• ...Un violent mal de tête lui vrille les tempes tandis qu’elle sort péniblement d’une nuit particulièrement agitée. Elle a vraiment très mal dormi, enchaînant cauchemar sur cauchemar. Chaque fois que l’un d’’eux la laissait pantelante, elle s’efforçait de se réveiller comme elle parvient à le faire dès qu’un rêve la plonge dans une terreur primale.

    En fait, elle a la sensation d’avoir évolué dans un unique et même long cauchemar, transportée sitôt qu’elle se rendormait dans la peau de l’une de ses doubles oniriques.

    Elle a d’abord été Ehi Sha, se réveillant en sueur, désorientée et terriblement seule dans une hutte préhistorique, éprouvant comme une sourde douleur l’absence de Roh Ahr Anh à ses côtés. Puis elle sortait de la hutte et découvrait terrifiée, le village du Clan des Chasseurs totalement déserté. Une voix qui n’avait rien d’humain, l’entraînait alors hors du village en ne cessant de lui répéter : « Réveille-toi Élisa ! ». Elle sortait de la bouche close d’un être mi-homme, mi-robot. Mais cela, son double préhistorique ne pouvait le savoir !

    Puis elle s’est réveillée  et s’est presque aussitôt rendormie pour se retrouver dans la peau de l’Élisa du Moyen Âge qui émergeait elle aussi d’une nuit éprouvante. En sortant de sa maisonnette, la jeune fille effrayée faisait à peu de chose près le même constat qu’Ehi Sha : un monde vidé de ses habitants et une voix inhumaine l’entraînant hors de son village.

    L’être dont émanait cette voix à faire frissonner de peur les plus téméraires des chevaliers, marchait mécaniquement devant elle en répétant : « Réveille-toi Élisa ! »

    Et enfin, il y a eu ce dernier cauchemar dont elle vient à peine de sortir, totalement désemparée. Dans celui-là, elle était l’Élisa de ce futur si lointain qu’il en serait inimaginable pour tout autre qu’elle. Sauf pour Martha, peut-être, qui paraît comprendre tout ce qu’elle vit depuis qu’elle a recommencé à rêver. Ou pour Jonathan, dont elle partage les jours et les nuits depuis près de deux ans à présent.

    Pour le sauver, lui, l’éternel compagnon de ses faramineuses existences oniriques, des griffes de la Machine au service des tout puissants « Maîtres de la Sphère », elle a entrepris de traverser une France post-apocalyptique presque totalement vidée de sa population depuis plus de 1000 ans, avec pour seule compagnie, Weena, une merveilleuse jument pommelée comme elle n’en a jamais vue dans sa vraie vie de jeune femme du XXIe siècle. Au cours de cette quête aussi folle que périlleuse, elle est guidée par…Un robot androïde dont la présence ne semble plus l’inquiéter et qui, comme celui de ses autres rêves, ne cesse de lui dire et redire de se réveiller, sans qu’elle comprenne le sens de cet ordre bizarre !

    Quand elle va raconter ça à Jonathan, il va encore gentiment se moquer d’elle en lui réaffirmant que sa vie, c’est celle-ci, avec lui, pour toujours !

    Il n’est pas près d’elle, au creux de leur lit douillet ! Il est parti il y a maintenant trois jours rendre visite à sa famille circacienne qui tourne dans le nord du pays. Il ne rentrera qu’à la fin de la semaine.

    Elle ne l’a pas accompagné. Á ce stade de sa grossesse, 7 mois déjà, elle préfère s’abstenir de longs voyages en voiture. Elle ne sortira tout à l’heure que pour aller chercher sa mère à la gare de Bordeaux. Heureusement, leur appartement n’en est pas si éloigné ! Cette petite balade à pieds, tranquillement, lui fera le plus grand bien. Rien que cette idée la remet d’aplomb !

    Il est vrai qu’en l’absence de son mari, elle gère très mal ces cauchemars récurrents qui pourrissent ses nuits ! Chaque fois qu’elle se perd dans le dédale des errances nocturnes issues de son subconscient, lui seul détient le pouvoir de l’apaiser et de lui faire reprendre pied dans la réalité de sa vie quotidienne : Bordeaux, leur chouette appartement, le bébé à venir, un garçon, elle en est sûre ! Tout ce qui fait son bonheur, ici et maintenant comme il ne se lasse pas de le lui répéter.

    Enfin rassérénée, elle se redresse péniblement. Depuis quelque temps elle est sujette à de douloureuses courbatures. Bébé pousse, ça se sent ! Et il lui donne de sacrés coups de pieds le sacripant !

    C’est à ce moment précis qu’elle s’avise qu’il se passe quelque chose d’inhabituel. C’est comme si ce petit dans son ventre voulait l’avertir. Mais de quoi ?

    Le silence peut-être, bien plus profond que ce que le double vitrage est censé apporter d’isolation phonique à l’appartement. Un silence qui lui paraît aussitôt oppressant tant il est total ! Pour être efficace, cette isolation n’en laisse pas moins filtrer les rumeurs de la ville. Elles lui arrivent habituellement par bouffées étouffées mais bien présentes : bruits de la circulation, coups de klaxon intempestifs, passage vrombissant des nombreux avions qui décollent et atterrissent bien trop fréquemment de l’avis-même des riverains de Bordeaux-Mérignac…

    Mais ce matin, rien ! Un grand, un immense rien angoissant ! La peur se rue dans ses veines à la vitesse grand V. Elle craint si fort d’aller vérifier ce que son esprit en déroute lui souffle, à la grande baie vitrée qui donne sur le boulevard si animé de son quartier, que ses jambes en flageolent. Dans son ventre distendu, les coups de pieds de « bébé », redoublent d’intensité.

    « Va voir ! » Semblent-ils lui dire.

    Surmontant la nausée brutale qui menace de la submerger, elle s’oblige à respirer calmement, puis se lève en se tenant le ventre à deux mains pour apaiser  « Bébé ».

    Alors, d’un pas hésitant, elle se dirige jusqu’à la salle de séjour où se trouve la baie dominant la rue. Elle a beau tendre l’oreille, rien ! Elle reprend son souffle haché par l’angoisse avant de se décider à actionner la télécommande qui ouvre le volet roulant. Il se lève lentement sur la lumière du jour.

    « Il va faire encore faire beau aujourd’hui. » se dit-elle, histoire de se rassurer.

    « Regarde dehors, allez, courage, regarde ! » l’admoneste sa voix intérieure.

    Le cœur étreint d’une crainte sans nom, elle se force à regarder…

    Vide ! Le boulevard est vide ! Pas un piéton sur les trottoirs, pas une voiture dans la rue. Pas de bus ou de trams remplis d’usagers en route pour leur travail…

    Rien, rien, RIEN !

    Elle sait d’instinct qu’elle n’aura pas besoin d’aller vérifier plus loin pour être sûre que toute vie humaine a déserté Bordeaux…Le reste du monde aussi sans nul doute !

    Disparue la population bordelaise dans sa totalité...

    Disparues sa mère, Martha, sa meilleure amie Chloé...

    Disparus Jonathan, là -bas dans le Nord de la France, Patrick et sa femme...

    Disparue l’Humanité, avalée par une monstrueuse entité dévoreuse d’âmes...

    Il n’y a plus qu’elle, son bébé et…Là, en bas, pointant un index raide vers elle, un robot androïde qu’elle reconnaît et dont elle discerne la voix sans même avoir besoin d’ouvrir la baie au double vitrage inefficace pour le coup : « Réveille-toi Élisa » Ordonne-t-il.

    «Réveille-toi ! Ce n’est qu’une illusion de plus, un cauchemar ! Réveille-toi !» Lui hurle son esprit tandis qu’elle suffoque et se sent partir. Juste avant de s’écrouler sur l’épaisse moquette, elle a vu une armée de robots affluer du boulevard. En rangs serrés, ils se dirigeaient tous vers son immeuble du même pas mécanique. Du fond de la torpeur qui l‘envahit, elle les entend :

    «Réveille-toi Élisa ! Réveille-toi !»  Scandent en chœur leurs voix monocordes.

    Elle devine sans les voir les milliers d’index pointés vers sa fenêtre.

    Puis elle sombre…  

     

    Le cœur au bord des lèvres, Élisa se secoue sur l’étroite couchette. Elle se frotte les yeux, juste pour s’assurer qu’elle n’est pas encore en plein rêve.

    - Quel cauchemar !  Lance-t-elle à elle ne sait qui.

    Cette fois c’était pire que d’habitude. Un rêve dans le rêve, dans le rêve... Le cercle vicieux absolu !

    Un souvenir que Martha ne manquerait pas de qualifier d’ancestral, lui revient : elle se revoit, dans cette autre vie de l’Élisa du XXIe siècle, raconter à sa mère l’un de ses rêves à tiroirs au cours desquels elle rêve qu’elle rêve qu’elle rêve…Et Sarah d’évoquer l’ancienne étiquette d’un fromage « L’oiseau bleu », montrant ledit oiseau bleu posé sur le rebord de la fenêtre d’une tour où se tient une femme tout de vert vêtue, la main tendue vers lui. Dans son bec l’oiseau tient un camembert où figure un oiseau bleu, tenant probablement un camembert dans son bec, sur laquelle se trouve un oiseau bleu qui…. Et ainsi de suite…

    Quelle étrange réminiscence ! D’autant Plus bizarre que dans son présent, celui dont on ne cesse de lui rabâcher qu’il est la seule réalité, Sarah n’existe pas ! Pas plus que Patrick ou Chloé. C’est d’ailleurs le seul endroit où hormis Chloé qui n'apparaît que dans son Monde du vingt et unième siècle, sa mère et son frère présents dans tous ses autres rêves, n’existent pas ! Pourquoi penser « ses autres rêves » au demeurant ? Là, elle ne rêve pas !

    Á moins que…

    Elle se frotte les yeux derechef. Elle est bien dans le refuge. L’est-elle ? Tout s’embrouille dans sa tête. L’épuisement, les épreuves sans doute ! Elle ressent dans tout son corps meurtri les efforts de la veille.

    Weena ! Comment va sa chère jument ? Elle boitait bas hier soir avant que...Bob ne décide de la soigner.

    Percluse de courbatures bien réelles cette fois, la boule au ventre, elle s’extirpe lourdement de sa couche, résolue à lever le doute qui règne dans son esprit en pleine pagaille !

    Le soleil est déjà haut. Elle se dirige sans trop se hâter vers l’arrière du refuge, encore inquiète de ce qu’elle pourrait y voir...ou pas ! Un soupir de soulagement lui échappe quand elle trouve Weena attachée comme il se doit, un pansement proprement posé autour du boulet de son antérieur gauche. Nulle trace de son ange gardien robot, évidemment. Il s’est éclipsé avant son réveil, comme à son habitude !

    Nulle trace ? Pas tout à fait, remarque t’elle en rangeant la sacoche se soins posée contre le mur de la resserre à bois. La carte qu’elle a dessinée en dépasse légèrement. Elle la sort, curieuse car ce n’est pas sa place. Une croix bien nette marque la prochaine étape. Et tout en bas, soulignés aussi nettement, les mots qu’il y a déjà écrits « Bonne chance » et « Réveille-toi Élisa ! »

    Finira-t-elle par comprendre le sens de cet ordre mille fois répété ?

     

     

     


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  • Quatrième, cinquième et sixième jour

     

    Elle a cheminé trois jours, en suivant au plus près les indications laissées par C-3PO, ainsi qu’elle continue à l’appeler. Son drôle d’ange-gardien androïde dont elle croit parfois entrevoir au loin sur le sentier, la haute silhouette à la démarche mécanique, comme s’il persistait à vouloir la guider mais sans plus jamais s’approcher d’elle.

    Plus elle y pense, plus elle a la sensation qu’il s’est substitué à son éternel sauveur. Jonathan absent, il semble savoir qu’elle a besoin d’aide pour atteindre le but qu’elle s’est fixé. Et la dérangeante question de la titiller de nouveau assez désagréablement : pourquoi ?

    Si les Maîtres détiennent Jonathan et les autres disparus, pourquoi font-ils tout pour l’aider à venir les délivrer ? En lui envoyant ce guide, leur but final n’est-il pas de remettre la main sur une de leurs rêveuses ?

    Improbable ! Ils ne doivent pas être à un rêveur prêt ! Quel besoin auraient-ils de vouloir la récupérer elle, à tout prix ? De plus cette hypothèse est largement contredite par cette injonction permanente de son ange-gardien, de se réveiller !

    Que veut- dire ce « Réveille-toi Élisa » qu’elle a déjà si souvent entendu dans ses songes d’avant ?

    Qu’il intervienne au terme de ses rêves, elle peut le concevoir mais maintenant ? Pourquoi lui ordonner de se réveiller en plein jour quand elle ne dort pas ? Ça n’a aucun sens sauf si elle est effectivement perdue une fois de plus dans le labyrinthe d’un rêve sans fin.

    Impossible ! Martha et Jonathan en personne lui ont assuré que ce monde ci est le seul réel.

    Et puis jusqu’à sa disparition tragique, c’était toujours Jonathan qui lui demandait de se réveiller. Pourquoi un robot à présent ? Se pourrait-il que ce soit lui qui lui ait envoyé l’étrange émissaire ? A-t-il rejoint les rangs des Maîtres ?

    Cette idée la terrifie mais n’entame en rien sa détermination car cela voudrait dire qu’il est vivant. Elle se sent de force à le tirer des griffes de ces monstres malfaisants comme il l’a fait pour elle !

    La fin de la journée approche. Selon sa carte, le prochain refuge n’est plus très loin. Tantôt à pieds pour ménager sa monture, tantôt sur son large dos pour se ménager à son tour, elle a bien progressé. Elle a respecté les pauses qui s’imposaient. Et cette étape, fort heureusement, s’est déroulée sans mauvaise surprises !

    Le premier jour, le quatrième depuis son départ de Liberté elle a suivi la rivière. Du coup, le remplissage des outres n’a posé aucun problème. Weena a pu boire son content et, à chaque étape de repos, elle a pu brouter l’herbe grasse et abondante en cette saison sans avoir besoin de puiser dans la ration d’avoine. Quant à elle, elle s’est régalée de poisson frais qu’elle a fait griller au-dessus du feu. De gros fruits juteux à la peau duveteuse lui ont servi de dessert. Des pêches, se souvient-elle, bien plus grosses et sucrées que leurs sœurs d’autrefois. Elle en a rempli un grand panier. Le refuge où elle a fait halte pour la nuit s’est montré à la hauteur des précédents. La proximité de la rivière lui a permis de laver ses vêtements. Dans la cabane, elle a trouvé une outre de peau de grande contenance, assez semblable aux siennes. Elle s’est dit qu’une réserve d’eau supplémentaire n’était pas à négliger même si ça devait alourdir son chargement.

    Plus étonnant, elle a trouvé un « ralièvre » fraîchement et proprement estourbi, accroché au manteau de la cheminée. Un cadeau de C-3PO ? Pourtant, nulle trace de son providentiel ange-robot. Son repas du soir assuré, elle a pu se reposer sans avoir à se soucier d’autre chose. Les soins habituels prodigués à Weena, un bain revigorant dans la rivière, un bon repas dehors, dans la douceur clémente d’un soir d’été... C’eût été le paradis sur terre avec Jonathan à ses côtés.

    - J’arrive mon amour ! A-t-elle lancé vers les étoiles avant d’aller dormir d’un sommeil sans rêve.

    Le trajet du lendemain s’est avéré plus ardu. Après avoir tranquillement suivi le cours de la rivière jusqu’à mi -journée, elle est arrivée devant un pont de bois quelque peu branlant, bâti à la va-vite par les extracteurs, manifestement pas conçu pour un cheval et un chariot. Le genre qu’on ne peut franchir qu’un par un avec précaution. Il lui a donc fallu chercher un endroit peu profond pour traverser sans danger avec sa jument et son chargement. Elle ne l’a trouvé qu’après avoir parcouru environ trois kilomètres supplémentaires le long des berges, en se frayant un chemin entre hautes herbes et ronciers, s’éloignant ainsi du sentier qu’elle était censée emprunter. La peur de se perdre une nouvelle fois, lui tordait le ventre.

    En attendant, il fallait franchir cette satanée rivière ! Elle a d’abord attaché solidement sa jument à un arbre avant de traverser seule pour tester la profondeur et la force du courant. Après avoir atteint l’autre berge sans difficulté, elle a refait le chemin en sens inverse. Il ne lui restait plus qu’à convaincre Weena d’en faire autant ! La pente pour descendre dans la rivière était suffisamment douce pour que l’animal y parvienne sans risque et sans renverser le précieux chargement !

    Plus facile à dire qu’à faire. La jument effrayée refusant obstinément de rentrer dans l’eau, il lui a fallu déployer des trésors de patience ainsi qu’un savant mélange de douceur et de fermeté pour l’amadouer. Une bonne dose de ruse aussi. Elle a retraversé, seule et a fait mine de s’en aller. Cachée dans les hautes herbes, elle a attendu que Weena hennisse de frayeur pour revenir. Ce n’est qu’alors que l’entêtée a enfin consenti à traverser non sans renâcler plus d’une fois ! L’autre berge atteinte sans dégât, il ne restait plus qu’à rejoindre le sentier en longeant la rive en sens inverse. Par bonheur, elle a aisément retrouvé le pont. 

    Après une courte pause bénéfique et le remplissage d’une de ses outres presque vide, elle a pu reprendre le sentier indiqué sur sa carte ! Mais que de temps perdu cette fois encore !

    Et ce n’était pas fini !

    Á la douceur reposante de la vallée succédait assez rapidement une nouvelle portion montagneuse. Contreforts des précédents sommets certes moins élevés, cette partie était constituée d’une succession de collines et de vallons encaissés. Des chemins sinueux, de la rocaille encore et encore, des montées, des descentes à n’en plus finir... Et pour couronner le tout en fin d’après-midi, une pluie fine mais tenace s’est mise à tomber. Quand elle enfin atteint le refuge, ses vêtements trempés lui collaient à la peau. Elle crevait de froid, de faim et de fatigue. Tout comme Weena !

    Sacrifier au rituel des soins à la jument a été une torture ! Entre temps, la pluie fine s’est transformée en averse violente. Heureusement, la resserre à bois était assez large et couverte d’une espèce d’auvent fait d’un entrelacs de branches et de paille tressée serrée. Bouchonnée et réchauffée par une des couvertures en laine de bison tirée du coffre de la cabane, la pauvre bête a pu passer une nuit relativement au sec. Quant à elle, pour une fois, elle a dû allumer un feu dans la cheminée afin de faire sécher ses vêtements. Trop épuisée pour se préparer un repas digne ce nom, elle a avalé rapidement deux biscuits et une pêche puis elle s’est couchée sans demander son reste. Elle n’a eu aucun mal à s’endormir en dépit de la pluie crépitant sur le toit de chaume ! Pas de rêve cette fois non plus.

    Au réveil, elle se sentait plus abandonnée que jamais.

    « Ne baisse pas les bras ! » Lui soufflait une voix qui avait à la fois les intonations tendres de Jonathan et celles, mécaniques et impersonnelles de C-3PO.

    C’est donc partagée entre l’abattement et la détermination qu’elle s’est remise en route en croisant les doigts pour que cette nouvelle étape se déroule sans anicroches. Il ne pleuvait plus et Weena paraissait s’être mieux remise qu’elle de celle de la veille.

    Ses vœux ont été exaucés. Dernière montée, ultime effort pour les jambes douloureuses et les pieds malmenés par les cailloux. La cabane se profile en haut du chemin. Il est heureux qu’elle arrive, car Weena boîte. Il faut dire que la brave bête l’a portée presque tout le long du parcours. Il n’y a que pour entamer cette dernière et longue montée qu’elle s’est décidée à remettre pied à terre pour la soulager.

    - Comme tu es courageuse ma belle, murmure-t-elle à sa fidèle monture. Ne t’inquiète-pas, je vais bien te soigner. Et quitte à perdre une journée, nous ne repartirons pas tant que tu n’iras pas mieux.

    Elle prie en silence tous les dieux de l’univers, s’ils existent, pour que sa jument ne soit pas trop atteinte et qu’elle puisse poursuivre le voyage. En vérité, elle est prête à sacrifier bien plus d’une journée pour le bien-être de Weena.

    Que fera-t'elle si la jument se montre incapable de marcher ? Et surtout, comment envisager un seul instant de la laisser au refuge et de repartir sans elle et sans son chargement ? Autant dire que ce serait la fin du voyage. L’abandon pur et simple de sa mission de sauvetage au bout de six jours seulement alors qu’il lui en reste sans doute encore plus d’une vingtaine pour atteindre la Sphère, si tout va bien !

    Ne pas penser au pire, ne pas s’abandonner au désespoir ! Elle ne peut pas avoir fait tout ce chemin pour rien.

    - Nous sommes arrivées Weena, courage mon amie, courage !

    Sans perdre une minute, elle dételle la jument et la mène vers la resserre à bois. Elle porte la tête basse signe qu’elle n’est pas au mieux de sa forme !

    Alors qu’agenouillée près de Weena, elle s’apprêtait à vérifier ses membres afin de déceler ce qui provoque sa douleur, elle sent une main ferme se poser sur son épaule tandis qu’une voix qu’elle commence à connaître lui ordonne :

    - Laisse !

    Á peine étonnée, elle se relève et fait face à son étrange interlocuteur.

    - Laisse. Je m’occupe de ton cheval ! Répète C-3PO

    - Salut C-3PO ! Comment comptes-tu t’y prendre ?

    - Je sais ce qu’il faut faire. Répond-il en lui montrant le sac d’herbes, d’onguents et de pansements qu’il a sorti du chariot.

    - Ah bon ! Au fait,  qui es -tu C-3PO ?

    -Mon appellation complète est 26-B-RH-1.Vingt-sixième exemplaire de la série B des « Robhommes » du niveau 1.Tu peux dire Bob, les B sont appelés Bob. Poursuit-il de son ton impersonnel et métallique.

    C’est la première fois qu’elle le voit d’aussi près. Le terme de « Robhomme » lui va bien. C’est vrai qu’en apparence, il ressemble à un homme mais sans les attributs sexuels, comme le prouve le manque de formes au niveau de son bas-ventre. Pour le reste, tout y est : un visage mâle parfait, habillé de chair synthétique tout à fait crédible tout comme celle qui recouvre ses mains à l’exceptionnelle mobilité. Un torse puissant, des épaules larges, des bras et des jambes solides. L’ensemble paraît assez « musclé ». En revanche, ceux qui l’ont conçu n’ont pas jugé utile de lui fabriquer des cheveux. Il est donc chauve comme les vrais humains esclaves des bas-fonds.

    -  D’accord ! J’aimais bien C-3PO ! Qui t’envoie ?

    - Je m’occupe de ton cheval. Fais ce que tu as à faire.

    - Bien Euh…Bob ! J’y vais ! S’exécute-t-elle soulagée d’un seul coup qu’il soit là.

    Son ange gardien est revenu à point nommé ! Comment ? Pourquoi ? Qu’importe, il est là et elle se posera ou lui posera la question plus tard, sur les vraies raisons de sa miraculeuse présence. S’il n’est pas parti avant, comme d’habitude !

    Comment peut-elle laisser sa chère Weena entre les mains d’un robot ? Elle ne veut pas se le demander non plus. Ne l’a-t-il pas déjà pansée le plus soigneusement du monde ? Et puis il lui suffit de voir le comportement apaisé et confiant de la jument pour savoir qu’elle est en sécurité avec…Bob ! Décidément, elle ne s’y fait pas !

    C’est totalement rassurée, qu’elle entre dans la cabane pour s’occuper d’elle.

     

     

     


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  • Troisième jour

     

    Encore engourdie, elle se réveille d’un sommeil lourd et sans rêves. Ses souvenirs de la veille sont flous. A-t-elle fini par s’endormir, exténuée, au milieu du sentier où elle s’est arrêtée, à bout de force et de courage ? Si c’est le cas, où est passée Weena ?

    L’orage menaçait. S’est-il abattu sur elle et sur la jument ? Non ! Ou elle devrait être morte à l’heure qu’il est ! Or elle se sent aussi vivante qu’il est possible de l’être en de telles circonstances ! Mais alors, où est-elle ?

    Trop de questions !

    Tout étonnée de n’avoir pas froid ni faim ni soif, de ne ressentir aucune douleur dans son corps pourtant mis à rude épreuve, elle s’étire béatement puis se décide enfin à ouvrir les yeux et à regarder autour d’elle. D’abord, elle s’avise qu’elle est étendue sur une couchette au moelleux matelas rembourré de laine de bison. Elle en a reconnu l’odeur caractéristique. Une couverture tissé de cette même laine  ne la recouvre qu’à-demi, preuve qu’il ne fait pas froid. D’où elle se trouve, elle peut apercevoir le jour qui filtre à travers…des volets clos.

    De toute évidence, «on » l’a conduite à une cabane sensiblement identique à celle qu’elle a quittée hier matin. Ses vêtements sont posés sur une chaise grossière près du lit.

    Comment est-elle arrivée là ?

    Elle ne se rappelle plus rien à partir du moment précis où le robot humanoïde est apparu devant elle et où elle a commencé à le suivre, galvanisée par elle ne sait quel regain mystérieux de vigueur.

    Elle s’étire une nouvelle fois, heureuse d’être encore en vie même si elle ne comprend pas comment c’est possible. Puis, consciente d’être totalement reposée, elle se lève, nue. Elle n’a  pas non plus le moindre souvenir de s’être déshabillée. Se peut-il que… Elle préfère ne pas y penser !

    Il fait déjà chaud dans la cabane. La matinée doit être bien avancée. Du regard elle en fait rapidement le tour. Même ameublement sommaire, commun à tous les refuges érigés par les extracteurs. Posé sur le coffre, l’attend son sac de vêtements de rechange. Elle en sort des sous-vêtements, un pantalon et une tunique légère. Elle enfile le tout à la hâte, pressée de sortir pour découvrir où elle a atterri.

    Un rapide coup d’œil circulaire la rassure. Si elle n’en a pas encore fini avec la montagne, elle en a du moins laissé derrière elle la partie la plus difficile : ce maudit col qu’elle franchi par un sentier de traverse au lieu d’emprunter l’ancienne route, plus large et plus facile d’accès ! Devant ses yeux éblouis, aussi loin que se porte son regard, s’étend une large vallée verdoyante. Pour la rejoindre, le chemin qu’elle va prendre et qui part du refuge, semble descendre et sinuer en pente douce.

    La cabane où «on » l’a menée, est nichée à l’ombre d’un bouquet de ce qui ressemble le plus à de hauts pins sylvestres, à proximité d’un point d’eau, comme toutes les autres. Elle l’entend d’ailleurs murmurer non loin de là. D’un pas vif, elle se dirige vers ce bruit si attirant. Entre deux rochers, elle a vite fait de découvrir la source qui en jaillit. Au pied du filet gazouillant, un petit bassin naturel peu profond mais rempli d’une eau claire, fraîche et pure, d’où s’échappe, semblant se perdre dans la rocaille, un mince ruisselet. En regardant mieux, elle se rend compte qu’il poursuit sa course en s’écoulant en contrebas, à travers cailloux et buissons. D’après ce qu’elle a pu constater, le chemin qu’elle va emprunter pour repartir, suivra probablement un bon moment ce ruisseau timide qui, au gré de sa progression, deviendra rivière. La garantie pour elle d’avoir de l’eau sans compter et avec un peu de chance, du poisson frais. En attendant, elle n’a plus qu’à remplir ses deux outres qui, par hasard, gisent justement à l’ombre d’un gros rocher moussu.

    Toute cette eau lui donne soif d’un seul coup. Incapable de résister plus longtemps au chant de la source vive, elle s’agenouille et, mettant ses mains en coupe, elle s’abreuve directement au filet jaillissant. Elle ne manquera pas d’y remplir sa gourde avant de quitter les lieux.

    Elle profite de cet instant de grâce pour faire un brin de toilette. Le bassin est juste assez grand pour accueillir son corps mince. Elle a tôt fait de se retrouver nue et de s’y plonger avec délice. Elle ne risque pas d’être épiée par un regard indiscret pendant ses ablutions matinales, songe-t-elle avec une certaine nostalgie en se rappelant inopinément l’un de ses rêves préhistoriques. Nul doute que son beau chasseur ait été en train de l’observer à l’abri des hautes herbes ce fameux jour de cette autre vie si lointaine où Ehi Sha a failli se noyer dans la rivière. Et ce qui a suivi, fût-ce en rêve, la brûle aussi délicieusement qu’il la torture. Ce jour-là, en découvrant l’amour sous son corps robuste, elle était devenue la compagne de Roh Ahr Anh pour la première fois.

    Roh Ahr Anh, Jonathan…Toutes leurs vies communes entre songe et réalité. Toutes leurs premières fois, leurs premiers baisers…

    Cette évocation la ramène au présent, à l’absence. Á l’urgence. Que fait-elle là, à se prélasser dans l’eau fraîche d’une source pendant que l’homme de sa vie croupit dans les bas-fonds de la Sphère ?

    Vite ! S’occuper de Weena qu’elle entend soudain piaffer d’impatience. Reprendre la route ! Vite !

    Elle sort de l’eau, s’ébroue, laisse le soleil encore pâle la sécher un peu. Puis elle ré enfile ses vêtements et court plus qu’elle ne marche, vers l’arrière du refuge où, comme elle l’a deviné, Weena est attachée à la rambarde de la resserre à bois. Elle y retrouve aussi son chariot bâché de toile comme il se doit. Elle vérifie rapidement que rien ne manque à son chargement. Que pourrait-il y manquer d’ailleurs  dont un robot aurait pu avoir besoin ?

    Allons ! Maintenant elle doit prendre soin de sa jument ! La panser, changer ses fers, se restaurer puis repartir et tenter de rattraper le retard qu’elle a accumulé hier dans ce maudit sentier montagnard !

    Weena hennit doucement comme pour lui dire : « Hep, je suis là ! ». Cependant, contre toute attente, elle n’a besoin d’aucun des soins habituels dont sa maîtresse la gratifie au terme de chaque longue étape. Elle paraît même étonnamment fringante après celle d’hier, tellement éprouvante pour elles deux jusqu’à l’intervention miraculeuse du robot. Elle a été bouchonnée avec soin, ferrée. Aussi calme qu’elle est capable de l’être quand rien ne l’inquiète, elle est en train de savourer une ration d’avoine. Près d’elle est posé son abreuvoir de route plein d’eau. Á moins qu’elle ne soit somnambule ou qu’elle ait totalement perdu la mémoire, elle n’est pas l’auteur de ces soins appropriés.

    Cependant, aucune trace de son soigneur bénévole.

    C-3PO, comme elle s’évertue à l’appeler, semble s’être évaporé aussi soudainement et mystérieusement qu’il est apparu sur le sentier. Ou n’a-t-elle fait que rêver tout cela ?

    Pourtant, elle ne doute pas un seul instant que ce soit lui qui ait pris soin de sa jument la veille puis ce matin. Tout comme il l’a déshabillée et couchée hier soir avant de se fondre dans la nuit. Non pas pour se reposer à son tour, lui souffle sa mémoire sans qu’elle sache exactement d’où lui vient cette connaissance.  Les robots ne dorment pas, ils n’en ont nul besoin, ils se mettent seulement en veille jusqu’à ce qu’il soit temps pour eux de reprendre du « service ». C’est ce qu’il a fait, tôt ce matin pour Weena pendant qu’elle dormait profondément, abrutie de fatigue. Après quoi, sa tâche accomplie, il a disparu comme il était venu, en silence, sans un mot d’explication avant qu’elle ne se réveille. Pas même un « réveille-toi-Élisa ! » qui pour le coup, l’aurait sortie de son lourd sommeil et l’aurait rassurée.

    Weena a beau être une excellente compagne de route, elle ne parle pas. Elle l’écoute certes, avec beaucoup d’attention, semble-t-il, très sensible aux intonations de sa maîtresse mais elle ne lui répond pas. Après deux jours entiers d’un parcours pénible en solitaire dans l’immensité de ce nouveau monde vide d’humanité, Martha et Mélodie lui manquent cruellement. Leur présence amicale, protectrice, leur conversation… Liberté lui manque et ses habitants attentifs les uns envers les autres. Même ce robot bizarre, apparu en rêve puis revenu pour la guider d’elle ne sait pas vraiment où dans la réalité, lui manque. Aussi inhumain soit-il, il serait une présence rassurante puisque la voix de Jonathan l’a abandonnée.

    Tout plutôt que cette solitude accablante !

    Les questions qui la taraudent reviennent se ficher dans sa tête : d’où vient-il ? Qui l’envoie et pourquoi ? Comment a-t-il pu arriver jusqu’à elle s’il vient de la Sphère comme elle le croit ?

    Quelle énergie, apparemment inépuisable le fait fonctionner ? Á part le soleil et à une telle distance de la technologie de la Sphère, elle n’en voit aucune !

    Ou en réalité il n’est qu’un mirage forgé par son esprit pour combler le vide et la rassurer ! Se dit-elle une fois de plus, rattrapée par le doute.

    Mais alors, qui l’aurait déshabillée et couchée ? Qui aurait soigné Weena ? Et surtout, dans l’état de total épuisement où elle se trouvait la veille, comment serait-elle parvenue sans aide aucune jusqu’à ce refuge inespéré ? D’autant plus qu’elle s’était perdue !

    Elle a beau se creuser la tête, rien ne lui revient !

    Autre question d’importance : s’il était là pour lui venir en aide, pourquoi s’est- il évaporé une fois de plus sans lui laisser la moindre chance d’obtenir le plus petit début de réponse à ses questions ?

    Inutile de continuer à se torturer ! Elle va devoir se résoudre à reprendre la route, seule.

    Comme si elle avait perçu cette dernière réflexion, Weena hennit avec vigueur, semblant lui dire, un peu vexée :

    -  Et moi alors, je compte pour rien ?

    - C’est vrai que tu es là, toi, ma belle ! Heureusement ! Lui répond-elle instinctivement. Allez, je mange un peu, et on y va !

    Rassurée, la jument se remet à son repas matinal.

    De retour dans la cabane, Élisa se force à grignoter quelques fruits secs et quelques biscuits. Puis, pour parer à toute éventualité, elle avale une pilule nutritive en la faisant passer avec une bonne rasade d’eau de la source.

    - Voilà qui devrait me permettre de tenir jusqu’à la prochaine halte ! Maintenant, consultons la carte ! Plus question de se tromper ! J’ai déjà perdu trop de temps !

    Tirée de son sac à dos, ladite carte est étalée sur la table sous les yeux ébahis d’Élisa ! De nouvelles indications y figurent. Il y a là des tumulus, des sentiers, des forêts, des collines, des rivières et points d’eau, des croisements qu’elle est absolument certaine de ne pas y avoir consignés.

    En y regardant de plus près, elle constate que certains de ces rajouts étonnamment précis, font la jonction entre le sentier où elle s’est perdue et la route qu’elle aurait dû emprunter pour rejoindre le refuge. Ils lui montrent très exactement le croisement où elle s’est trompée. La plupart des autres annotations concernent la suite de son itinéraire jusqu’à la Sphère. Á croire que là-bas, « on » tient vraiment beaucoup à ce qu’elle revienne.

    Dans quel but ?

    Si c’est un piège, elle y fonce tête baissée !

    Un autre détail qu’elle a failli laisser passer, attire soudain son attention. Un double message très explicite écrit tout en bas de la carte. Le premier dit « Bonne chance » le second la frappe comme une gifle : « Réveille-toi Élisa ! »

     

     

     


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  • Deuxième jour

     

    Pas vraiment reposée mais pressée d’un seul coup par cette voix qui la hante, Élisa a repris la route après s’être restaurée et avoir refait le plein d’eau à la rivière. Nourrie, abreuvée, pansée avec soin et ferrée à neuf, la jument semble avoir retrouvé son calme légendaire, du moins en apparence car la jeune femme qui la connaît bien, a parfaitement repéré chez Weena les signes qui prouvent qu’elle demeure sur le qui-vive : les oreilles en perpétuel mouvement, les renâclements intempestifs au moindre bruit suspect, les naseaux et les pupilles dilatés, plus de nervosité dans son pas habituellement régulier…

    Elle non plus n’est pas totalement tranquille depuis ce matin bizarre et l’apparition du « robot », qu’elle a inconsciemment baptisé C-3PO.

    Voila encore un troublant rappel de cette fameuse mémoire ancestrale régulièrement invoquée par Martha. Un vieux film du vingtième siècle qu’a probablement vu l’Élisa de cette lointaine époque et dont le nom lui revient :  « La guerre des étoiles »

    Après lui avoir une fois de plus ordonné de se réveiller, le fameux robot s’est proprement volatilisé, alors même qu’elle allait lui demander de s’expliquer !

    Voilà pourquoi, tout comme sa jument, elle reste en éveil, persuadée que ce qui ne peut être qu’un émissaire de la Sphère, va réapparaître inopinément au détour d’un chemin. A moins qu’il n’ait été qu’une production de son esprit troublé après son rêve de la nuit dernière. Une hallucination due à sa trop grande fatigue !

    Mais alors, comment expliquer la frayeur de Weena ? La proximité d’une bête sauvage?

    Á ce stade de sa réflexion, Élisa se demande pourquoi elle voit si peu d’animaux dans cette version du monde qui n’est peut-être qu’un rêve de plus, se répète-t-elle pour la millionième fois depuis son arrivée à Liberté.

    Si Martha était là, elle lui répondrait comme elle l’a si souvent fait, que les animaux se cachent naturellement des humains qui représentent, au regard de leur propre mémoire ancestrale, de cruels prédateurs ! Réintroduits progressivement dans le monde du dehors par les maîtres de la Sphère depuis près de 500 ans dans le but de tester la nocivité de l’air, ils se sont adaptés. Pour survivre dans un monde dangereux, nocif et en pleine mutation, ils ont eux-mêmes muté et ont vécu libres et sans crainte jusqu’à la réapparition du paramètre humain dans leur univers.

    Il y a la horde de chevaux sauvages dont proviennent Weena, Yaki et les autres pensionnaires des écuries de Liberté. Capturés de haute lutte par les membres les plus téméraires de la gente masculine puis dument dressés, ils font la fierté de la communauté. Réintroduits plus tard que les autres animaux, ils n’ont subi que peu de mutations, restant du même coup, les plus proches en tout, de leurs races originelles.

    Il y a les « chèvrebis » sauvages, issues du croisement entre chèvre et brebis. De belles et solides bêtes à double paire de mamelles dont la production lactée très riche, est fortement apprécié des nourrissons dont les mères n’ont pas eu la montée de lait escomptée. Elles sont régulièrement engrossées par de magnifiques  « béliéboucs » à longues cornes effilées qui, lors des périodes de rut, se livrent à d’âpres combats pour elles.

    Il y a les grosses volailles mutantes à la chair succulente et aux œufs énormes tout aussi délicieux. Habillées de plumes colorées semblables à des écailles, hautes sur pattes et assez agressives, elles sont le résultat d’improbables croisements entre espèces de genres approximativement proches. Faute de savoir ce qu’elles sont exactement, on les unanimement baptisées « poulailles »

    Les habitants de Liberté ne se sont vraiment pas triturés les méninges avec des noms compliqués. Pour nommer ces animaux d’un nouveau genre au fur et à mesure qu’ils les découvraient, ils sont allés au plus simple. Elle en rirait presque !

    Il y a encore le troupeau commun de bovidés, qui tiennent plus du bison laineux que des vaches, bœufs et taureaux si communs au XXIe siècle. Une race mutagène elle aussi, solide et résistante, qui fournit lait, viande, peau, laine et dont les mâles, d’une robustesse à toute épreuve, tirent les charrues lors des labours. Eux ont très justement récupéré le nom de leur lointain cousin.

    Il y a les oiseaux que l’on entend chanter à tue-tête mais qui se montrent si peu, qu’on ne voit d’eux que des envolées de plumes multicolores dès qu’on s’approche d’un peu trop près. Il y a le gibier le plus courant que les chasseurs rapportent au village : des bestioles velues, hargneuses, d’origine indéterminée, qui paraissent cependant être le croisement entre le gros rat musqué et le lièvre, autant que sa mémoire ancestrale puisse le lui rappeler. Ils sont simplement appelés « ralièvres ».

    Il y a les rats évidemment, éternels survivants de toutes les apocalypses. Plus nombreux, plus gros, plus noirs, plus voraces que ceux dont elle peut se souvenir.

    Il y a aussi des mâtinés de chien, de loup et de renard aux crocs impressionnants, rassemblés sous le terme générique de canidés

    Il y a des espèces de félins au griffes et aux canines meurtrières qui n’ont quasiment plus rien de commun avec les chats domestiques de ses autres vies. On les appelle communément « chatigres » en raison de leur extrême sauvagerie. Ils pullulent dans les forêts avoisinantes mais ne se risquent jamais aux abords du village. Rôtie ou en ragout, leur chair est particulièrement fine et savoureuse.

    Il y a bien sûr les multiples poissons et les crustacés dont la taille impressionne, que leur offre généreusement l’océan. Il y a les millions d’insectes de toute sorte, qui assurent la pollinisation, volent, rampent, piquent…Ainsi que les tas de membres de la faune souterraine qui ont mieux survécu que les autres du fait-même de leur habitat. Ils sont appris, pour se protéger, à creuser plus profond leurs terriers, nids et galeries.

    Des autres espèces terrestres ou marines censées avoir été lâchées dans le monde frelaté du dehors au cours de ces cinq siècles d’expérimentation, il ne semble y avoir  nulle trace ! Si elles existent, elles aussi se sont probablement adaptées. Elles ont muté, se sont reproduites, se sont croisées entre elles, ont survécu tranquilles, puis se sont cachées dès le retour des humains si prompts à les sacrifier.

    Les seuls qui semblent n’avoir aucune crainte et se montrent les plus dangereux pour les humains, restent les vipères géantes et autres ophidiens redoutables dont les armes défensives vont de la morsure extrêmement venimeuse et souvent mortelle, à l’étouffement par constriction! Ceux-là, quand on les voit, c’est généralement trop tard !

    Oui, voilà ce que lui dirait Martha si elle était là ! Mais elle a fui sans lui donner la moindre explication et la vieille femme doit mourir d’inquiétude à l’heure qu’il est !

    A-t-elle envoyé du monde à sa recherche ? Probablement ! Heureusement, pour masquer sa fuite, elle a volontairement laissé une multitude de fausses pistes, totalement à l’opposé de la direction qu’elle a prise.

    Cela lui laisse du temps ! Du moins l’espère-t-elle. Elle en a besoin pour remplir sa mission ! Même si elle doit s’avouer qu’elle aurait également bien besoin d’un peu d’aide ! D’autant qu’afin de soulager Weena, elle marche depuis des heures sous un soleil de plomb, dans la rocaille d’un sentier montagneux aussi étroit qu’escarpé, que ses pieds la font horriblement souffrir et…qu’elle est perdue ! Elle était pourtant sûre d’avoir suivi scrupuleusement les indications de sa carte. Où s’est- elle trompée ? Le fait est que rebrousser chemin dans ces conditions serait trop dangereux ! Voire impossible ! Le chariot a déjà failli verser plusieurs fois. Alors qu’elle n’a qu’une envie, celle de s’arrêter et de se reposer, il lui faut garder tout son calme et sa concentration pour guider la jument énervée sur le chemin caillouteux à peine assez large pour le chariot !

    Elle a soif, faim, elle est fatiguée au-delà du possible mais pas question de s’arrêter. Elle doit trouver un abri avant la nuit ! Alors elle continue à mettre un pied devant l’autre, fermement arrimée à la longe de Weena.

    Ce foutu sentier semble n’avoir aucune fin et comble de malchance, de gros nuages annonciateurs d’orage s’amoncellent sur les cimes  Il ne manquait plus que cela ! La lente et prudente progression qu’elle s’impose ajoute à son état d’extrême fatigue.

    Ses jambes vont bientôt cesser de la porter ! Ou c’est Weena qui va s’écrouler. Il faut qu’elles mangent, qu’elles boivent, qu’elles se reposent, là, au beau milieu d’un chemin perdu en pleine montagne ! C’est une question de vie ou de mort !

    Accablée, elle s’arrête et se met à sangloter, submergée par un découragement si profond qu’elle va sûrement s’y noyer ! Les larmes se mêlent à la sueur sur ses joues striées de poussière. Elle pleure de rage et de désespoir ! Comment a-t-elle pu se tromper ?

    - Jonathan ! Aide-moi! Hurle-t-elle.

    Et son appel au secours se répercute à l’infini sur les flancs de la montagne hostile. Seul un lointain roulement de tonnerre lui répond. Effrayée par son cri autant que par le grondement de l’orage qui se rapproche, la jument s’ébroue. Élisa doit prendre sur elle pour la rassurer alors qu’elle-même est morte de peur !

    Soudain, à quelques mètres devant elle, une silhouette apparaît. Elle a peine à y croire pourtant, c’est bien, celui qu’elle a baptisé C-3PO, le robot de son rêve de la nuit dernière. Celui de son réveil intempestif de ce matin. Marchait-il vers elle de son pas raide ? En tout cas, lui aussi s’est arrêté.

    Ses yeux d’un bleu surnaturel la fixent avec insistance. Ses bras se tendent vers elle…

    - Suis-moi ! Prononce-il distinctement de sa voix désincarnée.

    D’un seul coup, elle ne ressent plus la fatigue ni la faim, la soif ou la peur. Comme plongée dans un état second, animée d’une force nouvelle, elle empoigne la longe de la jument, elle aussi magiquement revigorée et se remet en marche dans les pas du robot humanoïde.

    Sans pouvoir s’expliquer d’où lui vient cette foi inébranlable, elle a la certitude qu’il va la mener saine et sauve avec sa jument, au bout du périlleux sentier.

     

     

     


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  • … Harassée par sa longue journée de cueillette, Ehi Sha s’est endormie d’un coup dans la hutte de bois que Roh Ahr Anh a construite pour eux deux et leur enfant à venir, dans un coin isolé du village de son Clan, celui des Chasseurs où ils ont décidé de s’installer jusqu’à sa délivrance.

    - Tu ne dois pas être seule quand notre petit naîtra, a-t-il décidé. La guérisseuse de ma tribu sera là le moment venu ! Je n’aime pas être séparé de toi mais il le faut !

    Elle s’est pliée à la farouche volonté de son compagnon, un peu déçue de ne plus pouvoir le suivre lors des  grandes chasses  de la saison chaude, mais en même temps rassurée d’avoir une guérisseuse aussi aguerrie que Mah Rah pour l’assister le jour où son enfant viendra au monde ! Reb Kaha n’a en effet rien à envier à sa vieille amie.

    Elle se sent heureuse au sein de ce clan étranger, acceptée et entourée. Bien que sans aucune animosité de leur part, elle sait qu’elle est un peu enviée par les autres jeunes femmes de la tribu qui n’ont pas encore trouvé de compagnon. N’est-elle pas l’unique compagne du beau Roh Ahr Anh ? Elle sait aussi que plus d’une, en secret, guette du coin de l’œil l’évolution de sa grossesse. Si elle mourait en couche, il en serait plus d’une prête à consoler le jeune chasseur ! Elle ne peut leur en vouloir ! Pour elle, il a brisé la tradition qui veut qu’un homme dans la force de sa jeunesse, ait plus d’une femme pour combler ses ardeurs et faire grandir le Clan !

    - Je n’ai besoin que de toi ! La rassure-t-il chaque fois qu’une belle et jeune femelle pose son regard de louve affamée sur lui !

    Voilà près de quatre fois les doigts de ses deux mains qu’il est parti avec Rah Faëh, son frère aîné et une dizaine des plus fiers chasseurs de la tribu.

    II lui a promis d’être là pour la naissance de leur enfant. Un fils, elle le sait ! Elle rêve si souvent de ce petit être qui pousse en en elle. Son ventre ressemble de plus en plus à une outre de peau gonflée d’eau ! Elle a peur qu’il ne puisse tenir sa promesse. D’habitude, une expédition de chasse ne dure pas plus que trois fois les doigts de ses deux mains. Il devrait déjà être rentré. Elle approche de son terme ! Pourtant en dépit de sa fatigue de plus en plus grande, elle s’entête à parcourir de longues distances à seule fin de tromper son angoisse. Elle revient chaque fois fourbue mais ses deux sacs en peau d’ours, remplis d’herbes médicinales si utiles à Reb Kaha.

    C’est ce qu’elle a fait aujourd’hui encore avant de s’écrouler sur sa couche de paille odorante pour y sombrer dans un sommeil lourd et sans rêve.

    Soudain une voix surgit tout près d’elle, contre sa joue. Une voix qui ressemble à celle de Roh Ahr Anh et qui murmure à son oreille : « Réveille-toi Élisa ! Réveille-toi ! »

    Elle ne comprend pas ! Le nom qu’il prononce n’est pas le sien, il lui ressemble mais ce n’est pas le sien ! Elle se rappelle, c’est celui de cette autre elle-même bien plus tard dans le temps ! Elle se réveille en sursaut alors que la voix, de plus en plus insistante ne cesse de répéter : « Réveille-toi Élisa  »

    Elle ouvre les yeux puis, se redressant à grand peine, elle se lève, bien décidée à obéir à cet ordre aussi impérieux que suppliant.

    Il est revenu, ne peut-elle s’empêcher de penser ! Jonathan est revenu.

    Pourquoi ce nom du futur et pas celui de son présent, s’avise-t-elle soudain en se dirigeant d’un pas mal assuré vers la porte de la hutte ?

    L’aube commence tout juste à poindre. La voix est toujours là, comme si elle parlait directement dans sa tête. « Réveille-toi Élisa ! Réveille-toi ! »

    Elle sort dans les première lueurs de ce matin étrange.

    - Je suis réveillée Roh Ahr Anh ! C’est moi Ehi Sha !  Où es-tu ? Lance-t-elle à la semi pénombre brumeuse qui recouvre encore le village.

    « Réveille-toi Élisa ! » S’entête la voix qui semble surgir de nulle part et de partout à la fois.

    Une frayeur ancestrale lui tenaille les entrailles tandis qu’elle s’avance en essayant de deviner d’où l’appelle Roh Ahr Anh.

    Le soleil d’un seul coup, jaillit de derrière la colline qui surplombe le village, éclairant de ses rayons pourpres les huttes endormies. Personne d’autre qu’elle ne paraît avoir entendu l’appel de Roh Ahr Anh. En fait, aucun autre son que cette voix, ne lui parvient ! C’est comme si toute autre vie que la sienne et celle émanant de la voix, avait déserté le village.

    Cette idée vient de naître en elle, comme une terrible certitude !

    Le village est désert. Tous les membres du Clan des Chasseurs, hommes femmes, enfants, se sont évanouis, avalés par la nuit, elle en est sûre !

    Elle se dirige vers une hutte, y entre… vide ! Il en est ainsi de toutes les autres. Ne reste plus qu’elle et cette voix qui l’appelle. Si c’était Roh Ahr Anh, il se serait déjà montré.

    La terreur la submerge ! Quelle est cette puissante et funeste magie qui a dévoré toute vie dans le village ?

    Et à qui appartient cette voix puisqu’elle est persuadée à présent qu’il ne peut pas s’agir de celle de son bien aimé compagnon ?

    L’appel insistant se répète, à la fois dans sa tête et plus loin devant elle. Surmontant sa peur, elle avance, déterminée à découvrir de quel être il provient.

    Au soleil du matin a soudain succédé une espèce de brume grise qui s’ouvre à chacun de ses pas, puis se referme aussitôt sur elle, lui masquant le paysage et ce qui se cache au-delà, homme ou bête s’adressant à elle avec la voix de Roh Ahr Anh . Elle semble s’élever du sol en même temps qu’elle tombe du ciel.

    Celui qui l’appelle est-il un sorcier capable de faire naître le brouillard ? Capable aussi de voler la voix des autres pour tromper ?

    Que lui veut-il ? L’entraîner hors du village pour la tuer et se repaître de son essence de vie ?

    Ou peut-être a-t-il été envoyé par l’esprit de Roh Ahr Anh afin de la guider vers lui ? Une vision terrible s’impose à son esprit : son bien aimé compagnon git quelque part, gravement blessé et il a besoin d’elle.

    L’être ne lui veut aucun mal, au contraire ! Il est là pour l’aider !

    Au moment-même où elle comprend cela, la brume se déchire et l’être apparaît devant elle. Il n’est qu’à quelques pas, de dos. Il s’est arrêté de marcher en même temps qu’elle. Doucement, comme pour ne pas l’effrayer d’avantage, il se retourne et lui fait face, droit et raide.

    Ce n’est pas un animal ! Pas un homme non plus, même si cela y ressemble. Il est plus grand qu’elle. Plus grand que Roh Ahr Anh ou aucun autre des hommes de la tribu des Chasseurs qui sont déjà eux-mêmes, plus grands que les mâles du Clan de la caverne.

    Il se tient debout comme un humain sur deux longues jambes dont les pieds sont recouverts d’une matière inconnue, comme le reste de son corps, remarque-t-elle soudain. Partagée entre la panique qui lui hurle de s’enfuir et une curiosité dévorante, elle continue à observer l’Être qui ne bouge pas et qui s’est momentanément tu… Deux bras presque humains sont tendus vers elle. Deux yeux très bleus, presque humains la regardent. Ils sont étonnamment fixes et pourtant, ils lui parlent : « Réveille-toi Élisa » lui disent-ils …

     

    Un hennissement se fait entendre. Weena ! Élisa se réveille brusquement. Où est-elle ?

    Encore engluée dans son rêve étrange, elle a du mal à se souvenir. La voix de « l’Être », résonne toujours dans son esprit embrumé.

    « Réveille-toi Élisa » la suppliait-il avec la voix de Jonathan. Sa voix oui, mais déformée, métallique, comme l’est celle, honnie, de la monstrueuse « Machine » de la Sphère.

    Une voix qui l’appelle de là-bas, de ce monde enfoui, forclos, maléfique, qui retient Jonathan prisonnier.

    Dehors, sa jument hennit de frayeur ! Pourquoi ?

    Faisant fi de la douleur de ses membres, elle se lève, débloque la porte et sort. Elle se dirige vers l’arrière de la cabane, dans le bois. Toujours attachée comme elle l’a laissée la veille, au tronc de l’arbre par sa longe, la jument effrayée, rue désespérément pour essayer de se libérer.

    - Tout doux Weena ! Murmure t’elle pour la calmer, tout en scrutant les alentours.

    Un craquement dans l’ombre épaisse de la futaie  fait de nouveau renâcler la jument.

    - Du calme ma belle, du calme ! Répète-t-elle tous les sens en alerte.

    Son cœur bat la chamade tandis qu’elle flatte sa jument pour l’apaiser. Nouveau craquement suspect sous les arbres…

    - Calme-toi, il faut que j’aille voir. Dit-elle à Weena.

    Avant de sortir de la cabane, elle a eu le réflexe de saisir son arc et son carquois. Lâchant la jument toujours effrayée, elle encoche une flèche et se dirige résolument vers la source inquiétante du bruit. L’aurait-on suivie ? Et qui ? Un membre du village armé de mauvaises intentions, vu qu’il ou elle se cache d’elle ? Qui à Liberté, lui voudrait du mal ? Et surtout, pourquoi ?

    Elle s’avance prudemment, aux aguets, tournant la tête à droite et à gauche, quand brusquement, émergeant d’entre deux hauts fûts, il est là, devant elle, l’être de son rêve.

    Un robot androïde comme elle se souvient d’un coup en avoir déjà vu ! Où et quand ? Sa mémoire se dérobe…

    Ses yeux d’un bleu surnaturel la regardent avec insistance. Ses deux bras sont tendus vers elle, comme pour lui dire d’approcher… ou de le suivre. Et sa voix, pas celle de Jonathan comme dans le rêve, mais en réalité celle de la « Machine » de la Sphère lui dit, ou plutôt lui ordonne : « Réveille-toi Élisa »

     

     


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