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Chapitre 20
17 janvier 2058
C’était au tour de Mary-Anne d’être dans un train. En compagnie de Surprise et de son mari, elle se rendait au Congrès Mondial de la Médecine qui avait lieu tous les quatre ans dans l'une des capitales de la planète. Il se tenait à Paris cette année là. Le voyage et le séjour de trois semaines pour les congressistes venus du monde entier, étaient pour la plus grande partie financés par l’OMS, principale organisatrice de l’évènement international qui tenait ses fonds de faramineuses subventions gouvernementales. Surprise et elle, faisaient partie des rares infirmières et infirmiers admis à participer à ce sommet normalement réservé aux médecins, spécialistes, chirurgiens et professeurs de tous poils, célèbres et moins cotés.
À l’instar d’une centaine d’autres privilégiés, elle avait été conviée à cet événement majeur de la profession par le patron de son service. Pour elle, à part le fait qu’elle était particulièrement bien notée, Alexeï l’avait surtout invitée en qualité d’amie et non pas - comme c’était le cas pour beaucoup de ses congénères des deux sexes présents à Marne la Vallée - pour la récompenser de l’excellence de son travail. L’Euro TGV dans lequel ils voyageaient en première classe, convoyait ainsi plus de cent cinquante de ces honorables pratiquants de la médecine, en provenance de toute l’Europe. En fait, deux- milles participants étaient attendus au CMM.
Pendant tout le trajet, Surprise babilla, racontant son fabuleux voyage de noce à bord d’un voilier de prestige équipé pour les croisiéristes fortunés. Elle et Alexeï avaient fait le tour de la Méditerranée dans le luxe de la cabine nuptiale, une véritable suite digne des plus grands hôtels. Elle parla de leur projet d’avoir très vite un enfant puisque leur bilan médical ne s’y opposait pas. Elle la questionna sur ses fiançailles et sur la date de son mariage avec Hubert…Quand le train entra en gare, elle n’avait pas vu le temps passer ni le paysage défiler à toute allure. Il était 17h. Ils avaient mis une petite heure pour parvenir à destination.
En montant dans la navette chargée de les amener à Marne-la-Vallée, elle caressait pensivement le pendentif qu’elle s’était efforcée de garder depuis le départ de sa mère, en dépit de la répulsion toujours très vive qu’il lui inspirait. Depuis qu’elle le portait, les pouvoirs qui étaient en elle contre son gré, s’étaient affirmés. Plus forts et mieux maîtrisés surtout, elle n’en faisait cependant pas usage. Ces dons maudits lui faisaient encore peur et honte, aussi était-elle bien aise que l’étrange bijou l’aide à les contrôler.
Le pendentif en effet, semblait animé d'une vie propre. Il se comportait en avertisseur sitôt que l’un de ces foutus pouvoirs se manifestait impromptu. Elle en avait fait pour la première fois l’expérience dans son service, au chevet d’un brûlé qui réclamait ses soins. Assez profondément atteint au visage, l’imprudent adolescent qui avait joué au chimiste, n’était pas beau à voir et il fallait résorber cloques et boursoufflures avant qu’il ne passe à la chirurgie esthétique pour ses brûlures les plus profondes situées sur le visage.
En le découvrant- il était arrivé le matin-même- elle ressentit de furieux picotements au bout des doigts. Tandis qu’elle se penchait pour appliquer de la pommade régénératrice sur les brûlures les plus bénignes, elle vit se former une espèce de lumière bleue qui semblait jaillir de ses mains. Des mains qui se tendaient déjà instinctivement vers le garçon. Soudain elle ressentit elle-même une forte brûlure entre les seins, là où reposait le pendentif. Elle faillit crier de douleur. Dans son esprit, elle entendit clairement « Stop ! » puis tout se remit en place. Elle enfila des gants, prit le tube de pommade et s’occupa de son malade comme si de rien n’était. Anesthésié par les antalgiques, il n’avait rien remarqué d’anormal, heureusement ! Une petite marque rouge qu’elle prenait soin de maquiller, la rappelait douloureusement à la prudence
Leur navette les déposa à l’entrée du plus immense complexe hôtelier qui existe en France et même en Europe, celui du célèbre Euro Disney Land. Réquisitionné pour la circonstance, le parc d’attraction serait fermé au public durant les trois semaines à venir.
Les trois amis consacrèrent ce premier quartier libre à s’installer dans leurs chambres grand standing, puis ils se rendirent à la réunion d’accueil et d’information. Ils y prirent note de tous les domaines abordés et du planning des conférences et démonstrations diverses proposées aux congressistes par les plus grands spécialistes mondiaux dans toutes les disciplines.
L’un des sujets attira immédiatement l’attention de Mary-Anne : « Lobotomie personnalisée et ses applications » Elle sut aussitôt qu’elle s’y rendrait, c’était même comme si elle était venue tout exprès pour cela ! Elle sut aussi qu’elle n’irait pas à la conférence intitulée : « Thérapsychologie du troisième millénaire » car elle savait que Jézabel y serait. Elles n’étaient pas réconciliées. Elles ne s’étaient même pas revues ni appelées depuis la fameuse et stérile consultation. Comme les autres, Jézabel ignorait tout de son périple en Bretagne et de l’étonnante rencontre qu’elle y avait faite en la personne de l’homme de son cauchemar. Un cauchemar que même sous hypnose, ou soumise au détecteur de rêves, son esprit muré n’avait pu se résoudre à dévoiler !
19 janvier, 16 h
Elle y était allée. À présent, elle était vraiment en danger. Emplie d’une incompréhensible appréhension, elle était entrée dans l’amphi où se tenait « l’expérience » bien que le pendentif soit déjà très chaud contre sa peau. Il n’y avait en présence qu’une petite centaine de congressistes. C’était à dessein. Une affiche à l’entrée signalait que pour des raisons pratiques, les séances seraient échelonnées sur les trois semaines afin de permettre à chacun d’y participer au mieux. Elle reçut un choc violent quand elle découvrit le « sujet » de cette « première mondiale » comme l’annonçaient les honorables pontes qui l’entouraient : un neurophysicien, un neurochirurgien et un neuropsychiatre, tous patentés et badgés.
Le cobaye était un homme, très grand, aux longs cheveux d’ébène et aux yeux très bleus…Elle frémit... Non ! Ce n’était pas lui ! Mais c’était bien un Mu hélas ! Il avait le regard éteint de ceux qui ont subi la lobotomie. Comme bien des gens, c’était la première fois qu’elle voyait un Lobo en chair et en os. C’était affreux ! Il était debout, amorphe, figé, brave robot qui attendait les ordres de son maître pour bouger ne serait-ce que le petit doigt. Suprême indignité, sur son front était tatoué son numéro matricule : 2057.01. Le neurochirurgien qui l’avait « opéré » le présenta :
- Mesdames, messieurs vous avez devant vous l’un des trois prototypes ayant subi avec succès notre lobotomie nouvelle formule, la lobotomie dite personnalisée. Comme vous le savez, cette opération visait jusqu’à présent à ôter aux criminels toute possibilité de récidive. En l’état, ils étaient d’un usage peu pratique car non programmés. De ce fait, ils encombraient les prisons ou nécessitaient la présence d’un trop grand nombre de gardiens attachés à leurs pas pour leur donner des ordres dans les camps de travail. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
La lobotomie personnalisée fait de ceux qui en bénéficient, les premiers androïdes programmés, fonctionnels donc utiles à la société tout en étant totalement sans danger pour elle ! C’est en cela que réside le progrès considérable de cette nouvelle et révolutionnaire technique !
Dieu que c’était joliment dit ! Elle en aurait pleuré ! Pompeux et solennel, il continua ses explications pour une assemblée attentive autant qu’admirative :
- Pour les âmes sensibles, j’ajouterai que nous n’avons pas choisi les sujets de cette nouvelle expérimentation parmi les criminels de droit commun qui eux, ne subissent toujours qu’une lobotomie partielle le plus souvent réversible. Celui-là, ainsi que deux autres du même acabit, est l’un de ces monstres anormaux que nous avons récemment arrêtés. Mesdames et messieurs, vous avez devant vous un beau spécimen de mutant ! L’auditoire frémit de peur rétrospective. Il y eut même un léger recul du premier rang massé au plus près de la scène d’expérimentation. Il faut bien dire que contrairement à elle qui avait fait bien plus que les approcher, la plupart des participants eux, n’avaient jamais vu un mutant d’aussi près !
- Rassurez-vous mesdames et messieurs, celui-là est inoffensif ! Comme ses deux autres congénères, il sert en quelque sorte de cobaye avant l’application systématique de la technique à l’ensemble des mutants internés et qui sont pour l’instant encore trop inefficaces. Convenez que l'État ne peut décemment continuer à les entretenir sans contrepartie. N'est-ce pas ?
Captivé, le public acquiesça d'un hochement du chef unanime.
- Ce que vous allez voir et même avoir la possibilité d’essayer, vous prouvera que nous sommes prêts à passer à cette phase…Je lis les questions dans vos yeux. Vous vous demandez ce qui différencie cette opération de l’ancienne, qui consistait à « déconnecter » plus ou moins de « fils » dans le cerveau, en fonction de l’effet souhaité. Plus le sujet était dangereux, plus la déconnection était profonde.
Aujourd’hui, en plus et comme je vous l’ai préalablement dit, nous programmons les « lobos » pour des tâches spécifiques en leur implantant une puce dans le cortex. Ainsi, nous pouvons fabriquer ce dont la collectivité a besoin : maçons, démineurs, bûcherons, techniciens de surface, ouvrières et ouvriers qualifiés etc, etc…
2057.01 lui, est provisoirement programmé pour exécuter tous les ordres que vous lui donnerez durant ce congrès. Dès qu'il aura rejoint son Unité d’Internement, il sera reprogrammé utilement et affecté au nettoyage des sanitaires. Merveilleux non ? Ceux qui le souhaitent peuvent l’essayer.
Mary était écœurée. La bile lui montait à la bouche. Une inexplicable colère menaçait de l’étouffer. Tandis qu'elle s'interrogeait sur l'intensité de sa réaction, les autres spectateurs eux, ne semblaient souffrir d’aucun de ces dérangeants états d’âme qui l’affectaient. Au contraire ! Ils se comportaient comme des gamins en face d’un nouveau jouet. Enthousiastes, ils s’exclamaient en commentaires dithyrambiques. Puis, après que le neurochirurgien tout pétri de fierté leur en ait montré l’exemple, ils « essayèrent » le sujet, lui donnant chacun à leur tour les ordres les plus débiles et les plus avilissants qui soient :
- Saute !
- Pince-toi le nez !
- Aboie !
- Gratte-toi l’oreille droite !
Ils le traitaient comme un chien savant et le mutant obéissait. Ne l'avait-on pas dressé tout exprès pour cela? Des rires et des applaudissements s’élevaient à chaque « tour » réussi. Elle n’y tenait plus. C’est en regardant ce spectacle navrant, les poings serrés à s’en faire blanchir les phalanges, qu’elle sut exactement pourquoi elle était venue.
Ce cirque lamentable était indigne d’une aussi docte assemblée. Indigne de l’humanité tout court.
Le pendentif la brûlait, s’imprimait dans sa peau mais elle avança d’un pas en dépit de ce douloureux avertissement. Une rage plus forte que la peur la poussait.
- Euh…Puis-je essayer moi aussi ? Demanda-t-elle rougissante, se mettant dans la peau d’une espèce de petite oie blanche timide et impressionnable.
- Mais bien sûr mademoiselle ! Lui dit le neurochirurgien.
- Il…il n’est pas dangereux au moins ce monstre ?
- Vous ne craignez rien, allez-y mademoiselle !
- Je peux lui faire faire tout ce que je veux alors ?
- Absolument tout miss ! Enfin, du moment que cela reste décent bien sûr ! Ajouta-t-il grivois, en la déshabillant des yeux. « Cette donzelle est ma fois bien appétissante et j’aimerais lui faire faire tout ce que je veux à elle aussi ! » Pensait-il.
Le porc ! Elle mourait d’envie de lui cracher au visage mais elle se retint. Elle s’approcha du Mu qui, impassible et pour cause, attendait de nouveaux ordres. Elle se plaça en face de lui. Ses doigts la démangeaient. L’afflux du Pouvoir…Il lui fallait agir rapidement tout en continuant à donner le change, avant d’éveiller le moindre soupçon. C’était maintenant ou jamais, elle n’aurait pas une seconde chance. Les gestes lui vinrent d’instinct, comme si quelqu’un les lui avait dictés de loin. Hawk…
- Tends les mains devant toi ! Ordonna-t-elle à l’homme prostré.
Il obéit instantanément.
- Oh ça marche ! Minauda-t-elle. Je peux le toucher ?
- Bien sûr ! Il ne mord que si on le lui ordonne. Rigola un jeune médecin à côté d’elle. N’est-ce-pas professeur?
- Tout à fait !
- Bon, j’y vais alors ! Balbutia-t-elle, donnant à ces imbéciles crédules l’image même de la jolie minette qui cherche à se procurer le grand frisson.
Joignant le geste à la parole, elle posa bravement ses paumes contre celles du fameux « monstre » censé la terrifier. Un monstre bien inoffensif en fait, pauvre être humain réduit à l’état d’animal de cirque.
S’il fut interprété comme un signe de frayeur, son frémissement, ne fut pas feint pour autant. Il annonçait l’onde de pouvoir vivifiant qui l’envahissait toute entière, la galvanisait, se diffusant dans la moindre de ses terminaisons nerveuses, jusqu’au bout de ses doigts devenus presque douloureux tant ils aspiraient à libérer le fluide guérisseur.
Certains la regardaient avec répulsion. Elle les entendait penser : « Comment peut-elle toucher ce rebut de l’humanité ? Elle est folle ou inconsciente ! »
Il fallait qu’elle se hâte ! Elle envoya rapidement un message télépathique au Mu en même temps qu’elle laissait fuser la flamme d’énergie bleue concentrée à l’extrême.
« Ne réagis pas ! » Prononça-t-elle mentalement. Puis tout se fit simultanément. Il capta le message à la seconde où le fluide, passant d’elle à lui, le guérissait instantanément. Elle sut en même temps que lui qu’il était guéri car son regard de Lobo s’alluma un très bref instant - stupeur, incrédulité, joie - avant de s’éteindre de nouveau. Elle eut juste le temps d’entendre « Merci ! » que déjà le neuropsy s’approchait d’elle, réprobateur et un rien soupçonneux. Le tout n’avait pourtant pas duré plus d’une minute !
- Cela suffit mademoiselle ! Les autres attendent leur tour !
- Oh ! Ex…excusez-moi ! Bégaya-t-elle, confuse.
Puis elle se recula très vite car elle se sentait soudain extrêmement faible, comme vidée de ses forces. Ses jambes la portaient à peine ! En revanche, c’est lentement, à reculons presque subrepticement qu’elle se dirigea vers la sortie. Ses défenses psychiques plus que fissurées par l’intense activité cérébrale qu’elle venait de fournir, laissaient passer des milliers de merci. Une voix reconnaissable entre toutes les dominait.
« Merci mon amour ! » Entendit-elle en arrivant enfin dehors. Un vertigineux bonheur l’envahit, l’étourdit, la faisant vaciller.
Elle avait réussi. ! Mais elle savait aussi qu'elle n'avait pas été seule et comprenait d'un coup que sans eux tous, elle n'aurait probablement pas pu guérir le Mu. Le pendentif, à présent tiède et rassurant, caressait sa peau.
Au bord de la nausée, épuisée, elle se laissa aller. Une sueur glacée lui dégoulinait dans le dos. Un voile noir passa devant ses yeux. Elle s’écroula évanouie sur le sol dur et froid. Ramenée à sa chambre par un infirmier qui passait par là - sur son badge il y avait son nom et celui de l'hôtel où elle résidait - elle se réveilla sous les regards inquiets de ses amis avertis de son malaise. Elle n’était pas sur ses gardes c’est donc machinalement qu’elle répondit à leur muette et commune interrogation :
- Non, je ne suis pas enceinte !
- Mais…nous n’avons pas…Bredouillèrent-ils de concert.
Prenant conscience de sa gaffe, elle se reprit rapidement :
- C’est tellement évident que vous ayez pensé tout de suite à ça, je vous connais tous les deux !
- Toi et ta fameuse intuition ! Bougonna Surprise. Mais tout de même…depuis…
Il ne fallait pas qu’elle laisse son amie s’enferrer dans des soupçons qui n’étaient que trop fondés.
- Surprise ! Depuis le temps qu’on se connaît toi et moi ! Toi aussi tu devines souvent ce que je pense !
- Tu as raison ! Tu sais que tu nous as fait rudement peur ? Alors c’est bien vrai, tu n’es pas enceinte ?
Elle devinait la pointe de déception dans la voix de la jeune femme.
- Et non ma vieille ! J’attendrai d’être mariée pour ça si tu veux bien ! Ce doit être à cause du froid, juste après la chaleur étouffante dans l’amphi, c’était intenable ! Et puis cette abominable expérience aussi, elle m’a beaucoup impressionnée ! Si tu avais vu ça ! C’était horrible ! Telle que je te connais, toi aussi tu serais tombée dans les pommes !
- Je veux bien te croire ! Moi, rien qu’à voir le sujet à l’entrée…Quelle idée aussi d’aller regarder des trucs pareils !
Et voilà ! Toute curiosité dangereuse envolée, Surprise elle-même apportait de l’eau à son moulin, gobant d’un seul coup des explications devenues plus que plausibles à ses yeux. Mary savait néanmoins qu’elle allait devoir plus que jamais faire attention à la trop grande perspicacité du couple.
À celle de son amie surtout !
22 janvier, 20 h
Assise sur son lit dans sa chambre d’hôtel, immobile, elle regardait ses mains qui lui apparaissaient comme de monstrueuses excroissances.
Elle y était retournée. Même heure, même salle, même expérience et même sujet. Elle voulait être sûre. Contrairement à la première fois, elle s’était glissée furtivement parmi les participants, évitant de se faire remarquer. Il était là. Comme le premier jour, obéissant aux ordres stupides qu’on lui donnait, à cela près que cette fois, il faisait semblant. En comédien confirmé, il tenait son public en haleine tout en communiquant avec Mary-Anne qu’il avait repérée dès son entrée dans l’amphi.
Tandis que l’infâme spectacle se jouait pour un public captivé, ils se « parlèrent ». Il s’appelait Antonio. Il était né en Espagne où sa femme avait enfin cessé de le pleurer. Quel bonheur cela avait été de la rassurer sur son sort ! Elle n’avait plus rien su de lui depuis son arrestation aux USA, en juillet. Il avait alors fait partie, avec mille autres membres de la Roue, de la dernière vague d’arrestations massives.
« Toi, tu es Mary-Anne, l’Élue de Blue Hawk ! »
« Comment… »
« Nous te connaissons. Depuis que notre leader a décidé que tu lui étais destinée et qu’il nous a fait part de sa décision. Beaucoup d’entre nous doutaient de son choix, il se devait selon nous à l’une des nôtres. Mais aujourd’hui, nous comprenons et approuvons ce choix.
Tu m’as sauvé Mary-Anne ! Bientôt, grâce à toi, je sauverai à mon tour tous nos frères et sœurs encore prisonniers. »
« Quand ? »
« Lorsque je retournerai au camp, à la fin du congrès ! Il n’y en a qu’un pour nous, il est situé dans un coin perdu du bush australien. Assez loin du reste du monde pour permettre à nos gardiens de nous faire endurer les pires sévices. »
Il lui parla alors de ce qu’il avait subi : la lobotomie personnalisée. Cette non-vie à laquelle les pseudos savants à la solde de l’État, les avaient condamnés lui et les deux autres « Mus » amenés au congrès. Le but avoué de cette nouvelle technique opératoire, était d’améliorer la productivité des mutants internés et de pallier par la même occasion, les néfastes conséquences de cette opération sur eux et sur eux seuls, en raison même de leur cerveau particulier. En effet, cette intervention, tout à fait banale et bénigne chez un sujet normal, se révélait dangereuse, voire mortelle une fois sur trois ou quatre, au bout de quelques mois chez ces anormaux notoires.
Pourquoi exactement ? Les neurochirurgiens l’ignoraient. Ils espéraient seulement que la lobotomie personnalisée, plus perfectionnée, stopperait cette saignée dans les forces laborieuses du camp des « Lobos ». Un potentiel inespéré et à bon compte dont il aurait été inconcevable et stupide de se priver !
Antonio n’avait gardé aucun souvenir de ce qui avait suivi sa capture jusqu’à l’instant magique de sa guérison, lorsqu’il l’avait découverte en face de lui, bel ange de miséricorde. C’est de retour dans la cage plombée et verrouillée où il était enfermé seul, que lui étaient revenus par bribes les images tourmentées de sa vie au camp : les coups, la douleur, la faim et, en surimpression, le visage haineux du gop qui l’avait abattu lors de son arrestation.
Si sa guérison avait été instantanée, le réveil de sa conscience avait été extrêmement douloureux. Comme lorsque la chaleur revient dans un membre gelé ! Bien qu’il ait récupéré la presque totalité du Pouvoir de la Roue, il n’avait pu joindre les deux autres « sujets » de l’expérience prétendument médico scientifique de Marne-la -Vallée. Leur cerveau mutilé l’empêchait de savoir où on les gardait et il ne pouvait les chercher sans risquer d’être démasqué. Il devait continuer à simuler jusqu’à leur retour en Australie. Lui, avait fait son temps comme cobaye aux yeux de ses « maîtres » aussi repartait-il dès le lendemain dans son Unité d’Internement. Les deux sujets « frais » allaient assurer la relève. Il ne pouvait malheureusement rien faire pour eux tant que le congrès n’était pas terminé. Mais à leur retour…
« Moi, je reste jusqu’à la fin. Je pourrais peut-être… »
« Non ! Trop dangereux, beaucoup trop ! Tu finirais par attirer l’attention sur toi ! Ce serait formidable je te l’accorde mais Hawk ne me pardonnerait pas de t’avoir encouragée à cela ! »
« Il n’a pas besoin de savoir ! »
« Voyons, il sait Mary !
« Mais… »
« Crois-tu vraiment être en mesure de lui cacher quoi que ce soit ? Je t’en conjure, ne tente rien ! Et sois prudente tant que tu es ici ! Vite, pars maintenant, on t’observe ! »
Il coupa brutalement la communication entre eux. Durant leur échange, très bref mais très intense, elle l’avait regardé fixement tandis que lui continuait à jouer son rôle de chien savant pour une galerie émerveillée. Il n’était guéri que depuis quelques jours de sa terrible amputation, cependant il possédait une maîtrise de soi bien plus affutée que celle de Mary dont l’attitude figée et fixée sur le cobaye intriguait le neuropsy qui s’approchait d’elle. Le pendentif se remit à chauffer, l’avertissant du danger. Elle se passa une main fébrile sur le front.
- Ça ne va pas mademoiselle ?
- Il fait très chaud, j’ai mal à la tête…Je vais sortir, excusez-moi…Dit-elle en commençant à s’éloigner.
Il la retint par le bras.
- Il me semble vous avoir déjà vue non ? N’est-ce pas vous qui…
Antonio réagit au quart de tour, il se mit à pousser des cris inarticulés puis à tourner sur lui-même en battant l’air de ses bras, semant un vent de panique dans l’assemblée. Ce qui ne manqua pas d’attirer sur lui l’attention du neuropsy soupçonneux et de ses confrères. Une diversion bienvenue qui permit à Mary-Anne de s’esquiver discrètement pendant que trois gops ceinturaient la « bête » et que les « savants » tentaient de rassurer le public.
« Je te ferai savoir si j’ai réussi. » Put elle entendre lorsqu’elle fut en sécurité dehors.
Cette fois encore, elle s’en était tirée à bon compte !
Tags : septième, rassemblement, chapitre 20, congrès, médecine, cobaye, lobotomie, pouvoir, danger
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Commentaires
Il s'en passe des choses dans ce roman... de science-fiction, qui captive, amitiés, JB
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Mercredi 19 Octobre 2022 à 15:17
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La lobotomie, drôle de pratique !
Certains sont lobotomisés sans rien leur faire, ils sont comme des moutons, ils suivent les autres sans réagir. Je trouve que c'est de plus en plus fréquent dans notre civilisation.
Bises
Ce n'est que trop vrai hélas !