• Le box des accusés - une espèce de stalle dotée d'un banc à dossier rivé au sol - dominait la salle comble et bruissante. On lui ôta les menottes et on la fit asseoir un peu plus rudement que nécessaire. Dans le public, quelqu'un toussota. L'attente était palpable. Le rideau allait se lever sur une tragi comédie dont le dénouement était connu de tous. Mais il fallait néanmoins qu'elle se joue.

    L'huissier proclama solennellement :

    - Mesdames et messieurs, la Cour ! Veuillez vous lever  s'il vous plait !

    Tous prirent place. Le Président, ses assesseurs, le Procureur, l'Avocat général… Seul l'espace réservé à la défense demeura vide, ce qui suscita moult questions dans l'auditoire.

    Puis vinrent les jurés, dignes et plus raides que la justice. Un seul coup d’œil sur eux suffit à Mary pour comprendre qu’ils ne seraient pas aussi impartiaux que l’exigeait leur rôle. Les greffiers s'installèrent posément devant le clavier de leur ordinateur, prêts à y consigner méticuleusement chaque minute de ce procès historique, tout en se disant in petto : « Que de tintouin pour cette roulure ! » Eux aussi, à l'instar de presque tous ceux qui étaient présents en ce premier jour dans l'imposante salle d'audience du Tribunal de Lille, étaient tout acquis à la juste cause de l'accusation. Pour tous, elle était coupable. Le verdict ne faisait aucun doute !

    Le Président tenait son marteau en l'air, comme négligemment.

    - Mademoiselle Conroy-Defrance, avant que ce procès ne débute, voulez-vous faire amende honorable ou revenir sur vos déclarations ?

    - Quelles déclarations monsieur le Président ?

    - …

    - Peut-être voulez-vous dire mes non-déclarations ?

    Elle était presque heureuse de lui avoir d'entrée coupé le sifflet.

    - Ne soyez pas insolente mademoiselle ! La Justice n'est pas une galéjade.

    « Tiens, un méridional ! » Pensa-telle fugacement.

    - Et vos boutades ne sont pas les bienvenues ! N'avez-vous vraiment rien à dire qui puisse influencer favorablement la Cour ?

    - La coupe est pleine, il faut la boire !

    Derrière leurs écrans de télé, tous ceux qui, une fois déjà, l’avaient entendue prononcer cette sentence sibylline, se souvinrent et retinrent leur souffle.

    - Cessez de vous moquer, vous n'êtes pas le Christ mademoiselle et nous n'allons pas vous crucifier que je sache !

    - Peut-être pas mais le sort que vous me réservez n’est guère plus enviable, non ?

    - Cela suffit mademoiselle Conroy-Defrance ! Est-ce tout ce que vous avez à nous dire ?

    - C'est tout ! Alea jacta est !

    Le Président ne releva pas cette nouvelle incartade et ordonna la lecture des différents chefs d’accusation.

    Les plus lourds d’entre eux justifiaient à eux seuls l’emprisonnement à vie assorti de l’habituelle mesure de lobotomie visant à supprimer toute pulsion criminelle. On y avait pourtant mêlé sans hésitation des délits presque mineurs au regard des autres tels la pratique illégale de la médecine, le vol de voiture - pauvre Hubert, double victime du monstre !- ou, plus ordinaire encore, le dépassement du kilométrage annuel autorisé, l'excès de vitesse et la conduite sans permis !

    Qu'une simple infirmière ait pu commettre autant de crimes ne pouvait s'expliquer que par un autre délit, tout aussi lourdement punissable : coercition avec l’ennemi public numéro un de l'État unique.

    Ennemi qui de surcroît, était une secte d'anormaux notoires dotés de facultés paranormales à caractère démoniaque. Ce dont on l'accusait en bloc était un fatras de contre-vérités. Ainsi comment pouvait-on à la fois assimiler la guérison spontanée à un crime et dans le même temps, accuser celle qui l'avait commis de pratique illégale de la médecine ? D'ailleurs, depuis quand aider son prochain était-il devenu un délit ?

    L'audition des témoins fut une édifiante comédie qui dura quatre jours. Soudoyés ou non, tous ne dirent que ce que l'accusation voulait bien qu'ils disent. Les questions dirigées, interdisaient toute dérobade. Le témoignage de ses amis devint par le fait inutile. Ils ne purent même pas se réfugier dans un silence obstiné comme elle-même l'avait fait lors de ses interrogatoires. Le Président les sommait de répondre sous peine d'être accusés à leur tour de complicité avec elle et avec les mutants !

    Mary ne leur facilita pas la tâche en refusant de leur faire subir les contre -interrogatoires auxquels elle avait droit en tant qu'avocat à sa propre défense.

    Seule Surprise perdit tout contrôle. Lorsqu’elle vint à la barre pour la première et la seule fois, principal témoin à charge contre sa meilleure amie, elle était presque à terme. Elle regarda Mary dans son box. Les remords et la honte l'étouffaient. Elle prenait pleine conscience du mal qu'elle lui avait fait et des conséquences prévisibles et terribles de sa trahison. Elle se mit à pleurer et, en un flot de paroles entrecoupées de sanglots houleux, elle essaya vainement de revenir sur ses déclarations. Elle hurlait, hystérique en se tenant le ventre à deux mains :

    - J'ai menti monsieur le Président ! Elle n'a rien fait ! J'ai tout inventé …C'est ma grossesse…Je vous en prie, croyez-moi ! Mary… Pardonne- moi… Je ne voulais pas…. Pardonne- moi… Je t’en prie… J'ai menti… J'ai menti !

    - Madame Andrevski ! Nous pouvons comprendre que votre amitié passée avec l'inculpée vous fasse éprouver quelques tardifs remords de l'avoir dénoncée mais vous l'avez fait de votre plein gré, afin que justice soit rendue. Vous ne pouvez ainsi revenir sur vos déclarations ! Vous avez prêté serment ! Reprenez-vous !

    Elle trépignait, ivre de colère et de chagrin.

    - Mais puisque je vous jure que j'ai menti ! Vous m'entendez, j'ai menti ! Vous devez me croire, j'ai menti !

    Elle s'effondra soudain, à bout de forces et de larmes. On dut l'évacuer sur une civière.

    Le Président suspendit l'audience. Quand elle reprit, une heure plus tard, il annonça que madame Andrevski, très affaiblie physiquement et psychologiquement par sa grossesse avancée, ne paraîtrait plus à la barre. Son état de surexcitation ainsi que les propos contradictoires qu’elle y avait tenus, nuisaient à la fiabilité de son témoignage, le rendant invalide. Ce qu’il ne dit pas, c’est que de ce témoignage prétendument invalidé, on garda tout ce qui arrangeait l’accusation et qu’on effaça consciencieusement des minutes du procès la fâcheuse intervention de Surprise revenant mal à propos sur ses premières déclarations.

    Pour Hawk caché en Bretagne et qui suivait les évènements à la télé comme n'importe qui, sans autres nouvelles d'elle que ce que diffusait quotidiennement la presse à scandales sur les supposées mœurs dissolues de la jeune femme, ce mois écoulé avait été un enfer. Il la revoyait pour la première fois depuis son incarcération. Elle était si belle en dépit de sa pâleur et d'un amaigrissement inquiétant ! Belle et toujours fermée à ses tentatives d'investigation mentale.

    « Pourquoi ? » Se répétait-il inlassablement en se demandant où elle puisait une si cruelle détermination à lui tenir tête. Et surtout, comment y parvenait-elle ?

    Cela lui paraissait impossible. Elle n'était qu'une néophyte comparée à lui. Même lorsqu'elle qu’elle avait cru pouvoir lui résister, il avait toujours pu pénétrer dans le secret de son esprit, parce qu'il était un Mu, un vrai fils de Mutants, connaissant et pratiquant leurs facultés depuis l'enfance alors qu'elle, n'en avait pris conscience que récemment et que de surcroît, elle n'était qu'une métisse, même si son père était Patrick Defrance, premier Rassembleur de la Roue. Peut-être était-ce justement cet étonnant patrimoine génétique qui faisait sa force ?

    Le jour de son arrestation, il avait en vain tenté de briser l'incompréhensible résistance mentale de sa femme. Comme une mouche folle son esprit s'était heurté mille et mille fois à celui de Mary, aussi dur et cerné d'épais remparts que la plus imprenable des forteresses !

    Les forces de police mises en place ce jour-là et les suivants, l'avaient contraint au repli. Il en aurait pleuré de honte et de rage d'être aussi impuissant à venir en aide à celle qu'il aimait. Des tas d'innocents s'étaient fait rafler à cause de son mouvement. Lui-même et sa poignée de fidèles n’avaient échappé que de justesse aux bataillons de gops déployés pour les capturer eux et leurs semblables. Depuis, ces pièges s'étaient multipliés et s'étendaient désormais bien au-delà des frontières du Nord.

    Le lieu d'incarcération de Mary était indécelable même pour les plus affûtés des Mus dont il faisait partie. Le seul moyen de sauver sa femme du sort terrible qui l'attendait restait donc la durée de son procès pendant lequel les plus ardents défenseurs de celle qu'ils appelaient l'Élue de Hawk, avaient décidé de faire une tentative désespérée, jurant aux Anciens qu'ils le feraient sans effusion de sang. Tout fut mis en œuvre pour les en dissuader. Et tous finirent par obéir. Seul Antonio se montrait insoumis, demeurant plus que jamais déterminé à foncer en dépit des ordres reçus. Cette femme merveilleuse l'avait guéri. À ses yeux, cela justifiait tous les risques !

    Quant à Hawk, partagé entre le bien du mouvement dont il était devenu l'âme et le sien propre, il se débattait dans les affres du tourment. Elle ou la Mission, quel devait être son choix ? Il pressentait que c'était là le message que lui laissait Mary en refusant de s'ouvrir à lui. « Pense à ta Mission mon amour ! Des milliers de vies contre une seule. Pourrais-tu me choisir et les mettre en danger ? N'oublie pas que rien ne peut nous séparer tant que nous vivrons ! Alors concentre- toi sur ta Mission, elle est plus importante que moi ! » Croyait-il l’entendre parfois. Pourtant, la seule idée de ce qu'on allait faire subir à la femme qu’il adorait, le rendait fou. Lobotomie, QHI, perpétuité…Ces mots révoltants s'imprimaient dans son esprit et sonnaient le glas de son bonheur. Combattant de l'ombre, il n’était que trop douloureusement conscient qu’il devait se préserver pour amener la Roue au terme d'une mission qui prenait consistance jour après jour. Il aurait donné n’importe quoi pour n’être qu'un simple mortel, un normal ayant droit à une existence normale avec la femme de sa vie !

    L'espoir cependant ne l'abandonnerait pas, celui de la sauver un jour car tant qu'il vivrait, tant qu'elle vivrait, cet espoir le ferait tenir debout. Pour cela, il devait rester en vie ! Ça impliquait de ne pas se faire prendre, de ne pas risquer de se faire tuer ni de faire tuer des innocents. Car c'était ce qui arriverait à coup sûr si lui ou d'autres tentait quoi que ce soit contre un tribunal transformé en camp retranché, plein de gops prêts à tuer eux, et sans le moindre état d'âme !

    Alors, le cœur déchiré, résigné, lui aussi capitula.

    De loin, il regardait son bel amour aller au devant d'un sort effroyable et il se cognait la tête contre les murs humides des souterrains qui lui servaient de repaire, sous le fort de Penthièvre. Des caches secrètes creusées par les Mutants depuis des décennies, comme il en existait des milliers d'autres à travers le monde.

    Des taupes, voilà ce qu'ils étaient ses amis et lui depuis bien trop longtemps. Mais cela allait changer, cela devait changer !

    Pour l'amour de Mary, il y travaillait.


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  • Enfermée dans sa cellule exiguë, surveillée en permanence par l'œil indiscret d'une caméra, si elle s’était réveillée de son étrange transe, l’inculpée s'était ensuite murée dans un silence obstiné. Quand elle quittait son trou pour les interrogatoires, elle renforçait encore ce mur intérieur, faisant fi de leurs menaces, imperméable à toutes leurs tentatives de pressions psychologiques. Totalement protégée par ce rempart mental, elle n'entendait plus leurs mensonges.

    Dès le début en effet, ils avaient tenté de lui faire croire que ses amis avaient parlé, qu'ils tenaient sa mère mais elle savait que tout était faux. C'est à partir de ce moment qu'elle avait décidé de leur tenir tête en se réfugiant en elle-même tout le temps que durerait sa détention. Lorsqu'ils venaient la voir, ils la trouvaient prostrée, le regard étrangement fixe. Rien ne paraissait pouvoir la faire sortir de cette apathie. Même pas les gifles qu'ils lui assénèrent violemment en travers du visage, tuméfiant ses joues. Ils ne le firent d'ailleurs qu'une fois ou deux. Ils ne pouvaient se permettre de trop l'abimer, elle devait être présentable pour son procès.

    « Parfait ! Son attitude négative, son air abattu, son refus de coopérer, sont autant des preuves de sa culpabilité ! » Disaient-ils et le juge d'instruction acquiesçait en se frottant les mains.

    Quoi qu'il arrive donc, tout irait dans le sens souhaité par la Haute Autorité. Que l’accusée se taise ou qu’elle parle, que ses complices tentent ou ne tentent pas de la sauver, la victoire finale appartenait d'ores et déjà à la Justice. Il n'y avait désormais plus que contre ses tortionnaires que Mary ait à se protéger.

    Sans les brouilleurs, aurait-elle pu résister encore longtemps à l'incomparable puissance mentale de son mari ?

    En aurait-elle encore eu envie, plongée comme elle l'était dans les affres d'une angoisse si terrible qu'elle en étouffait parfois, surtout quand le désir de le sentir proche, d'entendre sa voix aimée se faisait si violent, si douloureux qu'il en devenait une torture pire encore que celle de l'enfermement dans ce cercueil plombé ? Dans ces moments là, rongée par la peur et le désespoir, sans doute lui aurait- elle enfin ouvert son cœur et son esprit, juste pour ne plus être seule, juste pour partager avec lui ce terrible secret qu'elle gardait au plus profond d'elle-même. Il aurait su alors et elle l'aurait plus que probablement perdu. Comment en effet aurait-il pu lui pardonner ce silence criminel?

    Elle était enceinte !

    Pour sa sécurité, autant que pour celle des siens déjà si durement éprouvés, Blue Hawk ne devait pas savoir.

    Elle vivrait ! Elle survivrait et quoi qu'il arrive elle trouverait en elle le moyen de protéger son bébé. Quant à Hawk, il se devait à la Roue, à cette mission dont elle ne comprenait toujours pas la finalité et dont rien pourtant, pas même elle ou son petit ne devait le détourner. Elle s'en sortirait, elle ne savait ni quand ni comment ni d'où lui venait cette certitude mais elle s'en sortirait et elle retrouverait Hawk. Ne lui avait-il pas affirmé que seule la mort pouvait rompre le lien entre les Mutants ? Un lien que leur amour rendait encore plus indissoluble.

    Étrangement, elle avait pressenti ce qui lui arrivait le jour même de son arrestation. En elle, aussitôt, elle avait étouffé violemment le souvenir si récent de leur dernière nuit d'amour.

    « Fais-moi un enfant ! » Avait-elle hurlé au plus fort du plaisir. Ô comme elle avait souhaité alors, tandis qu'on la traînait vers le fourgon cellulaire, que son vœu ne soit pas exaucé ! Mais c'était déjà trop tard, elle en avait eu la soudaine certitude. Tant qu'ils avaient été ensemble, pourquoi n’avaient-ils ni l’un ni l’autre capté cette minuscule étincelle de vie en train de s’allumer dans son ventre fécond ? Et ce en dépit du Pouvoir !

    Parce qu’elle était probablement encore trop minuscule justement, pour être aussi vite perçue et qu’ils étaient trop accaparés par d'autres soucis pour l'avoir décelée hélas ! S'ils avaient su, Hawk, tout comme elle, aurait refusé la séparation, même très courte, que le règlement de ses affaires leur imposait.

    Son pressentiment s'était confirmé au cours de sa première semaine de détention lorsqu'elle s'était plongée dans son refuge intérieur. Elle en avait été à la fois terrifiée et heureuse en dépit de la situation catastrophique.

    Elle allait avoir un enfant de Hawk ! Un petit Bluestone.

    Afin que nul ne découvre son merveilleux et douloureux secret, ni son mari ni ses juges ou ses futurs bourreaux, elle l'avait enfoui si profondément qu'il était aussi bien gardé que le trésor monétaire de la souterraine et souveraine Mondial Bank, au cœur d'une forteresse inexpugnable dont elle seule détenait la clé. Et ce n'était pas trop car après le procès, le pire resterait encore à venir.

    Pour faire croire à ses gardiennes qu’elle avait encore ses règles, elle tricha. Nul ne soupçonna la supercherie.

    Et aujourd’hui, dans cette assemblée qui la détaillait sans vergogne, qui aurait pu deviner en regardant cette grande jeune femme si pâle et mince, qu’elle portait en elle, la vie d’un petit mutant ?

    Elle jeta un regard sur le public. Une vieille femme la fixait intensément. Félie ! Quelle folie ! Elle était grimée et déguisée mais on pouvait la reconnaître à tout moment. Et l'arrêter ! Sa complicité avec sa fille ne faisait aucun doute. Entre leurs mains elle aurait servi de moyen de pression idéal pour amener sa fille à composition. Ils l'avaient recherchée en vain or voilà qu’elle était là, sous leurs yeux. Dieu ! Pas besoin de déguisement, elle paraissait plus vieille de vingt ans. La voir ainsi transperça Mary en plein cœur.

    Elle voulait crier mais elle ne le pouvait pas. Elle ne pouvait se permettre de manifester la moindre émotion. Un seul regard trop appuyé vers sa mère aurait immédiatement éveillé les soupçons des gops. Plus que cela, une seule défaillance émotionnelle de sa part aurait ébranlé ses défenses. Elle baissa donc les yeux, ignorant l’appel de détresse contenu dans ceux de Félie, ravagée de douleur et d’incompréhension. La vieille dame, le dos voûté, sembla soudain prise de malaise à la vue du monstre menotté qu'on amenait dans le box des accusés. C’est heureusement ainsi que fut interprétée sa réaction. Soutenue d’un côté par une belle jeune femme aux formes généreuses dans laquelle elle reconnut Flora, sa vieille amie de Pourrières et de l’autre par un homme râblé et bronzé qui n’était autre que Gaétan, son mari, elle quitta le tribunal. Son cœur se serra et se desserra. Douleur et soulagement mêlés.

    « Courage Mary ! » Entendit-elle. Et encore « Je ne peux rien faire, je suis seule. Hawk, Fleur et les autres sont obligés de se cacher mais ne désespère pas Mary, nous trouverons une solution ! Hawk trouvera une solution ! »

    «Fuis maman ! » Eut-elle envie de lui hurler télépathiquement mais elle ne le fit pas. Contre Félie aussi elle devait se blinder, d’autant que la simple mention de Hawk avait bien failli la terrasser. Alors, plus que jamais déterminée à ce que personne ne découvre son secret, elle renforça ses défenses, ne donnant à sa mère aucune preuve qu’elle l’avait entendue, ne lui laissant aucune prise sur son esprit cadenassé !

    Elle ne vit pas Hubert, ni Jézabel, Alexeï ou Surprise. Au même titre que les autres témoins, tels les parents de Surprise, Hortensia, le maire de Lille, ses collègues, des voisins, des patients et même de simples passants prétendant l'avoir vue pratiquer ses « diableries », ils ne pouvaient assister au procès jusqu'à ce qu'ils soient appelés à la barre par l'accusation.

    Aucun de ses amis n'avait pu se récuser sous peine de sévères poursuites. Tous savaient qu'elle assurerait elle-même sa défense, ayant refusé les services de l’avocat véreux commis d'office puisqu'elle ne pouvait s'en payer un valable.

    Il était venu la voir en prison. Il avait souhaité être séparé d'elle par une vitre en verre sécurit pour n'avoir aucun contact physique avec cette cliente peu ordinaire et hautement dangereuse. Peu lui importait de la bien défendre, elle était condamnée d'avance de toute façon.

    C'était un petit homme replet, chauve, cauteleux. Répugnant d’hypocrisie, il exsudait une malsaine satisfaction à l'idée de la jolie somme facilement gagnée qui l'attendait, quelle que soit l'issue du procès.

    On le lui avait promis s'il acceptait le boulot ingrat de représenter cette belle salope, là, derrière la vitre épaisse. Il allait plaider la culpabilité avec des circonstances atténuantes bien sûr ! On l'avait circonvenue et elle n'avait pas été assez intelligente pour résister à ces ordures de mutants ! Il avait suffi qu'elle se lève, qu'elle s'approche de la vitre et le regarde dans le blanc des yeux pour qu'il s'enfuie à toutes jambes, blême de trouille en braillant qu'il n'allait pas défendre une sorcière. Pas même pour tout l'or du monde !

    À la suite de cela, elle avait fait mander le juge d'instruction lui annonçant qu'elle ne voulait aucun des charognards qu'il lui enverrait. Elle plaiderait sa cause toute seule.

    L'auto-plaidoirie était une entorse à la procédure et, hormis dans des temps très anciens, elle n'avait jamais été utilisée. Mais après tout, à procès unique, procédure unique ! À ce jeu, l'accusée n'était sûrement pas de force. Que connaissait-elle des arcanes compliqués de la Justice? S'était-il dit. Il avait donc sollicité l'accord du Président de la Haute-Cour, lequel, dûment accrédité par le Gouvernement fit remonter la requête au plus haut avant d'y accéder à contrecœur.

    En écoutant la réponse du juge d'instruction, Mary savait ce qu'il pensait :

    « Si ça t'amuse ma jolie, vas-y ! Pour ce que ça va te servir ! »

    Elle ne le savait que trop bien, en conséquence de quoi elle avait décidé qu'elle n'appellerait aucun de ses amis à la barre. Pour quoi faire ? Autant leur éviter cela !


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  • Elle avait été interrogée pendant des heures mais elle s’était dérobée de la façon la plus étrange et impressionnante qui soit, en entrant dans une espèce de transe catatonique qui la mettait hors de portée de leurs questions autant que de leurs menaces. Les Policiers avaient aussitôt fait venir un médecin habilité. Ce n’est qu’après avoir été rassurés sur son sort - sa mort n’aurait arrangé personne - que sur ordre du juge d’instruction, ils l’avaient le jour-même incarcérée. Toujours dans un état de profonde léthargie, elle avait été mise au secret dans une prison dont aucun de ses amis ne put apprendre l'emplacement, enfermée sous bonne garde dans une cellule aux parois aussi épaisses que celles d'une chambre forte, sans fenêtres, oxygénée par une unique et inaccessible grille d'aération, éclairée et vidéo surveillée 24 h sur 24. Le tout bardé de puissants brouilleurs d'ondes mentales afin que les mutants ne puissent en pénétrer les défenses.

    On voulait les piéger certes, mais pas avant le procès qui devait avoir lieu pour l’exemple. C'est là qu'on les attendait, certains qu'ils prendraient des risques pour sauver l'une des leurs. Leur chef surtout ! Tout était prêt pour les cueillir. Pour le capturer lui, car privé de tête, le serpent ne pouvait que mourir, du moins l’espérait-on ! Alors pour être à coup sûr débarrassé d’un bon paquet de membres de cette racaille mutante, il fallait qu'ils viennent en grand nombre avec le fameux gourou de préférence.

    Mais peut-être sacrifieraient-ils cette pauvre folle qui n'était à leurs yeux qu'une normale après-tout ? Qu'importe ! Si le piège ne fonctionnait pas, l'exemple n'en serait que plus flagrant :

    « Voyez donc ces pleutres ! Ils abandonnent l'une des leurs à son terrible sort sans le moindre remords. Ils l'ont pervertie, souillée à jamais et maintenant qu'elle ne leur est plus d'aucune utilité ils la rejettent ! » Pourrait-on clamer. Oui, pour le leader de la secte maudite, la défaite n’en serait que plus cuisante. Aux yeux de tous, il passerait pour un lâche à la tête d’une bande de lâches !

     

    1er octobre, Palais de justice de Lille

     

    9h. Menottes magnétiques aux poignets Mary-Anne Conroy-Defrance entra dans la salle d'audience du Tribunal, encadrée par deux gops armés.

    Les flashes crépitaient, les caméras étaient en batterie. Grâce à elle, la capitale nordique allait devenir pour quelques jours le centre du monde. Les minutes de son procès éclair allaient être diffusées en direct sur toute la planète. En dépit de la gravité des charges pesant sur l'inculpée, il ne devait durer que quatre jours selon des sources autorisées. Le prétoire était comble. Ce n'était pas tant la personnalité de l'accusée que son appartenance à la secte maudite qui expliquait une telle affluence.

    En moins d'un mois, elle était devenue aussi mondialement et tristement célèbre que l'avaient été en leur temps Jack l'éventreur ou Landru. Et selon l'avis d'une écrasante majorité, ses crimes étaient encore plus odieux que ceux de ces horribles serial-killers.

    Les chefs d'accusation retenus contre elle, étaient nombreux et tous plus condamnables les uns que les autres : haute-trahison envers le Gouvernement mondial, tentative d'assassinat contre les Sages de Washington avec la complicité de la secte des mutants, collusion reconnue avec ladite secte. Implication dans l’évasion des lobos du camp disciplinaire d'Australie et donc complicité de meurtre des gardiens et du personnel du camp lors de cette évasion. Tentative de meurtre sur une femme enceinte.

    Mais par dessus tout, le plus grave des délits reproché à l’accusée, c’était son anormalité avérée. On avait de surcroît, des preuves irréfutables pour la totalité de ces forfaits. Qu'elles aient été fabriquées de toutes pièces n'effleura personne en dehors de ses amis et de ses proches. Qu'importe d'ailleurs ! N'avait-elle pas été dénoncée par sa meilleure amie ? Voilà la plus irréfutable des preuves !

    Quant au ramassis de mensonges et de contre-vérités, accumulés lors d'une enquête manifestement bâclée, ils n'étaient là que pour renforcer ce fait capital : Surprise Andrevski, épouse respectée d'un éminent chirurgien n'aurait jamais trahi sa meilleure amie sans raisons valables. Ce qu'en larmes sincères elle avait librement avoué aux autorités locales, puis aux enquêteurs gouvernementaux, ne pouvait être que la vérité ! En conséquence de quoi, les lourdes charges qui pesaient sur Mary faisaient craindre le pire à ses amis et à sa mère qui, bien que Fleur ait tenté de l'en dissuader, avait fait le déplacement pour être à ses côtés en dépit des risques encourus. On parlait déjà et avant même que le procès n’ait débuté, de lobotomie et d'internement à perpétuité en QHI qui faisaient office de peine maximum.

    À voir le retentissement incroyable donné à ce procès, il ne faisait aucun doute pour l'opinion publique que le verdict était couru d'avance et que l'accusée la purgerait bientôt cette peine largement méritée !

    La médiatisation à outrance était voulue, commanditée même par l’État tout puissant auquel la Justice était totalement inféodée. En rendant ce jugement public à l'échelle mondiale, les Sages de Washington parviendraient en un temps record au but qu'ils poursuivaient depuis des années : renforcer la peur des sectes et de l'anormalité, l’enfoncer dans les esprits asservis plus profondément que jamais auparavant. Pour cela, il fallait un exemple, une sorcière à clouer au pilori comme on l'avait fait autrefois pour celles de Salem avant de les brûler.

    La belle infirmière jusqu'alors au-dessus de tout soupçon, tombait à pic. Avec elle, ils tenaient leur sorcière ! Avant elle, ils avaient commis trop d'erreurs. Leur peur abjecte des mutants les avaient empêchés d'agir sainement. Ils en avaient tués beaucoup, en avaient arrêtés lobotomisés et internés sans jugement, plus encore.

    L'exemple avait fait long feu, le peuple oublie si vite ! Eux-mêmes n'avaient-ils pas coulé une lourde chape de secret sur ces prisonniers très spéciaux ? Par-dessus le marché, ils avaient tous réussi à s'évader sans qu’il soit possible de comprendre réellement comment ils y étaient parvenus. Ce que leur avait raconté Surprise Andrevski était à peine croyable : il aurait donc suffi de la guérison d’un seul d’entre eux par le Diable sait quel tour de magie noire pratiqué par l’accusée, pour qu’il puisse à son retour au camp, guérir un autre lobo qui en aurait à son tour guéri un autre et ainsi de suite, telle une réaction en chaîne. Autant de guérisons quasi spontanées d’une opération aussi irréversible que la lobotomie personnalisée, c’était inconcevable aux yeux des scientifiques qui avaient procédé à ces opérations en masse ! Cela donnait sérieusement à réfléchir sur le danger énorme représenté par les mutants capables de tels abominables prodiges et sur la nécessité absolue de les éliminer d’une manière ou d’une autre ! Vite, très vite !

    Pour parachever ce gigantesque fiasco, les Forces Spéciales des Gops, les redoutables et si efficaces FSG, n'avaient arrêté personne d'important depuis bien longtemps car voilà qu’en plus, ces diables de mutants paraissaient être devenus invisibles. Sitôt que les chasseurs des FSG à l'affût pensaient en avoir débusqué un, il leur glissait entre doigts tel une anguille ! Leur gourou lui, demeurait un mystère. Nul ne connaissait son visage ni même son nom. À croire qu'il n'existait pas !

    Au regard des circonstances, on comprenait mieux pourquoi, Mary-Anne Conroy-Defrance tenait une telle place dans la stratégie des autorités contre la secte maudite. En effet, cette « normale » odieusement pervertie par les démons mutants, constituait à elle seule une inestimable aubaine, dans le sens où elle pouvait servir à la fois d'appât pour attraper ses complices et d'exemple dissuasif pour tous ceux qui entretiendraient la moindre velléité de fraterniser avec l'ennemi. Ils étaient d'autant plus déterminés à la condamner qu’ils n’avaient rien pu tirer d’elle lors de son interrogatoire. Et pour cause !

    En dehors de ce que leur avait livré Surprise Andrevski, et c’était bien peu somme toute, ils n’avaient pas le plus petit renseignement réellement valable sur les mutants, la véritable étendue de leurs pouvoirs occultes, leurs mœurs probablement dissolues, leurs alliés ou les lieux secrets de leurs rencontres. Pas le moindre indice sur leur leader charismatique dont ils supposaient -à juste titre- que la détenue l'avait rencontré. Heureusement, ils ignoraient les liens profonds qui l'unissaient à leur prisonnière. Ses amis n'avaient rien dit à Surprise de son mariage avec le fameux Hawk et Dieu seul sait pourquoi, la jeune femme avait totalement oublié ou inconsciemment occulté cette partie de l'histoire que lui avait pourtant confiée Mary à propos de sa relation amoureuse avec l'homme de son rêve.


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  • La voix amplifiée d'un gop s'éleva :

    - Mary-Anne Conroy-Defrance! Vous êtes en état d'arrestation ! L'immeuble est cerné. Si vous vous rendez sans résistance, il ne vous sera fait aucun mal !

    Résister ? Ils étaient trente ! Trente costauds sans état d'âme, surentraînés, armés et casqués, le neutrolaser réglé à pleine puissance, juste pour elle, seule, sans autre arme qu'un pouvoir dont elle ne pouvait faire usage sans trahir l'éthique des siens. Et même si elle le voulait, elle en tuerait un, d'accord mais les autres l'abattraient tout aussitôt.

    Elle n'avait pas le droit de mourir ! Pas maintenant, juste au moment où elle venait de découvrir le bonheur avec l'homme de sa vie. Il fallait qu'elle vive, pour lui, pour qu'ils aient une chance d'avenir commun.

    « Mary ! » L'entendit-elle. C'était sûrement parce qu'elle pensait à lui. Il ne le fallait pas. Pour l'heure, elle ne pouvait se permettre de l'évoquer, sinon elle perdrait tout courage Elle se ferma totalement à lui. Il ne devait pas lire en elle toute la souffrance qu'elle endurait déjà. Il ne devait pas savoir à quoi elle pensait en ce moment- même !

    Elle lava minutieusement la vaisselle de son petit-déjeuner, alla faire son lit, ranger sa chambre. Ceux qui entreraient là par la suite pour y trouver des preuves de ses crimes n’y découvriraient aucun signe de la panique qui lui broyait le cœur. Elle prit même le temps de se doucher une seconde fois et enfila des vêtements propres. Elle vérifia minutieusement qu'il n'y avait rien de compromettant chez elle, s’étonnant de ce que personne ne soit là pour l'en empêcher. « Ils mettront les preuves qu'ils voudront de toute façon ! » Pensa-t-elle.

    Elle jeta un dernier coup d'œil au petit appartement où elle avait passé quelques années dans un heureux et aveugle bien-être puis elle sortit. Elle ne referma pas derrière elle, inutile ! Elle se dirigea calmement vers l'ascenseur, l'appela et descendit. Elle se blinda contre ce qui l'attendait en bas. Nul ne pourrait se repaître de sa peur. Car la peur la rongeait.

    On ne la tuerait pas, non ! Mais on allait faire d'elle une sous-humaine, elle ne le savait que trop bien. Elle aurait ce même regard qu’avait Antonio avant qu’elle ne le guérisse : éteint, inhumain, pire que celui d'un animal. Dieu ! Ne plus penser à cela ! Descendre dans l'arène ! Elle ravala ses larmes. L'ascenseur avait atteint le rez-de-chaussée. Elle sortit dans la lumière matinale. Elle vit à peine les gueules noires des neutrolasers braqués sur elle.

    Aussitôt qu'elle fut dehors un flot nauséabond de pensées mauvaises la submergea, menaçant de l'engloutir. Elle était si concentrée sur ses efforts pour résister à l'investigation mentale de Hawk qu'elle dut subir ces relents d'égout sans pouvoir s'en protéger.

    La foule amassée devant l'immeuble la regardait comme on regarde un monstre difforme, partagée entre horreur, dégoût, terreur et fascination. Elle les toisa, la tête haute, sans dédain mais sans honte non plus. Elle avait envie de vomir rien qu'à entendre ce qui grouillait dans leurs cerveaux malades de peur. Les gops agrippaient leurs armes, prêts à s'en servir au moindre geste de sa part. Fallait-il qu'ils la craignent ! Par bravade et n'ayant plus rien à perdre, elle s'enveloppa dans une légère aura bleutée. Si ce rempart atténua un peu les attaques mentales qu'elle subissait, il ne l’empêcha malheureusement pas d’entendre, les réflexions et les cris des badauds qui la percutèrent de plein fouet.

    - Regarde ! C'est elle le monstre ! Elle a l'air si normal, c'en est indécent !

    - Vous avez vu cette lueur bizarre autour d'elle ? C'est l'œuvre du Diable, sûr !

    - Elle est pareille que ces assassins qui viennent de s'évader en Australie vous savez ! C'est pas les enfermer qu'on aurait dû faire, mais les tuer tous !

    - Ça c'est vrai ! On tue bien les bêtes enragées alors pourquoi pas eux ? À quoi ça sert de les nourrir à rien foutre ces salauds de mutants ?

    - Ben… Il paraît que c'était de la bonne main d'œuvre et qu'ils bouffaient leur propre merde ! Ça coûte pas cher çà !

    - Moi je dis que c'était encore trop bon pour eux ! La preuve, ils ont réussi à s'en sortir !

    Nul d'entre ces gens ne s'avisait que ce don inouï de guérir par la seule force de la pensée, était plus un cadeau du ciel que l'œuvre du Démon. On les avait programmés depuis trop longtemps pour qu'ils puissent penser autrement !

    Certains d'entre eux qu'elle reconnut parmi les plus féroces des vociférateurs, l'avaient vue grandir. Ils l'avaient aimée parfois et toujours estimée, soit comme voisine, soit comme infirmière. À présent, ils la montraient du doigt en retenant l'envie de lui cracher dessus tant ils avaient peur d'elle. Une peur si palpable, si viscérale qu'elle l'atteignait plus rudement que les coups qu'ils auraient aimé lui asséner au passage. Elle avança. Ils reculèrent effrayés et tremblants derrière le cordon de police qui les retenait. Hostiles, les doigts croisés dans le dos pour conjurer le mauvais sort, ils sifflaient entre leurs dents les pires insanités. Les gops chargés de l’appréhender se resserrèrent autour d'elle, menaçants.

    - Ne bougez plus ou nous tirons ! Brailla leur chef, reconnaissable à ses galons.

    Elle repéra Surprise au premier rang, les yeux fixés sur elle, brûlant de haine et de répulsion. Elle y décela autre chose aussi, que son amie tentait de refouler : du chagrin, du remord, de la honte et, si infime pourtant, une lueur de doute…

    - Messieurs, je ne suis pas armée ! Dit-elle calmement en tendant vers les gops ses mains nues. J'ai une faveur à vous demander avant que vous ne m'emmeniez !

    - C'est quoi ? Questionna le chef, hargneux.

    - J'ai une amie ici à laquelle je voudrais faire mes adieux.

    - OK ! Mais faites vite ! Lui accorda-t-il, magnanime.

    « Elle ne peut pas fuir ! Pas avec cette foule enragée tout autour et nous trente prêts à tirer, quitte à blesser un innocent si elle tente quoi que ce soit ! » Pensait-il, le doigt sur la détente.

    Et il avait raison !

    Elle savait, elle, au contraire de tous ces braves gens qu’elle effrayait, que le danger ne venait pas d'elle mais des gops qui avaient réglé leur neutro sur une charge mortelle. Ils l'auraient tuée plutôt que de courir le risque de la voir s'échapper et cela en contrevenant à des ordres qui venaient de bien plus haut que le poste de police dont ils dépendaient. Réprimant sa crainte, elle marcha vers Surprise qu'elle tenait sous l'emprise hypnotique de son regard. Celle-ci, clouée sur place comme un papillon, tremblait d'effroi, privée de toute force. Quand elle fut près d'elle à la toucher, Mary se pencha et la prit dans ses bras, faisant mine de l'embrasser. Surprise suait la répulsion et la peur. Ça lui faisait très mal mais elle ne céda pas. Elle ne parla tout d'abord pas, préférant pénétrer de force dans l'esprit torturé de son amie :

    « Ne crains rien Surprise ta fille sera normale et belle ! Jamais je n'aurais pu te faire du mal. Ni à ton enfant ! ». En même temps qu'elle lui lançait ce message elle lui glissa dans la main son pendentif et l'obligea à resserrer les doigts dessus. Alexeï, arrivé entre temps se tenait derrière sa femme, l'empêchant de se dérober.

    « Un jour, tu le rendras à Hawk de ma part ! » Lui dit-elle encore en l'embrassant sur le front :

    - Au revoir ma chérie ! Le ciel fasse que nous nous revoyons un jour ! Ajouta-t-elle tout haut.

    Ce faisant, le regard rivé à celui de son amie pâle d'effroi, elle lui envoya très fort et très vite, une décharge de fluide destinée à la guérir de toutes les peurs dont des années de traitements et d'éducation lui avait bourré le crâne au point de la rendre malade, comme tant d'autres présents ce matin et qui ne s’en rendaient pas compte.

    - Ça suffit maintenant ! S'écria le lieutenant des gops en la tirant brutalement en arrière.

    Surprise n'avait pas bougé mais dans ses yeux à présent pleins de larmes, la douleur, le chagrin et un désespoir sans bornes avaient remplacé la répulsion. Trop tard !

    « Au revoir Mary, nous ne t'abandonnerons pas. Jamais ! Je ne te dis pas adieu, tu m'entends ? Pas adieu ! » Capta-t-elle tandis que les gops l'emmenaient. Elle saisit dans les yeux d'Alexeï tant de détermination qu'elle en conçut un espoir insensé.

    Et la voix rageuse de Hawk, son amour, se cognait impuissante à la muraille inexpugnable qu'elle avait érigée contre lui. Cette fois, en dépit de son immense pouvoir, bien plus fort que le sien jusqu’à ce jour, il ne parvenait pas à la détruire. Tout juste à la faire trembler. Mais Mary ne céda pas. Son cœur saignait de lui faire subir cela mais elle ne céda pas.

     


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  • 1er septembre 2058

     

    C'était l'aube. Quelque chose d'inhabituel tira Mary-Anne du lourd sommeil dans lequel elle avait sombré la veille. Hawk n'était pas près d'elle, c'était ça ! Alors pourquoi l'entendait-elle dans sa tête ? Elle n'était plus à Pourrières et pourtant c'était bien sa voix qu'elle entendait. Mais elle ne percevait pas les mots qu'il criait. Elle se dressa soudain sur son lit. Une impression de danger imminent l'envahit, lui donnant la nausée. C'est alors qu'elle comprit ce que son mari transmettait à son cerveau embrumé. Mais elle savait qu'il était déjà trop tard. Ils étaient là, en bas de l'immeuble et ils l'attendaient. La souricière était tendue, elle n'en réchapperait pas.

    « Fuis mon amour ! » Hurlait-il désespérément, bien qu'il sache lui aussi que toute fuite était impossible et que de là où il était, il ne pouvait rien entreprendre pour la sauver. Il était trop loin, trop fatigué. Il avait relayé Hubert au volant et quand il n’avait pas conduit, la pensée de Mary qui ne le quittait pas un seul instant, l’avait empêché de se reposer. Il ressentait durement les effets de ce manque de sommeil réparateur. Ses facultés s’en trouvaient fortement amoindries. Même le déplacement astral lui était momentanément interdit.

    S'il avait pu agir, rien ne l'aurait arrêté. Ni ses amis, ni la Mission, ni sa propre sécurité. Rien ne lui importait plus que de sauver sa femme, du piège qui allait inexorablement refermer sur elle ses impitoyables mâchoires d'acier.

    Et aucun de leurs amis, de quelque bord qu'il soit, ne pouvait intervenir sans se mettre lui-même en péril.

    Certains risquèrent le coup pourtant !

    Rares étaient les Mus résidant dans les grandes villes grouillant généralement de gops. Ceux qui, même éloignés avaient pressenti le désastre et tenté de prévenir Mary, n’y étaient pas parvenus. Aucun de leurs appels n’avait réussi à sortir la jeune femme de son sommeil comateux. Aucun de leurs avertissements répétés n’avait pu atteindre son cerveau anesthésié par la fatigue et par le trop plein d’émotions de ces dernières semaines. Un petit groupe déterminé à la sauver avant qu’il ne soit trop tard, s’était précipité toutes affaires cessantes vers Lille mais lorsqu’ils étaient arrivés aux abords du quartier où elle vivait, une armada de flics, neutrolaser en mains, le bouclait déjà. Quelques uns d’entre eux s’étaient discrètement faufilés pour aller aux nouvelles. Ils s’étaient retrouvés coincés au milieu d’une foule de curieux et de reporters massés devant l’immeuble de Mary. L’attroupement hétéroclite était tenu en respect par un impressionnant cordon de gops armés jusqu’aux dents. Impossible de rien tenter sans mettre en jeu leur propre vie. En désespoir de cause, ils avaient alors essayé de joindre leur leader afin qu'il tente à son tour de la prévenir.

    En vain !

    C'était au moment où il avait le plus besoin du Pouvoir que celui-ci l'abandonnait. Il se maudissait pour cette faiblesse et en aurait pleuré comme un gosse s'il n'avait eu besoin de toute sa concentration pour échafauder des plans de bataille. Sauver Mary était devenu son mot d'ordre. Il n'était pas prêt à écouter un avis contraire d'où qu'il vienne.

    Il se ferma obstinément à ceux des Anciens qui l'adjuraient de ne rien tenter qui le mette en danger, ni la mission qui lui incombait.

    Ils l'avaient désigné comme leur chef, des milliers de personnes comptaient sur lui aussi une seule, fût-elle sa femme, ne pouvait peser aussi lourd dans la balance que la survie de la Roue. Il les entendit mais ne les écouta pas, ne leur répondit pas. Aussitôt qu’il eut récupéré quelques forces, il se mit en route avec Hubert vers celle qu'ils aimaient tous deux.

    Mais la chasse avait réellement recommencé de plus belle. Bien avant d’atteindre Lille, ils apprirent qu'aux portes de la métropole et dans toute la région, on arrêtait sans leur expliquer pourquoi tous les individus, hommes, femmes, jusqu’aux enfants, pour peu que les interpellés présentent une taille suffisamment supérieure à la moyenne pour être suspecte. C’était aux yeux des autorités de la police mondiale, la principale caractéristique reconnue des mutants qui soit en outre quasiment impossible à dissimuler. Ordre était donné aux gops de les neutraliser sans sommation.

    Le petit groupe qui s’était porté au secours de sa femme n’avait dû sa survie qu’à un miracle, sans aucun doute ! Car ils avaient pu, en effet, glisser au travers des mailles serrées du filet tendu pour capturer Mary et toute personne tentant de lui venir en aide ! Force fut à Hawk, d'admettre qu'il ne pouvait aller plus loin. À quoi aurait-il servi, emprisonné et probablement lobotomisé séance tenante ? Tant d'innocents déjà, allaient payer très cher leur ressemblance, même insignifiante, avec les siens ! Il se terra, la mort dans l'âme et laissa Hubert reprendre la route vers Lille, le suppliant de tout faire pour sortir Mary de ce piège infernal. Elle était donc seule et dehors ils étaient nombreux. Au milieu de la foule morbide des curieux qui attendaient, se réjouissant à l'avance du spectacle, comme autrefois le peuple dans les arènes, il y avait Surprise, fébrile de la même impatience et qui criait à la trahison encore plus fort que les autres.

    Elle n'avait pu se résoudre à ce que celle qu'elle avait aimée comme une sœur et qui l'avait odieusement bernée, puisse ainsi se défiler et échapper au bras de la justice. Elle avait trahi tout le monde, avait bafoué l'idéale société dans laquelle elle avait la chance de vivre. Comment avaient-ils pu, tous, réchauffer en leur sein accueillant, amical, un serpent aussi venimeux et répugnant ?

    Pendant les semaines qui avaient suivi sa découverte de l’ignominieuse nature de Mary-Anne, elle avait joué la comédie du grand repentir à Alexeï, trompant ainsi sa vigilance. Il s'y était laissé prendre. Alors, elle avait enfin pu exécuter la vengeance qu'elle mûrissait depuis les aveux du monstre. La veille, elle l'avait donc dénoncée, sans une once de regret ou de remord. C'est seulement de cette façon qu'elle avait pu se laver de la souillure et de l'infamie : pendant vingt ans, elle avait frayé avec cette raclure de l'humanité, l'avait embrassée, avait ri avec elle, avait même mangé dans son assiette parfois ! Elle avait beau prendre des douches quatre fois par jour, elle se sentait sale, à jamais impure d'avoir touché cette saloperie de mutante !

    Si à présent Mary recevait toutes ces pensées, la veille rien ne l'avait avertie de ce danger. Rien ! Elle avait dormi, assommée de fatigue, sans rêve. Un sommeil étanche que rien n'avait pu percer. Même Hawk ne lui était pas apparu. Il avait trop à faire pour se projeter dans les rêves de sa femme. Et puis n'allaient-ils pas se retrouver très bientôt ? Ils auraient le temps alors de s'extasier de leur mutuelle présence, de se remémorer leurs magiques vacances, d'envisager leur avenir à deux, incertain, peut-être mais qu'importe, ils s'aimaient tant !

    À quoi lui servait désormais, d'imaginer ce qui aurait pu être ou ce qu'elle aurait pu faire si…

    D'en bas, des bouffées de haine lui parvenaient.

    Elle se prépara sans hâte, l'inéluctable viendrait bien assez vite. Elle se consola en pensant que Hawk était maintenant en sécurité. Sa mère aussi.

    Son esprit, clair à présent, lui permettait de capter les messages qui lui parvenaient de toute part, répondant à la question essentielle qu’elle lançait télépathiquement à ceux qui avaient la faculté de l'entendre : avait-elle la moindre chance de s'échapper ? Pouvait-elle ainsi qu'elle l'avait fait en Bretagne lors du rite du Savoir, se transporter instantanément hors de portée de ceux qui l'attendaient dehors ? Hélas, ils répondaient tous ce que son instinct lui avait déjà soufflé : c’était impossible ! Elle comprenait d’un coup que ce jour-là, elle avait effectué avec les autres et grâce à leurs pouvoirs conjugués, son premier voyage astral sans même en avoir conscience. Elle réalisait enfin, pourquoi elle avait pu rejoindre sa voiture à des kilomètres de là en un temps record : son enveloppe de chair n'avait pas bougé de Carnac. Seul son esprit, enveloppé dans une projection tridimensionnelle de son corps, avait fait le prodigieux déplacement, comme cela avait été le cas pour Hawk et pour tous les autres protagonistes de ce troublant évènement. Elle intégrait ce qu’elle avait en fait toujours su au fond d’elle-même. Ses sens brouillés par cette expérience avaient travesti la réalité des choses qu'elle voyait, faisant interférer les images de la falaise avec celles du site séculaire. Même la silhouette de Hawk désespéré près de la « Pierre levée » n'avait été qu'une vue de son esprit troublé !

    Hormis ce qu'elle avait appris d'elle ce jour-là, tout n'avait été que mirage! S'ils étaient doués de télé transportation, les Mus ne lui avaient pas montré comment faire. Non, s’ils avaient possédé cette fantastique faculté, Hawk sans nul doute possible, aurait été présent à ses côtés à l’instant même, prêt à se battre pour elle, pour eux ! Prêt à mourir avec elle ! Mais ne se télé transportaient que les héros des vieilles séries fantastiques d’avant la Grande Crise et elle était bien sotte d’avoir envisagé un court instant un tel miracle !

    Elle passa en revue les pouvoirs qu'elle possédait et comprit vite qu'ils ne lui seraient d'aucune utilité en la circonstance ou alors d'une manière tellement provisoire ! À peine suffiraient-ils à déstabiliser quelques secondes ses ennemis qui de surcroît, en profiteraient aussitôt pour l'abattre comme la sale bête qu'ils l'accusaient d'être.

    Toute démonstration de sa « monstruosité » ne pouvait que lui nuire. Elle termina donc tranquillement de se préparer, comprenant désormais le fatalisme de son mari. Chaque chose en son temps ! Rien n'était perdu tant qu'elle était en vie ! Elle avala consciencieusement un petit déjeuner très copieux dont elle savait qu'il constituerait probablement son dernier repas correct avant longtemps. La nourriture des prisons n'avait jamais eu bonne réputation.

    Tout en mangeant, elle commanda les infos du jour. Elle en était la vedette. Sur l'écran, on voyait sa fenêtre aux volets clos. Là-haut vivait le monstre, l'anormale, la bête hideuse et malfaisante qu'on s'apprêtait à capturer. On allait la mettre en cage pour le restant de ses jours après avoir fait en sorte qu'elle ne puisse plus jamais nuire. L'opinion publique était d'ores et déjà faite : elle était coupable ! Inutile de gaspiller l'argent du contribuable avec un procès. On n'avait qu'à la supprimer tout de suite, ça ferait des économies ! C’était ce qui ressortait des interviewes de quelques braves gens choisis dans le tas.

    « À défaut d'approuver leur justice expéditive, nous pouvons les comprendre ! Chacun sait aujourd'hui qu'elle a failli tuer sa meilleure amie avec le bébé qu'elle porte ! » Renchérissait l'envoyé spécial d'Info-Sept. Et le présentateur de ce flash d'ajouter son grain de sel en la dépeignant comme la pire des criminelles, instigatrice de la plus massive et meurtrière évasion du siècle. La nouvelle venait en effet de tomber sur tous les téléscripteurs : les six-mille mutants encore détenus en Australie, venaient de s'évader après avoir sauvagement massacré leurs gardiens ainsi que les médecins et tout le personnel affecté au camp. En tout huit-cents innocents égorgés par ces monstres sanguinaires !

    Comment cela avait-il pu être possible alors qu'ils étaient inhibés par la lobotomie ?

    La sorcière là-haut, en avait guéri un à Marne-la-Vallée et lui, avait guéri les autres à son retour en Australie. Voilà comment ils avaient pu commettre leur horrible forfait. C'est sa dénonciatrice qui le leur avait appris. Cette pauvre femme extrêmement choquée d'avoir côtoyé pendant plus de vingt ans une telle abjection, craignait encore aujourd'hui pour la vie de son enfant à naître. Son mari, un chirurgien de renom, la soutenait dans cette épreuve et se montrait fier du civisme de sa femme. Lui-même, outragé d'avoir reçu Mary-Anne Conroy-Defrance comme une amie alors qu'elle était sous ses ordres à Hippocrate, déclarait n'avoir jamais rien remarqué d'anormal chez son infirmière, ce qui la rendait à ses yeux, d'autant plus coupable.

    Une telle duplicité était incroyable ! Impardonnable  surtout !

    Le visiophone bipa et l'écran s'alluma sur un Alexeï décomposé. Il découvrait le reportage sur le télécran de sa voiture. Il était à quelques pas de chez elle.

    - C'est faux Mary ! Je te le jure ! Je n'ai rien déclaré à ces charognards de journalistes si ce n'est que je n'ai jamais eu à me plaindre de toi que ce soit en tant qu'infirmière ou comme amie. Ils ont délibérément déformé mes propos ! Je suis terrifié par ce qu'a fait Surprise. Je n'ai pas ta faculté de lire dans les esprits et celui de ma femme m'est devenu hermétique. Elle m'a bien eu, crois-moi ! Je n'ai rien vu venir. Elle avait l'air d'aller tellement mieux. Elle m'a dit qu'elle allait faire des courses, elle était si calme et souriante que je n'y ai vu que du feu ! Je suis sous pression depuis tes aveux ! Entre le boulot et une surveillance de tous les instants, je suis tellement crevé que j'ai perdu le contrôle ! Si tu savais comme je m'en veux !

    - Il ne faut pas Alex ! Ce n'est pas ta faute !

    - Elle me fait peur Mary ! Je ne la reconnais plus ! Quand elle est rentrée du poste de police, elle jubilait d'une joie si féroce que j'aurais pu la frapper.

    - Alex, voyons !

    - Tu aurais dû la voir Mary ! Son visage était méconnaissable, tordu de haine et suintant la méchanceté à l'état brut ! Ce n'était plus ma douce Surprise ! À l'en croire, elle a fait ça pour le bébé ! Elle pense qu'il va naître anormal ! Elle a juré que si c'est le cas, elle le livrera aux autorités médicales à fin d'expériences. Elle dit qu'au moins, comme ça, son malheur aura servi à quelque chose. Elle le leur a déjà promis et ils sont preneurs ces détraqués ! Elle est en bas, en première ligne devant ton immeuble, tu l'as vue ?

    - Oui, hélas !

    - Je sais que c'est beaucoup te demander, quand tu vas sortir, si tu pouvais…

    - Si je peux l'approcher, si les gops me laissent ce droit, je ferai tout ce que je peux pour la guérir, c'est promis !

    - Merci ! Et moi, que puis-je faire pour t'aider ?

    - Rien pour l'instant ! Et c'est pareil pour Hubert et Jézabel, dis le leur ! Inutile de vous mettre en danger par des actions inconsidérées ! Ils sont à cran en bas et je sais qu'ils n'hésiteraient pas à tirer sur vous !

    - Je ne peux pas croire qu'ils… Mon Dieu ! À quelle époque vivons-nous ?

    - À qui le dis-tu !

    - Et Hawk ?

    Évoquer son mari lui était douloureux. Elle dut retenir ses larmes pour lui répondre.

    - Il a été contraint de rebrousser chemin ! Il m’a appris qu’un groupe avait tenté de venir jusqu’à moi…Pauvres fous ! Heureusement, ils ont pu s’échapper à temps ! Les gops arrêtent des tas d’innocents un peu partout, en ville, aux alentours et même jusqu’aux limites de la région, juste parce qu’ils ressemblent peu ou prou aux mutants ! Des femmes, des gosses, des vieillards …

    - Mais les autorités vont vite se rendre compte de leur erreur ! Ils vont les libérer aussitôt !

    - Détrompe-toi hélas ! « Ils » ne reconnaissent jamais leurs erreurs !

    - Qui ça « Ils » ?

    - Les prétendus Sages du gouvernement. Il leur faut des exemples ! Comme ces pauvres gens, comme moi ! À la différence près qu'eux n'ont rien fait de mal.

    - Toi non plus Mary !

    - Il n'y a pas si longtemps, tu n'aurais pas dit ça ! Pas plus que moi d'ailleurs !

    - Tu vas avoir un procès n'est-ce pas ? Je témoignerai en ta faveur ! Hubert et Jézabel aussi ! Nous prouverons ton innocence, tu seras relaxée, il ne peut pas en être autrement !

    - Ne sois pas si naïf Al ! Je suis déjà jugée et condamnée, n’en doute pas ! Mon procès sera une mascarade. Il va venir à point nommé servir la cause de l'obscurantisme. Ils pourront dire haut et fort : « Regardez ce que ces démons ont fait d'une femme comme vous : une dépravée, une anormale de la pire espèce ! Un monstre ! Voilà ce qu’ils risquent de faire de nous tous si nous ne mettons pas un terme à leurs exactions ! Ne jette-t-on pas le fruit pourri qui menace de pourrir tous les fruits sains ? » Quel prétexte idéal et opportun pour eux d’enfoncer un peu plus le clou de la peur chez tous les « normaux » ! Aujourd’hui, à défaut d’autre chose, c’est moi le fruit pourri à éliminer mais crois-moi, il aurait pu s'agir de n'importe qui d'autre !

    - Voyons Mary ! Ça n’est pas possible !

    - Mais si Al, ouvre les yeux, c'est la chasse aux sorcières, comme autrefois ! Nous avons tous été programmés pour penser ainsi. Même moi, même toi ! Prends garde à toi ! Ta notoriété devrait les empêcher de te faire des ennuis mais tout de même, fais attention ! J'ai été ton amie et c'est sûrement déjà un crime à leurs yeux soupçonneux ! Je dois y aller maintenant, les chiens s'impatientent en bas !

    Elle coupa la communication. Il était 8h. Dehors, la foule trépignait, avide de sensations fortes.


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