• Chapitre 44

    21juin

     

    Ceux qu’ils pourchassaient n’étaient plus très loin devant eux, presque à portée de main. Ils allaient les avoir. Ainsi pensait le meneur de la deuxième équipe missionnée par Solomon pour capturer Hawk et abattre tous les autres.

    Ils étaient passés à Krépotz’7 un peu moins de deux heures après les mutants et leurs comparses. Les descriptions qu’en avaient faites les braves gens du cru, concordaient avec ce qu’ils avaient déjà appris à Moscou d’abord, puis à Irkoutsk ensuite, en faisant le tour des hôtels et en questionnant quelques témoins dans la rue.

    Il y avait une bonne vingtaine de ces monstres dont le fameux Blue Hawk que beaucoup avaient reconnu pour l’avoir vu maintes fois à la télé. Mais il y avait également une belle brochette de traîtres normaux!

    - Comment savez-vous qu’ils sont normaux ? Avait été la question chaque fois que quelqu’un avait mentionné la présence de gens ordinaires au milieu de ce groupe de sorciers. Et chaque fois la réponse avait été quasiment la même :

    - Ils sont plus petits et puis…ils ont l’air d’être normaux, voilà tout ! C’est qu’ils sont tous très grands les autres et qu’ils ont tous des yeux d’un bleu…bizarre !

    La cerise sur le gâteau c’est qu’il y avait des femmes aussi. Et sacrément belles les garces ! Ça allait être marrant de se faire ces putes avant de les crever !

    Bien sûr, les mutants avaient leurs satanés pouvoirs mais on n’avait jamais entendu dire nulle part qu’ils s’en servaient pour tuer ! C’étaient des pacifistes ces cons là ! Ils n’avaient même pas un bon vieux lance-pierre pour se défendre alors que ses hommes et lui avaient des armes de première et qu’en plus, on les payait plutôt grassement pour qu’ils s’en servent. Ils étaient de vrais chasseurs eux, pas des couilles molles.

    À deux contre un, ce serait aussi facile qu’un tir aux pigeons ! Même pas drôle finalement ! Le plaisir de la chasse ça dépend un peu de la résistance du gibier, non ?

    Pour affronter ses poursuivants à présent très proches, Hawk avait délibérément repris les routes carrossables depuis une vingtaine de kilomètres. Après quoi il avait de nouveau emprunté un chemin de traverse qui s’enfonçait dans la forêt. Il avait laissé des traces suffisamment visibles pour être naturellement repérées par la meute de Solomon qui ne devait en aucun cas se douter qu’elles n’étaient pas là par hasard.

    L’expédition dont les trois groupes s’étaient à présent rejoints, avait monté son embuscade au milieu d’une clairière. Ils avaient allumé des feux comme pour un bivouac et ils attendaient.

    Hawk captait sans mal les miasmes nauséabonds des carnassiers assoiffés de sang qui roulaient vers eux, inconscients de la souricière que ces « idiots de mutants pacifistes » leur avaient tendue.

    Aux yeux des chasseurs, ils ne seraient plus vingt mais cent. Quatre-vingt Mus présents en Russie pour le Sixième Rassemblement à venir, avaient projeté leur image astrale tri dimensionnelle dans la clairière. Ils comptaient sur l’effet de surprise que ne pouvait manquer de créer cette formidable apparition, pour déstabiliser la Meute qui se rapprochait du piège à vive allure.

    Ils avaient formé le Cercle et se tenaient paumes à paumes, concentrés sur le flot du Pouvoir qui se déversait en chacun d’eux. Les yeux clos ils se laissaient envahir par l’incomparable force qui allait les aider à maîtriser leurs assaillants. Ils avaient intégré Hubert et Alexeï au rituel. Les normaux se sentaient investis de la même énergie qui commençait à vibrer dans les corps de leurs compagnons. Comme les Mus, ils étaient parcourus de la tête aux pieds par cette bienfaisante décharge électrique. Bientôt, le cercle scintilla de lumière bleuâtre.

    Les deux hommes avaient déjà vécu cette troublante expérience une fois au moins mais jamais avec une telle intensité. Le Pouvoir coulait dans leur veine, les transcendait. Ils avaient la sensation étrange autant que merveilleuse de tout ressentir avec une acuité décuplée. Ils entendaient mieux, voyaient plus loin. Le bout de leurs doigts leur paraissait plus sensible. Les odeurs du sous-bois étaient plus riches à leurs narines. L’air qu’ils respiraient emplissait leurs poumons dont la capacité avait soudain considérablement augmenté. Leurs muscles saillaient, plus durs et vigoureux. Ils se sentirent devenir des surhommes et en dépit de la gravité de l’instant, ils avaient envie d’exploser de joie.

    Sur sa poitrine, Hawk sentit son pendentif et celui de Mary se mettre à vibrer et à le brûler. Dans son corps, le Pouvoir maintenu sous total contrôle bouillonnait, prêt à jaillir à la moindre sollicitation. Ses perceptions extrasensorielles avaient atteint le summum de leur puissance. Il captait les tressaillements même les plus ténus de ses compagnons et percevait, très proches maintenant, les pensées meurtrières de la meute sûre de sa victoire. Ceux-là ne feraient pas de quartier. Ils s’apprêtaient à déchiqueter leurs proies sans pitié aucune. Il ne fallait pas leur laisser la plus petite chance. Le silence était pesant. Les oiseaux s’étaient tus. Tous les animaux semblaient avoir déserté ce lieu promis à un proche affrontement. Les feux achevaient de s’éteindre.

    Tout s’était arrêté, comme en attente. Pas un murmure de vent dans le feuillage des grands arbres. Pas le plus léger craquement dans les hautes frondaisons. La nature entière retenait son souffle…Soudain, dans cette torpeur qui précède la tempête, les vrombissements des moteurs brisèrent la trompeuse quiétude de la forêt. Ils arrivaient !

    Les grosses voitures noires chargées de tueurs surgirent dans la paisible clairière. Elles stoppèrent dans le hurlement strident de leurs freins. Les hommes en jaillirent armes à la main prêtes à cracher le feu de l’enfer.

    Ils se figèrent brusquement, pétrifiés de stupeur par le spectacle qui s’offrait à leurs yeux exorbités. Des géants, une centaine au moins, leur faisaient face totalement immobiles. Les mains nues, nimbés d’une maléfique aura bleu-vert, ils paraissaient flotter dans l’air qui crépitait autour d’eux. Ils n’avaient aucune arme visible, pourtant leur calme olympien ajouté à cette lumière surnaturelle qui les enveloppait, était plus menaçant qu’un millier de lasers réglés à charge maximale. Les assaillants n’osaient esquisser le moindre geste. Ils craignaient bien trop de déchainer la force surhumaine et redoutable émanant de ces géants silencieux qui les dominaient de toute leur puissance retenue. L’un d’eux cependant, plus téméraire, plus inconscient surtout, fit un pas en avant. Ce fut le signal.

    En quelques secondes, les séides de Solomon furent désarmés. Leurs lasers arrachés de leurs mains et jetés au loin, furent désintégrés par de fulgurants rayons bleus fusant des index pointés des géants, tandis qu’eux-mêmes, atteints en plein plexus par une décharge de ce fluide lumineux, s’écroulaient sur le sol, pantins désarticulés, conscients mais incapables de bouger pour de longues heures. Le temps pour l’expédition de mettre de la distance entre elle et les chiens.

    Toutefois, même quand ils retrouveraient l’usage de leurs membres paralysés, les hommes du Dragon noir ne reprendraient pas leur traque. Une autre décharge au centre de leur front, allait les mettre en face de leur propre vérité tout le temps que durerait leur paralysie. Un reflet pas beau à voir ! C’était de loin la plus cruelle des punitions. Pire que la détention en QHI. Pire même que la lobotomie profonde que Solomon avait fait infliger à Mary. Au cours de ces si longues heures, les sbires de Mitchell allaient vivre un terrifiant huis-clos avec eux-mêmes, au fond de la plus nauséabondes des prisons, celle de leur esprit…Plus tard, amorphes et obéissants, ils retourneraient vaincus auprès de leur maître. Lui ne leur ferait pas grâce mais il n’était rien que Blue Hawk puisse faire pour leur éviter ce sort peu enviable. Rien qu’il ait envie de faire !

    Les pensées qu’ils avaient eues, le viol des femmes qu’ils avaient envisagé en riant et en se pourléchant, les avaient rendus aussi coupables à ses yeux que s’ils avaient réellement perpétrés leurs odieux crimes.

    L’expédition reprit son chemin sans jeter un regard de compassion à ceux qui avaient projeté de les tuer en jubilant et en se frottant les mains. À cause d’eux, ils avaient perdu bien trop de temps. Ielo risquait d’en pâtir.

    Il fallait faire vite !

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  • Commentaires

    2
    Mardi 13 Décembre 2022 à 15:58

    Enfermés dans leur propre corps et esprit, ça me fait penser au livre, le scaphandre et le papillon !

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    1
    Mardi 13 Décembre 2022 à 10:22

    Les séides, pas ce qu'on appelle de braves gens ! Amitiés, JB

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