• 25 avril 2059. Ielo, 6 H 30

     

    Baignée de sueur, Mary gisait au milieu des draps froissés. Elle avait perdu les eaux et luttait pour mettre ses enfants au monde. Elle avait un mois d’avance sur la date approximative qu’avait calculée Gertrud lors des examens qu’elle lui avait fait subir en prison. Arquée sous les assauts rapprochés des contractions, elle gémissait doucement. Bien qu’elle soit une primipare, les bébés paraissaient pressés d’arriver. Persuadée de l’imminence de l’accouchement, l’allemande s’y était préparée. Depuis quelques jours elle ne dormait que d’un œil, refusant de se laisser aller à un sommeil vraiment réparateur. C’est le hurlement de douleur de Mary qui l’avait réveillée vers 4h. Elle s’était aussitôt levée pour aller chercher Lûba mais celle-ci était déjà derrière la porte accompagnée d’une jeune femme du village. Elle savait !

    - Voici Zinaïda, ma petite-fille. C’est une future guérisseuse. Elle a le don tout comme moi. Elle peut nous aider, si tu le veux bien ! Nous ne serons pas trop de trois avec ces deux petits tellement pressés de voir le jour ! Annonça-t-elle sans se départir de son éternel calme dès qu’elle eut franchi le seuil de la maisonnette.

    Cette clairvoyance exaspérante dont faisait preuve la vieille iakoute, tenait à ses yeux plus de la sorcellerie que de la simple intuition. Elle se posta illico près de Mary dont elle commença à s’occuper sans un mot. Sa présence rassurante eut le don de calmer instantanément la parturiente qui cessa aussitôt de crier.

    « Une sorcière, décidément ! » Pensa Gertrud excédée que cette femme, cette inconnue pour Mary, ait plus de pouvoir qu’elle auprès de sa protégée.

    - Non répondit l’intéressée, répondant à cette réflexion pourtant informulée. Les sorcières n’existent pas si ce n’est dans ton imagination ou dans les contes de fée petite mère !

    - Pfttttt ! Se contenta-t-elle de lâcher, prête à exploser

    - Calme- toi et fais l’effort de me croire pour une fois ! Ce que je sais, tu le sais aussi. Ce que je possède, tu l’as en toi mais tu ne l’utilises pas car tu ignores qui tu es comme la majorité des gens d’aujourd’hui. Comme eux, parce qu’on t’y a forcée tu as rejeté ta vraie nature qui est celle commune à toute l’humanité

    - Bla bla bla ! Jeta-t-elle.

    Comme à son habitude elle ne saisissait pas vraiment le sens profond de ces mystérieux propos. Elle se dit juste qu’une fois de plus Lûba l’avait percée à jour un peu trop facilement à son goût, pour ne pas changer. Ce constat l’énervait passablement alors qu’elle avait besoin de toute sa maîtrise pour venir en aide à Mary.

    Il fallait reconnaître que contrairement à elle, la vieille iélote, avait une longue pratique des choses de la vie. Elle, elle avait eu des enfants bien sûr mais elle n’avait jamais mis au monde ceux d’une autre femme. Qu’aurait-elle pu faire sans Lûba et ses potions miracles, ses onguents aux pouvoirs apaisants, ses gestes doux et sûrs, ses dons innés de guérisseuse et de sage-femme transmis de mère en fille depuis des générations ?

    Sitôt entrée, d’un simple coup d’œil, elle avait évalué la situation. Elle avait alors posément pris les choses en main, distribuant les tâches avec autorité et douceur.

    Elle avait fait boire à Mary une tisane aux herbes médicinales qui avait très vite calmé sa douleur, remplaçant ses cris stridents du réveil par des gémissements moins usants pour les nerfs. Puis elle lui avait enduit l’abdomen d’un baume lénifiant aux huiles essentielles tout en prononçant une espèce d’incantation qui avait eu pour effet d’apaiser totalement la future maman. Seules les contractions qui la faisaient régulièrement se cambrer, témoignaient du travail de l’accouchement. Pendant ce temps, efficace et silencieuse, Zinaïda avait mis de l’eau à bouillir sur l’antique poêle dans lequel brûlait la tourbe. Puis elle avait préparé des serviettes propres qu’elle avait soigneusement empilées sur un guéridon tandis que Lûba et elle changeaient les draps souillés du lit.

    À présent, revêtue d’une ample chemise de nuit, Mary était allongée sur la grande table de chêne recouverte d’un drap immaculé, les reins légèrement surélevés par un gros oreiller. Près du feu ronflant joyeusement, le berceau de bois douillettement garni était prêt à accueillir les deux nouveaux -nés. Plus large que les autres, conçu tout exprès pour des jumeaux, il avait été fabriqué par l’ébéniste du village. Sur le guéridon il y avait aussi les deux couteaux stérilisés finement aiguisés qui devaient servir à couper les cordons ombilicaux. Ils baignaient dans une décoction dont Lûba gardait jalousement secrète la composition. Gertrud savait seulement qu’elle avait des vertus cicatrisantes rapides et qu’elle renforçait l’action stérilisante de l’eau bouillante.

    Apparemment, dans ce coin reculé du monde, on ne connaissait pas les médicaments modernes ! À bien y penser, on se serait crus de retour au Moyen-âge ! Qui aurait l’idée de venir les chercher ici ? Mais ce n’était pas l’heure pour se poser des questions sur leur sécurité ! Mary allait enfanter ! Elle avait beau se fier aux évidentes compétences de la sage-femme, Gertrud ne pouvait empêcher son cœur de battre la chamade et ses tripes de se nouer d’appréhension.

    En repensant terrifiée à tout ce qu’avait déjà enduré Mary, elle se disait que cet accouchement à l’ancienne, dans ce trou perdu éloigné de toute unité médicale correcte pouvait s’avérer risqué. Surtout qu’il s’agissait de jumeaux en plus ! Si ça devait mal se passer…Si elle en mourait…Après tout ce qu’elles avaient traversé ensemble, les dangers qu’elles avaient courus, qu’elles couraient encore … Ce serait trop injuste !

    - Ne crains rien Gertrud ! Tiens-lui la main, aide la à pousser quand il le faudra et tout ira bien petite mère !

    - Mais son cerveau est mutilé…les bébés…

    - Ils sont non seulement beaux et sains, parfaitement constitués mais en plus, ils sont exceptionnels ! Leur esprit est aussi brillant que l’était celui de leur mère avant que les bourreaux à la solde du Dragon n’accomplissent leur sale besogne. Ils seront aussi puissants, plus même que celui qui les a engendrés. Sais-tu quel est leur nom ?

    - Bien sûr que non quelle question! Parce que toi tu le sais, peut-être?

    - Oui, je le sais ! Ils me l’ont dit. Océane est celui de la fille, Petit Faucon, celui du garçon.

    - Fariboles ! Tu inventes ou tu déraisonnes Lûba ! Je crois que l’âge te……

    - Mon âge n’a rien à voir là-dedans ! La coupa-t-elle. C’est ainsi ! Accepte donc les choses telles qu’elles sont, femme ignorante, sinon tu vas souffrir ! Je te l’ai déjà dit, leur père les recherche. Ils ne t’appartiendront jamais ! Allons ma fille, assez palabré maintenant, ils arrivent !

    En effet, Mary recommençait à geindre doucement, donnant raison à Lûba qui fit couler entre ses lèvres une nouvelle rasade de sa mystérieuse potion analgésique. On était bien loin des techniques très affûtées d’accouchement sans douleur, pratiquées dans les Hôpitaux là bas, si loin, dans ce monde civilisé qu’elle était en train d’oublier !

    - Allons-y, c’est le moment, déclara la iakoute.

    Elle cala le pied droit de Mary contre la hanche menue de Zinaïda et le gauche contre celle plus large de Gertrud. Elle -même se plaça au bout de la table, entre les jambes de la parturiente pour officier.

    - Vas-y ma belle, pousse maintenant ! Pousse tes petits hors de ton ventre ! Pousse ! Psalmodiait la sage-femme.

    Instinctivement, obéissant à la voix persuasive, Mary poussait et haletait alternativement. Lûba la stimulait et lui épongeait le front tout en guettant la progression du premier jumeau dans le col maintenant grand ouvert. Gertrud lui tenait la main et l’encourageait aussi du mieux qu’elle pouvait en lui murmurant des mots tendres comme le ferait une mère à son enfant. Elle avait l’impression que le travail durait depuis des heures quand, d’une ultime poussée laborieuse, arquée sous l’effort, Mary expulsa son premier né en hurlant.

    C’était le garçon. Un épais duvet blond recouvrait son crâne délicat. À l’instant même où il sortit, il cria vigoureusement pour marquer son entrée dans le monde et dans la lumière. Un braillement victorieux et libératoire. Lûba coupa le cordon, ligatura soigneusement l’ombilic avant de poser le bambin rouge et braillard sur la poitrine de sa mère qui referma aussitôt les bras sur lui.

    Les poussées reprirent presque dans la foulée. Lûba eut tout juste le temps de recueillir entre ses mains, la ravissante petite-fille très brune qui suivit son frère en criant presque aussi fort que lui. De soulagement aurait-on dit.

    Il s’était écoulé à peine cinq minutes entre les deux bébés. Océane rejoignit Petit Faucon dans le doux cercle des bras maternels. Gertrud fut sûre cette fois, d’avoir vu un vrai sourire éclairer le visage apaisé de Mary.

    - Bienvenus sur cette terre mes petits anges ! Clama Lûba en s’épongeant le front.

    Zinaïda retira les nourrissons des bras de leur mère pour leur donner les premiers soins. Mary ne résista pas.

    C’est à peine si elle réagit lorsque Lûba appuya sur son abdomen pour expulser le placenta. Elle se laissa faire de la même façon sans le moindre gémissement, quand Gertrud la lava puis la recoucha délicatement entre les draps propres de son lit.

    Épuisée, elle s’endormit aussitôt comme le firent ses enfants, propres et habillés de mignons vêtements tricotés et cousus par les femmes du village.

    Réunis dans le grand berceau près du feu, tournés l’un vers l’autre, les yeux clos et le souffle paisible, ils étaient adorables. Gertrud les regardait, émue, émerveillée. Elle ne cessait de s’extasier de cette double naissance miraculeuse à plus d’un titre. Finalement, tout avait été si facile ! On n’avait eu nul besoin des progrès de la médecine, ni de ceux de la domotique.

    Un antique poêle, de la tourbe, de grandes marmites d’eau bouillante, des potions étranges, des onguents qui ne l’étaient pas moins, une table rustique et solide et les doigts magiques d’une vieille sage-femme aux méthodes ancestrales pour aider le travail de la nature ! C’était tout ce dont avait eu besoin Mary pour enfanter de ces deux inestimables petits trésors dont elle, Gertrud Baumann, se sentait d’ores et déjà la grand-mère jusqu’à la moelle.

    - Tu ne seras jamais leur grand-mère, cesse donc de te leurrer ! Mary n’est pas ta fille ! Lui rappela Lûba, la tirant brutalement de son rêve éveillé.

    - Pourquoi ? J’en ai bien le droit ! Il ne lui reste que moi désormais et comme elle n’a plus sa tête, les petits ne pourront compter que sur moi !

    - Pour un temps seulement, souviens-toi !

    - Lûba, tu m’agaces à toujours croire que tu sais tout d’avance ! Quand les enfants seront assez…

    - Tu n’auras pas le temps de fuir mamouchka, crois-moi ! N’écoutes-tu donc jamais ce que je te dis ? Il va venir te les reprendre !

    - Qui va venir ? Leur père le fameux faucon ? Il ne sait pas où nous sommes ! Comment le saurait-il ?

    - Il sait pourtant !

    - Qui le lui aurait dit ?

    - À quoi bon t’expliquer des choses que tu refuses de comprendre ? Tu es une entêtée de la pire espèce Gertie !

    Ladite Gertie n’écoutait plus, toute à la contemplation des amours de bébés endormis.

    - Je vais les appeler…

    - Océane et Petit Faucon !

    - Ridicule ! Macha et Sacha, voila qui leur irait bien mieux, en souvenir de l’endroit où ils sont nés, tu ne trouves pas ?

    - C’est peut-être vrai mais ils n’aimeraient pas ! Océane et Petit Faucon sont les prénoms que leur a choisis Mary.

    - Elle ne…

    - Quand elle a su qu’elle était enceinte, elle a su très vite aussi que ce serait des jumeaux ! Voilà ce que moi je crois !

    - N’importe quoi ! Et toi, comment tu sais tout ça ?

    - Gertrud folle enfant, tu n’écoutes vraiment que ce que tu souhaites entendre ! Je te l’ai déjà dit, ce sont eux qui m’ont soufflé ces prénoms ! Parce que ce sont les leurs !

    - Crois ce que tu veux ! Moi en tous cas, quoi qu’il arrive je les appellerai Macha et Sacha ! Ils sont trop petits pour avoir le choix !

    - Fais comme bon te semble ! Je renonce à te faire comprendre que tu te trompes et que tu finiras par te mordre les doigts de ton stupide entêtement !

    Toujours en adoration devant les jumeaux, l’ex-gardienne faisait la sourde oreille. Leur tâche accomplie dans la maisonnette des bois, Lûba et sa petite-fille s’en retournèrent au village.

    À 8h, au moment précis de la naissance des petits, le glas avait retenti au loin. Un travail d’un tout autre genre attendait la vieille femme.

    - La nature respecte ses propres lois, deux morts pour deux vies, c’est le prix ! Avait-elle dit en entendant le triste tintement.

    À Ielo, deux vieillards venaient de quitter le monde à tout juste cinq minutes d’intervalle. Un mari et sa femme tout deux âgés de 127 ans. Ils avaient fait leur temps sur la terre et laissaient naturellement leur place à de jeunes pousses !

    Le soir venu, étendue au fond de son lit sous l’épaisse couette de plumes, recrue de fatigue, Gertrud ne parvenait pas pour autant à trouver le sommeil. Un détail troublant qu’elle avait tenté d’oublier, revenait la tarauder. Le matin-même, alors que le cœur gonflé de tendresse, elle contemplait les jumeaux endormis, ils s’étaient réveillés ensemble et leurs yeux s’étaient posés sur elle.

    Véritablement et intelligemment posés sur elle !

    Ils l’avaient regardée comme s’ils la reconnaissaient. Elle s’était sentie sondée, transpercée jusqu’à l’âme et jusqu’aux tréfonds de son esprit plein de confusion, par ces deux paires d’yeux inquisiteurs…

    Les élucubrations de cette vieille gâteuse de Lûba l’avaient sûrement influencée. Il ne pouvait s’agir d’autre chose !

    Elle ne pouvait qu’avoir imaginé ces regards intelligents bien entendu ! Les nouveau-nés sont à peine plus que de petits animaux ! Puis elle se rappela qu’elle avait entendu, ou cru entendre leurs deux voix murmurant dans sa tête alors qu’ils n’étaient même pas encore sortis de l’utérus de leur mère…


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  • 16 avril.

     

    Ses enfants allaient naître très bientôt. Hawk le sentait. Une fois encore il avait eu une vision dans laquelle il avait été tour à tour Mary et l’entité double des jumeaux.

    Momentanément incarné en sa femme, il avait senti sur son ventre tendu, des mains douces qui le massaient et le soulageaient de ses tiraillements douloureux. Puis, dans ce ventre assoupli par le baume, il avait été les jumeaux en train de se retourner ensemble, prêts à entreprendre la traversée vers la vie, pressés de voir enfin la lumière après ces longs mois d’obscurité. Mieux, ou pire encore, il avait été quelques secondes la vieille femme qui soignait Mary. Par ses doigts, il avait pu toucher la peau soyeuse de celle qu’il adorait.

    La savoir vivante et en sécurité provisoire apaisait un peu la tristesse qui l’avait envahi. En regardant sa sœur solitaire et prostrée assise non loin de lui, il se rappelait qu’il venait de perdre deux de ses plus fidèles amis. D’autres, des imprudents, avaient payé la rage meurtrière de celui qu’entre eux ils appelaient le Dragon noir. Une rage qui enflait au fur et à mesure que les rangs de ses adeptes s’éclaircissaient, forces de l’ordre comprises.

    En effet, s’ils n’avaient vraiment adopté la cause des Mutants, beaucoup de gops refusaient désormais de les pourchasser sans une bonne raison. Autant parce qu’ils craignaient la vindicte des nombreux ralliés à ce mouvement que tous appelaient maintenant « la Roue Universelle », que parce qu’eux aussi avaient entendu le discours édifiant du Rassembleur et en avaient tiré la conclusion que peut-être on leur mentait au sujet de ces gens pour le moins pacifiques en les dépeignant comme des guerriers assoiffés du sang des « normaux ». Ce revirement était également dû au fait que, travaillés au corps par Alexeï et ses amis, bon nombre de médecins pratiquaient à présent une médecine saine, sans abus de psychotropes et autres pilules visant à annihiler la libre pensée.

    Ne pouvant plus attaquer les mutants de front et en toute légitimité comme auparavant, le Dragon et ses sbires intriguaient en coulisse.

    À leur instigation s’étaient créées des milices composées de tristes sires que leurs actes répréhensibles exposaient au chantage du grand manipulateur secret de la Maison Blanche. Pour ne pas encourir ses foudres mortelles, ils dénonçaient ou arrêtaient eux-mêmes de braves gens dont ils convoitaient la place ou les biens. Il ne faisait pas bon être grand et brun, même si l’on n’avait pas les yeux bleus.

    TV7 se faisait l’écho de cette nouvelle vague de violence injustifiée et totalement incontrôlée. On accusait ouvertement Solomon Mitchell d’en être à l’origine. Son auréole pâlissait auprès des Sages qui lui étaient jusqu’alors demeurés fidèles. La plupart souhaitait sa démission sans oser la lui demander. Il continuait à les tenir au creux de sa main par la peur et le chantage. Ne savait-il pas tout sur chacun d’entre eux depuis longtemps et plus encore depuis le raid astral des mutants sur la Maison Blanche ?

    Il exerçait sur eux une oppression mentale aussi forte que celle qu’eux-mêmes et leurs prédécesseurs avaient fait peser sur le Monde depuis plus de vingt ans.

    Un monde qui se réveillait, se libérant petit à petit de ce joug grâce aux idées véhiculées par la Roue et par ses adeptes de plus en plus nombreux. Fidèles à leur nature pacifique, les Mus agissaient en douceur afin de ne pas ajouter la violence à la violence. Pas question pour eux de se comporter comme ces missionnaires d’autrefois qui, au nom de leur Dieu, imbus de ce qu’ils croyaient être leurs divines prérogatives, pacifiaient et évangélisaient de forces des peuplades qu’ils qualifiaient arbitrairement de primitives, les obligeant à renier leurs propres croyances.

    On en revenait toujours hélas, au rejet de ce qui est différent. Éternel Narcisse, l’Homme ne se plaît qu’en son propre reflet. Lorsqu’il en a le pouvoir, il cherche toujours à façonner les autres à sa ressemblance.

    Hawk Bluestone ne croyait pas qu’un Dieu ait créé les hommes à son image mais plutôt que de tous temps, c’était les hommes qui avaient inventé des divinités leur ressemblant.

    « Accepter les autres comme ils sont et non comme nous voudrions qu’ils soient, disait-il, c’est prendre le risque de tuer le Narcisse que nous portons en nous. Il faut pourtant apprendre à troubler le reflet qui est dans l’eau afin de ne pas s’y noyer. Apprendre à briser le miroir dans lequel nous nous regardons, afin de briser l’ancestrale peur de la différence. »

    En bon rassembleur qu’il était, il ne voulait pas que le ralliement soit un renoncement. Il voulait que la liberté reste un choix, même si ce choix consistait pour certains, à préférer la prison de la peur ; auquel cas ses amis et lui se contenteraient de leur en proposer la clé. À eux de s’en servir ou pas. Ils n’auraient plus l’excuse de l’ignorance.

     


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  • 15 avril 2059, terre d’asile

     

    Dans la maisonnette de bois au milieu de la forêt perdue, Mary n’était plus loin de la délivrance bien que ce soit encore trop tôt. Les bébés allaient naître un bon mois avant terme tout de même ! Gertrud en était sûre. Elle avait pris le temps d’examiner de plus près la future mère dont le ventre très gros au regard de son extrême maigreur, lui avait enfin laissé deviner qu’il n’y avait pas qu’un petit à venir mais deux ! Depuis, elle couvait sa protégée des yeux, certaine que l’accouchement n’allait plus tarder. Les signes ne manquaient pas pour la persuader qu’elle avait raison. Mary se fatiguait très vite. Elle la surprenait de plus en plus souvent une main plaquée au creux des reins, le ventre pointé en avant, une grimace de douleur déformant ses traits habituellement sereins. Sans expression particulière était plus juste, devait-elle s’avouer !

    Elles n’étaient arrivées que depuis une quinzaine dans leur retraite secrète. Le voyage avait été long et éprouvant pour les deux fuyardes. Pour elle surtout qui avait du faire de fréquents arrêts pour soigner Mary lorsqu’elle avait pris froid et que brûlante de fièvre, elle gémissait sans discontinuer sur la banquette arrière. Une dure épreuve pour ses nerfs et son corps déjà fatigués par de longues heures de conduite sur des routes cahoteuses. En effet elle avait dû prendre des chemins de traverse pour brouiller les pistes des gops lancés à leur poursuite. Son implant cortical aurait dû servir de balise à ceux qui la recherchaient or inexplicablement il semblait être devenu inefficace. Pour autant elle avait voulu limiter les risques au maximum en évitant les grands axes

    Elle se félicitait d’avoir embarqué du carburant, même si le surpoids des jerrycans dans son coffre déjà surchargé de bagages la ralentissait considérablement, car si sur les autostrades et les routes principales, les pompes étaient surveillées, les voies qu’elle s’était obligée à emprunter par mesure de sécurité, étaient non seulement à peine praticables tellement la fonte des neiges les rendaient boueuses mais de surcroit, on n’y trouvait aucune station d’essence. Sa dernière goutte de réserve utilisée, elle n’avait pu refaire un plein qu’à une centaine de kilomètres de sa destination à l’unique pompe d’un petit bled tellement paumé qu’il paraissait quasi miraculeux qu’on puisse y trouver du carburant alors qu’on ne voyait pratiquement aucune voiture y circuler !

    À présent, elle se reposait enfin et regardait Mary se remettre de tout ce qu’elle avait enduré pendant sa captivité. Petit à petit, elle reprenait du poids et des couleurs. Hélas, aucune lumière ne s’allumait dans ses yeux désespérément vides ! Sauf parfois - mais elle savait que c’était une illusion d’optique - quand sa protégée contemplait le soleil encore pâle de ce début de printemps. La lune et les étoiles paraissaient également exercer sur elle une fascination qui la tenait des heures entières les yeux levés au ciel, jusqu’à ce qu’elle tombe de sommeil.

    À l’orée de la forêt, dans le petit village d’Ielo bâti sur pilotis qui les avait vues se pointer un beau matin fourbues et affamées, nul ne s’était étonné de leur arrivée. On ne l’avait pas questionnée sur sa passagère enceinte et maladive dont le visage encore marqué d’ecchymoses, témoignait des coups qu’elle avait reçus.

    On les avait nourries, réchauffées et logées le temps qu’elles reprennent des forces puis, comprenant d’instinct qu’elles devaient se cacher, on les avait conduites sans mot dire jusqu’à cette petite maison en rondins au confort rudimentaire. De nombreuses années avaient passé cependant beaucoup d’entre eux se souvenaient de la jeune étudiante venue passer là, avec l’homme de sa vie, quelques semaines idylliques loin de l’agitation de la ville. La maisonnette avait été retapée, remeublée et rendue habitable comme si les deux fugitives avaient été attendues. Mais Gertrud connaissait les gens d’Ielo, leur sens inné de l’accueil ainsi que la formidable intuition des anciens de ce village du bout du monde. Elle aussi se souvenait d’eux !

    Vingt ans après, son ex-mari avait très certainement oublié ce lieu perdu qui avait abrité leurs amours naissantes, pas elle !

    La vieille sage-femme qui faisait également office de guérisseuse, leur apportait régulièrement du ravitaillement. Elle non plus n’avait pas oublié la grande et imposante jeune fille qu’avait été Gertrud Baumann. Une espèce de walkyrie pas très jolie mais dotée d’une étonnante force de caractère qui ne rêvait alors que de refaire le monde. Un monde plus juste, plus beau. Lûba n’avait pas voulu lui dire alors qu’elle avait vu clairement sa destinée et les détours qu’elle devrait faire avant de revenir en ce lieu.

    D’un seul regard posé sur Mary, la vieille femme avait confirmé qu’elle portait deux enfants, précisant qu’il s’agissait d’une fille et d’un garçon.

    - Ils te parlent, avait-elle affirmé, les entends-tu ?

    - Tu déraisonnes ! Lui avait elle répondu.

    - Pourquoi te mens-tu ? Avait dit Lûba en la regardant fixement.

    Elle avait eu la sensation saugrenue que les yeux de la guérisseuse ielote lui traversaient le crâne de part en part, la dépouillant de ses pensées les plus intimes.

    - Je ne mens pas, lui rétorqua-t-elle avec hargne. Dis-moi hein, comment des fœtus pourraient-ils me parler ?

    - Un jour Gertrud, tu cesseras de te voiler la face, se contenta de lui dire sentencieusement la guérisseuse.

    Depuis, elle avait de plus en plus souvent l’impression d’entendre les jumeaux. Pour s’avouer enfin la vérité, elle avait même la certitude que cela faisait déjà un petit bout de temps que leurs deux voix murmurantes résonnaient au creux de ses pensées. Elle reconnaissait même qu’elle avait alors refusé l’évidence, se disant qu’elle divaguait à force de fatigue et de solitude. C’était plus vrai encore depuis leur installation dans la maisonnette où, hormis les visites de Lûba, elle ne voyait personne.

    Elle pouvait communiquer avec la vieille femme dont elle connaissait la langue, seulement elle n’était venue que deux fois au cours des quinze jours qui avaient suivi leur arrivée à Ielo, pour apporter des vives et surveiller l’état de la future maman.

    Avec Mary hélas, aucune conversation n’était possible. Elle avait bien essayé mais la pauvre décervelée se contentait d’ânonner ce qui semblait être pour elle des formules magiques : soleil, étoile. Le reste du temps, elle fredonnait à mi-voix son éternelle berceuse en caressant à pleines paumes son ventre distendu.

    La lobo n’était pas contrariante et pour cause, elle avait été programmée pour ça ! De la même manière mécanique qu’elle l’avait fait à Krépost’ 7 elle continuait à obéir aux ordres de sa gardienne. Elle avait juste évolué sur certains points. Désormais, c’est seule qu’elle se levait à l’aurore et se couchait la nuit venue. Elle mangeait quand elle avait faim, dormait quand elle était fatiguée, se lavait et s’habillait aussi correctement que le lui permettait sa grossesse avancé, sans forcément attendre que Gertrud le lui ait ordonné. Elle rangeait la maison par habitude, tout comme elle avait rangé son cachot.

    Lorsqu’elle lui confiait des vêtements à raccommoder, Mary redevenait automatiquement le matricule 1058.01. En parfait robot, elle s’attelait à sa couture avec une extrême minutie, ne levant les yeux son ouvrage que pour enfiler une nouvelle aiguillée, mue par le même reflexe pavlovien qui lui avait fait accomplir cette tâche quotidienne à la Forteresse. Gertrud ne lui donnait pas du travail pour maintenir sur elle son autorité, mais pour l’occuper, parce que si elle oubliait de le faire, Mary restait debout, passive, à attendre elle ne savait quoi !

    En fait sa protégée ne montrait de rébellion que lorsqu’il lui fallait aller à la douche commune du village. La simple mention du mot douche la mettait dans un état de panique indescriptible. Elle était alors obligée de l’y traîner de force, usant pour cela et à contrecœur, de son numéro matricule. Après quoi la lobo tombait dans un sommeil lourd, presque comateux auquel faisaient suite deux ou trois jours de totale apathie. À part cette peur incontrôlable, il semblait qu’elle n’ait pas d’autres séquelles des sévices que cette chienne d’Andréa et ses acolytes lui avaient fait subir. Son corps martyrisé avait cicatrisé étonnamment vite. Elle avait même presque retrouvé sa beauté d’antan, sublimée par sa grossesse épanouie. Presque seulement car il manquerait toujours la lumière à ses magnifiques yeux verts tellement vides ! Elle souriait parfois, les deux mains sur son ventre rebondi, en chantonnant la berceuse à ses petits. Devant ce tableau naturel et touchant, Gertrud se plaisait à croire que Mary était normale. Elle devait constamment se répéter que seul l’instinct animal amenait sur ses lèvres ce semblant de sourire qui n’était en fait que machinal. Elle souriait de la même façon que le chat ronronne ou que le chien remue la queue pour marquer leur animale satisfaction.

    Elle ne faisait preuve d’un élan comparable à de l’enthousiasme que pour les choses de la nature : les arbres, les animaux, les fleurs ou l’eau vive et bien sûr, le soleil et les étoiles. Sur les gens, elle comprise, elle ne posait qu’un regard éteint, éternellement morne et indifférent.

    L’ex-gardienne-chef de la Forteresse rêvait de connaître la vraie Mary. Celle d’avant qui savait rire et s’émouvoir. Elle l’imaginait heureuse, entourée d’un tas d’amis, mariée probablement…

    Quand elle avait ouvert le dossier secret du matricule 1058-01, elle avait été à peine surprise d’y découvrir que sa protégée s’appelait en fait Mary-Anne Conroy-Defrance. Elle se sentait confortée dans sa décision de l’avoir baptisée Mary après l’avoir si souvent entendue chanter la fameuse berceuse qui avait à coup sûr été composée pour elle par sa mère.

    En dehors de détails purement administratifs tel que ses nom et prénom, sa date de naissance le 7 juillet 2027, son adresse à Lille, en France, sa profession d’infirmière, le nom et l’adresse de sa mère en Provence, elle n’avait rien appris de substantiel sur l’étrange recluse de la Zéro. Rien n’indiquait qu’elle soit mariée ou même qu’elle ait un compagnon hors des liens du mariage. Elle avait d’ailleurs été jugée sous son nom de jeune fille. Il devait pourtant bien exister quelque part, le salaud responsable de sa grossesse ! À moins qu’elle n’ait été violée durant sa détention provisoire. Il se passe tellement de choses innommables dans toutes les prisons du Monde ! Des choses dont nul ne parle jamais ! Son arrivée enceinte à Krépotz’7 sans que quiconque ne soit au courant, était un cas unique. Bon sang, elle n’avait donc subi aucun contrôle médical avant son incarcération ! C’était impensable et totalement irresponsable !

    Le dossier ne disait pas grand-chose non plus sur son père, sinon qu’il avait succombé à un cancer quelque dix ans plus tôt.

    Le reste n’était constitué que des résultats de l’enquête, des grandes lignes du procès éclair et du jugement qui l’avaient amenée au QHI. Elle y était présentée comme un monstre. Les nombreux chefs d’accusation pour lesquels elle avait été jugée, justifiaient largement le verdict et la sentence terrible qui la condamnait à la lobotomie et à la réclusion à perpétuité sans possibilité de remise de peine. Sa complicité avec les mutants justifiait également que Krépotz’7, de façon plus drastique encore que les autres forteresses du même type, ait été dotée d’un système de brouillage psy inviolable. Ces gens-là avaient la réputation d’être des télépathes de haute volée, capables de déchiffrer les pensées même à très longue distance. Le dossier rouge disait qu’avant la lobotomie, Mary avait elle aussi possédé ces facultés perverses et criminelles.

    Gertrud se souvenait parfaitement du jour où, comme toute la population administrative de la Forteresse, elle avait subi l’implant de cette encombrante bestiole qu’était le brouilleur psy. Elle n’avait pas aimé ça du tout ! C’est avec angoisse qu’elle avait vu la longue aiguille avec laquelle on lui avait introduit la puce dans le cervelet. Elle avait ressenti cette intrusion pourtant quasiment indolore comme une atteinte à son intégrité physique et mentale. Une atteinte à sa liberté aussi, car si l’implant empêchait que les mutants qui recherchaient peut-être Mary, ne puissent la localiser, il permettait en même temps aux forces de l’ordre de la suivre à la trace. À n’en pas douter les chasseurs s’étaient mis en route sitôt le réveil des survivants de Krépotz’7 et elle se demandait encore pourquoi son propre brouilleur paraissait être en panne. L’idée totalement ridicule que les jumeaux y étaient pour quelque chose, la traversait de plus en plus souvent.

    Elle se sentait en sécurité pour l’instant. Pendant combien de temps sa protégée et elle, le seraient-elles encore ? Elle ne voulait pas vraiment le savoir, se contentant de vivre au jour le jour.

    Prévenir la mère de Mary de l’évasion de sa fille et de l’endroit de leur planque par acquit de conscience, la titillait bien encore un peu de temps à autre, en dépit du danger que cela représentait mais elle doutait qu’Ophélia Conroy-Defrance vive encore dans sa maison de Provence. Elle aussi était en fuite plus que probablement. Son mariage avec un mutant, même s’il était mort, faisait d’elle une coupable au même titre que sa fille. À quoi ça servirait qu’elle sache d’ailleurs ? Se disait-elle pour étouffer sa culpabilité. La pauvre femme reconnaîtrait-elle sa fille en la misérable loque sans cervelle devenue totalement incapable de communiquer avec ses semblables ? Qu’importe ! Elle se sentait capable de remplacer à elle seule tous ceux qui avaient aimé Mary tant elle s’était attachée à elle malgré son état presque animal ! Ne s’attache-t-on pas à un chien ? Et puis elle serait la grand-mère, idéale pour les deux enfants, elle se le promettait !

    Elle se rendait compte qu’en fait elle était heureuse comme ça et qu’elle n’avait nulle envie de partager ce bonheur tout neuf avec qui que ce soit. Elle avait tout quitté pour la jeune femme, sacrifiant une vie somme toute très tranquille et une profession bien rémunérée. Ça lui donnait tous les droits envers celle qui lui devait la liberté. Elle en venait à implorer le ciel que nul ne les retrouve. Jamais ! À l’abri du monde civilisé et de ses bruits, sans télé, sans domotique, sans mutants, sans gops et surtout sans gouvernement et sans lois pour lui dicter ce qui est bien ou mal, elle allait commencer une nouvelle vie avec Mary et les jumeaux à naître. Lûba avait beau lui répéter qu’elle se nourrissait de rêves utopiques, elle n’en avait cure et ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Quant à la voix de sa conscience qui lui soufflait qu’elle s’arrogeait un droit qui n’était pas le sien, elle ne l’écoutait plus !

    Ce matin-là encore, après avoir délicatement enduit le ventre de Mary d’un baume apaisant, la guérisseuse l’apostropha alors qu’elle couvait la future mère d’un tendre et possessif regard maternel.

    - Le Faucon a des yeux perçants et le Dragon guette sa proie ! Dit-elle gravement.

    Les propos souvent sibyllins de la vieille femme l’intriguaient et l’agaçaient au plus haut point car elle y décelait néanmoins chaque fois comme une nuance d’avertissement à elle seule destinée, elle le savait bien ! Déjà, lors de sa première visite de ravitaillement, elle lui avait dit :

    - La Sirène doit rejoindre l’océan !

    Puis la fois d’après :

    - Le Dragon s’est réveillé et la Meute renifle…

    Avant qu’elle n’ait-eu le temps de lui demander la moindre explication sur cette énigmatique sentence, la guérisseuse avait ajouté :

    - Dès que la Roue aura cessé de tourner, le Faucon prendra son vol !

    Elle avait prononcé ces trucs bizarres sans préavis, comme si un esprit de l’au-delà les lui avait tout juste soufflés. Gertrud en avait eu froid dans le dos.

    - Lûba vieille folle, cesse donc de te prendre pour le Sphinx ! Avait-elle dit en riant pour cacher sa peur.

    Comme la fois précédente, elle avait refusé les éclaircissements que la iakoute paraissait prête à lui fournir. Mais à présent, comme avertie par un sixième sens d’un danger très proche, elle voulait savoir. Ces histoires de Faucon, de Dragon, de Meute, lui fichaient une trouille bleue et elle se serait mordue la langue plutôt que de l’avouer.

    - Que veux-tu dire par là ? Questionna-t-elle le plus calmement possible.

    - Ce que je veux dire, répondit Lûba sans se départir de son flegme, c’est que cette femme et ces petits, ne t’appartiennent pas mon enfant, et que beaucoup de monde est à sa recherche. Des bons et des mauvais ! La Meute est sur ses traces. Le Faucon aussi…

    - À part les gens du village, personne ne sait où nous sommes !

    - Ils trouveront ! Que ce soit la haine ou l’amour qui les guide, ils trouveront !

    - Qui est ce faucon dont tu me rebats les oreilles ?

    - Le père des jumeaux.

    - Et le dragon ?

    - Son pire ennemi. C’est lui qui a envoyé la meute à ta recherche mais ce n’est pas toi qu’il veut !

    - Ah bon ! J’ai pourtant trahi la Loi !

    - Tu ne trahissais que toi Gertrud ! Et tu n’es utile au Dragon que pour la retrouver. Que les Dieux soient remerciés, il ignore qu’elle attend des petits !

    - Et le père, ce faucon prêt à s’envoler, il sait lui qu’il l’a engrossée cette pauvre jeune femme ?

    - Il sait bien sûr ! C’est son époux !

    Gertrud pâlit. En elle une peur qu’elle ne s’expliquait pas, se le disputait à une colère qu’elle ne s’expliquait que trop bien, elle. Son mari ! Et il n’avait rien tenté pour la sauver ! Le salaud !

    - Garde ta colère pour plus tard et pour d’autres que lui ! S’il n’a rien tenté c’est qu’il ne pouvait pas ! S’il avait essayé, il serait mort aujourd’hui ! Et mort, il n’aurait servi à rien ni pour la Mission, ni pour la Sirène !

    - Je suppose que la sirène en question c’est Mary !

    - Oui !

    Elle n’avait aucun mal à imaginer Mary en sirène Aussitôt qu’elle aurait retrouvé sa taille mince, il suffirait que le soleil illumine ses grands yeux verts pour que l’illusion soit parfaite.


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  • À Lille, Alexeï était l’un des rares privilégiés à savoir que Mary était vivante et qu’elle avait quitté sa prison. Il s’inquiétait pour la santé de la jeune femme, d’autant plus qu’il avait été l’un des premiers à apprendre sa gémellaire grossesse. Bien que porteuse d’un immense espoir, cette nouvelle avait eu de terribles conséquences sur sa propre vie.

    Dès qu’elle avait su, Surprise s’était d’abord enfermée dans un profond mutisme entrecoupé d’intarissables crises de larmes. Elle culpabilisait à mort ! Bouclée dans sa chambre des heures durant, elle en interdisait l’accès à quiconque. Même lui n’avait pas le droit d’entrer. Quand elle consentait à en sortir, il la découvrait défigurée par le chagrin, morne et apathique. Elle ne réagissait encore à peu près normalement que lorsqu’elle s’occupait de Marie-Rêve. De lui, elle n’acceptait plus ni gestes de tendresse ni mots de réconfort.

    - C’est ma faute ! Disait-elle en le repoussant. Elle va mourir dans sa prison avec ses bébés et ce sera ma faute !

    Elle répétait ce mea culpa à n’en plus finir. Rien de ce qu’il pouvait dire ne parvenait à la convaincre du contraire.

    Elle s’abîma petit à petit dans une dépression si profonde qu’elle finit par ne même plus s’occuper de sa fille. Elle passait ses journées de repos assise dans la chambre qu’elle ne voulait plus partager avec lui, volets fermés et rideaux tirés. Elle n’entendait pas Marie-Rêve pleurer dans la nurserie. Il arrivait de plus en plus fréquemment qu’il trouve le bébé en pleurs, sale et pas nourri quand il rentrait de son service à l’hôpital. Il dut engager une baby-sitter à demeure. Puis, Surprise cessa de travailler, prétextant qu’il lui fallait du temps.

    Pourquoi, puisqu’elle ne faisait plus rien à la maison ? Se disait-il ! Mais il savait que de toute façon, il devenait urgent qu’il la mette en repos, dans la mesure où elle n’assurait plus son service au grand dam d’Hortensia. Laquelle n’était plus prête à excuser toutes les incartades de la femme de son patron comme par le passé.

    Indifférente et distraite, Surprise ne ressemblait plus à la femme pétillante que les patients adoraient pour son sourire et sa joie de vivre communicative. S’il l’aimait toujours, il était las d’une situation qui paraissait vouloir perdurer. Elle se sentait à juste titre coupable de ce qui était arrivé à sa meilleure amie et cette culpabilité qui la rongeait depuis, avait éteint la flamme joyeuse qui brûlait en elle. La savoir enceinte alors qu’elle était emprisonnée à vie et à jamais diminuée psychiquement, était en train de la tuer à petit feu.

    Elle qui dormait mal depuis l’incarcération de son amie, ne dormait à présent presque plus. Son sommeil très agité était entrecoupé de cauchemars affreux au cours desquels, chaque fois, elle voyait Mary mourir. Et le dernier regard qu’elle lui jetait à elle et à elle seule, était accusateur.

    Usée, les yeux creusés, elle ne mangeait plus que forcée et contrainte. Elle s’étiolait, refusant de se laisser soigner. Sachant ce que les médicaments lui avaient fait faire, elle refusait désormais d’avaler le moindre comprimé. Elle finit par se négliger totalement, oubliant de se laver, de se coiffer, de s’habiller même. Elle traînait à longueur de journée, dépenaillée dans l’informe robe de chambre sale qu’elle ne quittait jamais et qui devenait trop large pour elle. Il devait la lui enlever de force et la pousser manu militari dans la salle de bain où il la lavait lui-même comme on le fait d’un chiot récalcitrant. Elle se débattit encore quelque temps, preuve qu’il lui restait un peu de volonté. Puis elle ne se débattit plus.

    Aucun de ceux qui l’aimaient, que ce soit lui son propre mari, ses parents ou son frère, ne parvenait à la sortir de l’espèce de pot au noir dans lequel elle s’enfonçait irrémédiablement jour après jour. Elle sombrait dans la folie.

    Un jour, lors d’un de ses rares instants de lucidité, elle lui dit :

    - J’ai peur Alex, je deviens complètement cinglée ! Je veux qu’on m’enferme comme on l’a fait pour Mary par ma faute. Je ne suis plus bonne à rien. Si tu savais comme j’ai peur de devenir dangereuse pour notre fille. Ne me laisse pas lui faire du mal.

    - Voyons ma chérie, tu ne ferais pas de mal à Mary-Rêve ! Tenta-t-il de la rassurer, pas vraiment convaincu de ce qu’il affirmait.

    - Regarde-moi Alex ! Vois ce que je suis devenue ! Une loque ! Je n’ai plus de force ! Je pourrais la laisser tomber ou pire… Rappelle-toi ce que j’ai fait à celle qui lui a permis de naître ! Promets-moi que tu ne me laisseras pas devenir un danger pour notre bébé ! Promets !

    Il promit.

    Ce ne fut plus que l’ombre pâle et maigre de l’ancienne Surprise qu’accompagné de deux infirmiers, il conduisit un matin dans l’un de ces établissements de repos très sélects qui avaient remplacé les hôpitaux psychiatriques d’antan. Il n’avait pas eu d’autre choix. Loup, le mari de Jézabel avait secrètement essayé de la guérir puis d’autres guérisseurs Mus appelés à la rescousse. Mais Dieu seul sait pourquoi l’esprit de la jeune femme avait résisté à leur fluide.

    - Mon ami, je crois que seule Mary Bluestone aurait été capable de réparer son esprit malade, avait dit le Mutant résigné et malheureux pour Alexeï. Hawk peut-être…

    - Non, ce serait trop risqué, pour nous mais surtout pour lui ! Je ne voudrais pas être responsable de son arrestation, pas après ce que ma femme a fait à la sienne ! Lui rétorqua-t-il, le cœur déchiré après avoir tant espéré du Pouvoir des Mus.

    En fait, même s’il n’y était pour rien, Alexeï ne pouvait s’empêcher de culpabiliser. Avant de découvrir la nature spéciale de Mary, n’avait-il pas cautionné les yeux fermés les directives gouvernementales concernant les pratiques médicales visant à influencer le jugement et par là même à limiter le libre arbitre ? La paix du Monde était à ce prix, pensait-il alors ! Une soumission qu’il assimilait à présent à de la bêtise, quand ce n’était pas à de la lâcheté. Aujourd’hui, par tous les moyens dont il disposait, il faisait l’impossible pour se racheter.

    Au cœur du territoire Navajo de Black Mesa où, par mesure de sécurité, résidaient à présent les parents de Blue Hawk, il avait ouvert un centre médical pour les lobos irrécupérables du camp australien. Dans cet hôpital secret travaillaient main dans la main les meilleurs guérisseurs Mus, les plus puissants chamans et médecine-men du peuple Navajo, ainsi que les plus brillants neuropsys choisis tant chez les Élus qu’au sein du monde médical « normal ». Tous unis pour tenter de stopper la progression de la terrible dégénérescence qui affectait uniquement les lobos Mutants, non seulement parce qu’ils subissaient une lobotomie plus poussée que les normaux mais en raison même de la spécificité de leur extraordinaire cerveau. Une dégénérescence qui devenait irréversible à partir du sixième mois suivant l’opération, les amenant plus ou moins rapidement à la mort au-delà de ce délai.

    Alexeï ne comprenait pas pourquoi les Mus armés de leur formidable Pouvoir, n’arrivaient pas à guérir les Lobos profonds issus de leurs propres rangs. Pas plus qu’ils n’avaient guéri Surprise de la folie ! Ils n’étaient donc pas infaillibles ces diables de mutants ! Il ne comprenait pas d’avantage pourquoi, lors du raid astral, leur formidable talent n’avait servi à rien contre Solomon Mitchell ! Ou à si peu au regard de cette information essentielle qu’ils n’avaient pas été en mesure de lui soutirer, à savoir le lieu d’incarcération de Mary.

    Il le leur avait demandé et ils avaient unanimement répondu que c’est volontairement qu’ils n’avaient pu pousser très loin cette tentative. Ils avaient de suite compris que l’individu qu’ils sondaient n’était pas comme les autres Sages. S’il n’était pas sans faille, le contrôle qu’il exerçait sur son propre psychisme était redoutable. L’homme se savait sondé ! Ils avaient réussi à extirper quelques uns de ses plus noirs secrets mais quand ils avaient voulu approfondir leur lecture dans les méandres de ce machiavélique cerveau afin d’y dénicher ce qu’ils tenaient tant à savoir, ils s’étaient heurtés à un noyau très dur, totalement inexpugnable.

    Il les avait crus ! Pourtant refusant d’analyser la raison d’une telle attitude, il ne leur faisait pas encore pleinement confiance. Bien qu’acquis à leur cause, il gardait au fond du cœur quelques relents de réticence dont il ne parvenait pas à se défaire. On ne se désintoxique pas si facilement d’une drogue. Or, à l’égal de la majorité des normaux, il avait été drogué depuis son enfance. Alors sa culpabilité augmentait d’un cran et avec elle, l’impression de trahir Mary une seconde fois. Mary dont le sort l’inquiétait de plus en plus.

    Elle avait dépassé le seuil fatidique des six mois depuis la lobotomie. La dégénérescence devait donc avoir atteint son stade irréversible puisqu’elle avait survécu. Certes Hawk allait la retrouver mais dans quel état ? La mort n’était-elle pas préférable à cette vie pitoyable que menaient les lobos recueillis à Black Mesa ? À moins que la qualité d’Élue qui faisait d’elle une métisse Mu, ne change les paramètres ! Et puis il y avait les bébés. Eux semblaient s’être développés normalement malgré des circonstances plus que défavorables. Enfants d’un Mu des plus puissants et d’une Élue à l’incomparable patrimoine génétique, ils étaient probablement et naturellement aptes à résister au pire. D’ailleurs, d’après ce que lui en avait dit leur père, ils ne semblaient pas avoir trop souffert des tortures et des privations subies par leur maman. Leur présence protégeait-elle Mary ? C’était possible !

    Hawk n’affirmait-il pas qu’en dépit des milliers de kilomètres qui les séparaient de lui, grâce à l’émission constante de leur double pensée à travers le liquide amniotique et le ventre de Mary, il avait appris leur existence en même temps que la menace qui pesait sur eux et sur leur mère. C’est aussi grâce à l’extraordinaire ténacité de ces deux bébés hors du commun qu’il avait retrouvé la trace de sa femme.

    C’était proprement incroyable !

    Mais plus rien ne pouvait vraiment le surprendre de la part des Mutants. Surtout depuis le dernier rassemblement où il s’était rendu sur l’invitation de Blue Hawk.

    Ce qu’il avait appris de Mary sur la Roue Universelle le jour de ses aveux, n’était rien en comparaison des véritables prodiges dont il fut l’un des nombreux témoins. Cela ne rendait que plus incompréhensible encore, qu’aucun de ces surdoués n’ait pu guérir Surprise, ni deviner où se trouvait la femme de leur leader ou que, même en groupe important et forts de cette union qui amplifiait leur Pouvoir, ils n’aient pu capter les ondes psychiques de la recluse, alors que deux faibles fœtus eux, avaient réussi à les joindre !

    Non, vraiment, ils n’étaient pas infaillibles !

    C’est sans doute en cela que résidaient cette humanité et cette normalité qu’ils revendiquaient au même titre que lui et les autres membres du genre humain. C’est également cela qui les rendait tellement attachants à ses yeux malgré ce reste de défiance qu’ils lui inspiraient. Il est toujours rassurant de constater que les plus grands des génies peuvent se tromper et que même un saint a ses faiblesses !

     


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  • Oui, le discours de Hawk Bluestone à la fin de ce mémorable Cinquième Rassemblement, avait ranimé le souvenir de la jeune femme et réveillé une intense curiosité à son sujet en dépit du mur épais et haut de secret qu’on avait érigé autour d’elle.

    Qui était vraiment Mary-Anne Conroy-Defrance ? Une simple infirmière tombée naïvement dans un piège stupide ou la traîtresse consciente, justement accusée de complicité avec l’ennemi de l’État tout puissant ? Mais quel ennemi ? Tous ceux ou presque qui les avaient vus de près, ne parvenaient plus à considérer les Mus, ces extraordinaires magiciens aux yeux bleus, comme des ennemis. On pouvait même comprendre qu’elle ait succombé à leur charme, eux s’y étaient bien laissé prendre ! Un tas d’autres questions enterrées refirent surface à propos de la légitimité de son procès, des vices flagrants de procédure qui l’avaient entaché et de la sentence cruelle qui l’avait clos. On s’appuyait pour cela sur les enregistrements TV que bien des particuliers en avaient alors fait, tant l’évènement avait passionné l’opinion publique.

    À Lille, poussés par la honte autant que par le remords, ceux qui l’avaient trahie, reniée et conspuée, venaient de créer au risque de se faire arrêter, un comité de soutien qui clamait son innocence, exigeant la révision rapide de son procès quand ce n’était pas sa réhabilitation pure et simple.

    Des associations de défense des libertés portant son nom fleurissaient partout dans le Monde. On y réclamait haut et fort la libération de tous les innocents injustement condamnés, dont la sienne en priorité bien entendu !

    Ce regain d’intérêt pour la seule recluse à vie qu’on n’ait jamais connue depuis la refonte l’ensemble du système judiciaire mondial, le bruit renaissant autour de l'abominable histoire, tout cela fit dangereusement tinter les oreilles des Sages, déjà passablement mal à l’aise depuis le raid astral sur la Maison Blanche. Au contraire d’une opinion publique dont le retournement progressif en faveur des mutants faisaient plus que les inquiéter, eux craignaient et haïssaient bien d’avantage encore qu’auparavant, ces diables qui avaient tourmenté leur conscience au point qu’ils n’en dormaient plus tranquilles. Et ce discours qui les mettait directement en cause, dénonçant nommément celui qui les manipulait pour faire bonne mesure, n’était pas fait pour les rassurer.

    S’ils ne comprenaient pas pourquoi ce meeting que Solomon Mitchell n’avait pu empêcher, avait fait remis au premier plan le souvenir de Mary-Anne Conroy-Defrance alors même qu’aucun mutant ne l’avait évoquée, ils faisaient soudain le rapprochement entre la jeune infirmière lilloise et le leader de la secte abhorrée dont la volonté systématique d’éluder les questions la concernant, leur paraissait soudainement des plus suspecte ! Était-elle plus importante à leurs yeux, à ses yeux surtout, qu’il ne voulait bien le laisser croire ?

    S’il devenait trop dangereux pour le Gouvernement Mondial, peut-être que cette femme qu’ils avaient un peu trop vite oubliée dans son tombeau, pourrait leur servir d’otage. Sa libération contre la reddition de ce Blue Hawk qui menaçait leur pouvoir, était-elle envisageable ? À moins qu’elle ne soit morte ? Mais cela, même le terrible gourou ne pouvait le savoir. Les brouilleurs-psys étaient si perfectionnés que rien ne pouvait filtrer de la Forteresse où la femme purgeait sa peine à vie ! Pas même le décès d’un détenu de droit commun. 

    Ils se réunirent dans le plus grand secret et décidèrent d’un commun accord d’aller affronter le « Révérend », certains que ce fourbe qui avait insidieusement repris le contrôle de la situation ainsi que son ascendant sur eux après l’apparition des mutants, en savait bien plus qu’eux sur le sort de Mary-Anne Conroy-Defrance. Et ils avaient bien raison !

    Le double rassemblement des mutants en Chine et en Australie, le retentissement à l’échelle planétaire qu’il avait eu, le discours venimeux de ce satané Blue Hawk le dernier jour, qui le dénonçait lui comme le plus infâme des manipulateurs… Tout cela réuni avait été un énorme camouflet pour Solomon Mitchell. Du fond de son repaire, il écumait de rage et d’un inextinguible désir de vengeance. Mais il avait en main une carte maîtresse. Ce que les sages ignoraient, lui le savait. Non seulement cette salope de moitié de mutante était bien vivante mais encore, elle avait réussi à s’échapper. Oh pas toute seule, la loque décervelée qu’elle était devenue en aurait été totalement incapable ! Non, elle avait bénéficié de l’aide de la gardienne en chef du quartier des femmes de la Forteresse 7 qui s’était évadée avec sa protégée.

    Une aide inespérée au regard de l’extrême rigueur du recrutement des gardiens et gardiennes des QHI ! Lesquels devaient être d’une probité à toute épreuve, d’une exemplaire sévérité et d’un total dévouement à l’État. Des rocs ! La dénommée Gertrud Baumann devait savoir ce qu’elle encourait si les limiers lancés à sa recherche la retrouvaient ! La haute trahison était passible de la peine capitale ce qui équivalait pour l’ex-gardienne-chef à subir le même sort que celle qu’elle avait aidée et dont elle partageait à présent la cavale éperdue à travers une contrée particulièrement inhospitalière. À la différence près que lui se foutait pas mal que la peine de mort n’existe plus ! Il avait donné l’ordre aux gops à sa solde de l’exécuter à vue sans sommation ! Guidés par le brouilleur psy implanté dans son cervelet, ils ne tarderaient pas à mettre la main sur la traîtresse. C’était même étonnant qu’ils ne l’aient pas encore fait.

    Pour ce qui est de la prisonnière en fuite, depuis qu’il avait appris par ses espions que l’indifférence affichée de Blue Hawk et de ses amis envers elle était feinte et qu’en fait ils la recherchaient activement, il lui réservait un tout autre sort. Voilà pourquoi il devait la retrouver avant lui.


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