• Évacuation

    Évacuation est l'histoire que j'ai imaginée juste après ma rencontre avec l'homme à la brouette.
     
    ***
    Ils sont revenus !
    Nos jours sont comptés…
    À part quelques rares clairvoyants dont je suis, nul ne semble être conscient du danger imminent. Pour cela, il faudrait  d’abord savoir  que le danger existe.
    C’est la fin du monde, de notre monde ou de ce que nous croyons en toute innocence et légitimité, être notre monde. Innocence ou orgueil démesuré ? Qui sommes-nous donc pour croire que depuis des millénaires et des millénaires, nous sommes les Maîtres de la Terre ? Que nous régnons, seigneurs incontestés, sur toutes les autres espèces, animales ou végétales, uniquement parce que nous sommes persuadés que nous sommes les seuls à posséder l’intelligence suprême ?
    Forts de cette prétendue intelligence humaine, tellement imbus de nous-même que nous sommes incapables de voir au-delà de notre nombril, nous avons impitoyablement assis notre domination sur ces autres espèces dont nous avons décrété, sans preuve aucune du contraire, qu’elles nous sont inférieures et, partant de cet a priori, nous avons impunément saccagé, détruit, asservi, tué…Nous avons même poussé la bêtise jusqu’à nous massacrer entre semblables, au nom de la différence. La couleur de la peau, la religion, les frontières, les opinions, tout nous était bon pour nous jeter les uns contre les autres, bêtes voraces assoiffées de sang !
    Au mépris de notre propre survie, nous avons dilapidé un héritage qui n’est même pas le nôtre. Car enfin, la planète où nous vivons ne nous appartient pas ! Pas plus qu’elle n’aurait appartenu à notre descendance ou qu’elle n’appartenait aux dinosaures qui la peuplaient avant nous. Ni aux mammouths, ni aux singes. Ni aux pithécanthropes, australopithèques et autres Homo Sapiens, nos vénérables ancêtres.
    Tous autant que nous sommes ou que nous fûmes depuis la nuit des temps, nous ne sommes et ne fûmes jamais, toutes espèces confondues, que les pensionnaires sous haute surveillance, du même zoo interplanétaire dont la Terre n’est qu’un des innombrables enclos dispersés çà et là dans les galaxies…
    C’est à dessein que je n’ai pas employé le futur car désormais il n’en est plus pour nous sur la Planète bleue. Pour l’humanité, le mot demain n’aura bientôt plus aucun sens.
    Est-ce notre faute ? Quelles que soient nos exactions, la durée de notre présence en ces lieux n’était-elle pas programmée depuis toujours ?
    Eux seuls pourraient répondre à ces questions.
    Eux !
    Qui sont-ils ? Des Maîtres tout puissants ? Les gardiens du chenil ? Des savants, anthropologues ou entomologistes qui nous observent à la loupe ?
    Qu’ont-ils pensé de nous pendant tout ce temps, en nous regardant vivre, évoluer, tenter sans fin de repousser les barrières qu’ils nous avaient imposées ? Ont-ils ri en nous voyant élever des temples et des cathédrales à leur gloire ? Se sont-ils moqués des multiples noms de dieux dont nous les avons affublés au cours des siècles ?
    De millénaire en millénaire, ils nous ont visités, se sont installés parmi nous sous les formes les plus diverses. Ils ont même endossé la peau de hautes personnalités humaines, censées nous servir de guides spirituels. Tout ça pour mieux nous surveiller. Ils nous ont envoyé maints signes que nous avons superbement ignorés, ont proféré maintes mises en garde que nous avons le plus souvent traitées trop négligemment.
    En nous observant, ils sont passés de la perplexité à l’inquiétude puis à la colère. Aujourd’hui, cette sainte colère a fait place à la fureur. Ils ne peuvent plus fermer les yeux sur notre incommensurable bêtise. Ils ne tolèrent plus de nous voir dégrader avec une telle légèreté, une telle inconscience meurtrière et une telle constance, cet environnement merveilleux où ils nous ont implantés et qu’ils nous ont confié.
    Pour eux désormais, nous sommes devenus indésirables en ces lieux. Ils ne nous voient plus que comme des créatures indociles et primitives dont la sauvagerie et la cruauté sont sans égales, dont la naturelle propension à la guerre et à la destruction constitue un véritable danger pour la Terre. Pour les plus sévères ou les plus méprisants d’entre Eux nous ne sommes que des parasites. De malfaisants et répugnants insectes grouillant dont l’anarchique et incessante prolifération menace inconsidérément le fragile écosystème de la Planète bleue, fleuron de cette galaxie. Un écosystème dont nous avons contribué plus que largement à fragiliser le bel équilibre originel par notre simple présence et par notre insupportable incurie.
    Car ne nous leurrons pas, de toutes les espèces en place, les Hommes sont considérés comme la pire et par conséquent, la seule visée par les mesures rédhibitoires qu’Ils s’apprêtent à prendre ! Seuls ceux d’entre nous qui ont su développer l’implant intelligence suivant leurs critères, pour embellir et protéger l’inestimable enclos, seront peut-être épargnés par la rafle et laissés sur Terre avec les autres espèces encore quelque temps.
    Peut-être ?
    Les pires, les plus dangereux, ceux qu’Ils ont jugés inaptes ou inadaptés à un replacement, ceux-là seront probablement exterminés, écrasés comme des mouches importunes ou arrachés comme de vulgaires mauvaises herbes, sans autre forme de procès. Car il y a bien longtemps que le jugement a eu lieu et le verdict prononcé est sans appel : élimination !
    Pourquoi la sentence n’a-t-elle pas encore été exécutée alors ? Me direz-vous. Mais parce que pour Eux, mille ans et d’avantage, ne valent certainement pas plus qu’un jour pour nous !
    Quant à nous, les simples d’esprit, les illuminés, les prophètes de tous poils et de tous temps qui n’avons cessé de crier : « Au feu ! » depuis que ce monde est monde, nous qu’on accuse en riant trop fort de voir des petits hommes verts partout, nous qui –Eux seuls savent pourquoi – pressentons une vérité que personne ne veut entendre, nous partirons sans doute avec les autres, les ré adaptables, vers cet ailleurs inconnu dont nous savons qu’il n’est jamais que notre berceau, le creuset lointain de nos origines. Nous ne partirons pas résignés mais heureux et soulagés d’être enfin reconnus pour ce que nous sommes : d’indispensables garde-fous. C’est sûrement ce à quoi nous serons employés lorsque nous serons réimplantés dans notre prochain enclos, après avoir été, comme les autres, dûment désinfectés, aseptisés, rééduqués et conditionnés pour ce nouveau monde . Il est en effet plus que probable que nos frères les Hommes, ces têtes brûlées, au regard de leurs terribles gènes, auront encore à plus ou moins long terme besoin de nous pour les rappeler à l’ordre.
    C’est la fin de l’attente !
    Les astro-surveillants qui sillonnaient le ciel ont rendu compte de leur mission auprès des Hautes instances. Le tri est fait.
    Les listes d’évacuation sont entrées dans les ordinateurs de bord.
    La logistique est en place depuis des lustres. Camouflées sous la banale apparence de vastes champs de blé ou de tournesols, les pistes d’atterrissage géantes n’attendent plus que les immenses vaisseaux de ceux qui doivent venir nous chercher.
    Nos jours sont comptés !
    Ils sont revenus !
    Bien sûr, tout cela n’est peut-être pas vrai. Ce ne sont peut-être que folles supputations, élucubrations nées d’un esprit malade. Ce que j’ai dans la tête, peut-être l’ont ils implanté pour dissimuler une vérité bien plus terrible encore que celle à laquelle je crois.
    Ne sommes-nous pas que des animaux pensants dont Ils auraient à l’avance déterminé la pensée ? La mienne comme celle des autres ?
    Voilà que mes certitudes s’ébranlent à nouveau. Je recommence à me poser des questions dont Ils sont les seuls à détenir la réponse. Une chose est sûre en tout cas, ce que j’ai vu, je l’ai bien vu ! Mes yeux ne peuvent me tromper à ce point ! Si ?
    Peut-être…
     
    ©A-M Lejeune
     
    NB : ceci n'est qu'une fiction....ou pas ...
     
     
    « Une belle et originale histoire d'amourLa vie, ce n'est pas du cinéma...Et pourtant ! »

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  • Commentaires

    5
    Vendredi 24 Mai à 08:41

    Bonjour Ma copine !

    J'ai tout lu !!

    J'en apprends beaucoup ici et la réponse de Ed, complète vivement le texte.

    Le tout est de savoir si je vais retenir tout ça ! J'en doute.

    Bon vendredi ma copine.

    4
    Vendredi 24 Mai à 01:36

    Au mot évacuation je réentends ma mère durant la seconde guerre mondiale.... période qui jeta les gens sur les routes, ceci dit ton texte fiction ou pas.........  sarcastic  Bonne fin de semaine, amitiés, JB

    3
    Jeudi 23 Mai à 11:20

    Il est curieux de constater que l’homme a toujours besoin de trouver une explication à ce qu’il ne comprend pas.

    Dans l’Histoire, par exemple, la pompe à bras existe depuis l’époque romaine, voire grecque, et pour expliques pourquoi l’eau monte dans le tuyau, on disait que la nature avait horreur du vide. Ce n’est qu’en 1643 qu’Evangelista Torricelli (1608-1647) a compris que c’était un effet de la pression atmosphérique.

    Aujourd’hui, pour savoir pourquoi nous sommes sur la Terre, on a inventé toutes sortes d’explications aussi invérifiables les unes que les autres. Quant à notre devenir, il en est de même.

    L’infiniment petit nous intrigue autant que l’infiniment grand mais, pourtant, nous ne savons pas ce que signifie l’infini ! Le mathématicien en a fait un objet, il a même inventé un signe pour le représenter, mais on ne peut jamais l’atteindre et, par conséquent, on ne sait ce que c’est !

    Les phénomènes quantiques passionnent les physiciens et les astronomes se demandent si notre univers est unique.

    Nous dépensons des millions à chercher des réponses à nos questionnements sans oser imaginer un seul instant que cette réponse n'existe peut-être pas parce que la question n'a pas de sens.

    Un de mes amis, un astrophysicien, sait (ou croit savoir) que les geysers émis par le satellite Encelade de Saturne contiennent peut-être de l’eau liquide sous son pôle sud, mais il ignore que le frigo de sa voisine de palier est désespérément vide !

      • Jeudi 23 Mai à 11:43

        Tu as totalement raison ! Finalement, nous acceptons très mal nos limites et nous voulons toujours coller une étiquette lisible à ce que nous ne comprenons pas. L'infini nous fascine ou nous fait peur parce qu'il est par nature indéfinissable, incommensurable. Et ce n'est pas un petit signe inventé par un mathématicien qui peut le contingenter à notre microscopique vision humaine !

        "Vers l'infini et au-delà", cette réplique de Buzz dans Toy Story que je connais mais que je n'ai pas vu, m'interpelle car en somme elle résume notre besoin bien humain de vouloir dépasser des limites qui pourtant n'existent pas dans l'Univers ! Nous pourrons tenter d'aller de plus en plus loin, nous ne saurons jamais ce qu'est l'infini.

        Merci pour ce commentaire

    2
    Jeudi 23 Mai à 06:30

    Super Anne-Marie !
    Bises et bon jeudi - Zaza
    https://zazarambette.fr

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