• Prologue

    La séparation

    Septembre 2059 – Juillet 2062

     

    Tout suffocant

    Et blême quand

    Sonne l’heure

    Je me souviens

    Des jours anciens

    Et je pleure…

     

    Paul Verlaine

    (Extrait du poème chanson d’automne)

    ***

    C'est la société qui institue des différences monstrueuses entre les personnes. Et ensuite, elle se permet de châtier les uns et pas les autres.

    Louis Guilloux

     

    Dans le train qui la ramenait à Lille, Mary-Anne revivait chaque jour depuis son mariage, chaque heure passée auprès de l’homme de sa vie durant leur trop court voyage de noces en Provence. Petit à petit, au gré de ses souvenirs encore chauds, elle évacuait l’angoisse née de cette première séparation en tant que jeune épouse d’un ennemi public activement recherché. Elle allait le retrouver très vite cet homme qui avait traversé l’océan pour venir la conquérir, qui l’avait appelée, bravant le temps et l’espace décidé à se faire entendre d’elle, envahissant ses pensées jusqu’à ce qu’elle accepte de franchir toutes les distances qui les séparaient. Autant celle des kilomètres que celle de leur différence. Pour lui, parce qu’après l’avoir violemment rejeté, elle avait fini par l’aimer avec la même violence, elle avait admis sa propre différence face à un Monde où la normalité était érigée en loi imprescriptible !

    Elle en avait fait du chemin pour le rejoindre ! Dans tous les sens du terme alors quelques kilomètres, quelques jours de plus ou de moins, était-ce important ?

    Si pour des raisons de sécurité, elle devait continuer à cacher sa nouvelle situation et demeurer aux yeux de tous la Mary-Anne Conroy-Defrance qu’ils connaissaient, elle se répétait inlassablement :

    - Madame Bluestone, je suis madame Bluestone!

    Elle avait appris le nom complet de son mari le jour-même où elle lui disait oui : Hawk Bluestone, devenu l’emblématique Blue Hawk pour tout un peuple de parias, les Mus !

    - Madame Bluestone, je t’aime lui avait-il murmuré en aparté à la fin de la cérémonie qui avait consacré leur union, mais tu sais que pour moi et pour moi seul, ton nom sera à présent Sirène Bluestone.

    - Une sirène française mariée à un faucon navajo ! Nous formons un couple drôlement assorti toi et moi! Lui avait-elle répondu, le cœur empli de joie.

    - Un couple mythique ma sirène bien aimée, n’en doute pas un seul instant et nous faisons déjà des tas d’envieux, crois-moi ! Nous ouvrons la voie des mariages mixtes chez les Mus ! Ton père en serait heureux et fier car désormais, ces unions ne seront plus vouées aux Gémonies par nos Anciens !

    Ce n’était que justice que les couples qui allaient immanquablement suivre l’exemple du leader de la Roue, n’aient plus à fuir le mouvement ou à subir les foudres des Anciens. Même si c’était sans vivre en permanence en son sein, rester sous la protection du groupe dont le Pouvoir se renforçait autant dans la communion psychique que dans les rassemblements physiques, était essentiel pour chaque Mu, chaque Élu, chaque normal rallié à la cause des Mutants en cette période où tout individu simplement soupçonné de collusion avec la secte maudite, était pourchassé comme le pire des criminels, arrêté et condamné à la réclusion à vie ! Les amis de la Roue n’avaient que deux choix : se taire en continuant à donner le change ou se cacher !

    Elle ne resterait plus assez longtemps à Lille pour courir le moindre danger. Cependant, elle n’allait prendre aucun risque et le temps de régler ses affaires, elle allait consciencieusement jouer le rôle de la très normale Mary-Anne Conroy-Defrance.

     

     

     

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  • Commentaires

    4
    Dimanche 30 Octobre 2022 à 15:23

    C'est difficile de ne pas vouloir rentrer dans le moule, la différence est dangereuse. 

    Elle l'est aussi à notre époque. 

    Bon dimanche.

    3
    Dimanche 30 Octobre 2022 à 06:50

    Ni l'un ni l'autre 

    Il faut tout assumer 

    Et réagir en fonction 

    Bon dimanche !

      • Dimanche 30 Octobre 2022 à 11:14

        Dans cette histoire tout est question de survie face à un ennemi implacable qui a tout pouvoir et qui en use cruellement. Parfois, se cacher en attendant d'être assez fort pour vaincre, est une nécessité. Nous parlons d'une époque où le pire des crimes est l'anormalité et ce crime est passible d'une double peine terrible : lobotomie et camp de travail réduit à l'état de robot. Quand ce n'est pas l'internement en forteresse, à l'isolation totale. Or les "Mutants" sont considérés comme les pires des anormaux et ils sont pourchassés sans pitié pour cela

        Bon dimanche

    2
    Samedi 29 Octobre 2022 à 23:54

    Se taire ou se cacher, l'un comme l'autre, pas évident, amitiés, JB

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