• L'Arbre 3- Chapitre 12 - L'Arbre

    L’orage

     

    Dans le silence lourd qui précède l’orage,

    Pas un souffle de vent, pas même un chant d’oiseau.

    Le temps semble arrêté et l’air devient fardeau

    Écrasé par le ciel assombri de nuages.

     

    Puis la brise se lève, enfle et siffle soudain !

    Et les oiseaux piaillant s’effraient dans la ramure.

    La nue gronde et s’étend telle une nasse obscure

    Noyant d’ombre et de peur les hôtes du jardin.

     

    Alors le ciel se crève en trombes violentes !

    Et de gifles de pluie en rafales sauvages,

    D’éclairs zébrant la nue en grondements de rage,

    L’orage se déchaîne et hurle, roule et vente !

     

    Aveuglément il frappe, arrache, déracine,

    Inonde les prairies, grossit rus et rivières,

    Fait entendre en tonnant sa rugueuse colère

    Et lance tel un dieu ses foudres assassines.

     

    Puis tout renaît au calme et le ciel s’éclaircit.

    Comme lavé de pluie il est plus beau qu’avant.

    Dans le jardin mouillé, dépouillé par le vent,

    L’arbre s’étire enfin. Au loin, l’orage fuit…

     

    A-M Lejeune

     

     

     

    L’Arbre

     

    Le danger est à nos portes, enfin presque. Le combat que je vais avoir à mener sera bien plus rude que celui qui fut à l’origine du Jardin. Or, je n’ai plus la jeunesse ni l’énergie d’antan !

    Sans compter qu’aujourd’hui, j’ai tout à y perdre.

    Tout !

    L’orage impressionnant qui vient de s’abattre sur nous n’est rien auprès de celui qui risque de saccager notre petit Paradis.

    Je me suis abreuvé avec délice aux trombes d’eau qui se sont déversées sur mon corps fatigué, de ma tête chenue à mes racines si profondes et si étendues que les plus lointaines se trempent dans l’étang et que les plus enfoncées baignent dans la nappe phréatique. Mais en dépit de toute cette bonne eau source de vie et de bien-être, mes forces déclinent, je le sens bien. Maintenir ma bien-aimée au mieux de sa forme et de sa jeunesse, m’épuise tant parfois qu’elle s’en inquiète. Alors pour lui donner le change je feins une vigueur et un allant que je ne possède plus que par moments.

    Je n’ai réussi à communiquer mon incroyable puissance qu’à trop peu de mes congénères et comme nous n’avons plus eu à nous battre depuis la destruction de la ville mais seulement à nous défendre contre les incursions malvenues, ils ne se sont pas donné la peine de développer l’inestimable don que je leur avais fait. Je les comprends cependant, ils n’avaient pas les mêmes raisons que moi d’en contrôler l’usage. Je reste donc une exception, une erreur de la nature comme disaient mes compagnons de captivité de la Jardinerie autrefois. Le seul à avoir noué une relation d’amour réciproque avec un être humain.

    Je ne sais que trop que c’est cet amour hors normes qui a permis à la fois sa métamorphose et la mienne mais il n’en reste pas moins vrai que ce miracle que je dois en permanence renouveler par les transfusions de sève que je continue à lui faire, me consume. Une infinie lassitude s’installe en moi contre laquelle j’ai grand peine à lutter. Et de plus en plus, le chagrin m’envahit car je sens qu’Elle s’éloigne de moi.

    Ma sève s’appauvrit, voilà l’explication. Elle n’aura bientôt plus d’autre utilité que de maintenir le corps magnifique de mon amour en bonne santé tandis que son influence sur son esprit s’affaiblit de saison en saison, surtout depuis que nous n’accomplissons plus le rituel printanier de la procréation. Il me semble par trop que ma Dame perd chaque année un peu plus de végétabilité  au profit de son ancienne humanité, avec toutes les incidences collatérales de cette triste époque où elle désespérait de devenir mère ! Trop souvent aussi, je lis dans son regard une nostalgie qu’elle s’efforce en vain de me cacher. Ce maelström d’émotions négatives risque de m’engloutir si je continue à m’y laisser aller. Je dois me ressaisir.

    Les Gardiens m’ont averti de la présence des deux étrangers près du hameau. Des étrangers dont je pressentais hélas la venue depuis quelque temps et dont l’un cependant, ne m’est pas inconnu. Lui aussi a vieilli mais j’ai néanmoins reconnu le « parfum » particulier de sa pensée empreinte des rêves de sa jeunesse perdue. Le Voyageur est de retour. Je pourrais en être heureux s’il n’était pas porteur d’aussi mauvaises nouvelles. Des ennuis, rien que des ennuis, et des gros, voilà ce qu’il transporte dans son maigre bagage !

    Une seule des surprises qu’il compte nous faire est bonne, Chat aussi est de retour. Enfin du moins est-il sur la route qui le ramène au Jardin. Son arrivée est imminente ! Je m’en réjouis tant que je serais capable d’oublier les énormes nuages noirs qui s’amoncellent sur notre paisible royaume. Mais cela m’est interdit ! Il en va de la survie du Jardin oublié.

    Là bas, proche du village qui me sert d’avant-poste, le Mal est en chemin. Il ne diffère en rien de ceux de son espèce. Rien en lui ne montre ce qu’il est réellement. Il ne sait pas lui-même quel péril il représente pour nous. Pour moi. Ah Voyageur, tu ignores que tu amènes au Paradis le Serpent personnifié ! Mes amis les Gardiens sauront-ils vous retenir assez longtemps pour que je puisse réfléchir à un plan d’action ?

    La pluie s’est remise à tomber, plus drue, plus violente. L’orage a repris son tonnant manège au-dessus de nos têtes avec une colère redoublée. Dévastatrice. À l’abri de mes bras-branches, Elle s’est assoupie en dépit de l’infernal vacarme, ignorante du danger qui se rapproche de nous.

    Un orage autrefois me l’a donnée, demain un autre orage va-t-il me la reprendre ?

    Mon vieux cœur de bois se serre.

     

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  • Commentaires

    3
    Vendredi 16 Septembre 2022 à 17:27

    Il vieillit l'arbre et perd de son pouvoir, j'ai peur de la fin. 

    Bises

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    2
    Vendredi 16 Septembre 2022 à 03:44
    colettedc

    Pauvre Arbre alors, raison valable pour ce serrement de son cœur, hélas !!!

    J'ai bien hâte à l'arrivée de Chat !!! 

    Bon vendredi Anne-Marie,

    Bisous

    1
    Jeudi 15 Septembre 2022 à 22:49

    Une histoire d'amour peu commune.... amitiés, JB

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