.

    - Je t’aime Élisa, ne l’oublie jamais. Pourtant, avant de franchir cette dernière étape, tu as encore quelque chose à faire.

    - Que puis-je encore accomplir que je n’aie déjà fait ?  J’ai la sensation d’avoir parcouru des millions de kilomètres pour arriver jusqu’ici. Pour te retrouver Jonathan ! Je me sens au bout du rouleau, physiquement et moralement.

    - Je sais Élisa !

    - Alors allons-y, je t’en supplie, pendant qu’il me reste un peu de force et de courage.

    - Demain mon amour, c’est promis ! Cette étape dont je te parle, passe par le sommeil. Et même sans cela, tu en as besoin, quoi que tu dises ! Regarde, le refuge nous attend !

    - J’ai peur Jonathan !

    - De quoi as-tu peur ?

    - De m’endormir et que demain, tu ne sois plus là à mon réveil.

    - Je serai là quand tu te réveilleras, sois en sûre !

    - Tu dis que cette étape qu’il me reste à franchir passe par le sommeil. Vais-je rêver ? Est-ce cela que vous attendez de moi ? Que tu attends de moi alors que tu m’as ordonné tant de fois de me réveiller ?

    Pas de réponse… Voilà une chose qui ne change pas ! Mais un regard qui en dit aussi long que des mots.

    - Il y a autre chose qui me pétrifie d’angoisse tu sais !

    - Dis-moi !

    -J’ai peur de m’endormir et de ne plus me réveiller.

    - C’est le risque…Murmure-t-il presque trop bas pour qu’elle l’entende.

    - Et tu veux le courir, ce risque ?

    - Il n’y a plus aucune autre solution, crois-moi ! Il est temps !

    -Temps de quoi ?

    - Que tu dormes

    - Ça aussi ça m’épuise tu sais !

    - Quoi ?

    - Cette impression permanente que chaque mot que tu prononces, possède un double sens.

    - Va dormir Élisa !

    Elle est agacée au plus haut point d’être obligée de s’arrêter si près du but. Et bien plus qu’agacée qu’on ne cesse de lui dicter sa conduite avec des ordres, oui, des ordres, totalement contradictoires. « Réveille-toi ! » « Va dormir !» « Avance !» , « Arrête-toi ! ».

    La colère monte, monte…Afin de ne pas y succomber, elle se détourne de Jonathan. Son regard se fixe obstinément sur le dôme qui masque l’horizon. Il est enveloppé d’ombre. Elle s’avise soudain qu’en quelques minutes, le jour a considérablement baissé. Elle ne s’en était pas rendu compte ! En même temps, elle réalise qu’elle est beaucoup plus fatiguée qu’elle ne le croyait.

    En regardant autour d’elle, sur le promontoire où se dresse le refuge, elle constate sans en être véritablement surprise, que les autres ont disparu. Pourtant, elle sent leur présence invisible. Une espèce d’aura de pensées à la fois hostiles et protectrices. Pas difficile de deviner à qui appartiennent les unes et les autres.

    Il ne reste que Jonathan. Il lui indique la porte et répète :

    - Va dormir ! Je serai près de toi si…quand tu te réveilleras.

    Résignée, elle entre dans la cabane et sans même se déshabiller, elle s’allonge sur le premier châlit venu. Tendrement, Jonathan étend sur elle une épaisse couverture tirée de l’habituel coffre de bois.

    - Dors maintenant ! Murmure-t-il en lui caressant le front d’une main apaisante.

    Ses paupières alourdies se ferment malgré elle. Juste avant qu’elle ne se laisse aller au sommeil, une image s’imprime dans sa mémoire. Une cabane de berger dans les montagnes de Haute-Provence. Celle de son frère où elle a passé avec lui, de mémorables vacances à jouer à la bergère… Une maisonnette en rondins, rustique mais chaleureuse, construite près d’un torrent bondissant dont l’eau incroyablement pure remplissait leurs gourdes lorsqu’ils partaient dans l’alpage avec le troupeau de moutons. Une cabane, avec son appentis à bois, son unique pièce à vivre sommairement meublée, en tout point semblable à toutes celles qui l’ont accueillie au cours de son long périple, après son évasion de la  Sphère, comme lors de sa fuite de Liberté.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Mars 2023 à 11:09

    On peut la comprendre côté ordres, à déstabiliser... amitiés, jill 

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