• Voici une petite histoire en mode humour, que j'ai écrite il y a quelque temps déjà, pour mes amis bretons d'ici et d'ailleurs...

    ***

    Un dialogue un peu à l’ouest…

     

    -Au fait Lorient, t’es au courant  Port-Maria ?

    - Non ! Tu Lamballe ?

    -T’es aussi Concarneau toi ! J’te l’Auray dit quand même !

    - C’est pourtant une Belle-Île, Maria !

    -J’te dis pas l’contraire , avant , j’l’Auray bien pécho mais Lannion !

    -Hennebont ! Et pourquoi ?

    - Parce qu’à Saint-Malo, j’en ai Crozon une bien plus Batz !

    - Plus Batz que Maria ?

    -Ouessant déconner !!

    -J’te Groix pas !

    - C‘est Brest pourtant !

    -Et elle est comment ta malouine ?

    -Elle est pas malouine, elle est paimpolaise ! Elle ressemble à Molène Farmer ! Elle s’appelle Caro et elle est Belz comme le jour !

    -Tu m’en diras tant ! Et tu vas la revoir ta paimpolaise ?

    -Sûr !  Elle m’attend au pays breton ! Et pourtant…

    -Pourtant quoi ?

    - C’était pas gagné ! Quand j’l’ai invitée à boire un pot, elle m’a Dinan !

    -Et alors ?

    - Quimper ! Je m’suis dit, j’y retourne ! Je m’suis planté devant elle et la main sur le cœur,

    j’lui ai lancé : « Je reste Bréhat devant votre beauté mademoiselle ! »

    -Et alors ?

    - Va te Brocéliande ! Qu’elle m’a répondu !

    Mais tu m’connais, je m’démonte moins que l’océan un jour de tempête à la pointe du Raz ! Elle me rendait tout Chausey je n’allais pas lâcher l’affaire. Moi, c’est Bihan, que j’lui ai répondu du tac au tac ! J'l'ai bien r'gardée, pas un sourire. Là, c'est mort Bihan que j'me suis dit !

    -Et alors ?

    -Ben d'un seul coup, le sourire est v'nu ! Là, c’était gagné les Douarnenez ! « Juste un verre qu’elle m’a dit, et une crêpe parce que j’ai les crocs ! »

    - Et alors ?

    -  Je suis pas trop riche !  Que j’lui ai dit pour la prévenir quand même ! « Oléron, moi j’m’en fous ! Vous avez de l’humour et ça vaut tout l’or du monde » Qu’elle m’a répondu en m’entraînant dans la meilleure crêperie de Saint-Malo.

    - Et après ?

    -Ben après mon pote, on a fini dans le Pleumer Bodou et bien douillet de l’hôtel où elle créchait si tu vois ce que je veux dire !

    -Je vois ! T’Allaire heureux !  Esquibien serait maintenant, c’est que ça dure Carantec quelques années ! Plus même, je te le souhaite ! Bon, et Port-Maria finalement,  de quoi tu voulais me parler ?

    -Landivisiau !

    Loctudy ?

    -  Depuis quelque temps, Maria Landivisiau !

    -Landivisiau ? Celle-là, j’Laval pas !  Si c’est une de tes Vannes foireuses, j’te  préviens, j’te Morbihan !

    - Mais si, j’te jure ! Groix de bois, Groix de fer, si j’te mens, j’avale un menhir !

    -OK ! Landivisiau d’quel genre ?

    - Ben y a pas deux jours, alors qu’elle se baladait en forêt de Paimpont, elle dit avoir vu Leroy Merlin lui-même, dans un traineau tiré par quatre Rennes !

    - Elle est Sein Glénan ?

    -Complètement Cintré, tu veux dire !

    -Bon je file, ma bigouden m’attend pour donner le Quiberon au petit!

     


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  • La veilleuse

     

    Élisa a la bonne cinquantaine, imposante et généreuse à l’image même de toute son aimable personne. 

    Elle n’est  pas grosse, non ! Elle est charpentée et possède d’agréables rondeurs juste là où il faut. Des bras dodus et cajoleurs, de douces mains potelées qui savent toucher et caresser ceux qui en ont besoin, un giron consolateur dont elle dit sans complexes que c’est un balcon avec vue sur la mer, un fessier rebondi à souhait où s’égarent souvent, sous prétexte de se retenir à quelque chose de solide, les mains baladeuses de papys gentiment libidineux dont l’œil égrillard frise dès qu’elle apparaît. 

    Tels sont les appétissants appas dont la nature et la bonne chair - cela va sans dire - ont conjointement doté la veilleuse de nuit.

    C’est en effet la profession qu’exerce Élisa au sein du  « Bon Séjour », une modeste maison de retraite publique située dans un parc verdoyant au cœur d’une petite ville de province.

    Agent de nuit des Services Hospitaliers, tel est le terme consacré mais Élisa lui préfère celui tombé en désuétude, de veilleuse, qui s’apparente aux petites lumières tamisées qui brillent doucement et en permanence dans les longs couloirs de la résidence et dans les chambres des pensionnaires. Encore un terme qui n’est plus de mise et qu’on a remplacé en haut lieu par résidents, ou mieux encore par clients. De toute façon, elle les appelle tendrement « mes petits vieux » ou, quand ils font des caprices de gamins attardés, « mes enfants », sans que cela recouvre de sa part la moindre connotation péjorative. Elle prône sans forfanterie le respect réciproque que l’on se doit entre personnes possédant un minimum de savoir vivre et déclare avec force et persuasion que sa blouse blanche et les clés qu’elle trimbale dans la poche, ne font d’elle ni un chef ni une gardienne de prison et qu’eux, sont des femmes et des hommes à part entière avant d’être des vieux.

    Telle est Élisa, une petite lumière qui brille dans le cœur et dans la nuit de tous ces gens. 

    Il y a maintenant plus de vingt ans qu’elle travaille au Bon Séjour et c’est seulement depuis quelque temps - une semaine ou deux, elle ne sait plus - qu’elle a constaté certains changements des plus étranges. Au début, elle n’y a pas prêté attention plus que ça. Elle se disait : «  Je suis fatiguée, c’est tout ! Et puis à force de côtoyer tous ces papys et ces mamies dont beaucoup perdent la boule, je vais bientôt finir par la perdre à mon tour !  »

    Il y eut d’abord madame Proust, Madeleine de son prénom, qui se plaignait plutôt moins que la moyenne des résidents. Elle prétendait que depuis deux ou trois jours, il lui arrivait des choses vraiment gênantes :

    - Si, si ! Je vous assure Élisa, mon nez remue ! –

    -Voyons Madeleine ! Ne dites pas de bêtises ! C’est seulement parce qu’il vous démange ! Vos enfants vous ont encore amené des fleurs alors que vous êtes allergique au pollen, voilà tout !

    - Mais puisque je vous dis qu’il remue ! Vous savez, comme celui de «  Ma sorcière bien aimée  » !

    - Ah bon ? C’est chouette çà ! Vous allez donc pouvoir m’aider à ranger la lingerie cette nuit, avec votre nez magique, ça ira plus vite !

    - C’est pas gentil de vous moquer ! Je sais encore ce que je dis tout de même ! J’ai toute ma tête moi !

    Ensuite il y eut monsieur Dell, Fernand pour les intimes, perpétuellement à la recherche de son dentier qu’il passait son temps à égarer. Il se plaignit soudain d’avoir mal aux dents.

     - Mais vous n’avez plus de dents Fernand ! 

    - Ben justement mademoiselle Élisa, ça me fait un mal de chien, comme si elles étaient en train de repousser.

    - C’est pas banal ça ! Des dents qui repoussent à 90 ans ! Vous m’en direz tant ! Allez, bonne nuit Fernand !

    Puis il y eut la douce Irma, un peu dérangée, qui déclara de sa voix fluette et chevrotante que le haut de ses oreilles lui démangeait.

    - Vous savez que j’ai toujours trouvé mes oreilles trop petites. Eh bien on dirait que le bon Dieu m’a enfin exaucée. Je crois bien qu’elles grandissent, c’est sûrement pour ça qu’elles me chatouillent !

    Chantonnait ravie la vieille dame.

     Et cela continua. Monsieur Dangle, Pierre ou Pierrot selon son humeur du jour, jurait mordicus que ses bras raccourcissaient, la preuve, il avait maintenant du mal à atteindre son rasoir sur la tablette au-dessus du lavabo. 

    Mademoiselle Marcelle, qui refusait qu’on l’appelle autrement vu qu’elle ne s’était jamais mariée, prétendait que ses pieds s’allongeaient, elle n’entrait plus dans ses pantoufles, bougonnait-elle. 

    Quant à madame Bonne, «Faites pas tant de manières, appelez-moi donc Louise ! »  Répétait sans cesse la bonne dame au personnel - elle allait devoir emprunter le rasoir de son voisin de palier s’il continuait ainsi à lui pousser de la barbe au menton et de la moustache sous le nez !  

    Il y eut  également Georges, le plaisantin de service qui, au mépris des règles de la bienséance, commença sans préavis à se gratter furieusement l’arrière-train à toute heure du jour et de la nuit, provoquant  autant d’hilarité que de moues dégoûtées de la part des témoins :

    - C’est pas ma faute, s’excusait-il, on dirait que quelque chose essaie de sortir.

    Et les plus facétieux de se moquer   en se bouchant le nez

    comme si…

    -  Eh, y a des endroits pour ça Georges !

    Curieusement aussi, la voix de ces gens d’un âge pourtant canonique (entre 80 et 90 ans pour le plus grand nombre), semblait muer à l’inverse de celle des adolescents boutonneux.

    Des pépés nonagénaires aux accents rocailleux attrapaient le timbre aigu de puceaux pré pubères. De plus, quand tout son petit monde dormait, au cœur de la nuit noire, Élisa croyait entendre fuser de certaines chambres d’étranges…couinements !

      « Eh beh ! Y en a qui font de drôles de rêves ! » Se disait-elle pour se rassurer, car bien que n’étant pas d’un naturel froussard, tout cela lui paraissait de moins en moins catholique et lui faisait courir de désagréables frissons dans le dos.

    «Je perds les pédales ou alors je vieillis !  S’admonestait-elle. Il va bientôt falloir que je réserve un lit ici ! ».

    C’est parce qu’elle semblait être la seule à remarquer ces bizarreries qu’elle se prenait à douter ainsi de sa raison. En outre, certains de ses pensionnaires paraissaient immunisés contre le vent de folie qui soufflait sur le Bon Séjour une fois  le soir venu. Ces phénomènes étaient en effet uniquement vespéraux, voire même carrément nocturnes. Ces rescapés, une dizaine environ sur les quatre-vingt que comptait la maison, ne souffraient  d’aucun des troubles étranges qui affectaient tous les autres.

    Quant à la jeune collègue qui assurait le poste de nuit quand elle-même était en repos, elle n’avait jamais rien signalé d’anormal lors de ses tours de garde, pas d’avantage que les veilleuses occasionnelles. En conséquence de quoi, Élisa n’osait faire part à personne de ses constatations tant elle craignait qu’on ne la taxât elle-même de troubles mentaux dus au stress, à son âge ou à de trop nombreuses années de nuit. Elle ne tenait pas plus que ça à être mise à la retraite avant l’heure car elle adorait ses petits vieux et son métier. Pas plus qu’elle ne voulait courir le risque de passer de jour, le rythme de nuit lui convenant à merveille. Dans le doute, elle choisit donc de faire l’impasse sur ce fatras d’évènements insolites, invoqua une grosse fatigue et réclama à l’administration les quelques jours de récupération qu’on lui devait.

    Elle se reposa, dormit tout son soûl, jardina et reprit du service batteries rechargées à bloc, persuadée que tout était revenu à la normale, d’autant que rien n’avait jamais été anormal probablement  et que tout ce qu’elle avait cru voir ou entendre, n’avait été que le fruit de son imagination surmenée.

    Quelques nuits s’écoulèrent sans qu’elle eût à noter la moindre étrangeté ou du moins, feignit-elle de ne rien voir. Elle ferma sciemment les yeux sur le comportement fantasque des résidents du Bon Séjour, choisissant d’ignorer toutes choses qui l’eussent à nouveau déstabilisée. Mais un soir, au début de son service, une réflexion apparemment anodine, proférée sur un ton agacé, d’une voix suraiguë et ponctuée d’un froncement de nez des plus curieux par madame Denis, souleva un coin du voile qui masquait encore à ses yeux la troublante réalité. Une réalité à la limite du surréalisme en  vérité…

    - Pourquoi n’a-t-on pas eu de soupe aux carottes ce soir ? C’est intolérable ! Je me plaindrai à la direction !

    Incroyable ! C’était bien cette chère madame Denis qui clamait ainsi son indignation, faisant presque une affaire d’état de cet impardonnable manquement, prenant à témoin les autres pensionnaires qui traînaient encore dans les couloirs et dans la salle télé, les incitant à pétitionner, fustigeant les cuisiniers, les accusant haut et fort de négligence. Cette même et charmante dame qui avait toujours détesté cordialement la fameuse soupe aux carottes qu’on leur servait quasiment chaque soir en cette saison où elles étaient reines des étals. Ladite soupe qu’elle se résignait  généralement à laper du bout des lèvres « pour ne pas mourir de faim ! » comme elle disait. Adorable madame Denis qui d’habitude plaisantait amèrement sur le sujet :

    - Ras l’assiette du bœuf-carottes, de la soupe aux carottes, des carottes râpées  et autres carottes à la crème ! À ce régime-là, on finira tous lapins ! Augurait-elle.

    Et  voilà que soudain elle regimbait parce que pour une fois, on l’avait privée de la sacro-sainte légume ! Qu’elle trépignait en fronçant drôlement le nez, en sautillant sur place en dépit de ses  85 printemps et en couinant furieusement ! Était-il possible que…

    Elle  n’eut pas le loisir de vérifier l’hypothèse faramineuse, pour ne pas dire fumeuse qui germa soudain dans son esprit en ébullition, bien plus rapidement que les carottes incriminées. Une mauvaise grippe suivie de complications bronchiques, vint à bout de sa légendaire résistance et la cloua au lit pendant deux bonnes semaines.

    C’est de là qu’elle apprit la nouvelle : le Bon Séjour était provisoirement fermé pour cause d’enquête et sa réouverture paraissait sujette à caution en raison d’un risque sanitaire encore non répertorié par les services compétents, invoqua-t-on vaguement.

    Un matin, en arrivant, la relève qui avait trouvé grilles et portes grandes ouvertes, fut témoin d’une indescriptible pagaille.

    Hagarde, échevelée, en état de choc profond, la  jeune veilleuse, errait dans le parc en marmonnant des phrases incompréhensibles.  Quelques pensionnaires paniqués - une dizaine tout au plus - qui s’étaient barricadés dans leurs chambres, refusèrent catégoriquement d’en sortir, même lorsque les forces de l’ordre voulurent les interroger. 

    Les agents de police interloqués découvrirent ce que les employées avaient vu en arrivant avant de les appeler : détalant à leur approche, jaillissant des chambres vides et surgissant au détour des couloirs silencieux et déserts, des dizaines de lapins occupaient les lieux, «  probablement entrés là en profitant des grilles et portes laissées ouvertes par les quelques soixante-dix fugueurs du Bon séjour. » arguèrent les forces de l’ordre, ne trouvant pas d’autre explication à cette désertion massive d’une gentille maison de retraite jusque-là sans histoire. « La veilleuse a dû s’endormir et hop !  ». Cela paraissait tellement évident !

    Quant aux lapins, ils ne cherchaient pas à s’enfuir eux !

    Bien au contraire ! Il fut même impossible de les chasser du Bon séjour où ils semblaient être chez eux !

    Ce qu’Élisa lut dans les journaux, ce qu’elle vit et entendit à la télé ne l’étonna qu’à moitié. En revanche, son hypothèse à elle, totalement différente de celle de la police, s’était muée en certitude. 

    Bien que ce fût inimaginable et en tout point digne d’Alice au pays des merveilles, elle savait et avait compris ce qu’elle seule pouvait comprendre. Ce qui était arrivé à la paisible maison de retraite où elle travaillait depuis si longtemps, était tout compte fait inévitable. À ses yeux du moins !

    Privée de son emploi par des évènements que les autorités compétentes cherchent encore à élucider, aucun des pensionnaires fugueurs n’ayant été retrouvé à ce jour, elle anticipa son départ en retraite et se retira dans la fermette qu’elle avait acquise avec ses économies de vieille fille. Aux enquêteurs, elle n’avait rien livré de ce qu’elle avait deviné.

     

    Aujourd’hui, elle vit heureuse dans son coin de campagne isolé, au milieu des lapins du Bon séjour qu’elle a recueillis. Personne ne s’est étonné de sa drôle de requête et d’ailleurs, les charmantes bestioles l’ont suivie avec une incroyable bonne grâce, ce dont l’administration hospitalière l’a vivement remerciée, trop heureuse de pouvoir se débarrasser des encombrantes bestioles sans être obligée de se livrer à un  cruel génocide animalier !

    Soixante-dix beaux lapins et lapines de toutes tailles et de toutes couleurs qu’elle soigne avec ce même amour qu’elle vouait à  ses pensionnaires. Quand l’un d’entre eux meurt, elle l’enterre pieusement au fond de son immense potager, près du grand carré de carottes, qu’elle  cultive rien que pour eux.

    Qu’on lui demande pourquoi elle ne les mange pas ou n’en fait pas commerce et elle vous jette un regard furibond avant de vous tourner le dos sans répondre.

    Si d’aventure vous passez devant chez Élisa, arrêtez-vous !

    Vous pourrez alors voir caracoler sans contrainte ni désir de fuite, les lapins de la veilleuse. Ne vous montrez surtout pas mais écoutez ! Vous entendrez Élisa parler tendrement à ses  « pensionnaires  » :

    - Allons Fernand, cessez donc de courir après madame Denis, vous êtes trop vieux pour la gaudriole ! Pierre, Marcelle, Irma, Louise… Fini de batifoler ! Les carottes n’attendent plus que vous ! Et de la laitue bien craquante, comme vous l’aimez ! Allez, à table mes enfants !

     

     


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  • Un joli conte de Noël, quoi de mieux en ces temps troublés...

    Et si j'en écris, c'est parce que je n'ai jamais perdu l’espoir, ni mes rêves ou mon âme d'enfant...

    J’ai écrit celui-là le 11 décembre 2018

     

    L’oiseau de Noël

    Sur une branche de sapin, entre boules,  guirlandes de laine blanche ou de perles brillantes, un oiseau doré était posé. Un tout petit oiseau qui regardait le plafond.

    Il n’était pas le seul ! La maîtresse de maison les avait tous ressortis des cartons de décorations scintillantes. Cette année, pour faire plaisir à son mari, elle avait opté pour le multicolore. Çà et là, dans le vert sapin odorant décoré de bas en haut, étaient donc posés d’autres oiseaux dorés. Mais seul le tout petit oiseau regardait le plafond en rêvant au ciel…

    Certes il n’était pas vraiment malheureux dans ce décor de fête ! Et même, il pépiait intérieurement de joie lorsque la guirlande lumineuse s’allumait le soir venu. Sa seule crainte était qu’un des  quatre chats de la maison, ne le décroche et ne le croque, comme l’avait fait le plus jeune de la troupe avec l’un des moutons de la crèche.

    Il n’était pas malheureux mais il n’était pas libre !

    Lorsque tout s’éteignait et que la maisonnée entière, chats compris, dormait enfin, il se prenait à rêver du dehors… D’une vie hors des cartons quand la fête est finie. Une vraie vie, avec de vraies ailes, un vrai ciel où s’envoler. Un vrai gosier pour chanter à tue-tête avec les autres vrais oiseaux.

    Voilà ! Il voulait de toutes ses forces d’oiseau en carton- pâte recouvert de peinture brillante, devenir un oiseau réel, comme Pinocchio, le pantin de bois de Gepetto avait souhaité devenir un vrai petit garçon.

    Il le voulait désespérément, quitte à finir croqué tout de bon par Mistic, Pelote, Cravate et même Bobine, la plus âgée des quatre, pour peu que l’instinct de la chasse lui revienne !

    Croqué, avalé, digéré ! C’est le lot de bon nombre de vrais oiseaux !

     Mieux valait encore cela, plutôt que de finir enfermé pour une année entière dans un carton, au milieu des étoiles, des guirlandes et des boules, ou pire dans la poussière, sous un meuble, poussé par la patte d’un de ces maudits félins joueurs !

    Pinocchio avait eu sa Fée Bleue pour exaucer son vœu le plus cher. Lui n’avait que l’ange en haut du sapin. Mais si beau et féérique soit-il, ce n’était qu’une décoration, comme lui ! Rêvait-il d’être un ange pour de vrai ?

    Le petit oiseau en doutait !

    La nuit venue, il avait beau projeter sa pensée dans tous les sens, il n’obtenait aucun écho ! Ni l’ange, les bonshommes de neige, les oursons ou les papillons  ne lui répondaient. Pas plus que les autres oiseaux dorés, immobiles et muets sur leur branche ! Et bien sûr, les pères-Noël  accrochés de ci de là,  se taisaient eux aussi !

     Le Père Noël !  Il la tenait sa solution ! Comme la Fée Bleue du pantin de bois, qui mieux que  le vénéré vieillard en houppelande rouge,  pouvait réaliser le rêve d’un petit oiseau doré posé sur un sapin de  Noël ?

    Il ne pouvait écrire une lettre  à l’instar de millions de bambins impatients, mais il était sûr que le vieux bonhomme l’entendrait.

    Bientôt, il s’envolerait. Il lui fallait  juste être patient. La maîtresse de maison ne rangeait ses décorations que le 6  janvier !

    7 janvier. Tous les cartons de décorations de Noël sont rangés jusqu’à l’année prochaine. Anne-Marie n’a pas remarqué qu’il manquait l’un des petits oiseaux dorés.

    Dehors, désormais, il chante la liberté !

    l'oiseau de Noël

    Photo personnelle de décembre 2017

    ***

    l'oiseau de Noël

    Cravate, le chat plume de Noël-2017

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  • Ainsi...Narrateur

    Voici ne histoire un peu macabre, écrite en 2018,  inspirée par cette photo urbex de Michel Schamberger, photographe qui publie entre autre,  dans le groupe "La photo, ça démange" auquel j'adhère également. (pour voir la photo sur Facebook, cliquez sur le lien en rouge)

    Merci à toi Michel Schamberger, de m'avoir incitée à écrire cette histoire !

     

    La curiosité est…

    Comme chaque matin, dès l’aube, Michelle S  faisait son jogging. Elle avait vu un reportage sur les bienfaits incontestables de cette pratique très matinale. Elle s’y était donc mise sine die.

    Une petite heure de course tranquille un peu avant le lever du soleil ; puis une bonne douche suivie d’un solide petit déjeuner et elle prenait revigorée le chemin de l’école du quartier difficile où elle  tentait péniblement d’inculquer connaissances et civisme à une bande de gamins… fatigants ! Un poste qu’elle n’avait pu refuser. Célibataire, sans attaches, elle débutait dans la profession.

    C’était toujours le même parcours dans le parc qui jouxtait sa résidence. Le premier lever aux aurores avait été rude mais elle s’y était faite et désormais, elle adorait ce décrassage du corps autant que de l’esprit !  En solitaire parce qu’elle était bien la seule du coin à jogger de si bon matin ! Du reste, ses collègues masculins et féminins,  l’avaient mise en garde contre le risque qu’elle encourait à s’aventurer toute seule sur les sentiers presque en pleine nuit à certaines périodes de l’année.

    Ce qui était le cas en ce frais matin de décembre ! A une différence près, elle avait décidé in extremis de changer un peu son itinéraire habituel pour emprunter la petite rue faiblement éclairée qui longeait  une usine désaffectée.

    -C’est une ancienne entreprise de recyclage de textiles usagés, lui avait appris son charmant voisin de palier.

    Pierre-Marie ! S’était-il présenté presque timidement. Un beau mec derrière ses affreuses lunettes à monture  épaisse et noire. BCBG mais un peu coincé, lui avait-il semblé. Elle le voyait d’ailleurs très peu et seul le hasard les avait fait se croiser dans la cage d’escalier un dimanche matin. Son missel à la main, il se rendait visiblement à la messe dominicale ! Le dimanche, elle ne courait pas. C’était repos et une fois sur deux, elle allait voir ses parents qui habitaient à une centaine de kilomètres de là.

    -Chouette ! Je suis passionnée de photo urbex ! Il faudra que j’aille y faire un tour un de ces quatre ! Au fait, moi c’est Michelle avait-elle jeté avant de s’élancer dans l’escalier.

    Elle devait se dépêcher, sa mère et son père, très à cheval sur les horaires, l’attendaient pour déjeuner.

    Le jeune homme n’avait pas répondu. En fait, il l’avait à peine regardée lors de leur très bref échange. Elle supposait qu’au contraire d’elle, lui avait continué à descendre posément. Mais elle ne désespérait pas de parvenir à s’en faire un ami ! Il était vraiment très mignon ce mec finalement !

    Mais revenons à ce frais matin de décembre. Elle devait bien s’avouer que ce bâtiment assez lugubre qui avait  servi à recycler des nippes trop usagées pour servir encore  et  des tas d'autres déchets textiles d’après Pierre-Marie, l’attirait irrésistiblement. Elle brûlait d’y entrer, de l’explorer d’en flairer chaque recoin… C’était cela justement qui lui plaisait dans l’urbex. Capter la vie passée dans des lieux qui tombent en ruines. Il y a toujours un bon shoot à faire dans ces endroits abandonnés, pour qui sait regarder.

    -Et toi, tu sais lui avait dit son frère aîné également féru de ce type de photos.

    Il fallait qu’elle assouvisse son infinie curiosité. En plein jour, pas possible ! Le panneau « propriété privée, entrée interdite » était  suffisamment dissuasif pour une  jeune professeur des écoles censée apprendre le respect des règles et des lois à des gamins de CM2 très peu enclins à la discipline. Elle se devait d’être un bon exemple pour eux, pas vrai ?

    Mais à cette heure, qui risquait de la voir ? Pas un de ses élèves en tout cas ! Et elle n’avait encore jamais croisé d’autres joggers aussi matinaux qu’elle. Elle était persuadée que ce n’était pas  ce matin qu’elle en rencontrerait un ! Elle allait entrer en douce, histoire de faire un premier repérage. Pour cela, elle s’était munie d’une bonne lampe de poche  à large faisceau en plus de sa coutumière frontale. Ensuite, elle n’aurait plus qu’à revenir aux beaux jours, quand le soleil se lève plus tôt. Il  y avait des tas de supers photos à faire dans cette vieille fabrique, elle en était sûre ! Elle s’en réjouissait à l’avance ! Ils allaient en baver d’envie ses potes du groupe  « la photo ça démange » dont elle faisait partie  sur Facebook !

    Elle y était, enfin ! Ça la démangeait, oui ! Sa curiosité la démangeait ! Il fallait qu’elle gratte !

     Fébrile, elle longea le haut mur pour trouver un accès pas trop ardu pour elle et son mètre cinquante –cinq. Sportive oui, acrobate, non !

    Après quelques mètres dans une semi obscurité assez angoissante, elle  trouva l’entrée principale. Une haute grille avec le fameux panneau « propriété privée ». Haute mais pas trop dure à escalader, même pour elle ! A y regarder de plus près, elle s’aperçut que la grille mangée par la rouille, était  entr’ouverte. Le lourd cadenas pendouillait tristement au bout de sa chaîne inutile. Voilà qui réduisait à néant la mention « entrée interdite ».  

    Bizarre mais qu’elle aubaine pour la fouineuse patentée ! Même si elle était un peu déçue de n’être pas la première  à avoir brisé l’interdit ! Elle s’y faufila sans remord ni arrière-pensée. Pour le moment, sa lampe frontale suffisait. Elle n’eut pas besoin de forcer la grande porte de fer de l'usine. Quelqu’un d’autre l’avait fait avant elle. Zut ! Mais bon ! Elle n’allait pas se plaindre qu’on lui ait facilité la tâche ! Elle avait joué la prudence en s’armant d’une bombe lacrymo et d’un bâton de marche.

    « Sait-on jamais ? »  S’était-elle dite !

    L’entrée de l'entreprise désaffectée ne lui montra rien de fascinant. Des gravats, des toiles d’araignées… Elle entreprit donc d’explorer le reste de la grande bâtisse abandonnée aux rats et à la poussière de l’oubli. Ce furent d’abord un bruit étrange,  comme une espèce de ronflement, puis, après quelques pas de plus, une lueur diffuse, qui stoppèrent net sa progression tâtonnante. Elle retint sa respiration, envahie d’une crainte soudaine. Puis la curiosité l’emporta sur la peur.

    - J’ai dû rêver ! C’est à force de m’entendre dire que je suis  trop imprudente ! Lança-t-elle  à voix haute, histoire de chasser les derniers miasmes de cette angoisse disproportionnée.

    Et, le bâton pointé en avant  - au moins ça tout de même -  elle se dirigea courageusement vers la  porte à double battant entrebâillée, d’où avaient semblé provenir le bruit et la lueur.

    Ladite porte, un large  sas de plexiglass en fait, laissait passer à la fois les premières lueurs de l’aube et la lumière falote d’un haut réverbère. Quant à l’espèce de ronflement, ce n’était que le souffle de la trouillarde qu’elle allait finir par devenir si elle continuait à écouter les incessantes  mises en garde de ses collègues ! Elle réprima un fou-rire qui aurait sonné faux même à ses propres oreilles et elle entra…

    Dans l’ombre, près de ce qui ressemblait à une grande cuve rouge  posée à l’horizontale sur un support d’acier, dans laquelle ronflait… un feu d’enfer, se tenait….Pierre- Marie. Et ce qu’il tenait bien en main, ce n’était pas un missel.

    Michelle S,  joggeuse  très matinale et grande amatrice de photo urbex,  ne vit jamais celle, très macabre, que prit un journaliste  trois semaines plus tard. Le four rouge de l’ancienne entreprise de recyclage, débordant de cendres.

    Dans le magma fuligineux, les experts de la police scientifique, retrouvèrent quelques fragments d’os dont l'analyse de l’ADN détermina qu’il s’agissait entre autre, de ceux d’une jeune professeur des écoles qui ne s’était pas présentée dans la classe où elle enseignait, un frais matin de décembre.

    L’analyse des cendres  a déjà permis d’élucider  plusieurs affaires de disparitions de jeunes femmes célibataires, entre 20 et 30 ans. Ainsi  a-t-on retrouvé la trace carbonisée de Sarah H, secrétaire de mairie à X, disparue depuis 3 ans sans explication, celle de Bénédicte T, coiffeuse à domicile, disparue depuis deux ans, celle de Barbara A, serveuse, disparue l‘année précédente. Vu la grande quantité de cendres, et le nombre de disparitions encore  inexpliquées de jeunes femmes de la région de X,  les analyses se poursuivent...

    De bien brûlants "cold case" si l'on peut dire !

    Le serial-incinérateur court toujours !

    Non, il marche tranquille !  Vous aurait assuré Michelle S

    ©Anne-Marie Lejeune

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  • Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique) le 21 mai 1855 et mort accidentellement à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française.

    Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale proche de l'anarchisme lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.

    Émile VERHAEREN 1855 - 1916

    ( texte et image, source Wikipédia)

    ***

    Comme je l'ai dit dans ma participation au N° 329 d'Évy qui a pour thème "La pluie",, Émile VERHAEREN  fait partie de mes poètes préférés depuis l'école, lorsque  j'ai dû apprendre ce qui n'était alors qu'une version très raccourcie de son poème "Le vent", parce qu'il faut savoir, pour celles et ceux qui ne le connaîtrait pas, Émile VERHAEREN  avait la plume poétique très prolixe !

    Voici donc, le vent, puis la pluie  dépeints par Émile VERHAEREN

    *

    Le vent

     

    Sur la bruyère longue infiniment,

    Voici le vent cornant Novembre ;

    Sur la bruyère, infiniment,

    Voici le vent

    Qui se déchire et se démembre,

    En souffles lourds, battant les bourgs ;

    Voici le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Aux puits des fermes,

    Les seaux de fer et les poulies

    Grincent ;

    Aux citernes des fermes.

    Les seaux et les poulies

    Grincent et crient

    Toute la mort, dans leurs mélancolies.

     

    Le vent rafle, le long de l'eau,

    Les feuilles mortes des bouleaux,

    Le vent sauvage de Novembre ;

    Le vent mord, dans les branches,

    Des nids d'oiseaux ;

    Le vent râpe du fer

    Et peigne, au loin, les avalanches,

    Rageusement du vieil hiver,

    Rageusement, le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Dans les étables lamentables,

    Les lucarnes rapiécées

    Ballottent leurs loques falotes

    De vitres et de papier.

    - Le vent sauvage de Novembre ! -

    Sur sa butte de gazon bistre,

    De bas en haut, à travers airs,

    De haut en bas, à coups d'éclairs,

    Le moulin noir fauche, sinistre,

    Le moulin noir fauche le vent,

    Le vent,

    Le vent sauvage de Novembre.

     

    Les vieux chaumes, à cropetons,

    Autour de leurs clochers d'église.

    Sont ébranlés sur leurs bâtons ;

    Les vieux chaumes et leurs auvents

    Claquent au vent,

    Au vent sauvage de Novembre.

    Les croix du cimetière étroit,

    Les bras des morts que sont ces croix,

    Tombent, comme un grand vol,

    Rabattu noir, contre le sol.

     

    Le vent sauvage de Novembre,

    Le vent,

    L'avez-vous rencontré le vent,

    Au carrefour des trois cents routes,

    Criant de froid, soufflant d'ahan,

    L'avez-vous rencontré le vent,

    Celui des peurs et des déroutes ;

    L'avez-vous vu, cette nuit-là,

    Quand il jeta la lune à bas,

    Et que, n'en pouvant plus,

    Tous les villages vermoulus

    Criaient, comme des bêtes,

    Sous la tempête ?

     

    Sur la bruyère, infiniment,

    Voici le vent hurlant,

    Voici le vent cornant Novembre.

     

     (Recueil : Les villages illusoires - 1895)

     

    (Les parties en rouge sont celles que j'ai apprises)

    ***

     

    La pluie

    Longue comme des fils sans fin, la longue pluie

    Interminablement, à travers le jour gris,

    Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,

    Infiniment, la pluie,

    La longue pluie,

    La pluie.

     

    Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,

    Des haillons mous qui pendent,

    Au ciel maussade et noir.

    Elle s'étire, patiente et lente,

    Sur les chemins, depuis hier soir,

    Sur les chemins et les venelles,

    Continuelle.

     

    Au long des lieues,

    Qui vont des champs vers les banlieues,

    Par les routes interminablement courbées,

    Passent, peinant, suant, fumant,

    En un profil d'enterrement,

    Les attelages, bâches bombées ;

    Dans les ornières régulières

    Parallèles si longuement

    Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,

    L'eau dégoutte, pendant des heures ;

    Et les arbres pleurent et les demeures,

    Mouillés qu'ils sont de longue pluie,

    Tenacement, indéfinie.

     

    Les rivières, à travers leurs digues pourries,

    Se dégonflent sur les prairies,

    Où flotte au loin du foin noyé ;

    Le vent gifle aulnes et noyers ;

    Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps,

    De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ;

     

    Le soir approche, avec ses ombres,

    Dont les plaines et les taillis s'encombrent,

    Et c'est toujours la pluie

    La longue pluie

    Fine et dense, comme la suie.

     

    La longue pluie,

    La pluie - et ses fils identiques

    Et ses ongles systématiques

    Tissent le vêtement,

    Maille à maille, de dénûment,

    Pour les maisons et les enclos

    Des villages gris et vieillots :

    Linges et chapelets de loques

    Qui s'effiloquent,

    Au long de bâtons droits ;

    Bleus colombiers collés au toit ;

    Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,

    Un emplâtre de papier bistre ;

    Logis dont les gouttières régulières

    Forment des croix sur des pignons de pierre ;

    Moulins plantés uniformes et mornes,

    Sur leur butte, comme des cornes

     

    Clochers et chapelles voisines,

    La pluie,

    La longue pluie,

    Pendant l'hiver, les assassine.

     

    La pluie,

    La longue pluie, avec ses longs fils gris.

    Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides,

    La longue pluie

    Des vieux pays,

    Eternelle et torpide !

     

     (Recueil : Les villages illusoires - 1895)
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