• Chapitre 58

    C’était à cette époque que son père avait minutieusement effacé de son esprit tout ce qu’elle avait enregistré ce jour-là sans vraiment comprendre ce qu’elle avait appris dans toute l’innocence de ses deux ans. Tout ce qu’il avait gommé remontait à présent à la surface en même temps qu’une foule de souvenirs plus récents tout aussi destructeurs.

    Cet homme qui la toisait, c’était bien « oncle » Solomon, comme le lui avait alors dit son père. Elle se rappelait également la dernière fois qu’elle l’avait vu. C’était la veille de la mort de Patrick Defrance. Elle arrivait à l’hôpital de Villejuif et pénétrait dans le service oncologique pour sa visite hebdomadaire. Elle était à quelques pas de sa chambre quand elle vit un homme en sortir l’air furieux.

    Le sosie de son père !

    Instinctivement, elle fit volte-face, saisie d’une incompréhensible frayeur à sa vue. Elle ne voulait pas qu’il l’aperçoive. Elle se cacha dans le renfoncement d’une porte afin de l’observer. Sa démarche saccadée, ses poings serrés et le rictus qui déformait son beau visage, témoignaient de la rage qui l’habitait.

    - Je te hais Patrick ! Je vous maudis tous ! Fulminait-il en s’éloignant rapidement.

    Il était passé devant elle sans la remarquer.

    Elle entra dans la chambre de son père sur la pointe des pieds et l’entendit murmurer comme pour lui-même :

    - Oui frère, un jour quelqu’un te reconnaîtra et saura qui tu es, hélas !

    Elle se rendit compte à son état que son heure était proche. Elle eut le pressentiment qu’il le savait lui aussi et qu’il en était presque soulagé en dépit du fait qu’il allait les laisser seules sa mère et elle. Plus que de son cancer foudroyant, c’était du douloureux secret qui le rongeait depuis des années qu’il se mourait. Qu’il se laissait volontairement mourir en refusant de se laisser soigner par ses semblables.

    Patrick Defrance, enfant adopté à l’âge de trois mois par un couple stérile choisi par son géniteur, était un clone.

    Tous ceux que le monde avait baptisés « mutants », étaient des clones ou des descendants de clones. Solomon Mitchell en était un lui aussi mais imparfait. Il était en outre le seul clone raté encore en vie. Tous ceux sur lesquels le clonage humain à grande échelle n’avait pas donné le résultat parfait escompté par leurs dix géniteurs, avaient été purement et simplement détruits tels des objets défectueux !

    Soumis à l’influence exceptionnellement puissante de l’un d’entre eux, Alexander Zagrozny, quatre hommes et cinq femmes avaient joué aux apprentis sorciers, durant trente six années et dans le plus grand secret, défiant et vainquant les lois de la génétique dont ils bafouèrent impunément l’éthique.

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  • Commentaires

    2
    Mercredi 28 Décembre 2022 à 12:30

    En fiction, ça passe, mais dans la réalité mieux vaut ne jamais.... y toucher ! Amitiés, JB

    1
    Mercredi 28 Décembre 2022 à 11:37

    Zut, des clones ratés, ce n'est pas terrible, déjà que réussis ça ne me dit pas grand-chose, alors ratés !

    Bonne journée.

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