• « Aller à vau-l’eau »

    On peut dire sans se tromper que ces temps derniers, dans beaucoup de nos régions, l'été va à vau l'eau , au propre comme au figuré !

    Lorsque l'on utilise cette expression aujourd'hui, c'est dans son sens figuré, pour traduire une idée de fuite, de laisser aller. En effet, dire d'une chose qu'elle va à vau l'eau, c'est  faire le triste constat qu'elle part à la dérive, qu'elle est abandonnée, qu'elle périclite.

    Aller à vau l'au a donc pris au fil du temps et dans le langage courant un sens  très négatif, alors qu'à l'origine, littéralement parlant, cette locution verbale signifiait simplement : suivre le courant et le fil de l’eau (exemple : « Personne ne ramant, nous nous laissions aller à vau-l’eau », Larousse, XIXe)

    Pour mieux comprendre l'origine de l'expression "aller à vau l'eau", il faut partir en amont de son histoire et de son apparition dans la langue française.

    Allons donc à vau l'eau découvrir d'où elle découle...

    Origine de l’expression « aller à vau-l’eau »

     Le terme « à vau », qui fait partie de l’expression, existe depuis le XIIsiècle dans l’ancien français. Le terme a la même origine que l’adverbe « aval » (vers le bas), qui lui-même s’est construit à partir des termes « val » et « vau » : c’est-à-dire la vallée, le vallon.

    En effet, aller « à val » signifiait descendre la vallée ou aller le long de. Ainsi, la locution adverbiale « à vau » a suivi la même évolution (en réalité, la locution adverbiale « avau » est la forme vocalisée de « aval », « côté par lequel descend un cours d’eau », selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

    En 1552, on trouve la première occurrence de l’expression, toujours utilisée au sens propre, dans un texte de Rabelais : « Notre trinquet est avau l’eau » (Le Quart Livre, XVIII). Si l’orthographe n’est pas la même, l’expression, quant à elle, est bien utilisée pour signifier que le trinquet (le mât de misaine) suit le cours de l’eau.

    Enfin, l’expression apparaît au sens figuré, pour ce qui semble être la première fois, dans un écrit de Montaigne, en 1580 : « La science du monde s’en va nécessairement à vau-l’eau » (Essais, II). Que de chemin pour en arriver là…

    De ces évolutions de la langue nous restent tout de même des termes et expressions encore fréquemment utilisés : ainsi on dit « amont » pour désigner ce qui se trouve plus haut (à l’origine : « en remontant le cours d’eau ») et « aval » pour ce qui est plus bas. On retrouve aussi ces termes dans l’expression « par monts et par vaux », qui signifie être en déplacement, de tous côtés et à travers tout le pays, en toutes sortes d'endroits.

    Pour aller plus loin : La locution adverbiale « à vau » a connu d’autres utilisations avant de disparaître du paysage de la langue française. Nous pouvons l'observer dans l’expression « à vau-de-route », utilisée tant au sens propre de « en descendant la route » qu’au sens figuré. Ainsi, on disait « à vau-de-route » pour dire « précipitamment et en désordre » (ex : « Les ennemis, voyant qu’on allait à eux avec cette vigueur, s’en sont enfuis à vau-de-route, abandonnant leurs tentes et leur bagage qui a été pillé », Racine, Lettre à Boileau, 1692). Dans le domaine de la chasse, on trouve les expressions « à vau-vent » ou « à vau-le-vent » pour signifier ce qui va dans le sens du vent ou ce qui est emporté par le vent. On peut encore citer « à vau-le-feu » et « à vau-l’ombre » qui signifie, au sens figuré, « à tout rompre » ou « à se rompre » (ex : « Votre bras est un tison allumé. Vous voyez les formes qui sont dans la mer rouler sous les vagues à vau-le-feu. » Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1869 ou encore « L’ourque se retrouva à vau l’ombre dans l’obscurité incommensurable », Hugo, L’Homme qui rit, 1869)

     

     

    Exemples d’usage de l’expression « aller à vau-l’eau ».

    «   Elle se leva et vint s'asseoir près de moi ; les rames traînaient et avaient l'air vides ; la barque s'en allait à vau-l'eau et tournait lentement sur elle-même : la vieille valse des esquifs à la dérive. »

    Romain, Gary, Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable, Gallimard, 1975

     

    «  Ni le lendemain, ni le surlendemain, la tristesse de M. Folantin ne se dissipa ; il se laissait aller à vau-l’eau, incapable de réagir contre ce spleen qui l’écrasait. »

    Joris-Karl Huysmans, A vau-l’eau, 1905

     

     « Frais séjour où se vint apaiser la tempête De ma raison allant à vau-l'eau dans mon sang. »

    Verlaine, Œuvres complètes, Amour, 1888

     

    «  A mesure que s'élève le niveau de vie matérielle la véritable vie court à vau-l'eau. Les gens vivent de plus en plus longtemps, mais leurs vies sont plus vides, leurs passions plus fades, leurs vices plus forts. »

    Octavio Paz, Itinéraire.

    Source :La langue française

     

    Photo personnelle : L'Albarine-Bugey- 2010

    « Aller à vau-l’eau »-L'Albarine-Bugey

    Je voudrais, à vau l'eau, suivre le cours paisible de cette rivière couleur d'espoir..

     

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  • Commentaires

    7
    Lundi 19 Juillet 2021 à 03:38
    colettedc

    Merci pour toutes ces explications, Anne-Marie. C'est plus que complet ! Bisous

    6
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 14:38
    Renée

    Expression connue mais avec tes explications si complète bien mieux comprise maintenant. Bisous

    5
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 14:26

    Merci Anne Marie, pour cette expression que je connais bien..

    Très belle la photo.

    Pour te répondre mes textes comme tu le sais viennent du vécu.

    Hier pas bien du tout avec mon deuxième vaccin...maux de tête frissons et fièvre...Aujourd'hui je vais mieux.

    Bel après midi

    Bisous mon amie

    4
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 11:18

    Merci , je découvre cette expression et son origine 

    1952 est une année ... koi oui je suis venue au monde cette année-là yes

    Bonne journée 

    Bises 

    3
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 10:38
    C'est l'été qui va à vau l'eau avec beaucoup d'eau. Bises
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    2
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 10:04

    Une expression bien choisie...Merci pour les explications

    Bises

    1
    Jeudi 15 Juillet 2021 à 09:40

    Et cette terre ne va t'elle pas de la sorte, qu'on ne sait plus comment la sauver du désastre... merci, expression connue mais pas vraiment utilisée dans la vie courante... bises

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