• Le Chat

     

    Je vais quitter la tour de béton.

    Mon  maître  cette fois m’emmène avec lui. Il m’a fait avaler de force des gouttes pour me préserver du mal de la route et m’a fourré, quoique avec une grande douceur, dans une drôle de boîte en plastique aménagée avec mon coussin préféré. Une boîte fermée par une petite porte.

    - Ça va te changer les idées mon Pirate. Je ne serais pas tranquille si je te laissais chez mamie Rose. Pas après ce qui est arrivé à Minette !

    - Miaouuuu ! Lui réponds-je plaintivement en usant du seul langage qu’il comprenne, celui de tous les chats.

    - Oh, pardon Pirate. Je ne parlerai plus d’elle, promis !

    Elle, c’est ma sœur de misère, partie pour une autre vie par ma faute ! À force de m’entendre parler du dehors, des forêts peuplées de milliers d’oiseaux, du Jardin que j’aimerais tant retrouver, elle a fini par vouloir se rendre compte par elle-même et un matin que mamie Rose avait oublié de refermer la fenêtre, ma follette de petite sœur, se croyant probablement capable de voler comme ces oiseaux que je lui décrivais et dont ici nous n’apercevons jamais le moindre spécimen, a sauté du vingt sixième étage dans le vide en battant frénétiquement des pattes qu’elle prenait pour des ailes… Un vol qui lui a été fatal !

    Ainsi s’est terminée brutalement et bien trop tôt, la première vie de Minette. Mère Nature seule sait où et quand elle va se réincarner ! Je m’y étais attaché à cette hurluberlue car bien que nous ayons été séparés de quelques étages, les absences toujours aussi fréquentes du maître, nous réunissaient souvent chez la vieille dame solitaire. Mon cœur de chat déjà maintes fois soumis à la cruelle épreuve de la séparation au cours de mes multiples réincarnations, s’est néanmoins brisé avec le corps ensanglanté de Minette sur le trottoir, tout en bas, dans une rue de cette ville hostile qui nous avait vus naître tous les deux.

    Je ne peux plus voir en peinture le rose écœurant de l’appartement du vingt sixième sans repenser à ma sœur. Je me suis pris à haïr la vieille dame responsable d’une négligence qui a coûté la vie de Minette, même si je me sens coupable au premier chef de la curiosité qui l’a poussée à cette stupide tentative d’évasion ! Aussi, quand mon maître m’a emmené chez elle lors de son dernier déplacement, j’ai rué dans les brancards si je puis m’exprimer ainsi. J’ai griffé sauvagement mamie Rose avant de me réfugier en feulant sous son affreux canapé à fleurs roses. Je lui ai montré des crocs menaçants quand elle a tenté de venir me chercher là-dessous et c’est lui qui a dû se coltiner la tâche de récupérer son matou pris d’une colère noire comme il n’avait jamais eu l’occasion de le voir.

    Les traces sanglantes de griffures sur les mains et sur les jambes de la pauvre femme, l’on dissuadée d’insister. Il m’a pris sous le bras et a engagé, oui, je le jure, engagé à mon intention une nurse pour toute la durée de son absence, parce qu’il refusait de me confier à l’un de ces refuges où selon ses propres dires, trop d’animaux indésirables finissent piqués !

    Ça lui a coûté « bonbon » comme il m’a dit après coup. Voilà pourquoi il a choisi de m’emmener pour ce nouveau déplacement.

    - Ce n’est pas un chantier pour une fois ! Juste une étude de terrain. La ville où nous nous rendons n’est pas trop loin.

    - Miaou !

    - J’entends par là que nous n’aurons pas à prendre l’avion…

    - Miaouuuu !

    - Hep ! Laisse-moi parler, veux-tu ! Bon sang, elles commencent à agir quand ces foutues gouttes ? Je veux dire que nous y allons en voiture...

    - Miaouuuuuuuu ! (traduire par berkkkkk !)

    Bien que ce soit assez flou dans ma mémoire, tout comme mon vieil ami l’Arbre, j’ai gardé un très mauvais souvenir de ce moyen de transport malodorant…C’est donc pour ça les gouttes dégueulasses qu’il m’a obligé à ingurgiter avec cette saleté de seringue. J’ai failli m’étrangler en déglutissant, forcé et contraint, cette odieuse mixture !

    - Miaouuuuuuuuuuuuuuu ! Re berkkkkkkkk  si l’on préfère !

    - Pirate, tu vas me laisser finir ou quoi ? Ce ne sera pas très long et en plus, tu ne risques pas d’être malade ! Enfin si ces putains de gouttes…

    - Miaouuuuuu ! Voilà au moins un point sur lequel nous sommes totalement d’accord, quoique…je doute qu’il y ait jamais goûté !

    - Pirate tu abuses. Je vais finir par croire que tu comprends tout ce que je dis ! C’est probablement le cas d’ailleurs ! Je veux dire si ces putains de gouttes se décident à faire l’effet garanti sur mesure dont m’a parlé le véto ! Il m’a fortement conseillé d’attendre que tu t’endormes pour t’embarquer, alors…

    S’il savait combien il a raison ! Bien sûr que je comprends ce qu’il me dit ! Et j’ai parfois la sensation que lui aussi me comprend de mieux en mieux mais c’est à coup sûr parce que me manque l’inestimable complicité avec Arbre et Elle que je me prends à désirer violemment celle de cet humain ordinaire… Bigre ! Que m’arrive-t-il ? Mes… mes paupières se… se ferment malgré moi. Au… Au loin une voix amie… m’appelle… J’arr…. Rrrrrrrr !

    Je me suis réveillé dans un appartement luxueux dans le même type de tour que celle que j’ai quittée mais bien moins haute. Ici aussi cependant, l’atmosphère est embrumée de gaz d’échappement et de fumées d’usine. On n’y voit pas beaucoup le soleil non plus. Normal ! D’autant plus que c’est le début du printemps avec ses giboulées…

    Les giboulées… Comme j’aimais ça au Jardin ! Contrairement aux clichés habituels concernant les chats, je ne déteste pas l’eau, sauf si on m’y plonge sans me demander mon avis comme le faisait… Non ! Je ne veux pas penser à elle…

    Je me concentre sur les sensations enivrantes qui me submergent, probablement dues à l’émergence de souvenirs agréables liés à l’évocation du Jardin.

    Les giboulées… Je me réfugiais dans l’Arbre avec Elle et leurs marmousets tout verts. Pour nous tous, il étalait ses plus grosses branches et raffermissait ses bourgeons prometteurs de feuillage dru afin qu’ils ne soient pas lacéré par l’averse. Ensemble, nous écoutions ravis le staccato des millions de petits grêlons glacés qui s’abattaient sur le jardin, prémices des beaux jours à venir après de longs et froids hivers !

    « Ahhh ! Tu te souviens mon ami ! » Ai-je l’impression d’entendre. Mais ce n’est que le maître qui me parle, interrompant le rêve délicieux dans lequel j’étais plongé.

    - Ahhh ! Tu te réveilles mon petit ! Alors, ça te plaît ici ? C’est mieux que notre appart’ hein ? Plus grand, plus chic ! Une vraie suite princière mon Pirate ! Mais je peux me le permettre et en outre, c’est le seul endroit où l’on accepte les animaux, alors…

    - Rrrrrrr … Rrrrrr…

    - Tu ronronnes ! Je peux donc prendre ça pour un oui ? Chouette, je suis bien aise que ça te plaise ! Tu seras encore plus heureux d’apprendre que je t’emmènerai avec moi quand je partirai en reconnaissance avec notre nouvel ami ! Tu verras, il n’est plus tout jeune mais il est très sympa !

    - MIAOUUUUUU  !!!!

    Je sursaute comme si une guêpe m’avait piqué le museau ! Quoi ? Un nouvel ami ? C’est quoi cette lubie ? Il n’a pas recueilli un vieux matou galeux tout de même !

    « Non mon ami ! C’est quelqu’un que tu connais… »

    Chantonne une voix douce dont l’intonation mélodieuse teintée d’inquiétude me fait dresser le poil. 

    Je rêve !

    « Tu ne rêves pas Chat ! »

    Me dit une autre voix, puissante et rugueuse comme l’est son tronc…

    - Miaouuuuuuu !

    - Eh ! Qu’est ce qui te prend de miauler comme ça ? Ils acceptent les animaux ici, pas les bêtes sauvages Pirate ! Il va falloir que tu te tiennes bien mon vieux !

    Me tenir bien ! Alors que les voix dans ma tête son revenues, plus insistantes et proches que jamais !


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  • La femme du promeneur

     

    Notre randonneur a fini par rentrer…

    Voilà maintenant deux mois que je balance entre la colère et l’angoisse.

    Nos enfants qui avaient prolongé leur séjour à la maison à la suite de l’affaire, pour me remonter le moral et voir comment évoluait la santé mentale de leur père, ont quand même dû regagner leurs pénates et reprendre le boulot à l’issue de leurs congés début septembre. Je me suis donc retrouvée seule avec une espèce d’inconnu.

    Sa « balade » comme il disait avant de partir, qui devait le voir rentrer au plus tard le lendemain en fin d’après midi, a en fait duré dix jours entiers ! C’est dire si j’ai eu largement le temps de mourir d’inquiétude !

    Quand je pense que je m’étais tellement moquée de lui, accusant sa toute nouvelle cinquantaine de le pousser à des prouesses de jeunot  ce fameux jour de la « randonnée » ! J’ai commencé à moins rire quand je ne l’ai pas vu rentrer le soir venu, même s’il m’avait prévenue qu’il ne le ferait que le lendemain au cas où la nuit le rattraperait en chemin. J’étais tellement sûre que la fatigue et le découragement me le ramènerait dare dare en fin de journée et même avant si possible, je dois bien l’avouer ! Confiante, un brin rigolarde à vrai dire, j’attendais son coup de fil. Je l’imaginais bien m’annonçant tout penaud que les ampoules aux pieds, ça n’a rien d’une aventure marrante, qu’il n’avait plus l’âge pour ça, que la voiture c’est finalement ce qu’il y a de mieux pour les balades !

    Mais je n’ai plus ri du tout lorsque je me suis avisée que son portable était resté sur le buffet du salon, bien en évidence pourtant, près d’un vieux cliché encadré de ses grands parents maternels.

    « Saligaud ! » Ai-je alors pensé. Et c’est là que ma tranquillité d’esprit s’est brisée en miettes Des tas d’idées saugrenues se sont soudain bousculées dans ma tête : accident, malaise cardiaque, insolation, mauvaise rencontre… Et la pire de toutes, celle qui m’a fichue par terre « Et s’il ne revenait pas, si en fait il était parti avec une autre ? »

    Ça arrive des trucs comme ça ! Le démon de midi, une randonnée prétexte pour me quitter sans tambours ni trompettes, le portable oublié intentionnellement, la maîtresse voleuse d’homme qui l’attendait quelque part en ville, dans sa bagnole…Sur l’écran de mon imagination soudain débridée, défilaient d’insoutenables images de mon cher et tendre époux succombant à des lèvres plus pulpeuses que les miennes, à des bras plus enjôleurs, à un corps mieux conservé, pas déformé par la maternité lui, ou pire même, plus jeune ! Un vrai psychodrame, pour ne pas dire un mélo quand j’y repense ! Et pourtant, j’étais bien loin de la vraie vérité !

    En rentrant après une soirée chez des amis, les enfants m’ont retrouvée en larmes, totalement effondrée. J’ai bredouillé piteusement les multiples raisons de ce chagrin subit et bien entendu, ils ont ri de mes craintes.

    - Tu connais papa, il a dû présumer de ses forces. Je sais qu’il a repris les séances de home-trainer, mais ça n’a rien à voir avec la marche réelle. On ne s’y remet pas comme ça, du jour au lendemain maman ! Sa dernière rando doit dater de ses 16 ans si je ne m’abuse. Il n’aura pas osé rentrer tout péteux et avouer qu’il n’est plus à la hauteur de son image d’ado baroudeur. T’inquiète pas, il rentrera demain comme il a dit, fringant et il te servira un de ces contes à dormir debout dont il nous régalait quand on était môme, rappelle-toi !

    A tenté de me rassurer mon aîné, tandis que ma belle fille, opinant du chef, partait vite fait coucher mes deux petites filles de 2 et 4 ans choquées de me voir chialer comme un bébé.

    - Où il est papy, où il est papy ! Gémissait la plus grande

    - Il… Il campe. Ai-je bafouillé en m’essuyant les yeux.

    - Mais oui petite mère ! Il a monté sa tente dans un coin tranquille et à l’heure qu’il est, il pionce comme un loir pendant que toi tu te ronges les sangs en te faisant un cinéma pas possible ! Il a bien dit qu’il ne voulait pas marcher de nuit alors…

    A surenchéri ma cadette dont le petit dernier âgé de 10 mois endormi entre ses bras, s’est soudain mis à brailler, réveillé sans doute par les sanglots convulsifs de sa mamie. Là-dessus, un peu dépassé par les évènements, mon cher gendre a enlevé mon petit fils hurlant des bras de ma fille, a empoigné par la main sa grande sœur de 3 ans qui se mettait à son tour à pleurer et les a emmenés se coucher avant que nos voisins de palier excédés ne viennent frapper à la porte. Quel cirque !

    Consolée par mes deux « grands », un peu rassérénée, j’ai fini par aller me coucher dans mon lit bien trop large sans mon vagabond de mari pour m’y tenir compagnie ! J’ai eu du mal à m’endormir, passée que j’étais du désespoir à la hargne contre ce grand gamin attardé qui m’obligeait à une nuit en célibataire à mon âge, après plus de 25 ans de mariage, pendant nos communes vacances de surcroît et ce justement l’année où nous avions renoncé à partir afin que notre progéniture qui elle, crèche à la campagne, puisse profiter chez nous des facilités de la vie en ville. Tu parles Charles ! Ils en avaient juste marre, nos chers petits, de nous voir débarquer alternativement chez l’un ou chez l’autre chaque été tiens !

    17 heures le lendemain, toujours pas de randonneur à l’horizon. J’ai commencé à compter les heures, de plus en plus bouffée par l’inquiétude au fur et à mesure que le temps s’écoulait sans voir le retour du mari prodigue. Même les gosses se sont mis à baliser à leur tour. Surtout qu’on ne pouvait le joindre ce satané bonhomme. Et comme aucun de nous ne savait quelle direction il avait prise, pas question de partir à sa recherche au pifomètre ! Nous avons téléphoné à tous nos amis communs ou non, au patron du petit bistrot vieillot où se déroulent les parties de cartes du samedi soir qu’il affectionne, histoire de voir si par hasard il serait passé par là à son retour pour se faire mousser en racontant sa folle équipée en solo, en oubliant de nous prévenir bien sûr. Mais ni le cafetier ni ceux qui comme nous n’étaient pas partis en vacances, ne l’avaient vu. Sans compter qu’ils n’étaient même pas au courant de son projet de « dingue » comme ils le cataloguèrent en apprenant la chose. Il faut dire que pas une de nos relations ne pratique ce genre d’activité, classée dans la catégorie loisirs obsolètes depuis bien longtemps déjà, surtout dans nos régions hyper urbanisées où les possibilités de marcher tranquille son quasi inexistantes, voire périlleuses.

    Pourquoi se fatiguer et courir des risques alors qu’il existe tant de formules de vacances clés en main, de voyages organisés, de loisirs sans dangers et parfaitement conçus pour le bien être et la sécurité des usagers ? De l’aventure parfaitement maîtrisée, peu de surprises, ce qui évite les désagréables. Tellement confortable tout ça, qu’à part nous qui avons choisi plus facile encore et surtout moins onéreux en squattant chez nos enfants, tous nos amis ont recours à ce type de formules toute faites pour leurs congés annuels.

    Nouvelle soirée de folles supputations, nouvelle nuit d’angoisse. Pour nous tous cette fois.

    Ah, cette mortelle étreinte de la peur qui m’a étouffée et fait endurer mille morts durant cinq jours entiers ! Il faudra bien que je les lui fasse payer un de ces quatre à ce sacripant ! Mais pour l’instant, vu son drôle d’état, pas question de le brusquer avec mes récriminations. Cela ne servirait à rien au demeurant, puisque depuis son retour, non seulement il est frappé de mutisme mais qu’en plus, il semble ne se souvenir de rien concernant ces dix jours d’errance dont huit de véritable enfer pour les enfants et moi!

    En effet, ce n’est qu’après le délai consacré de deux jours que nous nous sommes rués en bloc au poste de police le plus proche pour signaler sa « disparition », soit quatre jours après son départ matinal pour cette maudite randonnée en solitaire. Les recherches n’ont donc été entreprises que le lendemain. La veille, abrutis par le manque de sommeil, nous avions dû subir les réserves d’usage du gendarme qui nous avait reçus et qui évoquait mon mari comme s’il s’était agi d’un parfait inconnu.

    - Le disparu  est un adulte sain de corps et d’esprit, donc responsable de ses actes et de ses décisions. Vous devez donc savoir, madame, que si nous le retrouvons dans le même état de santé mentale que lorsqu’il est parti, nous ne pourrons le forcer à rentrer, pas plus que nous ne serons tenus de vous dire où il se trouve s’il ne le désire pas, De surcroît, avec son seul signalement comme piste de départ, et dans l’option d’une fugue programmée… Mais nous ferons de notre mieux, vous pouvez en être sûre !

    Je savais tout cela mais je me refusais à envisager le pire. Malgré mes délires précédents, je ne croyais pas à une fuite volontaire de celui qui partage ma vie depuis plus de vingt-cinq ans ! Il n’y avait décidément aucune raison pour qu’il décide comme ça, d’un coup, de me quitter ! Mais alors quoi ? Les scénarios qui s’offraient à mon esprit en pleine déroute, étaient bien pires que celui que je niais de toute mes forces…

    Au cinquième jour de recherches infructueuses, c’est à quelques rues de chez nous que notre « fugueur » fut repéré, identifié et appréhendé en raison de son comportement erratique qui tendait à prouver qu’il n’avait pas toute sa tête. Il balbutia aux gendarmes qui le reconnurent, qu’il cherchait son immeuble. Hagard, il leur montra de lui même ses papiers, demanda s’il était bien dans la ville mentionnée sur sa carte d’identité  et lorsqu’ils le lui confirmèrent, totalement hébété, il déclara qu’il ne reconnaissait plus rien.

    Conduit à l’hôpital, il y subit tout une batterie d’examens qui ne révélèrent rien de suspect. Il était en pleine forme physique, pas une égratignure ni la moindre trace de coup pour appuyer la thèse d’une agression ou d’un accident de la circulation. Le scanner cérébral ne décela aucune anomalie répertoriée. On m’assura qu’il n’était pas atteint de la maladie d’Alzheimer mais on ne put m’expliquer les raisons de son amnésie, partielle puisqu’elle ne concernait apparemment que les dix jours de sa disparition. Lorsque nous le revîmes enfin, au onzième jour, il nous reconnut en effet sans problème, les enfants et moi puis nos petits enfants dès qu’il fut autorisé à rentrer à la maison.

    Franchement, lorsque je l’ai revu, en bonne santé mais incapable de se rappeler du moindre détail de sa randonnée, au point qu’il ne se souvenait même pas avoir quitté la maison et se demandait ce qu’il faisait dehors, habillé de la sorte, avec un sac a dos et tout le toutim, j’ai d’abord cru qu’il simulait puis, les spécialistes me confirmant qu’il était réellement frappé d’amnésie sélective, sont revenues à ma mémoires ces extravagantes histoires de pseudo kidnapping par des extraterrestres que relatent encore régulièrement certains médias. J’ai eu beau me traiter de folle hystérique et même d’idiote congénitale, je n’étais pas loin d’y croire ! Je le suis encore car il n’y a toujours aucune explication valable à cette double absence, physique pendant dix jours, et mentale depuis.

    La police elle, bien que n’ayant rien pu prouver, avait sa propre explication à cette fugue et à ses conséquences imprévisibles et elle n’en démordait pas : la drogue.

    - Une saleté qu’il aura prise. Un de ces nouveaux stupéfiants qui se vendent en ce moment sous le manteau et auquel il n’était pas encore accoutumé. Il faudrait savoir où il se fournit d’habitude, remonter la filière…

    Je leur ai répété sur tous les tons que mon mari n’avait jamais rien pris d’illicite. Qu’il avait même arrêté de fumer depuis plus de dix ans, que les analyses sanguines n’avaient rien révélé de ces fameuses saletés dont ils parlaient…Ils s’accrochaient à leur idée.

    - Il y a maintenant des produits quasiment indécelables dans l’organisme madame ! Vous n’imaginez même pas ce que les trafiquants sont capables d’inventer. Ils se paient à prix d’or des as de la chimie. En plus, votre mari a disparu pendant assez longtemps pour que la substance qu’il a absorbée ait totalement disparu de son sang non sans avoir causé au préalable des dommages sur son cerveau.

    Je dus me rendre à l’évidence qu’ils avaient peut -être raison, sinon qu’est-ce qui avait causé son amnésie ? C’était hélas plus plausible que ma thèse farfelue d’enlèvement par des extraterrestres ! En désespoir de cause, je finis par accepter qu’il soit hypnotisé. On m’assura qu’il n’y avait aucun danger et qu’au contraire, si la drogue n’était pas la raison de son état, cette méthode pouvait réactiver ses souvenirs, non pas forcément de façon durable, mais tout au moins, assez pour permettre de comprendre ce qui lui était arrivé.

    Mais il ne se rappela rien, même au plus profond de la transe hypnotique.

    Ramené au jour de la randonnée, puis questionné sans relâche, il ne livra qu’un regard fixé sur le vide et que les mêmes mots inlassablement bafouillés : « J’ai vu… J’ai vu… »

    Il n’alla jamais plus loin. Nous ne pûmes savoir ce qu’il avait vu de si choquant pour en arriver à cet état de délabrement mental.

    La police a clos son enquête faute de preuves.

    Pourtant, je voudrais tant garder l’espoir que moi au moins, je saurai un jour ce qui s’est passé pendant cette maudite randonnée. Je voudrais qu’il se souvienne et me revienne enfin, comme avant. Mais pour cela il faudrait qu’il sorte de son mutisme obstiné. Je dis bien, obstiné ! J’ai attendu qu’il se repose, persuadée que le calme et de longues nuits de sommeil réparateur, seraient suffisants pour lui remettre les idées en place puisque son corps lui, n’avait visiblement pas souffert ! Je dirais même plus, de ce côté-là, il paraissait en bien meilleure forme qu’avant sa « fugue », si fugue il y avait eu. Si je ne craignais pas qu’on me prenne pour une folle, j’irais jusqu’à affirmer qu’il a…rajeuni, oui, rajeuni !

    Alors je l’interroge, quand je lui trouve l’air un peu moins égaré bien sûr ! Mais il tourne la tête, comme s’il était incapable de me regarder en face ou pire, comme s’il se murait délibérément dans le silence.

    Quand le découragement me gagne, je me répète ce que les flics m’ont dit et que le psy me répète pour me consoler à l’issue de chaque séance que suit mon mari depuis sa réapparition :

    - Vous avez de la chance qu’il soit encore en vie. Ces nouvelles drogues font des ravages. On dénombre de plus en plus de cas d’overdoses mortelles.

    Je n’arrive pas à la mesurer, cette chance quand je regarde mon homme perdu dans son monde intérieur. Je me demande ce que j’ai bien pu faire de terrible pour mériter un sort pareil. Ce que je lui ai fait à lui, pour qu’il ne m’adresse plus la parole alors que les spécialistes m’ont dit qu’il n’y a, physiquement du moins, aucune raison à cela. Je sais qu’il m’a bien reconnue, tout comme nos enfants et petits enfants. Le jour de son retour, il nous a tous serrés dans ses bras. La seule chose qu’il a dite alors, c’est « Quel con, je me suis perdu ! ». Depuis, plus rien !

    Dans cette sale histoire de drogue ou d’autre chose que j’ignore, j’ai perdu mon compagnon de route aussi sûrement que s’il n’était pas rentré il y a deux mois. J’ai bien peur que de cette fugue -là, il ne revienne jamais. Et ça me met dans une rogne !

     

    Ce matin, en me réveillant une fois de plus auprès de cet inconnu muet depuis maintenant quatre mois, la digue de mon désespoir a cédé. Quatre longs mois que je retiens mes larmes jour après jour pour me montrer forte quand les enfants viennent aux nouvelles. Mais là, je n’en peux plus de ce silence de tombe qui règne chez nous quand nous ne sommes que tous les deux.

    La tête enfouie dans l’oreiller, je pleure enfin. Des sanglots violents, de chagrin, de colère, de ras le bol ! Je suis incapable de les maîtriser. Et lui là, ce…qui ne bouge pas le petit doigt, allongé comme une momie à côté de moi. Lui qui ne me touche plus depuis quatre mois, comme s’il comprenait qu’il m’est désormais impossible de faire l’amour avec lui, parce qu’il m’est devenu étranger. Je m’étrangle de chagrin et de rage… Alors n’y tenant plus, je me redresse, prête à me lever pour échapper à la douleur qui me tue à petit feu.

    Soudain, une main très douce se pose sur mon bras, comme pour me retenir :

    - Je t’en prie, ne pleure pas ma chérie ! Tout va bien ! Je vais t’expliquer.

     


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  • Et voilà ! J'y suis !

    Fourbu, un peu nerveux et très intrigué, je suis arrivé devant le but que je m'étais inconsciemment fixé depuis mon enfance. De loin, la forêt était déjà impressionnante, de près, elle est presque inquiétante, voire hostile. Une masse sombre, sauvage. Un fouillis inextricable de branches entremêlées, comme si elle voulait se protéger des intrus dans mon genre…

    Je n'ai jamais vu autant d'arbres en un seul endroit depuis les balades en montagne de mes 16 ans. Dans la Cité, la Bétonnière -comme dit le papy -qui porte si bien ce sobriquet, il y a bien deux parcs mais ils sont agencés avec rigueur. Les essences, des plus ordinaires au plus rares, y sont dûment répertoriées, étiquetées sous leur appellation latine. Les arbres y sont alignés le long des allées sablonneuses tellement bien entretenues qu'une trace de pas y est presque incongrue. Ou alors ils y sont plantés bien droits, par petits bouquets très sages de deux ou trois au milieu de parcelles engazonnées impeccables, agrémentées de massifs fleuris tirés au cordeau.

    Mieux ou pire, ces parcs hyper domestiqués, sophistiqués même, s'étendent sous d'immenses bulles, des serres arboretum géantes au cœur de la ville, qui les isolent des miasmes pollués. Ces petits coins de « nature » sont protégés plus efficacement que ne le sont les humains.

    Là, je suis en présence d'une vraie forêt, luxuriante, d'apparence impénétrable comme devait l'être autrefois la forêt amazonienne aujourd'hui réduite à la portion congrue en dépit des nombreuses tentatives de reboisement dont elle a fait l'objet depuis tant et tant d'années. De hauts buissons d'épineux semblent monter la garde. Plus enchevêtrés que ceux à travers desquels j'ai dû me frayer un chemin à coup de canif et de bâton, pour parvenir jusqu'ici. Car curieusement, le sentier sur lequel je marchais depuis environ trois kilomètres, s'est brutalement interrompu aux abords de la forêt. Je me suis soudain retrouvé face à un mur végétal composé de hautes herbes coupantes, d’orties géantes, d’arbustes en tous genres au milieu desquels des mûriers déjà bien croulant de fruits pour un début d’août paraissaient me dire : « Régale-toi puis passe au large ! ». Mais il m'en fallait plus que les insinuations d'un vieillard et les épines de quelques ronciers pour m'empêcher d'atteindre mon objectif. Je voulais pénétrer dans la forêt et je le ferais. Il m'en a coûté un bon mal de ventre pour m'être gavé de mûres énormes et succulentes, et des mains autant que des mollets ensanglantés de milliers de griffures revanchardes infligées par des mûriers furieux d'avoir été saccagés.

    J'ai réussi à passer un simple mur mais à présent, c'est d'une véritable muraille qu'il s'agit et je n'y trouve aucune voie d'accès. Quelque part, derrière ce rempart hérissé d'épines acérées, je perçois le murmure caractéristique de l'eau. Une rivière ? Je n'en ai pas vu en venant. Si elle coule à l'intérieur, elle y entre et en sort bien quelque part pourtant !

    Plus déterminé que jamais, j'entreprends l'exploration systématique des environs, autour de cette forteresse végétale si férocement gardée. Il n'est pas encore très tard et j'ai toujours ma tente pour camper en cas de besoin, car il n'est pas question que je fasse marche arrière maintenant.

    Trouver la rivière…Comment a-t-elle pu échapper à mes regards. Elle vient bien de quelque part. J'aurais dû la voir à un moment ou à un autre durant ma balade. J'étais tellement obnubilé par la forêt, que je n'ai pas fait attention. Il me semble bien cependant avoir aperçu au loin, le cours vagabond d'une rivière, miroitant sous les rayons ardents du soleil. Celle que je cherche probablement. Si elle pénètre dans la forêt, je pourrai y entrer moi aussi…

    J'avance péniblement. Mon bâton rageur a repris son œuvre de destruction, ce qui me vaut quelques coupures et griffures supplémentaires. Je transpire à grosses gouttes. Le clapotis de l'eau se fait plus proche. Hormis ce murmure liquide, pas un chant d'oiseau, pas un bourdonnement d'insecte, pas un cri d'animal, pas un craquement de branches…Pas même un froissement de feuilles agitées par la brise qui pourtant, fait onduler l’océan herbeux derrière moi. Seulement la chanson calme et fluide de la rivière qui guide mes pas, le rugissement du sang dans mes oreilles, le souffle de forge de mes poumons en pleine hyper ventilation et les coups désordonnés de mon cœur qui bat la breloque sous l'effet de la fatigue et d'une crainte sourde…

    Ce silence…On dirait que la forêt s'est tue pour guetter mon approche… Je divague !

    - Avance donc imbécile au lieu de te faire un film d'horreur ! C'est rien qu'une forêt ! Et depuis combien de temps tu n'en as pas vu une pareille hein ? De quoi être impressionné pour sûr !

    Oh là ! Voilà que je parle tout seul ! Je deviens gâteux comme l'ancêtre du bled paumé de tout à l'heure ! Il a dû boire trop de sa pichenette celui-là. L'évocation du nectar pétillant me donne soif et je me souviens fort à propos de la bouteille dont il m'a gratifié et du conseil qui l'a accompagnée : « Tu la boiras à not' santé quand tu s'ras là-bas. Mais avant de rentrer dans c'te maudite forêt, hein ! »

    - Ben voilà, j'y suis papy !

    Le bruit du bouchon qui saute, résonne tel un coup de fusil. Pourtant aucune volée d'oiseaux effrayés ne s'élève alentours. Bizarre ! Portant le goulot à mes lèvres desséchées, j'avale de grandes lampées de cidre à la santé du vieil homme. Et à la mienne aussi.

    - Voilà une bonne chose de faite ! À nous deux maintenant ! Dis-je, défiant la forêt.

    Je sais que ça peut paraître dingue mais la sensation que cette sauvage entité arborescente m’écoute réellement, qu’elle me guette avec une certaine hostilité, se renforce en moi de seconde en seconde, alors le son de ma propre voix me fait du bien. Il me rassure en brisant le silence profond, absolu, mortellement oppressant que m'oppose la masse sombre et touffue.

    Soudain, l'espace devant moi se dégage comme par enchantement. J'ai failli tomber dans la rivière sans même m'en rendre compte. Bordée d'arbres et d'herbes hautes qui la cachent aux regards indiscrets, elle n'est pas très large ni très profonde. C'est presque d'avantage un gros ruisseau qu'une rivière à cet endroit, voilà pourquoi je ne l'ai pas vue.

    Perché sur un petit promontoire, je peux maintenant suivre un bout de son parcours ondulant à travers la campagne verdoyante. Je pourrais longer ses berges et m'éloigner enfin de ce lieu étrange. C'est ce que me conseille gentiment ma conscience mais je ne l'écoute pas. Pas question ! Même si j'ai l'impression d'entendre les arbres menaçants m'enjoindre de m'en tenir là, de rebrousser chemin pendant qu'il en est encore temps.

    Non ! Il ne sera pas dit qu'une forêt, aussi mystérieuse et interdite soit-elle, aura eu raison de ma détermination. Je sais à présent comment je vais entrer…

    Je me déchausse et fourre mes chaussettes humides de sueur dans mes chaussures que j'accroche à une courroie de mon sac à dos, j'arrime plus fermement mon équipement à mes épaules et je me jette à l'eau, dans tous les sens du terme…


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  • Aussi loin que remontaient mes souvenirs, j'avais entendu parler d'une forêt mystérieuse au cœur de laquelle nul n'osait s'aventurer. Mes grands-parents l'avaient maintes fois évoquée comme un lieu mythique, dangereux. Un lieu étrange auquel s'attachait une terrible légende. Durant toute ma petite enfance, friand de contes à faire peur, outre l'ignoble croque-mitaine dont me menaçait perpétuellement ma mère pour me faire obéir, je l'avais peuplée de dragons sanguinaires, de sorcières malfaisantes, de gnomes repoussants, de goules et de vampires…

    En grandissant, je l'avais oubliée. Je n'avais plus besoin de récits fantastiques pour nourrir mes frayeurs. La Cité, monstre tentaculaire, y suffisait amplement et j'avais eu largement le temps de perdre ce goût qu'ont souvent les gosses pour les histoires effroyables. Et voilà qu'à cinquante balais, le souvenir glauque remontait à la surface, percutait ma conscience de plein fouet, ranimant du même coup, violemment, ce désir obscur et latent de tout foutre en l'air pour partir à l'aventure. Aller voir de plus près si les légendes avaient quelque fondement.

    Qui n'a pas rêvé au moins une fois dans sa vie, de parcourir les profondeurs magiques de la forêt de Brocéliande ? Et qui sait, d'y rencontrer l'Enchanteur Merlin ?

    Moi, je n'en demandais pas tant. Je ne courais plus après les sortilèges Je voulais juste vérifier si cette mystérieuse forêt n'était pas que le fruit de l'imagination de mes adorables grands-parents qui assuraient que leurs propres parents avaient vécu là-bas avant la catastrophe, sans préciser jamais de quelle catastrophe il s'était agi, pour l'unique raison qu'ils n'en savaient rien, parce que leur père et mère n'en avaient jamais rien dit. Or, la tradition orale n'étant pas toujours fiable en raison même des inévitables déformations que lui font subir les décennies, ils avaient voulu consulter les archives départementales, espérant y découvrir la mention d'un cataclysme censé s'être produit à une quarantaine de kilomètres de la Cité… Rien ! Rien de rien ! Et pour cause, on leur apprit que tout ce qui concernait cette année-là et seulement celle-là, avait mystérieusement brûlé…

    Était-ce là ? « Et si c'était vraiment la forêt interdite dont me parlait mon grand-père… » Me dis-je pour la ixième fois le cœur battant. Même de loin, huit ou dix kilomètres à vue de nez, elle paraissait vraiment étendue…Il n'en existait pas de telles ailleurs dans la région d'après ce que j'en savais. Et j'en savais si peu. Il me fallait de toute urgence aller y voir de plus près. Briser le tabou. Entrer dans la forêt interdite…

    La curiosité m'empoignait les tripes, me fouaillait le cerveau, faisait battre mon cœur à deux cents à l'heure, provoquait des fourmillements dans mes membres. Comme mus par ce besoin de savoir, pressés d'arriver à destination, mes pieds, d'eux même, accentuèrent la cadence.

    Était pure coïncidence ? Au fur et à mesure que la forêt se rapprochait, non seulement les lieux habités se raréfiaient mais de surcroît, ils me paraissaient de plus en plus désertés. Bientôt, je ne traversai plus que des hameaux fantômes totalement abandonnés par leurs habitants.

    « C'est donc cela, la désertification du monde rural dont les politiques nous rebattent les oreilles depuis des décennies ? » me dis-je pour me rassurer, car mes pensées prenaient un tout autre chemin. « Et si la proximité de la forêt y était pour quelque chose… » Me soufflait une petite voix insidieuse de plus en plus insistante.

    -  Là tu déconnes mon vieux ! Elle a raison ta femme, c'est la cinquantaine qui te joue des tours. L'andropause te guette pépé !  Lançai-je tout haut, histoire de faire fuir ces pensées dérangeantes.

    Et si cette fugue de gamin en quête de sensations fortes, n'avait pour raison profonde que la peur de vieillir, l'envie de croire que l'avenir était encore devant moi ? Je pouvais faire demi-tour, il était encore temps, j'avais rempli le contrat que je m'étais assigné…Non ! Je n'allais pas reculer ! Pas si près du but !

    J'intimai silence à mon esprit qui battait la campagne et je continuai bravement à avancer, ignorant sciemment la petite voix dans ma tête.

    «  Ah ! J'avais raison ! » Me dis-je en riant de mes craintes débiles.

    En effet, à peine à deux ou trois encablures de ma destination finale, je pénétrai moulu mais totalement rassuré dans un hameau d'une dizaine de maisons. De petits corps de ferme où une poignée d'irréductibles paysans survivait en autarcie grâce à l'élevage de poules, de lapins, de cochons, de chèvres, de moutons et de quelques vaches. Une ou deux parcelles de blé pour la farine, de luzerne, d'orge et de seigle pour nourrir les bêtes, des potagers pour les légumes. Quelques arbres fruitiers, des treilles accrochées aux murs les mieux exposés pour la piquette maison. Pour l'eau, une fontaine sur la place, alimentée par une source et un puits dans chaque cour. Quelques arpents de bois pour le chauffage.

    J'avais l'impression d'avoir fait un énorme bond en arrière dans le temps. Seuls les antiques tracteurs me rappelaient que ce village aux mœurs surannées, était bien de mon époque. Les engins en question fonctionnaient au carburant vert de fabrication locale, ainsi que je l'appris par la suite en questionnant un vénérable ancêtre. Je trouvai le vieil homme assis sur un banc de pierre, à l'ombre généreuse d'un grand chêne plusieurs fois centenaire, près de la fontaine gazouillante. Un gros chat tigré ronronnait sur ses genoux et un chien roux ronflait, couché à ses pieds. Les autres habitants ne se montrèrent pas. Sans doute vaquaient-ils, indifférents à ma présence, à leurs habituelles occupations. Ôtant la pipe de bruyère de sa lippe soulignée de bacchantes à la gauloise aussi blanches que ses cheveux, il me regarda approcher d'un œil circonspect.

    - Eh ben, mon gars! Qué qu'tu fais donc par ici ? On n'a pas bézef de visites dans c'trou à rats ! Commença-t-il intrigué, tandis que je remplissais ma gourde presque vide à l'eau fraîche de la fontaine.

    - Je me promène ! Répondis-je sans m'offusquer de ce tutoiement d’emblée.

    - Tu te promènes ! Et tu viens d'où comme ça ?

    - De là-bas ! Dis-je, montrant d'un doigt approximatif la direction de la Cité.

    - De la Bétonnière ! Elle est garée où ta puante,

    - Ma…puante ?

    - Ouais, ta foutue bagnole quoi !

    - Euh…Je suis à pieds.

    - Non ! Vrai ? Crédieu ! Ça fait une trotte à pinces ça petit ! Ben mon lascar, on en fait pu des comme toi, tu sais !

    Quoique teintée d'un brin de méfiance, je pouvais lire l'admiration dans ses yeux d'un bleu délavé.

    - Et tu vas où comme ça ?

    De nouveau je tendis un index évasif :

    - Par-là…

    - La forêt ? Ben merde alors, t’as pas les foies petiot ! Eh ma bonne, apporte donc un coup d' pich'nette à c'te jeune inconscient ! Cria-t-il à une vieille femme chapeautée de paille qui s'avançait timidement vers eux.

    Je riais intérieurement, pas du tout vexé que ce digne ancêtre me traite de jeune inconscient. Je n'étais plus à cela près. Cette escapade bien venue ne me rendait-elle pas mon adolescence ?

    - Ehhh !!!! Ma mie, viens y donc ! Y va pas t'manger le p’tit gars d'la ville ! Rapplique, vite fait nom de d'là! Lança-t-il à l'aïeule qui paraissait figée sur place à mi-chemin entre sa maison et nous. Puis, remarquant un léger froncement de mes sourcils à ce ton martial, il reprit :

    - L'est un peu sourde ma moitié, faut brailler pour qu'elle entende si t'y causes.

    Il avait une voix de stentor, rocailleuse et naturellement autoritaire.

    La mamie avait fait demi-tour pour rentrer chez elle.

    Elle revint assez vite vu son grand âge évident. Elle portait calés contre son giron, un pichet de grés brun et trois grands verres empilés.

    - Euh… C'est quoi votre…pichenette ? Questionnai-je inquiet.

    Le vieil homme éclata d'un rire aussi rauque que sa voix.

    - Sûr que tu trouves pas ça dans tes hypermarchés à la gomme ! Ça mon gars, c'est du vrai cidre bouché d'chez nous, sans colorants ni conservateurs comme y disent les gens d'la ville. Pas d'la pissette pour gamins, crois-moi ! La cuvée d'y a deux ans, rude comme nous mais j'te jure qu'elle casse bien la soif par ces chaleurs ! Allez, bois sans crainte, c'est pas du poison, Goûte z’ y et t'en redemanderas d'ma pich'nette !

    Hésitant, je trempai mes lèvres dans le frais breuvage pétillant.

    - Hum, c'est bon ! Un peu acide mais ça désaltère bien votre truc !

    - Acide comme nos pommes petit ! Si t’aimes, j' t'en donne une bouteille. Tu la boiras à not' santé quand tu s'ras là-bas. Mais avant d'rentrer dans c'te maudite forêt hein!

    Ce conseil ne sonnait-il pas comme une espèce d'avertissement ? Je ne voulais pas m'arrêter à cette impression saugrenue.

    - D'accord ! Dites-moi, j'en ai encore pour combien de temps ?

    - T'as l'air solide et pas trop mauvais marcheur pour un type de la Bétonnière. T'y s'ras dans une bonne heure…si tu traînes pas en ch'min. Mais bon sang d' bois, qué qu'tu vas donc faire là bas mon gars ?

    - Rien de spécial. Juste vérifier…une vieille histoire que me racontaient mes grands parents maternels…

    - Libre à toi mon gars, libre à toi…

    Encore ce ton de mise en garde sur lequel je ne voulais pas m'apesantir, aussi ne lui demandai-je pas ce qu'il entendait par là. Il n'insista d'ailleurs pas, semblant comprendre mon désir fou d'aller là-bas en dépit du halo de danger qui entourait les lieux. Avant que je ne reprenne ma route et répondant à une question que je n'avais osé formuler, il m'expliqua pourquoi lui et les autres avaient choisi de rester dans ce bled perdu au milieu de nulle part.

    - On n'est plus guère nombreux dans c' trou mon gars mais ceux qui restent sont tous natifs d'ici et tout comme ma femme et moi, ils veulent y mourir et y être mis en terre. L'cim'tière est pas ben grand, mais y a encore d'la place pour not' petite communauté. La seule question qu'on s'pose, c'est qui enterrera l' dernier d'entre nous vois-tu... Y'a assez d'bois pour la chauffe près d'ici, assez d'garennes et d'faisans pour la chasse. Pis l'reste, tout c'qu'on raconte sur c'te drôle de forêt, nous on s'en fout ! Elle nous gêne pas vu qu'aucun d'nous y a jamais mis les pieds et tu d'vrais faire pareil petit, crois-moi ! Mais bon, j'vois ben que j'cause à une tête de bois toute prête à aller au feu…

    Je rougis sous la gentille moquerie de cet ancêtre si sage. Peu m'importait ce qu'il pensait de moi pourtant. La forêt m'attendait et j'étais bien décidé à y faire une incursion avant la fin de cette magnifique journée d'été. Après avoir remercié le vieil homme pour son hospitalité, je le saluai. Il avait remis la pipe à demi éteinte au coin de sa bouche. Il hocha la tête, comme pour approuver l’idée qui paraissait soudain le traverser…À mon sujet, sans nul doute. Je m'en fus sous son regard bleu pénétrant

    - Ah ces gens d'la ville ! Rien dans l’ciboulot ! L'entendis-je murmurer tandis que je tournai les talons.

    - Pense ce que tu veux pépé, je m'en tape ! Marmonnai-je entre mes dents, plus pour moi-même que pour lui. Je vais là où je brûle d'aller depuis…quarante-cinq ans.

     

     

     


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  • L’'Éden perdu

     

    Chaque Homme a son jardin

    Qu'un jour il oublia

    Perdu dans le lointain

    Brumeux de l'au-delà.

     

    C'est un Éden magique

    D'où remonte parfois

    Le parfum nostalgique

    Des bonheurs d'autrefois.

     

    Il survit en nos cœurs

    Où sont tous les chemins,

    Qu'ils soient bordés de fleurs

    Ou noyés de chagrins.

     

    D'errances en dérives,

    Voyageurs égarés,

    Nous trouverons les rives

    Du Jardin oublié…

     

    A-M Lejeune

    Le promeneur

     

    Putain ! Où est-ce que je suis tombé ?

    Ce petit matin du 7 août, un peu avant 4 heures, j'ai quitté la cité encore endormie. La journée s'y annonçait pareille à toutes les autres en ces lieux : grise, morne, malodorante. Une journée ordinaire dans une ville où les nuages perpétuels de pollution gomment les saisons. L'été ne se faisant sentir que par une lourdeur supplémentaire de l'air, le rendant par moment plus irrespirable encore.

    Dans le vieux sac à dos datant de ma jeunesse folle, retrouvé avec le reste de mon attirail de randonneur au-dessus de l'armoire de notre chambre, j'ai calé de quoi me nourrir pour une longue équipée, mon couteau multi lames, une couverture de survie, une lampe de poche antédiluvienne, une gourde isotherme remplie d'eau fraîche…J'ai même retrouvé dans le placard aux « vieilles choses inutiles » comme dit ma femme moqueuse, le bâton de marche acheté autrefois dans une boutique de souvenirs, lors de lointaines vacances à la montagne, mes chaussures de rando, poussiéreuses mais qui me vont encore au poil et une tente monoplace en assez bon état pour ce que j'ai décidé d'entreprendre.

    J'ai tout vérifié hier soir sous les yeux ébahis de ma moitié et de mes enfants de passage chez nous avec leurs rejetons.

    - Tu n'as pas besoin de tout ça ! S'est esclaffée mon épouse. Tu ne pars pas huit jours quand même !

    - On ne sait jamais, ça peut toujours servir au cas où ! Lui ai-je répondu le plus sérieusement du monde

    - Au cas où quoi ?

    - Où j'irais plus loin que prévu tiens ! Je ne compte pas rentrer de nuit tu sais !

    - Et tu as une idée de l'endroit où tu vas ?

    - Oui… Non…

    - Oui ou non ?

    - Oui… Enfin pas vraiment ! Je pars à l'aventure alors je préfère envisager une nuit dehors. Mais je serai rentré demain au plus tard. L'ai-je rassurée en lisant un brin d'inquiétude dans ses yeux habituellement si confiants.

    - Tu as de ces idées toi ! C'est ta cinquantaine qui te taquine au moins ?

    Je n'ai pas répondu et j'ai continué à préparer tout mon fourbi « hors d'âge » comme elle a dit en éclatant une nouvelle fois d'un rire moqueur.

    « Un rire de crécelle ! » Ai-je pensé, agacé plus que de raison par ses remarques ironiques. Je m'en fous de ma cinquantaine ! Elle va bien ma cinquantaine ! Aussi bien qu'elle peut aller dans cette saloperie de ville bétonnée de bas en haut. Je respire aussi mal que la majorité de mes concitoyens, je porte résigné une légère bedaine parce que je manque d'exercice, embringué que je suis comme tout un chacun dans le cercle vicieux « métro-boulot-dodo » qui régit notre idéale société depuis des lustres. Un cercle suffocant que j'ai soudain eu envie de briser avant de m'étioler tout à fait et de perdre toute identité propre, totalement phagocyté par la mégapole tentaculaire où je bosse, je baise et je meurs à petit feu en oubliant qu'au-delà de son cœur de pierre et de ses frontières de brouillard fuligineux et puant, le soleil existe. Le vrai, le chaud, le merveilleux soleil, dans un ciel bleu comme la mer que je n'ai plus revue depuis mon adolescence, à part à la télé.

    Ras le bol ! Voilà, c'est ça dont je crève ! D’un ras le bol soudain, brutal, étouffant, mortel ! Pire que l'air vicié que j'inhale du matin au soir.

    Ça mûrissait en moi depuis quelque temps. Ma femme éberluée m'avait vu ressortir le lendemain de mon cinquantième anniversaire, le home-trainer que les enfants m'avaient offert pour mes 40 ans et qui n'avait vraiment servi qu'un an ou deux avant d'être mis au rebut. Pas le temps, plus l'envie…Et voilà que je m'y étais remis, comme ça, d'un coup. Je sentais avec délice mes mollets durcir, mon ventre mou retrouver quelque fermeté, mon souffle un peu court s'approfondir et un désir sournois d'aventure refaire surface dans mon esprit anesthésié par des années de mollesse et de résignation béate. L'idée avait germé, poussé et fleuri d'une grande randonnée en solitaire comme celles que j'affectionnais adolescent. Il n'y a pas de montagnes chez nous, ni l'océan, pas même une colline. Qu'importe ! Il y a l'horizon au-delà des murs de la cité…Un souvenir lointain…Une histoire extraordinaire entendue un jour… Et par dessus tout, le besoin, que dis-je, l'urgence de m'évader, de fuguer comme un môme en mal de liberté !

    Et ça y est ! Harnaché de pied en cap de mon vieux barda dépoussiéré, chaussures bien lacées, je suis parti.

    Mes sens émoussés par des années de mise en veilleuse, ont petit à petit retrouvé leur délicieuse acuité. Les deux ou trois premiers kilomètres ont été pénibles en dépit de mon entraînement soutenu. On ne rattrape pas en quelques mois toute une vie d'inactivité intensive. Foulée après foulée, mon souffle s'est accommodé à cet air si pur auquel je ne suis pas habitué. Un air qui devenait plus léger, plus délicatement parfumé au fur et à mesure que je m'éloignais des vapeurs létales de la Cité. Mes mollets noués de douleur se sont assouplis, mes pieds ont trouvé le bon rythme, ma voix éraillée s'est miraculeusement éclaircie. Machinalement j’ai commencé à fredonner tout bas, puis de plus en plus vigoureusement les airs entraînants de ma jeunesse, pour marquer le tempo de mes groles sur le long ruban de macadam. Alors, je me suis mis à avaler les kilomètres sans presque m'en rendre compte, heureux. Libre enfin ! De temps à autre, comme libéré lui aussi, mon rire éclatait tout seul, fort, haut, tonitruant, faisant s'envoler des nuées d'oiseaux des arbres et des fourrés bordant la route. Les automobilistes qui me croisaient, fou chantant à tue-tête et riant tout seul à gorge déployée, me montraient du doigt. Je n'en avais cure. Le monde soudain me paraissait plus beau. En me retournant au hasard d'une côte, je voyais encore les contours brumeux de la ville au loin. Elle me faisait penser à un immense vaisseau, gris, hostile, dangereux, venu d'une planète triste et inhospitalière, qui se serait posé là par inadvertance au beau milieu d'un paysage idyllique…

    Je me surprenais à caresser l'idée que peut-être je n'y retournerais pas. Déjà, j'imaginais sans peine la tête de ma famille si policée à l'annonce de ma disparition corps et bien. D'autant que j'étais injoignable, ayant - sciemment ou pas - oublié mon portable sur le buffet du salon….

    Mu par une envie pressante, après cette longue marche sans m'arrêter, ivre que j'étais de ma liberté toute neuve, je quittai la nationale pour m'enfoncer sur une petite route de traverse. Lorsque j'eus soulagé ce besoin naturel, je décidai d'emprunter un chemin vicinal afin d'y chercher un coin pour manger. Le soleil n'était plus loin de son zénith et la faim me tenaillait. La cadence de mes pas faiblissait. Les gargouillements intempestifs de mon estomac m'enjoignaient de faire halte pour déjeuner. Je portai un regard émerveillé autour de moi. De là où je me trouvais, on ne voyait plus la Cité. Le soleil baignait un paysage magnifique aussi loin que se posaient mes yeux. Hameaux nichés au cœur de mosaïques colorées de champs verts et blonds, avec leurs maisons basses aux toits de tuiles rouges regroupées autours de clochers droits comme des i dont les bourdons d'airain rythment les heures…Boqueteaux moutonnant, forêts plus denses aux mille dégradés de vert…Troupeaux paisibles de bovins paissant à l'ombre de pommiers croulant de fruits en attente d’être cueillis, dans des prés fleuris de coquelicots, de boutons d'or et de pissenlits…

    Çà et là, le scintillement d'un ruisseau serpentin, d'un étang aux eaux dormantes ou d'une rivière sinueuse…

    La nature victorieuse de ce début d'août chantait l'été à pleins poumons. Comme pour accueillir dignement le promeneur insolite et solitaire, une prairie parsemée de fleurs blanches, jaunes et rouges, m'offrit l'ombre d'un noyer imposant pour abriter mon pique-nique.

    Quelques vaches impavides levèrent la tête à mon approche puis, jugeant sans doute ma présence sans danger, reprirent leurs sempiternelles mastications sans plus s'occuper de ce drôle d'humain assis sous son arbre, fort occupé lui-même à mâcher le pain ramolli farci de thon en boîte, de tomates sans saveur et d'œufs durs sortis tout droit de culs de poules de batterie. Un délice que je fis passer avec force rasades d'eau par chance encore fraîche. Deux pommes véreuses ramassées en cours de route et dûment débarrassées de leurs minuscules hôtes gigotant, complétèrent ce véritable festin de roi pour le marcheur affamé et fourbu que j'étais. Repu, je me suis allongé béatement sous l'ombrage feuillu du noyer et, la tête posée sur mon havresac, je m'y suis endormi aussitôt, tel un bébé sur le sein de sa mère. C'est le bourdonnement agaçant d'un insecte au niveau de mon nez qui m'a réveillé. Heureusement ! Sinon j'aurais pioncé jusqu'à pas d'heure. Depuis combien de temps n'avais-je pas aussi bien dormi, aussi totalement apaisé ? J'ai arrimé le sac à dos un peu plus léger sur mon dos reposé et je me suis remis en route.

    En dehors de quelques ornières et de petits raidillons éprouvants pour mes mollets de néophyte, le chemin était facile et se faufilait entre les champs de blé, de maïs, de tournesol, de colza, de pommes de terre… reliant entre eux villages, hameaux, fermes isolées et lieux-dits aux appellations aussi évocatrices que charmantes. Les bas côtés avec leurs fossés herbus et leurs haies épineuses, s'agrémentaient des couleurs vives des pissenlits, des coquelicots, des marguerites et d'autres fleurs jaunes et bleues dont j'ignore les noms. In petto, je m'étonnais après toutes ces années de captivité intra muros, d'être encore capable de reconnaître tant d'espèces de fleurs, tant de variétés de culture. Une légère brise m'apportait par instant les parfums de foin coupé, de terre chaude et d'herbe fraîchement fauchée. Mes narines se gorgeaient avec délice de ces naturelles fragrances. Ne croisant pas âme qui vive hormis quelques paisibles ruminants, je me sentais comme un explorateur à la découverte d'une terre inconnue. J'étais seul au bout du monde, le cœur empli d'allégresse…J'en oubliais la rumeur de plus en plus ténue de la circulation sur la nationale, ailleurs, sur une autre planète, dans une autre galaxie…Sur celle-ci, les natifs circulaient cahin-caha à bord de poussifs tracteurs aux couleurs passées, ou juchés sur de vieux vélos brinquebalants. Nul fâcheux au volant de son bolide rutilant pour se gausser d'un promeneur isolé. Une espèce rarissime en cette époque dédiée à la vitesse. Au loin, sur la ligne d'horizon où tremblotait un translucide rideau de chaleur, une masse touffue, vert sombre au point d'en paraître noire, se découpait dans le ciel bleu, attirant irrésistiblement mon regard…

    Était-ce là ?

     


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