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"Les rêves d’Élisa" -Liberté - Chapitre 27
…Sa mère a disparu, comme les autres, la laissant de nouveau seule et plus désespérée que jamais.
Vaincue, elle se laisse tomber sur le sol. Elle s’y étend lasse à mourir.
« Ce cauchemar ne finira donc jamais ! » Se dit-elle.
- Vous ne m’avez servi à rien puisque je suis toujours là ! Lance-t-elle, remplie de colère.
Elle s’adresse à celles qui ont fait une brève incursion dans ce songe aussi étrange que terrifiant… Les « Élisa » qui sont « elle » sans l’être puisqu’elle n’a fait que les rêver. Sa mère qui n’est plus depuis là depuis tellement longtemps, qu’elle aurait dû l’oublier ! Elle s’adresse à Jonathan aussi. Plus en colère contre lui que contre ses visiteuses !
- N’es-tu qu’un rêve toi aussi ? Pourquoi désirais-tu tellement que je dorme, après m’avoir tant et tant de fois demandé de me réveiller ? Que m’as-tu fait Jonathan ? Je vais mourir, tu m’entends ! Je vais mourir !
Elle ferme les yeux, déterminée à attendre la mort qu’on lui prédit depuis….Elle ne sait plus combien de temps ! Et l’issue fatale ne devrait plus tarder, elle le sent par toutes les fibres de son corps.
Elle a froid, si froid ! Mais ça ne peut pas être pire que… Quoi ? La réponse lui échappe.
Allongée dans ce néant blanc qui la supporte, elle ne sait de quelle façon, elle s’aperçoit soudain qu’elle est nue. Comment ses vêtements se sont-ils volatilisés ?
- C’est un rêve ! Tout est possible dans les rêves ! Prononce-t-elle tout haut !
Elle s’est entendue parler, pourtant, ses lèvres n’ont pas remué. Encore une facétie perverse de ce lieu onirique qui la retient prisonnière.
Elle est en train de mourir dans un rêve ! Quelle ironie du sort !
- Qu’importe ! Je suis fatiguée… Si fatiguée…
Une chape de glace l’enserre. Ses yeux se ferment
- NON ! Hurle-t-on quelque part, au-dessus d’elle.
Le cri de refus fissure l’étau de glace ! Elle essaie de bouger sans y parvenir.
Il lui semble avoir reconnu la voix de celui qui a crié…
Jonathan…
D’autres voix bruissent autour d’elle. Elle ne comprend pas ce qu’elles disent. C’est insupportable ! On parle d’elle, elle le sait ! Ça ne se fait pas de parler d’une personne qui ne peut s’exprimer ! En elle renaît la colère et ce sursaut, secoue un peu la torpeur mortelle qui l’a envahie.
Une fois encore, elle tente de remuer les bras, puis les jambes… Rien !
- Il faut renoncer Jon’ ! Entend-elle brusquement !
Et cette fois, la voix est assez nette pour qu’elle comprenne le sens exact de ce qui est énoncé d’un ton si froid qu’elle en tremblerait de rage si cela lui était possible. Cette voix, elle l’a déjà entendue, il y a très longtemps ! Elle n’a jamais aimé celui qui prononce ces mots cruels ! Il lui semble bien que ce n’est pas la première fois que cet homme haïssable, demande à Jonathan de l’abandonner !
-Tu sais bien que je ne renoncerai jamais. Je l’aime Khaled ! Sans elle ma vie ne vaut pas d’être vécue! Réplique celui qu’elle aime.
Parce qu’elle l’aime, en dépit du ressentiment qu’elle éprouve à son encontre.
- Tu aurais fait tout ça pour rien alors ! Si tu restes, tu n’en sortiras pas vivant ! Seul dans ce tombeau, tu deviendras complètement cinglé et tu finiras par te taper la tête contre les murs à force de solitude.
- Je m’en fous! Vous n’avez pas besoin de moi pour continuer ! Moi, j’ai besoin d’elle ! Elle va se réveiller. Je le sens au fond de mes tripes !
-Tu te mens à toi-même Jon’ ! Admettons qu’elle finisse par se réveiller, après aussi longtemps, elle aura de graves séquelles !
- Tu n’en sais rien Khaled !
- Toi non plus !
- Elle va se réveiller, intacte et tout ira bien pour nous deux !
- Quand ? Dans un an, dans dix ans ?
- Bientôt, je le sais !
- Jamais plutôt ! Elle ne va pas se réveiller mon pote ! Il n’y a que toi pour penser le contraire ! Allez, sois raisonnable ! Il faut partir maintenant, tu le sais bien ! C’est trop tard pour elle. Les autres nous attendent ! Tu ne peux tout sacrifier pour une seule personne.
- Élisa n’est pas n’importe quelle personne ! Tu ne peux décidément pas comprendre hein ! Je l’aime Khaled. Je l’aime depuis si longtemps !
-Ça, je ne le sais que trop et c’est ça le hic ! Si tu n’avais…
-Stop mon vieux ! J’ai fait mon choix. Élisa est mon destin !
- Toi et tes foutues idées à la mords moi le nœud ! Il y a les autres… Tu trouveras…
- Aucune autre femme ne prendra la place de celle que j’aime ! Ni dans mon cœur, ni dans ma vie.
- Tu aurais dû…
- La renvoyez chez elle ? Á quoi bon revenir là-dessus ?
- Tu sais parfaitement que tu n’avais pas le droit de t’éprendre d’elle ! C’était la règle Jonathan !
- L’amour se moque des règles mon ami ! Il frappe où veut, quand il veut !
- Tu veux donc tout sacrifier pour elle ?
- Si elle refuse de se réveiller, oui !
« Dormir, me réveiller… Il faudrait savoir ce que tu veux Jonathan ! « A-t’elle envie de lui dire, mais aucun son ne peut franchir ses lèvres.
-Nous ne pouvons plus attendre Jonathan, dit tristement une femme.
Martha…
- C’est vrai ! Un long …
Elle n’entend pas la suite.. Ils se sont tous mis à parler en même temps ! C’est très désagréable !
« Taisez-vous ! » Essaye-t-elle de hurler.
Quand soudain la blancheur se dissout en-dessous de son corps… Et elle tombe, tombe….
Dieu du Ciel ! Rêve-t-elle encore ? Les autres sont revenus. Khaled avec eux ! Ils sont tous là …. Elle sent leur présence dans le refuge. Elle entend le brouhaha de leurs voix tandis que Jonathan et Khaled parlent d’elle comme si elle était incapable de les entendre ! C’est intolérable !
Elle est prise d’une rage énorme contre tous ces gens qui décident pour Jonathan et elle !
Au comble d’une fureur née de sa frustration, elle tente de se débattre. Rien n’y fait ! C’est comme si elle était sanglée sur le châlit où elle a consenti à se coucher la veille, parce que Jonathan le lui demandait.
Que se passe-t-il ? Pourquoi l’a-t-il attachée ? Et pourquoi ne peut-elle parler ?
Curieusement, elle a la sensation d’avoir déjà vécu semblable situation mais elle se souvient que…Chloé l’a détrompée à ce sujet. L’hôpital, le long coma, son réveil dans la chambre toute blanche… Jonathan à son chevet…
« Ce n’était pas toi ! » Lui affirmait son amie. Elle l’entend encore ! Elle croit l’entendre, parce que ça aussi, ce n’était qu’un rêve. Chloé ne pouvait être là, pas plus que sa mère dans le cauchemar qu’elle a fait il y a…
Elle aussi lui demandait de se réveiller.
Depuis combien de temps, tous les personnages récurrents de ses songes, l’enjoignent-ils de se réveiller ? Jonathan n’est-il qu’une création de son subconscient lui aussi ? C’est possible ! N’était-il pas présent dans tous les mondes oniriques que son esprit à la dérive a inventés ?
Elle n’ose ouvrir les yeux de peur de se retrouver une fois de plus dans cet horrible endroit vide et blanc. Seule !
« Suis-je encore en train de rêver là ? » Se demande-t-elle.
Pourtant, elle jurerait le contraire, elle ne sait pas exactement pourquoi. Elle sent confusément que tout est différent cette fois. Sa perception de ce qui l’entoure est différente !
Par exemple, elle est sûre qu’il y a bien quelqu’un assis près d’elle. Quelqu’un qui lui tient la main. Elle sent sa présence à la fois inquiète et attentive. Elle sent la chaleur de sa paume contre la sienne. Elle sent son regard posé sur elle, plein d’espoir. Et elle a bien entendu SA voix tout à l’heure. La sienne et celles des autres.
Sa voix à lui, elle la reconnaîtrait entre mille.
C’est Jonathan. Celui qui ne l’abandonnera jamais.
Elle va lui dire qu’il doit cesser de s’inquiéter. Et Puisqu’elle ne peut parler, il y a une autre façon de lui faire comprendre qu’elle l’a entendu. Elle y met toute sa volonté, toutes ses forces amoindries. Dans la main qui serre la sienne, ses propres doigts frémissent.
« Je suis là ! » disent-ils à sa place
En même temps, dans sa mémoire, un voile épais se déchire….
Et tandis qu’un missile de souvenirs la percute, elle réalise qu’elle n’est plus en train de rêver.
Elle sait.
- Elle se réveille ! Hurle Jonathan.
Des bruits de pas précipités, des cris incrédules… on accourt vers la forme étendue, vers l’homme qui a hurlé.
Quelques secondes encore, pour intégrer ce qui lui arrive… Quelques secondes pour abandonner enfin le monde des rêves…Quelques secondes pour accepter…la vie !
Elle ouvre les yeux….
L’homme qu’elle aime est bien là. Il la regarde, émerveillé. Ses yeux débordant d’amour posés sur elle, sont pleins de larmes.
- Je le savais… je savais que tu reviendrais… Balbutie-t-il, des sanglots dans la voix.
- Jonathan.. Croasse-t-elle.
Dans l’Arche où elle est entrée il y a 1000 ans, Élisa vient de se réveiller, nue comme au premier jour de sa vie.
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Commentaires
Entre deux ordres, tjs donnés, on lui souhaite enfin le bon, le réveil... amitiés, JB