• Chapitre 29

    Début avril 2059

     

    Le Cinquième Rassemblement ne fut pas comme les autres. Ce qui le différencia, c’est qu’il se déroula en duplex entre la place Tienanmen à Pékin et l’enceinte désaffectée de l’ancien camp de travail réservé aux seuls Mutants dans le bush australien. Deux hauts lieux symboliques de la répression et, choisis parmi tant d’autres, deux cruels exemples de ce que pouvait être le pouvoir oppresseurs d’humains sur d’autres humains.

    « L’Homme est un loup pour l’Homme ! » Cette maxime s’était maintes fois vérifiée par le passé, elle se vérifiait encore.

    Ce rassemblement exceptionnel s’étala sur trois jours pleins, entre le premier et le trois avril. Le fait qu’il se déroule en deux endroits différents, multiplia par cent le nombre des participants auxquels il fallait ajouter tous ceux qui ne pouvaient se permettre qu’une présence astrale. Soit en tout, plus d’un million de personnes, Mutants, Élus et ralliés confondus. Entre chaque Rassemblement, le Pouvoir grandissait à tel point que l’aura bleue qui s’élevait de la multitude, interdisait toute attaque des forces de l’ordre. Bien des gens, voyant cela, se demandaient pourquoi les mutants, armés de cette immense puissance psychique, n’en profitaient pas pour asseoir leur domination sur le Monde et prendre les rênes du Gouvernement Unique.

    C’était encore mal les connaître !

    Le deuxième événement qui lui donna un caractère aussi exceptionnel fut que pour la première fois, TV7 le couvrit officiellement, lui assurant de ce fait le retentissement sans précédent qu’avait escompté lui donner le Rassembleur. Enfin, en réponse cinglante au dernier crime de Solomon Mitchell et en dépit des supplications de sa sœur et de ses amis, Hawk avait décidé de profiter de la présence des caméras et d’espions probables de Washington pour se montrer à leur pire ennemi à visage découvert. Le message qu’il voulait délivrer était :

    « Nous ne vous craignons pas ! Je n’ai pas peur de toi Solomon ! Tu peux tuer un, dix, cent d’entre nous, mille autres se dresseront et te feront face ! »

    Il voulait par cette action rendre hommage à ceux qui venaient de mourir pour la cause : Phil Adams, sa femme et Lazaro, le mari de Fleur. Ils avaient été surpris par Solomon lui-même alors qu’ils fouillaient son labo souterrain secret.

    C’est en découvrant à l’intérieur celui qu’il croyait être son ami que Mitchell avait eu la soudaine révélation de l’imposture de ce dernier en même temps que de ses dons de télépathe, car seules de telles facultés avaient pu lui permettre de trouver son repaire ainsi que le code d’ouverture. En effet, tout était consigné dans son cerveau et nulle-part ailleurs. Il lui avait fait confiance au point de baisser sa garde psychique en face de lui, et pour cause, il ignorait sa vraie nature. Voilà ce qu’il en coûtait de donner son amitié sans s’être mieux renseigné auparavant ! Ça ne risquait plus de lui arriver désormais !

    Sûr de son fait, Adam lui aussi avait relâché son attention.

    Dans sa villa de Beverly Hills ce jour-là, Solomon n’était censé rentrer à Washington que le lendemain. Quel événement lui avait fait anticiper son retour ? En tous cas, lorsqu’il avait débarqué dans son bunker, ni Adam ni ses complices n’étaient sur leurs gardes. Ce n’est qu’en entendant le chuintement de la lourde porte qui se refermait, qu’ils avaient compris qu’ils étaient piégés. Puis ils avaient vu Solomon, le neutro pointé sur eux, prêt à les balayer d’une décharge paralysante. Il les voulait vivants. Ils ne savaient que trop bien pourquoi. Ils n’avaient eu que le temps de prévenir télépathiquement tous les autres membres de leur équipe avant de se donner la mort de la même façon qu’Antonio lors du procès de Mary.

    Pâle de fureur et de dépit, Mitchell avait assisté à leur agonie foudroyante sans pouvoir faire quoi que ce soit pour l’empêcher. Depuis, sa rage ne cessait de grandir. Il se maudissait d’avoir lui-même introduit un traître à la Maison Blanche. Le pire des fourbes puisqu’il avait parfaitement réussi à gagner sa presque totale confiance, jusqu’à devenir son ami. Presque parce qu’en fait, Solomon ne se fiait jamais totalement à autrui. Qu’on le regarde un peu trop fixement et il devenait aussitôt suspicieux. Cela lui était d’ailleurs arrivé en découvrant à plusieurs reprises, les yeux de Phil Adams posé sur lui. Il s’en souvenait parfaitement maintenant tout comme il se rappelait avoir mis ces regards appuyés sur le compte d’une dévote admiration. Voilà où l’avait amené son orgueil. Il s’en serait battu mais il avait mieux à faire que de s’apitoyer sur lui-même et de se fustiger de sa propre stupidité.

    Il ne faisait aucun doute qu’avant de mourir, les espions avaient transmis à leur chef ce qu’ils avaient découvert dans son repaire, voilà pourquoi il devenait urgent de venir à bout des mutants. Il les savait à présent capables de tout pour parvenir à leurs fins. N’avaient-ils pas infiltré la Maison Blanche et circonvenu la chaîne de télévision gouvernementale dont la présence sur les lieux des deux meetings n’avait pas été autorisée? Une présence manifestement bienveillante qui permettait au Gourou de la secte maudite de se montrer pour la première fois à la face du monde sous son meilleur jour.

    Ce dernier avait désormais un visage qu’il découvrit sans en être étonné. Il savait depuis longtemps qu’il ne pouvait qu’être en tous points semblable à celui de ses congénères. Il avait un nom aussi : Hawk Bluestone, dit Blue Hawk.

    Derrière l’écran, il le fixait et lui délivrait un message que lui seul pouvait entendre : « Vois qui je suis, ce que je suis et tremble Solomon ! » Semblait-il lui dire cependant que la foule pressée devant la scène où le Démon jouait le rôle de Dieu tout puissant, buvait la moindre de ses paroles.

    Une foule immense qui avait bravé tous les interdits pour se rendre à ce meeting que seul avait annoncé un formidable bouche à oreille admirablement orchestré par de non moins formidables manipulateurs. La présence impressionnante des forces de l’ordre, n’avait pu empêcher ce double rassemblement. Pourtant nombreux sur les deux sites, les gops avait bien tenté de contenir la vague populaire qui affluait vers la place Tienanmen ou vers le camp désaffecté dans le bush australien mais ils avaient été si rapidement débordés qu’ils avaient renoncé, se contentant de demeurer sur place, stoïques, en attendant les ordres qui ne pourraient manquer de leur parvenir. Des ordres qui, à leur sens, ne pourraient qu’être inutiles. Ils sentaient aux tréfonds de leur conscience qu’aucune attaque contre ces diables n’avait de chance d’aboutir.

    En petits groupes, on pouvait les avoir, en grand nombre comme ça avait été le cas à chacun de leurs foutus rassemblement, non seulement ils étaient invincibles mais encore, ils vous laminaient les neurones !

    Solomon le savait aussi et trouvait intolérable de ne pouvoir arrêter cette mascarade ! Il ne pouvait ordonner aucune arrestation. Les gops étaient de toute façon en nombre insuffisant pour venir à bout d’une telle masse humaine que ce soit à Pékin ou en Australie.

    Auraient-ils été plus nombreux qu’il leur aurait quand même été impossible de faire le tri entre les normaux et les démons qui se pavanaient désormais librement au milieu d’eux, sans risquer une véritable levée de boucliers tellement tous ces naïfs paraissaient subjugués par ceux qui se faisaient à présent ouvertement appeler les « Mus ».

    Il ne pouvait pas non plus ordonner que les forces de l’ordre ouvrent le feu sans créer un mouvement de panique énorme et par là même provoquer un massacre d’une telle ampleur que son gouvernement ne se serait pas relevé de cette dernière bavure monumentale ! Il était déjà passablement affaibli depuis le raid astral de ces salauds de Mus à la Maison blanche. Il ne pouvait donc qu’assister, impuissant et la rage au cœur, à la victoire de son ennemi juré. Une victoire provisoire, il en faisait le serment !

    Oui, Hawk Bluestone gagnait cette manche haut la main, d’abord en paraissant enfin au grand jour en tant que leader incontesté du mouvement exécré mais également en révélant au Monde les motivations pacifiques des Mus. Prouver à ceux qui en doutaient encore que la « Roue universelle » n’avait rien de la secte maudite dénoncée par Solomon Mitchell et par sa presse étatique, tel était le principal objectif du Faucon. Jamais les Mus ne s’étaient rassemblés en si grand nombre. Hommes, femmes, enfants, grands, beaux, respirant la bonté et la sérénité. Un étalage voulu de cohésion, de puissance, de force tranquille qui avait de quoi impressionner favorablement les foules, même si par la suite elle devait être ressentie comme une manœuvre d’intimidation ou de suprême provocation par les plus opiniâtres détracteurs des anormaux .

    « Regardez-nous ! Disaient leurs yeux tranquilles, nous ne voulons de mal à personne ! Nous souhaitons seulement vivre en paix comme vous, parmi vous. Nous voulons juste que cessent les exécutions sauvages et arbitraires des nôtres comme de ceux qui ont le malheur de nous ressembler ou de défendre notre cause ! »

    C’était exactement le message que voulait faire passer Hawk. Un message d’espoir qui faisait écho à ce qu’il ressentait depuis qu’il savait que sa femme était libre et qu’il avait plus de chances que jamais de la retrouver ainsi que les enfants qui grandissaient en elle.

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  • Commentaires

    3
    Lundi 28 Novembre 2022 à 15:43

    S'il n'y a plus d'espoir, à quoi ça sert de se battre ?

    Bon lundi.

      • Lundi 28 Novembre 2022 à 21:27

        Mais il y en a désormais ! Marie est dans un triste état mais elle est libre et on commence à écouter le message de paix des Mutants et à ne plus les considérer comme les ennemis publics N°1

        Bisous

    2
    Lundi 28 Novembre 2022 à 05:57

    Les messages d'espoir, il en faut même dans les romans, amitiés JB

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