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Chapitre 64
20 mars 2060.Pueblo. Le Septième Rassemblement
C’est le premier jour du printemps, symbole de cette ère de renouveau qui s’annonçait pour le Monde, qu’eut lieu le Septième Rassemblement. Le dernier, celui auquel Blue Hawk avait convié tous les humains de bonne volonté, sur place, devant leurs écrans de télé ou encore dans les lieux publics où il serait retransmis sur des écrans tridi géants. Les Mus avaient enfin cessé définitivement d’être en but à l’opprobre. Nul ne les pourchassait plus et s’ils suscitaient encore quelques méfiances chez certains, du moins les acceptait-on pour ce qu’ils étaient : différents, pas monstrueux ! Et surtout, victimes, plus que coupables !
Tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre avaient été mis à l’index, punis même pour un peu plus d’intuition qu’il n’était permis par exemple, se reconnaissaient en eux. Le nombre de leurs disciples grandissait. Une multitude de gens rêvaient de leur ressembler ne serait-ce que moralement. On se pressait à leur écoute. Hawk Bluestone n’avait-il pas affirmé qu’il était possible que les Mus parviennent à transmettre un peu de leurs extraordinaires facultés aux "normaux" ? Ou, mieux encore, qu'ils puissent leur apprendre à réactiver des zones du cerveau inutilisées depuis des lustres par l’Homo sapiens sapiens qu’on appelait à présent « l’Homo technologicus » ?
Par habitude, on disait encore Normaux et Mutants mais le terme « d’Anormaux » la notion d’anormalité même, avaient été bannis du vocabulaire courant. La réunification était en cours. Le mixage n’était plus interdit !
Fin de la discrimination dans un monde où les hauts dirigeants avaient clamé pendant de années, qu’elle n’existait plus, tout en continuant à poursuivre ceux qui ne correspondaient pas à leurs normes. À celles de Solomon qui régnait dans l’ombre du Gouvernement des Sages.
C’est cette victoire remportée sans verser le sang d’innocents que le Septième Rassemblement proclamait fièrement à la face du Monde. Les clones pouvaient enfin donner un sens à cette idée de haute mission que les Alphas avaient inscrite dans leurs gènes. Ils pouvaient enfin comprendre la finalité des six précédents rassemblements, tous destinés à les amener jusqu’à ce jour glorieux !
À pueblo où tout avait commencé en 1992, les clones, leurs descendants cloniques, les Élus nés de leur union avec des normaux, accompagnés de leurs nombreux amis qu’ils soient de la première heure ou fraichement ralliés, s’étaient réunis autour des ruines calcinées de la Ferme Alpha débarrassée de la végétation qui l’avait cachée pendant tant d’années. Là, tous capteurs sensoriels déployés, ils finissaient d’apprendre les arcanes de leur destin programmé.
Les lieux chargés de leur histoire, étaient propices à cette ultime mais nécessaire découverte. Ça faisait aussi mal que cette naissance naturelle dont beaucoup d’entre eux avaient été privés mais c’était le prix de douleur à payer pour leur renaissance. Là, des sorciers armés de leur incomparable génie scientifique, leur avaient fabriqué une vie, une famille, un passé, des ancêtres, un destin, une mission. Ce qui n’avait été initialement qu’artifice était progressivement devenu réalité. Ils avaient aimé leurs parents adoptifs. Ils étaient devenus parents à leur tour. Ils avaient mêlés leur sang de clones à des hommes et à des femmes qui les aimaient malgré leur « tares ». La vie les avait transformés et ils avaient transformé leur vie. Clones des dix Alphas et enfants de clones, ils avaient véritablement muté, Dieu seul sait pourquoi, déjouant sans le savoir les desseins de leurs géniteurs qui les voulaient parfaitement identiques à eux, sans plus ! S’ils restaient des êtres à part bien malgré eux, ils étaient surtout des êtres humains à part entière, doués d’une volonté propre, capables d’infléchir la route qu’on avait tracée pour eux.
Ils avaient souffert de leur différence, ils en avaient payé le dur prix fixé par Solomon et les Sages à sa solde. Désormais, ils l’assumaient pleinement, prêts à partager ce qui faisait d’eux des êtres d’exception.
Le slogan de ce septième et dernier rassemblement proclamait :
« Nous sommes tous frères par-delà nos différences car la Terre qui nous porte est notre mère à tous ! »
C’était la plus belle, la plus magistrale des conclusions à un plaidoyer que beaucoup en ce jour béni, se rappelaient avec une émotion non dissimulée.
Le temps était venu pour les Mutants de vivre libres, au grand jour au milieu de l’humanité qui était la leur.
Le temps était venu pour eux de détruire à jamais, avec les ruines de la Ferme Alpha, les vestiges d’un abominable passé.
Autour des murs noircis se forma la plus gigantesque des Roues. Ce fut une immense ronde d’hommes, de femmes, d’enfants se tenant par la main. Mutants, Élus, Normaux communièrent dans la fraternité. En silence, liés par l’esprit, ils célébrèrent le rite immuable de la vie contre la mort, de l’amour contre la haine, de la lumière contre l’obscurantisme, de la tolérance contre le rejet.
Hawk et Mary se tenaient au centre avec leurs très précoces jumeaux. Océane et petit Faucon n’avait pas encore tout à fait un an mais ils marchaient et parlaient couramment. Assis sur des couvertures entre leurs parents, ils étaient très sages. Graves même, ils comprenaient déjà l’importance de ce qu’ils partageaient avec les grands.
Des milliers de fronts des Mus et des Élus, jaillit le fluide du Pouvoir qui frappa autour d’eux, les enveloppa sans les brûler mais détruisit les derniers vestiges du complexe de reproduction par clonage d’Alexander Zagrozny et de ses complices. Un cri unanime et silencieux, fusa de la Roue quand le puissant rayon fulgurant désintégra les vieux murs oubliés.
Les neuf Alpha qui avaient survécu et portaient allègement leurs quatre-vingt-treize ans grâce aux énormes progrès médicaux, étaient tous là avec leurs enfants naturels. Ils pleuraient en secret la fin de leur rêve. Eux aussi devraient oublier.
Soudain, un incroyable faisceau bleu-vert se matérialisa puis, tel une flèche de lumière, il s’éleva et monta très haut vers le ciel d’azur. Sous le regard ébahi de la foule rassemblée en masse compacte autour de la Roue, une immense étoile à cinq branches se dessina à partir de cette flamme surnaturelle. À son tour, elle s’éleva scintillante vers le soleil. Durant sept jours et sept nuits, elle s’inscrivit sur la voûte céleste comme un lumineux message de paix. Elle brilla ainsi tout le temps que le cercle magique formé d’hommes, de femmes et d’enfants silencieux, unis par la pensée, demeura debout autour du Rassembleur de sa femme et de leurs extraordinaires enfants.
Et la Roue tourna, tourna, tourna sept jours et sept nuits, diffusant dans le Monde le savoir dont les mutants avaient été les seuls détenteurs jusqu’à ce 20 mars 2059.
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Commentaires
Je retiens cette phrase « Nous sommes tous frères par-delà nos différences car la Terre qui nous porte est notre mère à tous ! », si elle pouvait être mise en application.