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Chapitre 57
…Elle est encore petite mais elle suce plus son pouce. Dad’ et Mum’ disent souvent qu’elle est grande et dégourdie pour son âge. Tellement qu’on dirait qu’elle a au moins quatre ans. Ils disent aussi que c’est normal…
Hier, elle a eu deux ans. Les deux bougies sur son gâteau brillaient comme des étoiles. C’était si beau qu’elle voulait pas les souffler. C’est papa qui l’a fait pour elle en riant. Y avait qu’eux trois pour fêter son anniversaire. Elle a plus de papy ni de mamy.
- Ils sont au paradis, ils te voient. Lui a dit maman
Si c’est vrai, c’est comme s’ils étaient là. Elle a vu dans la tête de papa qu’ils étaient très malades avant de monter au ciel. Elle a aussi vu que pour papa, c’étaient pas ses vrais parents. Comment on peut avoir un papa et une maman qui soient pas vrais ?
Elle, elle est jamais malade, alors sûrement qu’elle ira jamais au ciel. C’est embêtant parce qu’elle aurait bien aimé les voir un jour ses grands-parents. Les vrais et les pas vrais. Ceux de France et ceux d’Amérique.
Ça doit faire bizarre d’être mort !
Aujourd’hui, papa travaille pas. C’est dimanche. Elle aime beaucoup le dimanche parce que papa et maman sont là tous les deux et qu’ils s’occupent d’elle. Pendant que maman prépare à manger, papa joue à cache-cache avec elle. Elle adore ça ! C’est son tour de se cacher. Elle s’est accroupie sous le guéridon du salon. Avec la grande nappe brodée qui descend jusqu’en bas, il la verra pas mais comme d’habitude, il saura exactement où elle est. Il fera juste semblant de pas la trouver. Elle, elle fera semblant de pas savoir qu’il sait où elle est. C’est toujours pareil et c’est ça qui est amusant !
Elle crie : « Ça y est ! »Pour qu’il vienne la chercher.
C’est long ! C’est pas comme la dernière fois ! Qu’est ce qu’il fait papa? Elle en a marre d’attendre. Il fait chaud là-dessous et en plus, elle a envie de faire pipi !
Ah ! Ça y est, il entre ! Elle se fait encore plus petite sous la nappe…Tiens ! Il fait même pas semblant de la chercher ! Et y a un autre monsieur avec lui. Ils ont l’air énervés et très en colère ! Ils crient. Ça lui fait peur.
Oh ! C’est bizarre, ils ont presque la même voix ! Ils l’ont pas vue…Ils parlent très très fort. Dans la tête de l’autre monsieur, y a plein de vilaines choses, comme des bêtes noires et méchantes qui rampent et grouillent….Elle soulève la nappe pour le voir. Elle écarquille les yeux.
Oh la la ! On dirait qu’y a deux papas dans le salon ! Sauf que l’autre il a les cheveux longs et une queue de cheval, comme elle. Il a les yeux bleus tout comme papa mais les siens sont méchants, aussi méchants que les bêtes noires dans sa tête…
Maman a dû entendre les cris car elle arrive en courant. Elle est inquiète, ça se voit. Aucune des grandes personnes fait attention à la petite fille sous le guéridon. Elle voudrait bien sortir de sa cachette maintenant car elle a peur de mouiller sa culotte. Elle irait se jeter dans les bras de maman. Mais elle ose pas. Elle a encore plus peur de l’autre papa que de se faire gronder si elle fait pipi sous elle.
Ils sont tellement occupés à se disputer qu’ils l’ont oubliée. Elle a envie de pleurer. Pour se consoler, dans sa tête elle chante la berceuse que mum’ a inventée pour elle :
« Petite Mary,
Lorsque vient la nuit,
Ferme tes beaux yeux… »
Ils crient vraiment trop fort. Elle arrive plus à retrouver les paroles.
- Va-t-en ! Fiche-nous la paix ! Patrick ne peut rien pour toi ! Hurle maman
- Reste en dehors de ça Ophélia ! Ça ne te regarde pas ! Crache le vilain monsieur.
- Elle a raison, je ne peux faire ce que tu me demandes, même si je le voulais. Répond papa.
- Tu mens ! Je suis sûr que tu peux, seulement tu ne veux pas ! Donne-les-moi puisque tu ne t’en sers pas ! Je suis ton frère après tout ! C’est à moi que ça revient !
- Je te répète que c’est impossible !
- Tu refuses ! Après tout ce que j’ai dû endurer tu refuses de m’aider !
- Je n’y suis pour rien et je n’y peux rien non plus ! Va-t-en !
- Mais bordel ! Puisque tu ne les utilises pas, pourquoi m’en priver ?
- Tu ne comprends décidément rien ! Je ne peux pas ! J’y ai renoncé et je m’en passe très bien tu sais! Le simple fait de savoir ce que je suis a failli me détruire comme ça te détruit ! Oublie tout ça Solomon ! Vis ta vie comme je vis la mienne. Marie-toi, fais des enfants et oublie ce que tu es !
- Ce que je ne suis pas au contraire de toi salaud ! Moi, je suis un raté total. La seule chose que nous ayons en commun en dehors de notre père, c’est de savoir ce que les autres ignorent. Avec le Pouvoir en plus de ce que nous savons, nous pourrions être les maitres du monde. Partage au moins ! Je suis sûr que tu peux partager !
- Non je te dis ! Seule la mort pourrait peut-être me permettre de te donner ce que tu veux ! Et je dis bien peut-être vu les circonstances ! Mais même si je le pouvais, sachant ce que tu en ferais, ce n’est pas à toi que je le lèguerais. Alors n’essaie pas de me tuer Solomon, ça ne te servirait à rien ! Va-t-en et ne t’approche plus de moi ni de ma famille !
- Fumier !
- Tu as bien tué notre père, n’est-ce pas ? Qu’as-tu obtenu ? Rien ! Pas plus qu’avec les innocents que tu as sacrifiés sur l’autel de la vengeance !
- C’étaient des monstres ! Comme toi ! Mais un jour, j’en fais ici le serment, je vous détruirai tous comme j’ai détruit ceux-là ! Les complices de notre père ont réussi à s’enfuir mais je finirai par les retrouver eux aussi. Et je les abattrai comme des chiens pour ce qu’ils ont fait. J’ai brûlé la ferme Patrick mais j’ai gardé les preuves de leurs crimes. Ils paieront ! Vous paierez tous !
Une porte claque si fort qu’un carreau s’est cassé. Le vilain monsieur est parti. Elle est toujours sous le guéridon. Papa console maman qui pleure. Ils l’ont pas encore vue. Papa est tellement en colère, qu’il l’a pas sentie. Elle a plus du tout envie de jouer maintenant. Sa culotte est mouillée. Le pipi fait une mare sous ses pieds. Elle va se faire disputer, c’est sûr ! Elle a appris plein de choses terribles en lisant dans les têtes des grands et maintenant, elle a mal, très mal ! C’est comme si elle s’était cognée très fort ! À quatre pattes, en pataugeant dans son pipi, elle sort de sa cachette. Elle se met à pleurer comme maman. Son nez coule et elle a pas de mouchoir, c’est dégoûtant ! Elle veut que papa la console elle aussi. Elle s’accroche à ses jambes.
- Dad’, pourquoi il était en colère le monsieur pareil ? Et pourquoi y veut tous nous tuer Et pourquoi y dit plein de gros mots ?
- Oh mon Dieu ! Elle a tout entendu ! Tu crois qu’elle a compris chéri ? Demande maman d’une drôle de petite voix, comme si elle avait peur.
- Hélas, je le crains fort ma douce ! Il va falloir que je la conditionne.
Quel vilain mot ! Elle aime pas ça du tout !
- Elle est encore si petite Pat !
- Il le faut Félie, il est plus que temps !
Elle s’accroche encore plus fort à la jambe de papa
- Dad’, c’est quoi conditionne ? J’aime pas !
Enfin, il la prend dans ses bras. Elle soupire d’aise. Il est si grand papa, si beau et fort ! Ça lui irait bien les cheveux longs ! Oh, et puis non ! Il ressemblerait trop à l’autre méchant !
- Mon trésor ! Mon tout petit trésor !
Elle sent très bien maintenant qu’il lit dans sa tête tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle a vu et que ça lui plait pas du tout ! C’est pas contre elle qu’il est fâché, mais contre lui-même et contre le méchant monsieur pareil qui vient de partir.
Il a l’air tout triste quand il l’embrasse en la serrant très fort contre lui.
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Commentaires
Il faut se méfier quand on parle, les enfants écoutent !