• Chapitre 10

    13 juillet, l’aube

     

    Elle rêvait…

    … « VIENS !» Cette fois, ce n’est plus un murmure tendre et… il y a deux voix ? Oui ! Deux voix ! L’une douce, indiscutablement féminine. Quant à l’autre, elle n’a hélas, aucun mal à l’identifier, elle l’aurait reconnue entre toutes, grave, un peu rauque.

    C’est « Lui ».

    Ils sont apparus comme par enchantement. L’instant d’avant, il n’y avait que le vide habituel de son cauchemar, la seconde d’après, ils étaient là !

    Comme lors de son dernier cauchemar, elle ne veut pas regarder mais elle sent qu’il est bien présent à cette sorte de vibration tout près d’elle et qu’elle perçoit à chaque manifestation de l’appel. Sauf que cette fois, la vibration est nettement plus forte puisqu’ils sont deux.

    « Ouvre les yeux Mary-Anne ! »

    « Non ! » Et ce non catégorique répète une fois de plus tout son refus et sa révolte. « Non! » crie-t-elle encore.

    « Ne crains rien Mary, regarde moi ! »

    C’est si fort, si impérieux qu’elle est incapable de résister d’avantage. Ses yeux brouillés de larmes de rage s’ouvrent en dépit de sa volonté et se posent sur lui, ignorant la femme à ses côtés.

    Aucun doute ! C’est l’inconnu de Canal 7 Infos. Le regard bleu et magnétique, les longs cheveux d’ébène, la peau cuivrée, le nez droit, la bouche sensuelle… La séduction faite homme ! Machinalement, elle a noté le moindre détail… C'est comme si tout lui revenait soudain à la mémoire : le jean indigo, la chemise blanche ouverte sur la poitrine nue et dans l’échancrure, ce bijou maudit qu’elle a sciemment oublié parce qu’il lui en rappelle un autre…une étoile…un triangle…un cercle qui tournent, tournent…

    Ce n’est pas grave, elle rêve !

    Elle est en train de dormir et elle rêve. Le plus extraordinaire est qu’elle en soit consciente. Le cauchemar se poursuit. C’est juste un nouvel épisode de cet hallucinant feuilleton qui la tient en haleine depuis plus d’un mois et où elle est à la fois actrice et spectatrice.

    Elle regarde la femme debout près de « son » inconnu. Elle pourrait être sa jumelle tant elle lui ressemble. Merveilleusement belle elle aussi, incarnation de la féminité rayonnante comme lui est celle de la virilité. Grande mais un peu moins que lui, elle domine néanmoins Mary-Anne. Tout comme son compagnon, elle a des yeux d’un bleu surnaturel, le nez droit, le front haut, le teint cuivré d’une métisse indienne, la bouche charnue et sensuelle. Comme les siens, ses longs cheveux noirs et lustrés flottent sur ses épaules.

    Ils la regardent. Un sourire de connivence, très doux, éclaire leur visage et c’est à elle qu’ils l’adressent. Puis ils se font face et placent leurs mains paumes contre paumes à hauteur d’épaules. Une espèce d’aura bleue apparaît alors. Magique et lumineuse elle les enveloppe, l’isolant d’eux.

    Elle sait qu’ils se parlent. Elle ne saurait dire comment elle le sait, mais elle en est sûre. Ils se parlent sans remuer les lèvres et elle n’entend rien. Frustrée, elle les observe en silence tandis qu’ils paraissent s’adonner à un rituel connu d’eux seuls et dont elle se sent exclue.

    Elle meurt d’envie de leur dire que c’est « son » rêve après tout et qu’ils n’ont rien à y faire. Mais elle sait que c’est faux, qu’en fait, elle n’y est qu’invitée. Elle se sent terriblement seule, abandonnée, jalouse de leur intimité. Comme s’ils avaient le pouvoir de lire en elle, sans rompre un instant le contact de leurs mains, sans dissiper le halo qui les entoure, ils tournent vers elle la lumière bleue de leurs deux regards et lui parlent, lèvres closes. Elle les entend dans sa tête :

    « Tu te trompes Mary, tu n’es pas exclue. Ni seule. C’est toi que nous attendions. Nous avons besoin de toi. Viens… Viens… Viens ! »

    Puis aussi soudainement qu’ils sont apparus, ils disparaissent. Tout simplement, ils ne sont plus là ! Dans le décor vide et froid de son cauchemar, flotte à présent une vapeur bleue opalescente, seul vestige de leur présence enfuie…

    Mary s’aperçut qu’elle était debout devant la fenêtre ouverte, nue, scrutant la nuit, tous les sens en alerte, bien éveillée. Mais il n’y avait rien ! Rien que le ciel étoilé où se découpaient, allumées à présent, les lettres fluo de l’hôtel : « DREAM ».

    Oui ! Ce n’était qu’un rêve, presque le même que d’habitude mais cette fois, elle se sentait amère, insatisfaite, frustrée, exactement comme lorsqu’elle ratait la fin d’un film.

    Le plus déconcertant de l’histoire, c’était que selon toute apparence, elle avait dormi et rêvé debout ! Quant à savoir comment elle était arrivée là ! Somnambulisme sans doute ! Bien qu’elle n’ait jamais été sujette à ce genre de dérèglement du sommeil, plus rien ne la surprenait vraiment dans cette espèce de chaos permanent qu’était devenue sa vie.

    Elle se recoucha, se rendormit très vite et ne rêva plus…

    7h. Attablée devant un petit déjeuner désespérément fadasse, elle regardait Canal 7. Il lui était soudain apparu urgent de s’intéresser à l’actualité du Monde. Depuis le reportage du 8 juillet, elle ne l’avait plus fait. Elle écoutait très machinalement en vérité. Jusqu’à présent il ne s’était rien dit de passionnant. C’était d’ailleurs souvent le cas. Elle devait bien reconnaître que sa mère avait raison quand elle qualifiait assez sèchement, les journaux mondio-télévisés de « fatras sans intérêt et de blablas pompeux commandités par le Gouvernement ». Comme le commun des citoyens de la Terre, Mary-Anne savait, évidemment, que Canal 7, seul canal d’infos, était la chaine gouvernementale et que, par là même, elle ne diffusait que de l’information autorisée. Les autres chaines, très surveillées par la censure, étaient uniquement consacrées aux loisirs, à la culture ou au sport.

    Soudain, elle tendit l’oreille. Son sang se glaça dans ses veines. Dans le fatras de blablas comme disait Félie, quelque chose venait de capter son attention et l’espèce de succédané de café sans goût qu’elle était en train de boire, devint amer.

    «… France. Paris. Les gops ont encore arrêté près d’un millier de personnes. Une véritable rafle ! Vague d’arrestations massives également à Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, Renne…Ainsi qu’à Berlin, Rome, Londres, Tel Aviv, Rio, Mexico, New-York, Tokyo, Dakar, Moscou, Pékin, Calcutta, Sydney…Au total vingt mille de ces mêmes sectateurs qui sévissent actuellement et depuis le début du mois un peu partout dans le monde, déstabilisant le Gouvernement et mettant en danger l’Ordre mondial et la sécurité des citoyens, ont été appréhendés.

    On ne parle plus aujourd’hui de groupuscules incontrôlés mais de l’émergence certaine d’une nouvelle secte de l’Apocalypse dont le mot d’ordre serait : « Asservir le du Monde par la force ».

    Ces terroristes illuminés d’un nouveau genre ne seraient plus en quête d’une vie meilleure par la mort. Bien plus terre à terre aujourd’hui, leur objectif serait le pouvoir suprême. Toujours activement recherché, leur leader reste invisible. Inquiets, les Sages siègent actuellement en conseil extraordinaire dans le salon ovale de la Maison Blanche… »

    Suivaient comme pour le 8 juillet précédent, les images choc des arrestations. Cette fois encore, Mary-Anne avait bien du mal à comprendre la peur manifeste des troupes impressionnantes de gops, face à ces prétendus « terroristes » d’un calme olympien. Ils se laissaient abattre à coups de rayons neutralisants tout en demeurant hautains et silencieux, imperturbables jusqu’à ce qu’ils s’écroulent sur le sol. Ce ne fut qu’alors qu’elle prit conscience, que tous semblables, ils auraient pu, eux aussi, être des frères et sœurs de son inconnu…

    Elle stoppa le programme. Il était temps qu’elle reparte. Elle ne voulait pas savoir s’il était là, au milieu des badauds, à Rome ou à Rio, ou pire parmi les milliers de victimes de ce gigantesque pogrom à l’échelle mondiale.

    Il était étrange, se dit-elle, qu’elle place tous ces gens au rang de victimes alors qu’ils étaient probablement coupables des délits graves dont on les accusait, sinon, pourquoi les aurait-on arrêtés ?

    Toujours, même lorsqu’elle était enfant, elle avait pris fait et cause pour les faibles et les opprimés mais ceux-là ne paraissaient ni faibles ni opprimés. Au contraire, comme ceux du 8 juillet, ils dégageaient une puissance extraordinaire. Pourquoi alors ne pouvait-elle s’empêcher de les plaindre.

    Elle devait mettre un frein à son imagination ! N’avait-elle pas cru un bref instant que les fameuses victimes, fixaient sur elle l’océan insondable de leurs regards si pareillement bleus et qu’ils l’appelaient ?

    Elle ne pouvait s’empêcher de se demander si quelqu’un, ailleurs, subissait comme elle le bizarre phénomène. Ce fut avec des questions plein la tête pour ne pas changer, qu’elle reprit la route. Mais celui qui l’attendait y répondrait, n’est-ce pas ?

    Bon sang ! Voilà que cette idée farfelue revenait en force. «On» l’attendait ! Mais qui l'attendait ? L’homme mystérieux de son cauchemar ?

    Des forêts d’épineux jalonnant cette fin de parcours, s’élevait un parfum de résine qui embaumait l’air. Subtilement mêlé à celui de la lavande dont les champs s’étendaient à perte de vue et à celui de l’herbe coupée en train de sécher qui jonchait les bas côtés et le terre-plein central séparant les deux quatre voies de la Nord-Sud, il lui chatouillait agréablement les narines. Les cigales et les grillons stridulaient au soleil. C’était la Provence.

    Au loin elle apercevait déjà, verte et somptueuse mais légèrement embrumée par les vapeurs de chaleur, la Montagne Sainte Victoire que de dantesques incendies avaient autrefois défigurée, à tout jamais croyait-on alors. Mais la nature avait fini par reprendre ses droits, aidée en cela par des hommes, des femmes et des enfants de bonne volonté.

    Elle approchait de Pourrières. Non loin d’Aix en Provence, c’était un trou perdu dans la garrigue environnante, comme figé dans le temps. Quelques mas écrasés de soleil, une rue unique, la place, l’église, la mairie-école, la boulangerie, le café-épicerie et, à l’arrière-plan, la Sainte-Victoire. Elle était arrivée. Enfin !

    La maison de sa mère, construite comme trois ou quatre autres à l’écart du village, était reconnaissable à ses volets peints en bleu, à ses mûrs recouverts de glycine en pleine floraison, à sa tonnelle de clématites qui faisait un tunnel odorant jusqu’à la porte d’entrée et aux généreuses touffes de lavande qui la bordaient.

    C’était la « Villa bleue ». Elle portait bien ce nom que lui avaient donné Ophélia et Patrick lorsqu’ils l’avaient acquise. Son aspect extérieur, typique de la région provençale et un peu vieillot, était compensé par un intérieur parfaitement domotisé qui se mariait merveilleusement à la décoration chaleureuse de Félie.

    Sa mère en était l’unique occupante depuis la mort de son mari. Sa seule compagnie permanente était celle de deux chats possessifs et capricieux. Newton, le plus vieux, un gros matou bâtard et borgne, régnait en maître incontesté sur le domaine, distribuant au gré de son humeur, câlins ou coups de griffes. Quant à Féline, beaucoup plus jeune, c’était une minette rousse aux yeux vifs et mordorés qui déployait une inépuisable énergie à faire tourner tout le monde en bourrique et surtout, à tenter de sortir son aîné de sa naturelle « poussivité ». En vain ! Celui-ci se contentait en général, de repousser l’importune d’un coup de patte dédaigneux puis il se rendormait. En dehors de ces deux pirates, comme elle les appelait avec affection, Ophélia collectionnait les amis comme d’autres collectionnent les papillons. Mieux encore, on peut dire d’elle, qu’elle cultivait l’amitié avec le même amour, le même soin, la même passion qu’elle mettait à cultiver son jardin et ses fleurs.

    Bonne fée au cœur généreux, toujours prête à rendre service, elle attirait les gens dans les rets de son charme et ils s’y laissaient prendre avec jubilation.

    Mary-Anne était assez curieuse de rencontrer la dernière en date de ces nombreux prisonniers volontaires. Fleur de Lune. Le prénom sonnait indien mais il était tout à fait possible qu’il ne corresponde qu’à la mode du moment. Bien ! Elle n’allait pas tarder à savoir à quoi ressemblait la fleur en question. Au bout de la rue, elle aperçut, resplendissante de santé, sa mère qui l’attendait près de la «Villa bleue ».Un soupir de joie et de soulagement gonfla sa poitrine.

    Elle allait revivre !

    À peine se fut- elle arrêtée que Félie se précipita, ouvrit la portière, la tira par le bras pour la faire sortir, la serra contre elle, lui donnant l’impression malgré sa haute taille, d’être redevenue une toute petite fille.

    - Maman…

    - Mon petit ! Enfin, te voilà ! My God, comme je suis heureuse ! Viens, viens, entrons ! Chantonna Félie avec cet accent indéfinissable, mi-américain, mi-provençal qui la ravissait toujours.

    Mais cette fois, ce « Viens, viens » prononcé par sa mère, c’en était trop pour Mary-Anne qui avait presque fini par oublier le maudit rêve.

    - Mary … tu pleures ! Ah ! Je savais bien que tu me cachais quelque chose !

    - Mais non ! Ce n’est rien maman ! Juste un peu de fatigue et la joie de te revoir, c’est tout !

    - Tu es sûre Mary ? Bon, entrons ma chérie ! Tu vas manger un peu, ça te requinquera. Après, tu te reposeras puis tu me raconteras tout ma puce ! Mais avant, je veux te présenter Fleur, elle est là!

    Bras dessus bras dessous elles pénétrèrent dans la maison. Heureux mélange de rusticité et de modernité, imprégnée de chaleur humaine, on y respirait l’atmosphère si particulière qu’avait su lui donner Félie. Ce lieu avait toujours représenté pour Mary, un véritable sanctuaire où elle aimait à venir se ressourcer. Aujourd’hui plus encore, la « Villa bleue » serait son abri dans la tempête qui ravageait sa vie.

    - J'ai un rôti dans le four, il faut que j'aille voir ! Fais le tour, je te rejoins ! Lui dit Félie en filant vers la cuisine. Prends ton temps, je viendrai te chercher quand ce sera prêt.

    Les délicieux effluves de viande, de pain encore chaud et croustillant et de pâtisserie qui émanaient du sanctuaire de sa mère, lui aiguisaient l’appétit d’un seul coup mais elle savait qu’il ne fallait pas la déranger pour quémander un en-cas lorsqu’elle œuvrait devant son antique fourneau.

    Elle partit donc seule à la rencontre de sa maison. Dans le salon qui fleurait bon la cire d’abeille et la lavande bien sûr, elle retrouva, intacts, les objets familiers de son enfance, les bibelots qu’elle avait offerts à ses parents pour les traditionnels fêtes des mères et des pères, fabriqués en grand secret de ses petites mains durant les années de maternelle et de primaire. Il y avait aussi le portrait de Patrick, si beau alors, si plein de vie et de santé, un chaud sourire aux lèvres, ses cheveux noirs taillés en brosse, ses lunettes fumées cachant un peu le bleu de son regard.

    Encadrée de pin miel, la photo en couleurs trônait toujours sur la cheminée, entre sa pipe de bruyère et son pot à tabac. Comme elle le faisait chaque fois, elle caressa le dossier du rocking-chair sur lequel il aimait tant s’asseoir. Il était à la même place que par le passé dans le grand appartement lillois du septième étage, à côté de la table basse où il posait parfois les pieds, juste pour faire enrager maman, menaçant de renverser le vase de fleurs qui y était toujours posé. Quand ils vivaient, à Lille, les bouquets provenaient du marché ou de chez le fleuriste du coin. Aujourd’hui, c’était des roses du jardin délicatement parfumées qui ornaient l’éternel vase de cristal. Un objet fragile que les pieds paternels ne bousculeraient plus.

    Elle se souvenait et le chagrin remontait à la surface. Tandis qu’elle redécouvrait tout, comme elle le faisait chaque année dès son arrivée, sacrifiant ainsi à un doux et purificateur rituel, les chats vinrent la renifler puis se frotter en ronronnant contre ses jambes pour lui souhaiter la bienvenue. Newton en premier, naturellement, affirmant de cette façon, son autorité de vieux mâle sur la folle Féline.

    Les deux pirates sur les talons, elle entra dans la bibliothèque.

    C’était une pièce petite mais bien éclairée par une large baie ouvrant sur le jardin où poussaient à qui mieux mieux, jasmin, lavande, roses et autres fleurs parfumées, herbes médicinales et condimentaires, légumes variés. Tout cela embaumait, renforçant la douceur et la sérénité du lieu sommairement meublé : deux profonds fauteuils de cuir fauve, une écritoire en chêne doré impeccablement cirée où était toujours posé un vase de fleurs fraîches, deux lampes faites main à pieds de pierre blanche et à abat-jour de soie peinte, posées chacune sur leur guéridon. Mais ce qui caractérisait ce lieu si serein, c’était les trois murs, de rayonnages chêne doré eux aussi, chargés de livres-papier, précieux témoins d’un passé riche et généreux : romans, recueils de poésie, biographies, essais, contes de fées, encyclopédies…Des volumes luxueux aux reliures de cuir, aux tranches dorées à l’or fin dont les pages odorantes et craquantes étaient marquées par des signets de soie rouge ou jaune, y côtoyaient de vieux livres d’histoire, de géographie, de maths, de philosophie, de français, d’anglais et autres manuels scolaires d’une époque révolue, qui avaient disparu des classes.

    Rien à voir donc avec les livres compressés sur micro puce qu’on trouvait désormais et que sa mère ne dédaignait pourtant pas. Félie cultivait en effet les extrêmes avec délectation, lisant volontiers les œuvres contemporaines numérisées sans pour autant sacrifier le plaisir qu’elle éprouvait à tenir entre les mains et à dévorer ce qu’elle s’évertuait à appeler « un vrai bon vieux livre ». Voilà pourquoi sa bibliothèque était une source inépuisable de savoir.

    Mary était toute à sa contemplation lorsque son instinct l’avertit d’une présence. Elle fut brusquement submergée par une vague d’émotions si intense qu’elle en tituba. Tristesse, colère, espoir…Elle avait déjà…Soudain, dans son crâne explosa l’appel familier : « Viens… Viens… Viens ! »

    Elle se retourna. Quelqu’un était là, près de la fenêtre ouverte, assis dans un fauteuil. La personne inconnue lui tournait le dos. Elle ne voyait d’elle qu’une longue tresse noire. Elle paraissait grande, autant qu’on pouvait en juger du fait de sa position assise. Et c’était une femme, elle le sut d’instinct.

    - Bonjour ! Lança-t-elle.

    Jusque-là calmes, les chats se hérissèrent, feulèrent puis détalèrent à toutes pattes. La femme n’avait pas bougé, pas répondu non plus. Elle répéta plus fort :

    - Salut !

    Toujours aucun mouvement du côté de la fenêtre. Si elle n’était pas impolie, elle était peut-être un peu sourde. Mary s’approcha. Félie qui les avait rejointes dans la bibliothèque, les présenta l’une à l’autre avec un rien de solennité

    - Mary, dit-elle à sa fille, voici Fleur de Lune ! Fleur pour les amis. J’espère bien que vous le serez !

    Puis elle s’adressa à l’inconnue qui n'avait pas encore daigné leur faire face :

    - Fleur, ma chère, je vous présente ma fille chérie, Mary-Anne, dont je vous ai soûlée, je le reconnais !

    Et elle éclata d’un rire joyeux. Mary avait la curieuse sensation que des trois protagonistes présents, elle était la seule qui ne comprenne rien à la mise en scène. Car c’était une mise en scène parfaitement orchestrée, elle en était sûre ! « On » lui avait préparé la surprise et Fleur de Lune qui représentait cette surprise n’avait fait que jouer le jeu du suspens en ne lui répondant pas. Bon ! Assez joué ! Qu’elle se retourne alors et qu’elle se montre cette…

    Comme si elle répondait à sa pensée secrète, ladite Fleur se retourna enfin, d’un bloc. Sans se lever. Avec son siège. Pour Mary-Anne, ce fut le choc ! La femme apparue dans son rêve de la nuit dernière, l’observait attentivement, silencieuse…

    De son fauteuil roulant !

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  • Commentaires

    3
    Mardi 20 Décembre 2022 à 04:47
    colettedc

    Mais, qui est au juste cette femme ... 

    Bisous

    2
    Vendredi 7 Octobre 2022 à 17:11

    D'où sort cette femme et que fait-elle chez sa mère ?

    Je vais te raconter une petite histoire vraie. Ma mère travaillait comme aide-soignante en hospice, pas question d'Ehpad à cette époque et dans une chambre, une mamie voulait toujours que la télé soit éteinte pendant sa toilette. 

    Ma mère a fini par comprendre que la mamie pensait que le journaliste pouvait la voir. 

    Elle était amoureuse de lui, elle imaginait qu'il lui faisait des signes, à l'époque, on ne parlait pas encore D'Alzheimer, c'est sûrement ça qu'elle avait. 

    Bon week-end.

    1
    Jeudi 6 Octobre 2022 à 22:35

    "Drôle" de personnage tout de même... merci, amitiés, JB

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