• L'Arbre 2-Chapitre 3- Elle et l'Arbre

    Elle et l'Arbre

     

    - Qu'as-tu donc ma Dame ? Pourquoi cette inquiétude dans ton regard ?

    -  J'ai peur mon tendre aimé !

    -  Peur ?

    - Allons, ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! Toi aussi tu es inquiet ! Crois-tu donc que tu peux encore me cacher quoi que ce soit ?

    - Non ma mie ! Pourtant, j'essaie !

    -  Ne te moque pas ! Mon cœur se serre de crainte et Chat me manque.

    -  À moi aussi ma douce, à moi aussi !

    -  Pourquoi n'est-il pas revenu ? Est-il réellement mort cette fois ? Je ne peux croire que sa dernière vie auprès de nous ait été son ultime réincarnation ! Il est vivant dis moi ! Il est vivant ?

    - J'en suis sûr, il vit quelque part ! Où ? Je ne sais pas! Loin, très loin mais il vit ! Parfois...

    - Je n'ai pas rêvé, tu entends sa voix n'est-ce pas ?

    - C’est vrai ma chérie. Je l'entends. Il n'est pas heureux. Je l'appelle mais il ne m'entend pas.

    - Comme moi autrefois. Tant de temps a passé mon aimé ! Nos enfants grandissent, vieillissent, nos petits enfants aussi. Pourquoi ne puis-je plus….

    - Toi tu peux encore ma déesse, c'est moi qui ne peux plus.

    -  Tu es sûr ? Ne pourrions-nous pas...Encore une fois...

    -  Trop risqué mon cœur ! Pour nous deux !

    - Mais...

    -  Je vieillis belle dame ! Ne le sens-tu pas ?

    -  Par ma faute !

    -  Ne dis pas ça ! Ce que j'ai fait, je le referais sans l'ombre d'un doute ! Enfin, presque ! Parfois je me dis...

    -  Non ! Je sais ce que tu de dis ! N'y pense pas une seule seconde ! N'oublie pas que je serais morte si...

    - Mon amour, ma Femme-Arbre bien-aimée, laisse-moi finir, je t'en prie ! Quand il m'a fallu intervenir pour te sauver la vie, j'ai fait un choix selon mon cœur. Je te voulais si fort ! J'aurais pu…

    - Arrêter le processus avant ? Ne regrette rien et ne te fais aucun reproche. Que m'a apporté ma nature humaine pleine et entière sinon des larmes, du désespoir, de la haine, de l'envie. Rien que d'amères désillusions ! Par leur incompréhension, ceux de mon espèce m'ont amenée aux confins de la folie. Grâce à toi et à cette vie que tu m'as rendue au risque d'y perdre la tienne, j'ai enfin pu réaliser le plus merveilleux de mes rêves de femme : devenir mère ! Cela, les Hommes et cette science omnipotente qu'ils se targuent de maîtriser, n'ont pu me l'offrir !

    - Je n'ai pas été le seul à œuvrer à ta métamorphose. As-tu oublié le grand pin foudroyé ?

    - Certes non mon amour ! Je le voudrais que je ne le pourrais pas ! C’est sa mort brutale qui a activé la minuscule flamme qui brûlait en moi à mon insu ! Mais c'est toi et toi seul qui a su la découvrir, la faire grandir, m'apprendre à l'accepter. C'est toi seul qui m'as sauvée de la mort, toi seul qui, en me donnant ta sève, as fait fleurir et s'épanouir ma nature profonde, ma vraie nature !

    - Oui… mais…

    - N'en dis pas plus ! Je ne sais que trop ce qui te chagrine mon cœur d'Arbre ! Je te le répète, en moi pas le moindre regret ou le plus infime doute !

    - Je t'aime tant ma verte Dame ! Au premier de mes regards d’arbrisseau gracile, je t'ai aimée à en perdre le bon sens, comme me l'ont dit alors mes frères végétaux de la Jardinerie. C'est contre nature, je sais …

    - Oh mon arbre ! Tu en es encore là ? Si ce fut un jour contre nature aux yeux de créatures bornées de toutes espèces, ça ne l'est plus depuis longtemps ! Je t'aime moi aussi mon cher Arbre ! Si fort que parfois encore, j'en ai mal, bien que cette douleur me soit douceur ! Qu'on me sépare à nouveau de toi et cette fois, j'en meurs !

    - Pourtant…

    - Chut ! Écoute le vent dans les branches…Sens-le dans mes cheveux déployés…Respire le soleil sur ma peau nue…Et les mille parfums du Jardin…La terre sous nos pieds n'est-elle plus riche et nourrissante pour nos racines ? L'eau du ciel n'abreuve-t-elle plus nos ardentes soifs ? Les oiseaux n'enchantent-ils plus nos jours ? La lune, les étoiles, le soleil bienfaiteur, ne brillent-ils plus au-dessus de nos têtes ? Ne sommes-nous plus miraculeusement protégés de la folie destructrice des Hommes là, dehors ? Notre jardin oublié n'est-il plus ce paradis sur terre que tu as fait pousser par la seule force de ta volonté ? Et cette maison où tu me laisses parfois rejouer à la femme d'avant, ne tient-elle pas encore debout comme par magie alors que les ruines de l'ancienne ville ont été depuis longtemps dévorées par nos frères végétaux ? Je suis heureuse ainsi mon Arbre d’amour ! Ici, auprès de toi ! Pardonne-moi d'avoir désiré plus que ce que tu m'as déjà donné ! Toutes ces années de bonheur, passé, présent et à venir confondus. Tous ces enfants si beaux et si forts qui ont poussé comme la bonne graine de leur père qu'ils sont ! Nos merveilleux petits mon amour, qui font à leur tour jaillir et croître de nouvelles branches à notre fabuleux arbre généalogique. Que pourrais-je vouloir de plus ? Je t'aime et voilà tout ce qui m'importe !

    - Moi aussi ma mie ! Moi aussi…

    - Je sais mon cœur. Dormons à présent ! Demain, il fera jour et il sera bien temps de nous interroger sur ces inquiétudes floues probablement infondées !

     

    Dans l'étrange Jardin, la nuit est tombée. Les voix mêlées d'Elle et d'Arbre se sont tues tandis que l'obscurité se refermait autour d'eux, protectrice et complice… Même le clapotis de la rivière non loin de là, devient à peine plus qu'un murmure ténu, une berceuse pour le couple qui va bientôt s'abandonner au sommeil. Elle repose au cœur d'Arbre, tendrement enlacée par ses branches, oublieuse pour un temps de ces craintes imprécises et irraisonnées qui parfois fige le sang sève dans ses veines. Apaisée, elle dort. Arbre lui, a feint le sommeil pour la rassurer. Il y a maintenant deux lunaisons que ces mêmes craintes le tiennent éveillé nuit après nuit. De sourdes angoisses qui le rongent…Un visage flou perdu dans de lointaines brumes que sans comprendre encore pourquoi, il associe à Chat…

    « Chat, Chat ! Reviens-nous ! » Lance-t-il pour la nième fois tel un SOS désespéré hurlé silencieusement dans la nuit noire et profonde.

    Oui, ses pressentiments se précisent et contrairement à ce qu'Elle croit, il a réussi à le lui cacher. Pour combien de temps encore ?

    Quelque part, loin, très loin, un miaulement angoissé déchire le voile d'ombre…

     

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  • Commentaires

    4
    Mercredi 7 Septembre 2022 à 20:06
    colettedc

    Bonsoir Anne-Marie,

    Il reviendra, le Chat, j'en suis assurée ...

    Bonne soirée,

    Bisous

    3
    Mercredi 7 Septembre 2022 à 12:58

    Il reviendra le chat, sinon je serais déçue. 

    Bonne journée.

    2
    Mercredi 7 Septembre 2022 à 06:49

    Merci An-Maï et bon mercredi, amitiés, JB

    1
    Mercredi 7 Septembre 2022 à 05:22

    Merci

    Tout simplement 

    Bonne journée à toi 

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