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"Les rêves d’Élisa" - Chapitre 2
Elle est rentrée chez elle. Sa mère et son frère l’attendaient inquiets, prêts à alerter la gendarmerie.
Patrick est de passage. « Pour rien au monde je n'aurais manqué tes 20 ans ! » Lui a-t-il dit en la serrant à l’étouffer entre ses bras hâlés par le grand air, à peine le seuil de la maison franchi.
Elle a bien conscience du cadeau inestimable qu'il lui fait par sa simple présence à l'occasion de son anniversaire. Pour être là, il a dû quitter la Haute-Provence, consentant exceptionnellement à y laisser son cher troupeau une semaine entière aux bons soins d’un apprenti berger. Il repart demain. À 30 ans, célibataire endurci, il ne se plait vraiment que dans ses montagnes provençales avec ses moutons, ses quelques chèvres et ses deux chiens. Depuis la mort de son jumeau et de son aîné de deux ans dans ce terrible accident de voiture l’année précédente, il s’est retiré du monde, devenant presque sauvage et si ce n’était sa mère et sa sœur qu’il adore, il ne quitterait jamais sa bergerie.
Quant à sa mère, tout juste un mois après cette cruelle épreuve, elle a découvert que Michel, son bien aimé mari la trompait odieusement et qu’il était criblé de dettes de jeu. Des dettes que la vente de leur seul bien commun, une modeste exploitation agricole, n’a que partiellement couvertes. Quasiment sans le sou, il lui a fallu trouver très rapidement du travail. À 50 ans, sans aucune qualification, elle a accepté un emploi de femme de ménage aux Eyzies, à l’hôtel des Roches. Folle de douleur et d’humiliation, elle a reporté toute sa capacité d’amour sur la seule enfant qui ne l’ait pas quittée : la petite dernière ou comme elle le lui a si souvent répété, leur dernier coup de folie à elle et à son époux dix ans après les jumeaux. En effet, Élisa qui réside encore chez sa mère, travaille elle aussi aux Eyzies durant les vacances d'été. En juillet comme vendeuse dans une petite boutique de souvenirs, en août comme hôtesse d’accueil au musée de la préhistoire. Pendant l’année universitaire, sa petite bourse lui permet de bénéficier d’une chambre d’étudiante à Bordeaux mais elle rentre chez elle chaque week-end.
Elle a choisi la filière paléoanthropologie et pour cause : elle a passé son enfance à Saint-Cirq. Gamine, son plus grand plaisir était de visiter et revisiter la « grotte du Sorcier ». La petite ferme familiale jusqu’à la mort tragique de son père n’était pas si loin de la célèbre grotte préhistorique. C’est même là qu’elle a décroché son premier job d’été à vendre des tickets aux touristes venus la visiter. Leur maisonnette actuelle dans ce village à flanc de falaise situé à 5 km des Eyzies, sa mère l’a eue pour une bouchée de pain et ils l’ont retapée, son frère, Sarah et elle. C’est dire que la préhistoire, elle est tombée dedans toute petite, comme Obélix dans la potion magique. Elle connaît comme sa poche tous les sites des environs. Le font de Gaume, les Combarelles, les abris de la Laugerie haute et de la Laugerie basse, celui du Poisson, celui du Cro-Magnon bien sûr, la grotte de Bara Bahau, les gisements de la Ferrassie et de la Micoque… Elle a visité Lascaux II éblouie en rêvant que son futur diplôme lui permettra peut-être d’étudier la grotte originale. C’est sa passion. Même sans cela, elle resterait très attachée à ces lieux. C'est aux Eyzies de Tayac-Sireuil et à Sarlat que vivent les seuls et rares vrais amis qu’elle ait gardés après le décès de son père et le scandale qui s’en est suivi. De surcroît, pour rien au monde elle n’abandonnerait trop longtemps sa mère tant elle sait combien celle-ci dépérirait sans elle. Sarah aime Patrick bien sûr mais le voir ravive chaque fois le souvenir de Paul son jumeau ainsi que celui de Marc leur aîné. Ses trois fils ont le malheur d’être le portrait craché de Michel celui-là même qu’elle adorait tandis que lui, insouciant, dilapidait le peu de bien qu’ils avaient en commun dans le jeu et les femmes ! Il n’y a vraiment qu’Élisa qui lui ressemble à elle, même si elle a les yeux noisette de son père.
La jeune fille a dû leur raconter X et X fois par le menu, son aventure rocambolesque. Tellement qu’elle a fini par demander grâce. Ils l’ont alors laissée tranquille. Soulagée, elle a enfin pu se coucher. Ce n’est qu’une fois étendue entre ses draps frais qu'un détail troublant lui est revenu à l'esprit : Jonathan l’a appelée Élisa. Comment connaît-il son prénom ? Elle ne se rappelle pas le lui avoir dit. Qu’importe ! Quelqu’une de ses connaissances l’aura reconnue et l’aura mentionné devant lui quand elle s’est évanouie, voilà tout ! Mais tout de même… Quand elle pense qu’il est allé jusqu’à payer la course du taxi et qu’elle ne l'a même pas remarqué ! Elle devait être rudement chamboulée. D’ailleurs, elle ne se rappelle pas non plus de son retour des coulisses ni comment et surtout pourquoi, elle s’est retrouvée au bord de la piste désertée, dans les bras de Jonathan.
C’est sur cette énigme que représente sa rencontre inopinée avec son étrange sauveur qu’elle s’endort enfin, recrue de fatigue et d’émotions fortes.
Tags : Roman, Elisa, Chapitre 2, rêves
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Commentaires
Ca commence fort !
Je connais Saint Cirq Lapopie, c'est beau, mais ça monte.