• Chapitre 37

    25 mai 2059. Rio de Janeiro.

     

    Hubert rêvait à un passé encore très proche pour lui et pourtant révolu.

    Les jumeaux d’Anne avaient déjà un mois. Anne… Il était le seul à l’appeler ainsi. Si elle avait tenu sa promesse de l’épouser, c’est de lui qu’elle aurait eu un enfant, garçon ou fille, qu’importe ! Un seul petit d’elle aurait fait son bonheur. Mais elle lui avait préféré Hawk ! Quel gâchis !

    Depuis qu’elle l’avait abandonné, il ne l’avait jamais remplacée. Si d’autres femmes avaient partagé son lit, il n’avait pu donner son cœur à aucune. Il s’était contenté d’assouvir ses désirs jusqu’à ce jour où, très récemment, l’une d’entre elles qu’il n’avait pourtant pas possédée, l’avait ému plus qu’il n’aurait voulu l’admettre. C’était avant la naissance des jumeaux, au cours du Cinquième Rassemblement, en Chine où il s’était rendu pour soutenir Hawk et l’assurer de son aide pour toute opération de sauvetage de Mary. Ses chantiers l’emmenaient toujours trop loin de ses amis à son goût, aussi était-il heureux de les retrouver chaque fois que l’occasion s’en présentait. Il n’avait pu résister à celle-là. Avec Félie, il pouvait désormais évoquer Mary-Anne sans le moindre ressentiment et c’était bien car parler de la jeune femme avec Hawk lui était encore difficile, voire impossible selon l’humeur du Faucon ! En effet, quand ce dernier lisait en lui la moindre rancœur ou un peu trop de chagrin, le sujet devenait carrément tabou. Ce qui voulait dire dans la plupart des cas, tant le bougre avait de facilité à lire en lui ce qu’il s’évertuait à cacher.

    Ce jour-là, qui était le troisième du double rassemblement entre la Chine et l’Australie, il était au pied de la scène, sur la place Tienanmen, au milieu des proches et des fidèles, à écouter le discours fédérateur du Rassembleur. Un discours qui allait marquer les foules autant qu’il le marqua lui-même, quand il aperçut Fleur de Lune. Elle se tenait à quelques mètres de lui. Il ne l’avait pas revue depuis son mariage et avait appris avec tristesse son trop récent veuvage. En l’observant du coin de l’œil, si belle et stoïque, il eut l’impression de la voir pour la première fois. Son cœur s’emballa soudain. Il en fut pétrifié. Il voulut s’approcher d’elle pour lui adresser quelques paroles de condoléances et de réconfort mais il était subitement incapable de mettre un pied devant l’autre. Elle lui paraissait tellement merveilleuse, tellement inaccessible dans son chagrin empreint de dignité qu’il en resta sur place, étourdi, ridicule, à la regarder sans oser s’avancer.

    Pas plus qu’il ne pouvait marcher, il ne put aligner deux mots cohérents quand un mouvement de l’assemblée les rapprocha, trop empêtré qu’il était dans l’écheveau embrouillé de ses sentiments. Il venait d’être frappé par la foudre et s’en voulait à mort de cette trahison envers le souvenir de Mary. Il avait peur aussi et se sentait devant cette divine créature tel le ver de terre amoureux d’une étoile.

    Muet, stupide, il contemplait la sublime sœur de son rival.

    C’était inconcevable, pourtant il ne pouvait s’empêcher de la dévorer des yeux, empli du désir violent de la prendre dans ses bras pour la consoler de sa terrible peine. Un autre désir, plus gênant celui-là, lui tiraillait douloureusement l’aine. Elle se tourna vers lui comme si elle avait senti son regard brûlant posé sur elle. Ce qui était le cas, à coup sûr. C’était une Mu et pas n’importe laquelle ! Elle eut un sourire très doux qui mit un comble à son embarras. Et ce fut pire quand elle se rapprocha encore un peu plus de lui. Il n’avait pas besoin d’exprimer ses coupables sentiments tant il était manifeste qu’elle les lisait en lui aussi parfaitement que l’avait fait Mary il y avait si longtemps !

    - Merci mon ami, merci ! Ta…tendresse me touche et me réchauffe le cœur ! Dit-elle.

    Puis, avant qu’il n’ait eu le temps de prévoir son geste, elle l’enserrait entre ses bras et l’embrassait amicalement sur les deux joues, semant en son cœur et en son corps la plus totale confusion. Après quoi, comme si de rien n’était, elle s’éloigna, majestueuse, le laissant en plan, hébété, avec cette turgescence qui ne voulait pas diminuer et qu’elle n’avait pu que sentir.

    Sa honte atteignit son paroxysme quand un bref message télépathique de Hawk l’atteignit de plein fouet en réponse à ses pensées les plus pessimistes.

    « Comment la radieuse Fleur, Mutante, veuve d’un Mutant, sœur de l’éminent Hawk, Mutant et grand rassembleur de la Roue, pourrait-elle s’intéresser à un personnage aussi insignifiant que moi ? » S’était-il dit résigné en la regardant partir.

    « Tu n’es pas insignifiant mon ami ! Sois patient, ton heure viendra ! » Avait-il entendu tandis que, mine de rien, Hawk continuait à magnétiser le public bouche bée.

    Mais il ne voulait plus croire au coup de foudre. Un fois déjà il s’était brûlé les ailes au feu de l’amour fou. On ne l’y reprendrait plus !

    À partir de ce jour il avait tout fait pour oublier à la fois Mary et Fleur de Lune. Il avait délibérément saboté ce nouvel espoir en s’adonnant au sexe facile et sans lendemain, avec une frénésie tenant de la boulimie. Il en était même venu à oublier ce qu’il cherchait à oublier, jusqu’à l’annonce de la naissance d’Océane et de Petit Faucon, les enfants de Blue Hawk et de Mary dont la jolie Fleur était la tante. Alors quand Hawk lui avait appris la nouvelle, tout était remonté à la surface, sa tendresse toujours vivace pour Mary-Anne Bluestone et le souvenir ému de sa superbe belle-sœur.

    Oui, en quelque sorte, Hawk avait raison, il aimait toujours celle que dans son cœur il continuait à appeler Anne. Et savoir qu’il allait participer à son sauvetage et à celui de ses enfants, le bouleversait. Cependant, son amour pour elle était devenu pur et platonique car désormais, ce qui le mettait dans tous es états, c’était la simple idée de revoir la sœur de son ex- rival qui serait du voyage. Faire le long trajet en sa compagnie, la voir chaque jour ne lui donnerait-il pas cette chance dont Hawk lui avait assuré qu’elle viendrait à son heure pour peu qu’il sache attendre ? Et qu’il sache la saisir aussi car en guise d’avertissement, le Faucon lui avait laissé entendre qu’un certain Léo, Mutant notoire bâti comme un Dieu, tournait autour de sa sœur et que de surcroît, lui aussi faisait partie de l’expédition vers Ielo.

    Foi de Jean-Hubert du Mercy de Combarant, descendant d’un preux chevalier, il ne renoncerait pas sans se battre ! Pas question de laisser par deux fois une proie convoitée lui échapper.

    - Nous partirons début juin. Ce qui nous permettra d’arriver aux prémices de l’été. Le rendez-vous de toute l’équipe se fera à Moscou Je sais que ça ne te laisse pas beaucoup de temps pour t’organiser vu que tu te trouves à Rio mais es-tu toujours prêt à nous suivre ?

    - C’est une évidence pour moi. Je me doutais bien que tu n’attendrais plus très longtemps pour partir alors J’ai anticipé et pris toutes mes dispositions pour laisser le chantier aux mains d’un de mes collègues. Je vous rejoindrai là bas.

    - Merci Hubert ! Tu sais combien je serai heureux de te compter parmi les membres de « l’Opération Sirène ». Ce sera aussi l’occasion idéale pour le Sixième Rassemblement. Le plus porteur d’espoir pour nous tous puisqu’il coïncidera avec la réunion tant espérée de ma famille. Le retour de ma femme parmi nous et la naissance de nos enfants, seront dignement célébrés, crois-moi ! Un évènement auquel tu es bien entendu convié mon ami ! Lui avait dit Hawk.

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  • Commentaires

    2
    Mardi 6 Décembre 2022 à 11:18

    Tous unis, ça devrait réussir dette opération sirène. 

    Bonne journée.

    1
    Mardi 6 Décembre 2022 à 10:36

    Eh oui, vivre en famille, que demandez de plus... amitiés, JB

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