• Le Chat

     

    Il est une vie après la mort qu’on appelle Paradis, Purgatoire ou Enfer selon les mérites de chacun, ainsi le croient les Hommes, ainsi l’ont-ils écrit dans leurs livres sacrés.

    Ces lieux d’après la mort portent des noms différents selon les religions ou les époques. C’est le Nirvana des bouddhistes, Le Walhalla des guerriers Vikings, Les plaines de chasse éternelles des indiens d’Amérique… Mais la mort n’est jamais qu’une des multiples facettes de la vie, l’envers du décor, un passage obligé avant chaque nouvelle renaissance. J’en suis une vivante preuve pour la huitième fois !

     « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », ainsi que l’affirmait à juste titre un certain Lavoisier. La nature regorge d’exemples à l’appui de cette maxime. La chair putréfiée, les feuilles décomposées, le bois pourrissant…Tous nourrissent la terre qui à son tour nourrit les créatures qui la peuplent. L’eau qui s’évapore se transforme en nuages de pluie ou de neige qui abreuvent la glèbe où germeront les graines dont on prélèvera une partie lors des moissons et des récoltes afin de perpétuer le cycle éternel. Cette nourriture issue de la terre est avalée, transformée par les sucs de l’organisme dont elle enrichit le sang ou la sève qui sont les fluides de la vie, puis elle est digérée et une partie est rejetée. Ces déchets qui n’ont pu être utilisés par le corps, d’une manière ou de l’autre, retournent à la terre. Les arbres que l’on coupe deviennent meubles, papier, bûches pour alimenter le feu. Le bois que l’on brûle devient cendres qui elles aussi retournent à la terre.

    La boucle est bouclée… C’est l’ordre naturel, la loi première, celle de la Grande Récupération.

    Je croyais avoir tout vu, tout compris de ces lois éternelles de la Nature. Je les affirmais aptes à tout expliquer, même les phénomènes encore incompris des Hommes. Et Dieu sait qu’il en existe encore beaucoup de mal assimilés par ces êtres bornés !

    Aujourd’hui cependant, face à ce que découvre mon œil incrédule, je me sens aussi petit, aussi limité que le sont les humains lorsqu’ils sont confrontés à quelque chose qu’ils sont incapables de comprendre. Je demeure coi, bouche bée. Mon petit cœur de chat bat si rapidement que je pourrais en mourir d’un coup de saisissement. Car ce que je vois à présent tient d’avantage d’une sorte de magie ancestrale oubliée que de ce fameux ordre naturel auquel je me raccroche de toutes mes griffes pour ne pas sombrer dans la folie.

    Pourtant, lorsqu’a commencé l’incroyable processus, c’est Arbre que j’ai accusé de folie furieuse. Je l’ai supplié de se résigner, de laisser à la nature justement, notre souveraine à tous, le dernier mot, de ne pas tenter le Diable en jouant les apprentis sorciers. En vain ! Il ne m’a pas écouté, comme d’habitude. Pire, au nom de notre amitié il m’a demandé de lui accorder le bénéfice du doute.

    - Fais-moi confiance mon ami ! Laisse-moi accomplir ce que je dois !

    Puis il a ajouté sans attendre de ma part le moindre mot d’acquiescement :

    - Je t’entendrai mais je ne pourrai te répondre car besoin pour faire ce qui doit être fait, de temps, de force et d’une extrême concentration. Ce sera long, douloureux pour Elle comme pour moi et l’issue est incertaine. En vérité je ne sais pas vraiment ce qu’il adviendra de nous quand tout cela sera terminé. Ni même s’il y aura une fin. Mais je sens au fond de moi que je dois tenter le tout pour le tout. Aussi Chat, te dis-je adieu car si le sort m’est contraire, peut-être que je mourrai avec elle !

    Sitôt ces derniers mots prononcés, qui ne demandaient aucun commentaire, je l’ai senti se mettre en retrait, comme s’il rentrait en lui-même. Son esprit ne s’est pas fermé au mien mais sa pensée ne me parvint plus qu’en sourdine tout le temps que dura ce qu’il avait décidé d’entreprendre…Comment expliquer ce qui se passa alors ? Je ne trouve qu’un mot capable de le définir : miracle. Un miracle, oui ! Rendu possible par ce mélange d’incommensurable orgueil et d’amour absolu dont Arbre fit preuve, le tout gouverné par une inébranlable foi, de celles dont on dit qu’elles déplacent les montagnes.

    Elle ne mourut pas. Elle s’était enfoncée dans un coma si profond qu’il ressemblait à la mort à s’y méprendre mais elle ne mourut pas.

    Quand elle fut totalement endormie à ses pieds, confiante, les traits enfin apaisés par le sommeil, décidée à mourir à présent qu’elle avait retrouvé le Jardin, et qu’il se rendit compte qu’elle risquait de ne jamais se réveiller, je n’eus pas le temps de me laisser submerger par le chagrin que cette mort prévisible allait inévitablement susciter en moi parce que le prodige commença…Et je fus bien obligé de croire ce que je voyais…

    Arbre se pencha vers elle. Il se pencha, vraiment. Comme une mère sur le berceau de son enfant endormi. Comme un amant se penche sur sa maîtresse pour l’embrasser…Il la prit tendrement entre ses bras, pardon, entre ses branches et la souleva délicatement pour la déposer avec une infinie précaution à la croisée la plus solide et la plus large de sa ramure. Quand elle fut confortablement installée, ses longs cheveux d’or épars autour de son corps amaigri, par je ne sais quel impensable procédé il lui ôta ses vêtements souillés et, de ses feuilles humides de rosée, il la lava. Quand ce fut fait, pétrifié d’étonnement et de crainte, je le vis, sans hésitation aucune, insinuer ou plutôt planter dans le cœur et les veines de ses poignets, l’extrémité pointue de fines branches où perlait la sève. Je compris alors qu’il lui faisait en quelque sorte une transfusion et que c’était son sang d’arbre qu’il lui donnait. C’est du moins ce que me transmit son esprit pour me rassurer car à ma grande honte, je dois avouer que pendant un bref instant, j’avais été persuadé qu’il s’était résigné à la tuer lui-même, tout de suite, plutôt que de la voir agoniser à petit feu.

    Après un temps qui me parut très long, il retira délicatement les branches du corps de notre belle amie et entreprit de l’envelopper dans un cocon fait de multiples branchettes flexibles minutieusement entrecroisées et tapissées de ses feuilles les plus tendres. Il lui fallut pour cela des jours et des jours…Je n’en ai pas fait le compte.

    Elle devenait chrysalide, se transformerait-elle en papillon ? Je n’étais pas loin de le croire.

    J’ai dormi, chassé pour me nourrir. J’ai séduit de félines et consentantes proies qui m’ont fait moult portées de petits à mon image. J’ai vu se succéder les saisons, poindre maintes aurores superbes, s’étendre maints crépuscules inquiétants…J’ai vu au gré du temps la ville en ruine crouler un peu plus sous la végétation exubérante et victorieuse. J’ai livré des combats pour la simple survie ou pour entretenir mon honneur de vieux mâle dominant. De rudes et douloureuses batailles où j’ai de nombreuses fois failli laisser ma vieille peau et dont je garde de mémorables et glorieuses cicatrices…

    Solitaire, j’ai parcouru de long en large la cité fantôme pour agrandir mon territoire de chasse. J’en ai exploré les coins et les recoins abandonnés mais jamais je n’en suis sorti et toujours je suis revenu dans le jardin où s’accomplissait le Grand Mystère.

    Et j’attendais…J’attendais la fin du long silence d’Arbre.


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  • Le temps effeuille ses jours un à un. La mélancolie dont je suis atteint m’engourdit et m’empêche de réagir. Le combat a mobilisé toute mon énergie et l’a momentanément épuisée. Obsédé par le désir de vaincre, aveuglé par la colère, j’ai failli oublier pourquoi je me battais. Pour qui.

    Maintenant que le vacarme de la bataille s’est tu et que j’ai repris des forces, il me reste un dernier combat à mener, une dernière promesse à tenir. Je vais la retrouver. Non pas que je puisse aller la chercher là où elle se trouve, mais au moins, je vais m’efforcer de rester connecté à son esprit pour lui insuffler de l’énergie. C’est pour Elle que j’ai survécu, l’espoir chevillé au corps et au cœur. Un espoir tenace, insensé, celui de la rejoindre coûte que coûte ne serait-ce que par la pensée. C’est de cette façon que je pourrai la guérir, en détruisant le mur de folie qui l’emprisonne, aussi sûrement que j’ai détruit les murs de la ville.

    Dans le petit jardin où elle me planta, il y a de cela mille ans me semble-t-il, près de la maison qui de par mon inébranlable volonté de la préserver pour elle, est demeurée seule intacte, je me bâtis une nouvelle vie.

    De mes racines opiniâtres qui ont crevé le sol autour du moignon de tronc qu’ils n’ont pas coupé, un nouvel arbre est en train de naître.

    Mes premiers essais ont été un peu brouillons. Çà et là de bizarres et noueuses racines aux formes tourmentées ont jailli du sol. Puis ma technique s’est affinée, gagnant en précision. Une de ces miraculeuses excroissances radiculaires s’est dressée. Plus haute, plus épaisse et vigoureuse, un peu moins tordue que les autres, elle a commencé à se ramifier. Sur cet ersatz de tronc se développent déjà les futures branches de l’arbre que je redeviens à part entière. Ma rencontre avec les racines d’autres essences risque de faire de moi un être hybride des plus étranges. Stimulé par toutes ces énergies entremêlées, je pousse, je pousse, encore plus vite qu’avant.

    Chat observe cette mutation d’un œil curieux et attentif.

    - Arbre, tu me plais ainsi ! Mal foutu, biscornu mais beau ma fois ! Tu ne ressembles à aucun autre ! En fait, tu ne ressembles à rien de ce que j’ai connu en matière d’arbre au cours de mes précédentes vies !

    - Si Elle revenait, crois-tu qu’elle me reconnaîtrait ?

    - Bien sûr ! Même si tu es quelque peu difforme, ton âme elle, n’a pas changé. Pas tant que ça en tout cas !

    Lui aussi s’est transformé. Il a grandi, s’est allongé et un rien efflanqué. Privé de sa pâtée quotidienne, il a renoué avec la chasse, revenant ainsi à une nourriture naturelle. Il a perdu son policé d’animal domestique pour endosser la personnalité affûtée de ses ancêtres sauvages mais sous le vernis craquelé, au fond de son œil unique brille toujours l’antique sagesse. Pure coïncidence ? Il a en effet perdu l’œil gauche de la même façon que lors de sa tumultueuse septième existence.

    Contre toute logique, comme autrefois dans la Jardinerie-prison de la Grande Ville, j’attends. Je l’attends ! Quelque chose de plus fort que la raison me dit qu’elle reviendra. Si je m’efforce de m’en convaincre c’est que je veux continuer à croire que toutes ces épreuves ont un sens.

    Sur l’horloge de la mairie à-demi écroulée, les aiguilles ont cessé leur course, elles n’égrèneront plus jamais les heures. Le temps s’est arrêté. Ici, nul n’a besoin de pendule ni de montre. La vie est rythmée par l’immuable rotation de la terre sur son axe et par sa course tranquille autour du soleil. Les jours, les nuits, les saisons se succèdent tandis que bat, infime poussière dans l’univers infini, le cœur de notre monde clos…

    Nous sommes le rythme de la vie. Du bourgeonnement à la fleur et de la fleur au fruit. Du verdoiement printanier à la moiteur estivale, du flamboiement automnal à la nudité hivernale, nous sommes le temps qui passe. Chaque saison des amours, chaque nouvelle portée, chaque nichée représente un tour de cadran sur la grande horloge de la vie. Chaque moment d’espoir, d’attente, de chagrin ou de bonheur est une parcelle d’éternité…

     

    Tous mes sens aiguisés le pressentaient depuis quelques jours, Elle est revenue ! Mais dans quel lamentable état !

    Maigre, sale, échevelée, malade, lasse à mourir ! Elle a pourtant été capable de retrouver le chemin qui la menait vers moi. Pour elle, l’invisible muraille s’est ouverte puis refermée. Incrédule elle a traversé la ville ravagée avant de parvenir, épuisée, au petit jardin. Fiévreuse, à bout de forces, à bout de mots, elle s’est effondrée à mes pieds où elle a sombré aussitôt dans un sommeil lourd entrecoupé de sanglots et de gémissements de douleur.

    Hormis son âme qui transparaissait sous l’épaisse carapace qu’elle s’était forgée pour survivre là-bas, il ne subsistait plus grand-chose de la déesse femme des jours heureux qui m’avait subjugué. Ses pieds nus étaient en sang, ses joues striées de larmes et de poussière. Ses vêtements maculés de boue flottaient sur son corps terriblement amaigri. Elle était si pâle sous la saleté qu’au milieu de ce décor apocalyptique, elle aurait pu passer pour l’unique survivante d’un cataclysme planétaire. Une rescapée à court terme tant elle paraissait résignée à mourir. Elle avait mis ses dernières réserves d’énergie vitale dans son retour, il ne lui en restait plus pour lutter contre le mal sournois qui la tuait.

    Comment avait-elle réussi à déjouer la surveillance de ses geôliers ? C’est un mystère ! Était-elle devenue si calme qu’elle en passait inaperçue, si transparente qu’elle a pu fuir sans se faire repérer ? A-t-elle bénéficié d’une complicité à l’intérieur de l’établissement ? C’est peu probable, elle n’avait sur elle ni argent ni papiers…

    Elle dort d’un sommeil cataleptique, si profond qu’il ressemble à la mort. Elle a cessé de gémir…

    Je lis en elle comme dans les pages à-demi brûlées d’un livre tiré de justesse hors des flammes. Des passages entiers en sont noircis de fumée, des feuilles roussies ou trouées par le feu en sont devenues illisibles. Elle ne livre plus d’elle qu’une histoire incomplète que j’ai bien du mal à reconstituer. Mais au-delà des mots effacés, j’en devine l’essentiel : la volonté farouche et soudaine de sortir de l’abrutissement artificiel dans lequel les médicaments la plongeaient malgré elle, et l’obscur désir de fuir, en réponse à l’appel lancinant qui résonnait à l’arrière-plan de son hébétude, voilà ce qui le retenait de sombrer totalement dans la folie sans retour. Elle m’entendait et ce cri lui prouvait que j’étais vivant, que je l’attendais.

    Elle dort. Je sais qu’elle est tellement épuisée qu’elle ne se réveillera pas. Le coma va remplacer le sommeil. Il sera alors temps pour moi d’agir. Vite, sans m’attarder à un chagrin stérile, sans réfléchir à la portée de mes actes.

    Elle risque de mourir. Cela seul compte et c’est pour moi inacceptable ! Ce que je vais faire est totalement contraire à l’éthique des hommes, à l’extrême limite des lois de la Nature mais je vais le faire !

    Je DOIS le faire !

     


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  • L’Arbre

     

    J’ai gagné…

    Quand ils ont découvert la véritable origine des effroyables calamités qui s’abattaient sur leur ville, il était trop tard ! Ils ne pouvaient plus rien faire pour enrayer la lèpre qui la rongeait sans risquer de l’aggraver encore.

    Ils ont bien essayé de me détruire, de nous détruire mais ils se sont vite rendus compte que l’instabilité chronique du sous-sol, résultant de la présence ancienne de multiples souterrains, rendait toute entreprise contre les racines du mal périlleuse, voire suicidaire.

    Ils ne possédaient pas le moindre élément susceptible de les éclairer, rien qui pût expliquer le développement aussi subit qu’anarchique et totalement simultané, des racines de tous les arbres de la ville et de sa périphérie. Dans les ouvrages consacrés à l’arboriculture qu’ils consultèrent, ils ne trouvèrent pas trace d’un tel phénomène. Lequel, étudié à la loupe, fut imputé dans le doute à diverses causes possibles dont aucune ne satisfaisait les scientifiques.

    Outre l’hypothèse hautement fantaisiste de certains doux dingues invoquant à qui mieux mieux les petits hommes verts, on parla de pesticides, de détergents industriels, de pluies acides, d’engrais chimiques…On accusa même les effets rétroactifs du tristement célèbre nuage radioactif en provenance de Tchernobyl. On avança la thèse que tous ces paramètres réunis avait peut-être constitué un formidable agent mutagène, responsable de la naissance d’un micro organisme inconnu ou de la mutation d’un fongus jusque là inoffensif, ou encore de l’apparition d’une enzyme nouvelle, particulièrement active, qui aurait hyper accéléré la végétation de nos racines et leur croissance anormale…

    En désespoir de cause et sans preuves à l’appui, leurs esprits cartésiens soumis à dure épreuve, ces messieurs et dames de la sacro sainte science, déclarèrent à la presse :

    «  C’est et cela restera l’un de ces insondables mystères que nous réserve notre mère Nature ! »

    Dépités, ils abandonnèrent les lieux puis, en dernier, tel un capitaine courageux, à son tour le premier magistrat quitta la ville comme on quitte un navire en train de sombrer…Dans leurs bagages ils emportèrent toutes leurs questions demeurées sans réponses.

    S’ils ne comprenaient pas c’est que leur misérable psychisme humain trop limité en était totalement incapable. Alors que nous le pouvons, hormis un petit nombre d’entre eux, ils ne savent pas voir l’invisible ni entendre l’inaudible. Du moins, ils ne savent plus. Ils ne comprennent pas parce qu’ils ont oublié combien la nature peut se montrer rebelle et insoumise, combien elle est apte à se régénérer en dépit des cruelles blessures qu’ils lui infligent depuis toujours.

    L’espèce humaine ! La pire espèce comme le dit un de leurs écrivains !

    Des créatures corrompues, arrogantes, prétentieuses, imbues d’un pouvoir dont elles usent et abusent impunément pour dominer les autres espèces, brandissant leur prétendue supériorité pour s’arroger le droit exclusif de clamer : « Je pense, donc je suis ! »

    Mais qui sont-ils donc ? Ou que sont-ils donc d’autres que des prédateurs, les pires de tous, qui s’attaquent sans vergogne à leur environnement, ce que nos frères animaux qu’ils appellent péjorativement des bêtes, ne font pas, eux qu’ils classent pourtant tellement en-dessous de l’humanité sur l’échelle de la création !

    Comment ces êtres mesquins auraient-ils pu, ne fût-ce qu’un millionième de seconde, envisager l’idée folle qu’ils étaient non pas des victimes, mais plutôt des coupables désignés à la vindicte d’un arbre ?

    Les déniant aux autres occupants naturels de la Terre, de toute éternité ils se sont attribué tous les sentiments, de l’amour à la haine en passant par le chagrin, le désir de vengeance ou même la pitié. Mais ils se montrent le plus souvent dépourvus de réelle compassion envers leurs semblables, alors comment pourraient-ils prendre en considération les autres créatures ? Ou leur prêter des émotions ? Je les ai aimés, je les hais désormais ! Et je me refuse à les prendre en pitié ! L’ont-ils fait pour Elle, ou pour moi ?

    J’ai gagné. Totalement !

    Les uns après les autres ils sont partis, forcés et contraints avant que tout ne s’effondre. La ville est déserte. Elle m’appartient. Seuls sont restés, n’ayant nulle part où aller, les animaux domestiques lâchement abandonnés par leurs maîtres et mon ami Chat qui a renoncé à suivre les siens dans leur exil. La faune des terriers et des galeries souterraines a repris sa place dans l’entrelacs des racines qui ont envahi les sous-sols. Les oiseaux sont revenus nicher dans les ramures accueillantes de mes frères les Arbres.

    C’en est fini des vrombissements hargneux des moteurs, des vapeurs empoisonnées vomies par les pots d’échappement ! Les parkings sont déserts et les artères de la cité à jamais tranquilles. Les rues excavées ou soulevées par nos assauts vengeurs, étalent leurs plaies béantes. Les trottoirs pleins de trous, couverts par endroits de gravats et de débris de verre, n’accueillent plus les pas nonchalants ou pressés des piétons.

    Les jardins et les parcs dévastés n’abritent plus les jeux des enfants. La petite rivière qui a repris son cours paisible, regorge de poissons que ne piégeront plus les pêcheurs du dimanche.

    Les écoles ne résonnent plus du bourdonnement studieux des élèves. Cours et préaux désertés ne retentiront plus jamais des rires et des cris des gamins à l’heure de la récré.

    Dans les usines totalement silencieuses, les machines ne tourneront plus. Les hautes cheminées ne cracheront plus leurs fumées nocives et nauséabondes.

    Les maisons vides à présent meurtries de lézardes et d’éboulis, offrent au néant le regard chassieux de leurs fenêtres éborgnées, aux vitres éclatées et aux volets branlants. Les magasins abandonnées en catastrophe au plus fort du « séisme », pillés lors de la débandade générale, sont envahis par des hordes de rats qui se disputent âprement les restes de nourriture avec les chiens et les chats errants qui retournent rapidement à l’état sauvage.

    Les cloches de l’église ne feront plus jamais entendre leur voix d’airain. Elles se meurent tristement, étouffées sous les décombres du clocher écroulé…

    Notre vengeance accomplie, nous avons stoppé net notre souterraine expansion mais les habitants des villages alentours n’en demeurent pas moins éloignés de cet endroit qu’ils pensent frappé d’une terrible malédiction. Les rares téméraires qui, dévorés de curiosité, y ont risqué une incursion, ont découvert une vision d’apocalypse qui les a faits s’enfuir à toutes jambes en proie à une frayeur indicible. Ils contribuent largement à la légende qui est née concernant la ville morte, en colportant le bruit qu’elle serait hantée par une entité démoniaque. Un fantôme d’outre-tombe dont ils auraient senti la présence maléfique, dangereuse et dotée d’un appétit vorace pour les âmes trop tendres…

    Pour donner corps à cette légende naissante et empêcher ainsi toute intrusion humaine indésirable, mes amis végétaux et moi nous avons dressé autour de la ville désertée, une invisible muraille où viennent se buter les esprits aventureux ou mal intentionnés.

    Que ce Jésus qu’ils appellent Dieu nous pardonne de l’avoir plagié, j’aurais tout aussi bien pu apposer une pancarte avec cette mise en garde : « Heureux les cœurs purs, à eux seuls ce royaume interdit sera ouvert ! ». Seulement voilà, l’écriture ne fait pas partie des fabuleux moyens d’expression dont je dispose !

    J’ai gagné !

    Mais cette victoire, pour éclatante et absolue qu’elle soit, ne me satisfait pas autant que je l’aurais cru puisque Elle n’est pas là pour la partager avec moi.

    Elle n’est pas revenue. Comment aurait-elle pu ? Et elle demeure toujours sourde à mes appels répétés. Pourtant, je sais, qu’elle est vivante. Les arbres qui peuplent le parc de la prison où elle est recluse me l’ont fait savoir. Elle leur parlait, elle ne le fait plus ! Les gardes-chiourmes qui se prétendent médecins de l’esprit l’ont tellement empoisonnée, annihilée à force de médicaments qu’elle ne peut plus m’entendre. Oui, elle vit, si on peut appeler ça vivre. Son esprit se désagrège ! Si je suis enfin parvenu à le percevoir, je n’y capte que des bribes de pensées décousues de plus en plus incohérentes. Je vais finir par la perdre bien plus irrémédiablement que si elle était morte pour de bon ! Encore un peu de ce traitement et ils parviendront à la rendre folle. Je suis un bien piètre ami ! J’ai détruit sa ville mais je ne peux rien faire pour l’aider sinon continuer à l’appeler en désespoir de cause.


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  • Le maire

     

    Notre paisible petite commune n’a pas été préparée au malheur qui a fondu sur elle. Rien dans ses archives ne témoigne qu’elle ait connu au cours des siècles passés semblable cataclysme. Rien ni jamais depuis qu’elle fut fondée sous l’empire romain.

    En dépit des évènements indubitables qui ont débuté dans le quartier nord et des témoignages effrayés des gens que nous avons recueillis lors de cette nuit fatidique, beaucoup de nos concitoyens sont demeurés incrédules, d’autant que nous n’avons alors rien ressenti dans le centre. Il leur a fallu se rendre sur les lieux, faisant fi de l’interdiction, pour y croire enfin.

    Un séisme par ici, cela défie en effet toutes les lois de la probabilité !

    Nous avons vécu des inondations certes, localisées à la ville basse et dues à des pluies diluviennes, dites décennales, que ne peuvent résorber d’anciennes et inadéquates canalisations dont notre conseil étudiait par ailleurs le remplacement au cours de l’année. Quelques tempêtes mémorables également dont les rafales de vent titanesques et impitoyables ont fait s’envoler de vieilles toitures et déraciné des arbres centenaires…Mais ça, jamais !

    Dans les semaines qui suivirent il y eut d’autres secousses de plus en plus rapprochées, de plus en plus violentes. Tout le contraire de répliques dont la fréquence et l’intensité ont généralement plutôt tendance à décroître. Elles s’étendirent de la périphérie nord où avaient eu lieu les premières, au centre de la ville, semant sur leur passage une espèce de psychose de fin du monde telle qu’on en connaît à chaque changement de siècle. Un vent de panique se mit à souffler sur tous les habitants. Il se transforma en ouragan lorsque de longues balafres commencèrent à défigurer les édifices publics. Cela débuta par les remparts moyenâgeux qui ceignent la vieille ville ; ils se lézardèrent dangereusement, menaçant les riverains habitant en contrebas. Ensuite ce fut le tour de la mairie, une haute bâtisse d’après guerre en briques rouges, pompeuse et laide, j’en conviens, édifiée sur une grande place pavée, au-dessus d’anciens souterrains ; elle commença à se craqueler sur toute sa façade puis à s’affaisser un peu plus à chaque secousse. L’église enfin, une vénérable vieille dame du XVe siècle, classée monument historique et qui avait courageusement défié les bombardements et les outrages du temps, vit son clocher s’effondrer dans le fracas assourdissant de ses trois lourdes cloches de bronze. Heureusement, il n’y eut pas de victimes ! Dès l’apparition de la longue lézarde qui courait des soubassements jusqu’à mi-hauteur, un large périmètre de sécurité avait été installé.

    La panique encore maîtrisée avant cet accident, céda le pas à l’hystérie collective. La ville entière vacillait sur ses fondations tandis que sa population, ébranlée, tremblait d’une peur irraisonnée.

    Alors commença un exode tel celui qui avait eu lieu lors de la Deuxième Guerre mondiale, à cela près qu’il s’effectua par camions et fit la fortune des déménageurs à des dizaines de kilomètres à la ronde. Petit à petit, la ville se vidait de ses habitants qui partaient dans leur famille, chez des amis, dans leur résidence de vacances ou ailleurs, n’importe où et dans n’importe quelle condition pourvu qu’ils puissent échapper au fléau qui s’abattait sur leur vie. Ils fuyaient un occupant anonyme. En effet, la thèse du séisme n’avait pas résisté à l’investigation poussée des experts.

    En tant que premier magistrat, je n’ai pu partir de suite malgré ma peur et l’envie irrésistible qui me prenait parfois de plier bagages comme mes concitoyens. Comme le capitaine d’un navire en perdition, il me fallait rester à mon poste jusqu’à la découverte de l’ennemi impitoyable qui se terrait sous nos pieds. Un ennemi si incroyable qu’aucun être humain sensé n’aurait jamais pu imaginer qu’il existât, dont aucun savant respectable n’aurait osé avancer le nom sous peine de passer pour fou à lier. Et pourtant…


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  • La voisine

     

    J’ai toujours entendu dire que notre pays en général et cette région en particulier, ne sont pas prédisposés aux tremblements de terre. En tout cas de l’avis autorisé des sismologues et scientifiques de tous poils qui par la suite, ont tenté d’analyser les évènements.

    C’est notre maison qui a été la première touchée par le phénomène avant qu’il n’atteigne notre petite cité tranquille tout entière et ne s’étende à la totalité de la Ville.

    Je dis phénomène car je ne sais quel nom donner à ce qui est arrivé puisque les spécialistes compétents continuent, en dépit des faits, à jurer leurs grands dieux qu’il ne peut s’agir d’un séisme, même au plus petit degré sur la fameuse échelle de Richter.

    C’est quoi alors ce truc qui nous a réveillés en pleine nuit et qui a ébranlé notre maison des fondations jusqu’au toit ? La vaisselle dégringolait des placards, c’est d’ailleurs ce fracas qui nous a sortis de notre bienheureux sommeil. Ça et le chien qui aboyait comme un dingue. Puis notre lit s’est mis à glisser sur le parquet ciré. On s’est levés à toute vitesse. À vrai dire on a été littéralement jetés hors de nos draps par la secousse et par la peur. On voulait savoir ce qui se passait. On s’est rués dans l’escalier et on est descendus aussi vite qu’on a pu en s’agrippant à la rampe pour ne pas tomber car la maison tremblait. Je vous jure qu’elle tremblait ! Elle semblait craquer de toutes parts. On se serait crus à bord d’un bateau en pleine tempête !

    En bas dans la salle à manger autant que dans la cuisine, c’était le chaos ! Tout était sens dessus dessous ! De la vaisselle en petits morceaux, plus une assiette, plus un verre intact ! Les provisions contenues dans les buffets éparpillées sur le carrelage : confiture, épices, pâtes, riz, huile et vinaigre renversés, œufs et fruits éclatés…une innommable bouillie ! Les tableaux décrochés des murs et brisés, la télé explosée, les chaises par terre, les meubles de guingois… Mes jolis bouquets de la veille dont les fleurs déchiquetées gisaient au milieu des flaques d’eau, des débris de leurs vases et de ceux des bibelots que j’affectionne…Et dans cet indescriptible bazar, l’odeur infecte de la pisse et des crottes de notre pauvre chien mort de trouille…

    On n’osait même pas sortir tellement on avait peur de ce qu’on allait découvrir dehors !

    On a d’abord cru que c’était une explosion de gaz mais on a réalisé qu’on n’avait rien entendu de tel. Bien sûr, on dormait profondément mais quand même ! Ça ne pouvait pas non plus être le crash d’un avion, ça aussi on l’aurait entendu et ça aurait mis le quartier en effervescence or, on semblait être les seuls à avoir été secoués…On a fini par sortir pour en avoir le cœur net. Tandis que le reste de la cité continuait à dormir du sommeil du juste, seuls nos voisins les plus proches étaient à leur fenêtre. Ils n’avaient ressenti qu’une légère secousse qui n’aurait pas suffi à les réveiller s’ils n’avaient pas en même temps entendu le boucan provenant de chez nous. En nous voyant dehors l’air hagard et un rien échevelés, ils ont cru que nous étions en pleine querelle conjugale. Une querelle qu’on aurait décidé de finir de vider dans la rue après avoir tout bousillé chez nous manifestement, vu le vacarme ! En colère, ils nous ont demandé de la fermer et de faire taire notre sale cabot. Ils voulaient dormir nom de nom !

    Comment après ça leur faire croire que nous étions les seules victimes d’un tremblement de terre ? Pourtant, c’est la seule hypothèse qui nous soit venue à l’esprit sur le moment. La seule explicable en tout cas, pour autant qu’on puisse en juger par l’ampleur des dégâts occasionnés chez nous ! Je ne crois ni aux fantômes ni aux poltergeist ni au mauvais sort.

    Vu les circonstances pour le moins particulières, inutile d’alerter les autorités, elles ne nous auraient pas crus non plus ! Et impossible de faire marcher notre assurance, la thèse d’une catastrophe naturelle frappant une seule habitation n’étant pas crédible, il faut bien le dire ! Mon mari et moi n’avons rien pu faire d’autre que ravaler notre rancœur face à l’incrédulité et en désespoir de cause, on a laissé courir la rumeur d’une dispute si terrible qu’on se serait balancés toute notre vaisselle à la figure ! Si violente qu’elle en aurait fait trembler les murs de nos voisins. Humiliés et honteux, nous n’adressons plus la parole à personne.

    J’ai racheté de la vaisselle et une nouvelle télé, changé le mobilier cassé. Mon mari a réparé ce qui pouvait l’être. Nous avons refait des provisions et tenté d’oublier notre triste mésaventure. Le chien est devenu tellement froussard qu’il refuse la promenade et fait ses besoins dans la maison. Il ne veut même plus sortir dans le jardin ! S’il continue il faudra le faire piquer. La dernière fois que j’ai voulu le mettre dehors pour nettoyer ses saletés, il m’a mordue. C’était la première fois !

    - Ce sera la dernière ! A hurlé mon mari en le traînant de force hors de la maison.

    Désormais la pauvre bête porte une muselière et passe tout ses nuits à gémir pitoyablement dans sa niche. Tant pis pour ceux que ça dérange ! Quant à moi, je suis devenue insomniaque et quand mon mari est de nuit, je guette les bruits et craquements suspects qui annonceraient le retour de ce truc inquiétant que je n’ose plus appeler tremblement de terre, bien que je sois convaincue que c’en était un. Pourquoi seulement en- dessous de chez nous ? Ça je n’en sais rien ! C’est juste un fait irréfutable pour moi et j’ai appris que devant les faits, chacun doit s’incliner.

    J’ai acheté un bouquin qui traite des séismes et autres cataclysmes naturels. J’ai eu beau le lire et le relire, je n’y ai rien trouvé sur la chose qui nous a frappés. Elle est demeurée inexpliquée jusqu’à ces jours derniers…

     

    Pendant trois semaines il ne s’est rien passé. Trois semaines de répit. C’est notre tour de rire même si on rit jaune. La suite inattendue des évènements vient de nous donner raison et de clouer le bec aux médisants et aux moqueurs. Cette fois, c’est tout le quartier qui a été touché !

    À minuit - heure du crime - tous les habitants de notre charmante petite résidence étaient dehors, pétrifiés de peur. Une série de secousses d’une violence inouïe a ébranlé le quartier faisant jaillir tout le monde hors du lit. Même la route tremblait sous nos pieds et on se regardait, ébahis et muets de terreur. Il fallait se rendre à l’évidence, on avait bel et bien affaire à un tremblement de terre. À moins que tous les résidents n’aient choisi cette nuit pour se livrer à une méga scène de ménage et faire voler la vaisselle, pensai-je avec humour malgré ma frousse.

    Nul ne songeait plus à se moquer ni à nous traiter de fabulateurs.

    Dans chaque foyer régnait un chaos digne de l’enfer de Dante, mille fois pire que ce que nous avions connu trois semaines auparavant.

    La rupture des tuyauteries occasionna des fuites d’eau monumentales qui, à leur tour, provoquèrent d’innombrables courts-circuits. Des dizaines de téléviseurs implosèrent. Çà et là des incendies se déclarèrent…Des vitres volaient en éclats. Sous nos pieds, le macadam se lézardait, les gens se jetaient sur le sol en se couvrant la tête et en hurlant de terreur ou s’enfuyaient dans tous les sens…Bref, un cauchemar de fin du monde. Une pagaille totale ! Les cris, les pleurs, la fureur…le tout ponctué par l’ululement sinistre des sirènes et par les tonitruants « pimpon » des camions de pompier.

    De sous la terre, semblaient monter d’effroyables gémissements et des grondements de colère tandis que le sol tremblait de plus belle.

    Les bouches d’égout vomissaient sans interruption des geysers d’eau qui s’échappaient des canalisations crevées tandis que l’odeur caractéristique du gaz commençait à se mélanger à l’air frais de la nuit. La terreur fut à son comble lorsqu’au milieu des incendies que les hommes du feu ne parvenaient pas à circonscrire, les bouteilles à usage domestique explosèrent, propageant les flammes aux habitations voisines. Dans le même temps, la haute cheminée de briques rouges de l’ancienne fabrique jouxtant la cité, s’effondra d’un coup sur elle-même dans un vacarme épouvantable. C’est alors que les forces de l’ordre dépêchées sur les lieux, prirent vraiment la mesure de la gravité de l’incroyable événement et ordonnèrent l’évacuation générale, intimant à la cohorte médusée de quitter la cité dans le calme et la discipline.

    Les gens encore statufiés par la peur et l’incrédulité, s’animèrent soudain…Ce fut la fuite éperdue, une énorme bousculade…Qui en pantoufles et pyjama débraillé, qui en nuisette affriolante ou en chemise de nuit pudique, qui serrant contre son cœur affolé ses maigres bien emportés in extremis aux premières secousses…chacun s’égaillait en braillant sans s’occuper des autres, sans but, en proie à une panique innommable tandis que la terre grondait sous les pas éperdus des résidents épouvantés. Il fallut toute la force de persuasion des gendarmes pour canaliser le flot de fuyards hébétés dont je faisais partie, je l’avoue toute honte bue !

    Pauvres hères choqués, frigorifiés, hagards et dépenaillés, nous trouvâmes refuge chez les habitants du centre ville, dans les écoles, les gymnases et les locaux municipaux.

    Le lendemain, les représentants de la presse régionale étaient là, rapidement suivis par le gratin de la presse nationale. Reporters des journaux écrits et télévisés s’agitaient en tous sens, brandissant caméras, micros et calepins sous le nez des passants aussi curieux qu’esbaudis par ce déploiement médiatique sans précédent dans notre petite commune rurale. Il faut dire que ces messieurs et dames de la ville étaient excités comme des puces par cet évènement hors du commun confirmé par les experts appelés en renfort : un séisme d’une amplitude d’au moins sept degrés sur l’échelle de Richter, là, dans une ville tranquille, située bien loin des zones reconnues à haut risque sismique de notre pays!

    Et il y en a peu malgré tout !

    Le plus étrange c’est que les savants calculs des fameux experts, situèrent l’épicentre de ce séisme tout à fait inattendu, juste sous notre gentille résidence sans histoire, d’où les dégâts  occasionnés! Bien qu’à leur yeux cela demeurât invraisemblable, voire impossible, ils furent contraints d’admettre l’irréfutable véracité des faits. La ville n’étant dotée d’aucun appareil d’enregistrement et pour cause, ils en firent venir un de la capitale. Puis aussitôt que tout danger en fut écarté, ils établirent un campement sur la zone sinistrée afin d’étudier au plus près les répliques attendues.

    Mon mari et moi, premiers atteints par la catastrophe, dédommagés par la société d’assurance, nous fûmes également les premiers à déménager. Nous ne pûmes comme les autres, en dehors de ceux dont la maison avait brûlé, aller récupérer quelques biens avant que la cité ne soit déclarée inhabitable, vu que notre maison, probablement déjà fragilisée par les premières secousses, s’était effondrée, oui, effondrée ! Alors que celle de nos ex voisins, toujours nantie de son écriteau « À vendre », avait été totalement épargnée elle ! C’était d’ailleurs une des seules qui ne montrât absolument aucune lézarde, aussi curieux que cela puisse paraître ! Mais ce tremblement de terre, bien que ce fait n’eût rien de drôle en soi, n’était-il pas déjà à lui seul une curiosité ?

    La mort dans l’âme nous avons fait une croix sur notre passé et nous nous sommes installés à quarante kilomètres d’ici, chez ma sœur qui a accepté de nous héberger en attendant que nous trouvions un autre logement. Pour ma part, très touchée par ce qui nous est arrivé, je regarde de loin et en toute sécurité, au journal télévisé et dans la presse écrite, la suite des évènements qui secouent ma ville natale, c’est le cas de le dire. Je suis restée insomniaque et je suis désormais incapable de regarder un de ces films catastrophes que j’adorais avant !


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