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Les disparus de Liberté-Chapitre 4
Trois d’un coup Á ce train- là, Liberté risque de se dépeupler à la vitesse grand V !
Et Jonathan qui ne rentre pas. Se pourrait-il que….
Non ! Elle ne veut pas y penser ! Jusqu’à présent, les disparitions n’ont eu lieu qu’au sein du village. Toutes les personnes qui le quittent temporairement pour quelque raison que ce soit, y reviennent toujours.
Elle n’a osé s’ouvrir à quiconque de cette sixième disparition groupée. Une mère et ses deux enfants ! Ils auraient dû se rendre compte !
Et puis, inutile d’en parler ! Baptiste n’a sans nul doute pas manqué d’informer tout le monde de la nouvelle lubie de cette folle d’Élisa.
Elle croit l’entendre : « Elle m’a parlé d’une Soraya ! Et de nos deux enfants ! J’ai bien vu qu’elle n’était pas dans son état normal ! Je me demande où elle va chercher tout ça ! »
Les seuls qui ne se moquaient pas d’elle et croyaient à ce que les autres appellent ses élucubrations, les « mal réveillés » rassemblés dans leur Unité de Soins Adaptés, ont tous disparu ce matin. 50 d’un coup ! 51 avec Esperanza qui était de service chez eux. Quand elle est allée leur rendre visite pour chercher auprès d’eux le réconfort qu’elle ne trouve plus ailleurs, la grande bâtisse était vide.
- Où sont passés nos mal réveillés ? Quelqu’un a vu Esperanza ce matin ? Je n’ai trouvé personne à l’USA ! A-t-elle lancé à la cantonade en sortant de là hébétée !
Face aux regards suspicieux, elle a battu en retraite.
De simplement méfiants qu’ils étaient jusqu’alors vis-à-vis d’elle, les habitants de Liberté, sont devenus ostensiblement fuyants. Pour ne pas dire hostiles pour certains. Plus aucune des tâches partagées équitablement entre les membres de la communauté, ne lui est confiée. On fait plus que l’éviter désormais, on l’isole. Comme si sa loufoquerie comme on la qualifie pour ne pas l’appeler sa folie, était hautement contagieuse. En fait, c’est à une véritable quarantaine que la Communauté tout entière, l’a condamnée. Même Mélodie l’a abandonnée se joignant à l’ostracisme général dont elle est devenue l’unique objet. Mélodie, sa meilleure amie après Martha qui reste son seul appui en l’absence de Jonathan. Martha à laquelle elle n'a pas osé parlé de la disparition d'Espéranza, vu que la guérisseuse ne semble pas le moins du monde préoccupée par cette absence.
Enfin, si on peut appeler appui, la surveillance rapprochée qu’elle exerce sur elle du lever du jour au coucher du soleil. Elle la suit pas à pas. Mange avec elle, dort dans la chambre de Jacob… Et quand vient pour elle l’heure de se coucher, la guérisseuse l’oblige à boire jusqu’à la dernière goutte, l’infecte tisane qui la fait sombrer dans un sommeil lourd et sans rêve.
-Tant que Jonathan ne sera pas rentré, je resterai près de toi. A-t-elle décidé après que l’ébéniste lui a rapporté sa visite.
En gros, si elle ne la prend pas comme les autres pour une folle finie, Martha la traite à tout le moins comme une grande malade, ce qui n’est guère mieux.
Seulement trois jours et déjà, elle n’en peut plus ! Trois jours à se sentir suivie, épiée, enveloppée d’une étouffante bienveillance. Prisonnière !
Ce matin à son réveil, elle l’a trouvée penchée au-dessus d’elle. La guérisseuse paraissait si troublée qu’elle en a ravalé les invectives qui lui brûlaient la langue. Elle n’aurait d’ailleurs pas eu le temps de les proférer. Martha l’a devancée.
- Tu as rêvé cette nuit ! A-t-elle jeté tout à trac.
Et c’était une affirmation, voire une accusation, pas une question.
-Absolument pas ! A-t-elle, rétorqué plus sèchement qu’elle n’aurait voulu !
- Voyons Élisa, ne mens pas ! Tu n’as pas cessé de t’agiter !
- Parce que tu as passé la nuit à me surveiller ? La journée, ça ne te suffit plus ? Même quand je dors, tu ne peux me laisser tranquille !
- Je m’inquiète pour toi ma petite Élisa ! Ces histoires de disparitions, ces personnes dont tu sors les noms d’on ne sait où… Tu as recommencé à faire des cauchemars. et ça te fait peur ? Tu n'oses en parler, je comprends ! Mais à moi, tu peux bien le dire ! Je suis là pour t’aider ! Ne l’ai-je pas toujours fait ? En as-tu au moins parlé à Jonathan ?
-Bon sang de bois, tu as la tête aussi dure que les autres ! Puisque je te dis que je ne rêve plus ! Tu y as veillé ! N’aurais-tu plus confiance en tes satanées potions ?
- Tu t’es tournée et retournée toute la nuit en marmonnant des trucs incompréhensibles et tu voudrais me faire croire que tu n’as pas rêvé ?
- Parce que c’est la vérité. Sans Jonathan à mes côtés, je me sens perdue ! Voilà pourquoi je m’agite ! Crois-moi, pas besoin de rêver ! La triste réalité suffit à me rendre fébrile !
- Ce n’est pas la première fois qu’il part !
- C’est vrai ! Mais là, c’est différent ! Il n’est parti que pour s’éloigner de moi ! J’ai peur de le perdre ! Et ça pour moi, c'est bien pire qu'un cauchemar, crois-moi !
- Tu penses qu’il peut disparaître comme ces autres que toi seule semble connaître?
- Non ! Il reviendra, ne serait-ce que pour Jacob. Ce que je crains, c’est qu’il m’abandonne, comme l’a fait Mélodie. Et ces autres, comme tu dis, tu les connaissais toi aussi, avant qu’ils ne disparaissent. En réalité, ce qui m’effraie, c’est que toi aussi tu es susceptible de disparaître demain, ou dans huit jours. Et je serai la seule à croire que tu as existé. Parce que pour le reste des habitants de Liberté, tu deviendras alors une des « lubies » de la folle ! Car c’est bien ainsi qu’ils me baptisent dès que j’ai le dos tourné n’est-ce pas ?
- Il faut bien avouer…
-Que tout cela paraît dingue ! Je suis bien d’accord avec toi ! Mais réfléchis une seconde Martha ! Si j’avais raison ! Si ce n’était pas moi, mais vous tous qui étiez frappés du même mal ? Un mal plus qu’étrange, j’en conviens. Un truc dans l’air, ou dans les aliments que vous ingérez… Une substance nocive qui ne m’affecterait pas pour je ne sais quelle raison ?
-Ça n’a pas de sens Élisa !
-Et pourquoi donc ? Pourquoi cette hypothèse serait elle plus insensée que la vôtre qui décrète que je suis cinglée, malade ou que je rêve tout éveillée ?
- La loi du plus grand nombre Élisa !
-Et voilà ! L’argument choc censé me clore le bec ! Et me faire revenir à la réalité ! Votre réalité. Parce que la mienne, évidemment, n’est pas plausible vu que je suis la seule à me rendre compte que des gens à qui vous parliez encore il y a un mois, n’ont aucune existence à vos yeux ! Et demain ou après -demain, peut-être qu’Andrew, qui me fustige du regard chaque fois qu’il me croise, ne sera plus qu’une de mes « lubies » à son tour ! Or, aujourd’hui, là, maintenant, il existe bien notre vénérable doyen ! Tu ne peux dire le contraire !
-Bien sûr qu’il existe ! Tu en as de bonnes toi avec tes suppositions abracadabrantes !
-Supposition aujourd’hui, réalité demain…Qui peut le dire ? Pas moi en tout cas ! J’aimerais bien pourtant. Parce que tout cela me terrifie ! J’ai tellement peur que je n’ose plus quitter mon fils des yeux !
Martha paraît ébranlée.
- Je n’y comprends rien ! J’aimerais tant pouvoir t’aider ma chérie ? Balbutie-t-elle à court d’arguments.
- Mais tu m’aides déjà beaucoup Martha, en m’écoutant sans chercher à fuir comme le font tous les autres. Même l’homme que j’aime plus que tout au monde avec notre bout de chou, m’a laissée seule face à la vindicte populaire.
- Tu y vas un peu fort là !
- C’est la réalité pourtant ! Il devrait être là et me soutenir ! En partant, il leur a donné raison ! Toi, tu es présente, vaille que vaille ! Et tu peux m’aider, vraiment ! Pas en me fliquant comme tu le fais depuis trois jours mais en cherchant avec moi le pourquoi du comment de la chose ! Je veux trouver la vérité sur cet étrange phénomène. Maintenant ! Avant que ne survienne une nouvelle disparition !
- Pourquoi tant d’impatience ? Ça peut attendre demain !
-Non ! C’est maintenant ou jamais ! Imagine que tu t’évapores demain ! Je me retrouverais seule. Je ne peux y penser sans trembler de trouille Martha ! Á toi de décider ! Ou tu m’aides aujourd’hui, ou tu me laisses à mon triste sort de réprouvée !
- C’est d’accord ! Je vais t’aider ! Par quoi on commence ?
Tags : roman, r^ves, Elisa, disparus, Liberté, chapitre 4
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Commentaires
Il faut se bouger, que vont-elles faire ?
Bonne semaine.