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4 août, l’aube, quelque part sur la ligne 707
Hawk était dans l’un de ces longs électro bus qui desservaient les principales métropoles des States, de la Côte Est à la Côte Ouest et du nord au sud. Ces véritables trains de la route qui transportaient jusqu’à cinq-cents passagers, étaient typiques de l’Amérique du nord. Fonctionnant à l’énergie électrique, ils avaient une autonomie limitée à cent cinquante kilomètres et nécessitaient donc, pour les longs trajets, de nombreux changements dans les électro gares disposées à cet effet sur les autostrades. Ils y rechargeaient leurs énormes batteries tandis qu’un autre électro bus prenait le relais. Hawk voyageait sur la ligne 707 qui reliait New-York à Washington. Anonyme au milieu des autres usagers, il était perdu dans ses pensées.
Mary…Son corps souple et sensuel noué au sien…Ses mains, sa bouche sur sa peau…Il avait cru mourir mille morts quand, livré à ses caresses, esclave de son désir, il l’avait laissée prendre possession de lui. En aveugle, du bout des doigts puis de la pointe humide de sa langue, elle avait longuement et minutieusement étudié la géographie oubliée de son corps d’homme, allumant au passage des millions d’incendies. Comme la première fois qu’ils avaient fait l’amour, elle refaisait instinctivement les mêmes gestes, lui faisait endurer le même délicieux supplice, l’abandonnant mille fois au bord de l’explosion avant de mettre enfin un terme à sa douce agonie. Maintes fois, ils avaient ainsi retenu leur plaisir jusqu’à la folie, jusqu’au délire, jusqu’à la supplication, avant de laisser déferler la jouissance libératrice.
Un insatiable appétit les avaient jetés l’un vers l’autre jusqu’à l’aube. Il s’était senti fort, invincible lorsqu’au terme de leurs folles étreintes, elle lui avait murmuré : « Je vous aime Hawk…Je t’aime... » Avant de s’endormir lovée contre lui.
Elle l’aimait. Il était désormais en droit d’espérer qu’après avoir retrouvé le chemin de son corps et de son cœur, elle retrouverait bientôt celui de son esprit. Armé de cet amour reconquis, il était sûr de vaincre Solomon.
Il avait laissé Mary, les jumeaux ainsi qui Félie sous la protection de Gertrud que cette énorme marque de confiance avait adoucie. Il lui avait adjoint Léo qu’il avait préféré éloigner de Fleur très visiblement attirée par Hubert. Les deux gardes du corps étaient chargés d’amener sa famille à Black Mesa, dans la maison de son père, où elle serait en sécurité au milieu du peuple Navajo. Emmenés par Brave Hawk que l’impatience, l’inquiétude et une rage permanente rongeaient, les membres de « l’Opération Sirène » étaient également en route vers la capitale où ils devaient rejoindre les autres Mutants déjà présents là-bas comme Blue Hawk le leur avait demandé. Hubert faisait partie du groupe. Pour rien au monde il n’aurait laissé Fleur de Lune partir sans lui. Les combats de celle qu’il aimait étaient les siens désormais. Seuls Alexeï et Jézabel faisaient défaut. Sans Marie-Rêve toujours chez ses parents en Russie, le chirurgien avait repris le chemin du retour vers la France où il devait récupérer Surprise pour l’amener au Centre de soins de Black Mesa. Son état demeurait stationnaire. Il espérait que le pouvoir des Mus conjugué aux compétences des neurologues et neuropsy qui travaillaient au centre, auraient raison de sa « folie ». Jézabel elle, attendait le retour de son mari en compagnie de ses beaux-parents dans leur ranch du Texas. Plus si loin de son terme, elle devait se remettre de la fatigue du long périple en Russie.
Ce que ni Hawk ni son père ne savaient, c’est que Mary elle aussi était en route pour Washington, accompagnée d’une Gertrud réticente mais déterminée à la suivre partout où elle irait, et de Léo tout aussi déterminé à assumer jusqu’au bout le rôle que lui avait assigné Hawk. Sitôt les jumeaux en sécurité chez les Bluestone et bien que cela lui crève le cœur de les laisser derrière elle, elle avait convaincu ses protecteurs qu’elle devait absolument rejoindre son mari.
- Je dois y aller, je l’ai vu dans un rêve. Si je n’y vais pas, mon mari mourra ! Avait-elle argumenté.
Devant leur air buté, elle avait asséné :
- Si vous refuser de m’accompagner, j’irai seule ! Mais j’irai, soyez en sûrs ! Je l’aime ! Ma place est à ses côtés ! Nous avons été séparés assez longtemps !
Son opiniâtreté les avait convaincus. Au contraire de Gertrud, Léo croyait au caractère prémonitoire de certains rêves mais plus encore, il croyait au pouvoir de l’amour, c’est cela qui l’avait décidé à contrevenir aux ordres du Faucon.
Mary sentait confusément qu’elle avait un rôle important à jouer dans le dénouement de ce drame. Elle se souvenait très bien de ce que son mari lui avait dit dans son rêve : « Fouille ta mémoire ! Tu possèdes les clefs du Pouvoir ! »
- Je vous…Je te laisse les enfants Félie. Dis-leur que je reviendrai. Avait-elle dit à cette petite femme qui était sa mère même si elle l’avait oubliée.
- Oui, reviens cette fois mon enfant ! Et sois prudente ! Lui avait elle répondu sans oser l’embrasser ni lui souhaiter bonne chance.
Tandis qu’ils roulaient vers la capitale, Mary réfléchissait à la façon dont elle allait pouvoir fausser compagnie à ses cerbères. Elle n’ignorait pas que l’un d’eux était capable de lire en elle et que la deuxième serait difficile à amadouer.
- N’y pensez même pas madame Bluestone, Hawk me tuerait ! !
Voilà qui confirmait le manque d’intimité psychique dont elle disposait en face de ces maudits géants aux yeux bleus !
- Il le faut Léo ! Vous savez que je dois l’aider ! C’est ce que dit mon rêve !
- Je sais Mary ! Et Hawk savait aussi ! C’est bien pour ça qu’il m’a demandé de vous surveiller de près !
- Je vous en supplie, ne m’empêchez pas d’y aller ! Mon mari m’a dit qu’un jour, j’ai guéri l’un des vôtres seule alors que je n’étais pas en pleine possessions de vos dons extraordinaires ! Je suis sûre que là encore, je saurai ce que j’ai à faire en temps voulu !
- Tu ne vas pas risquer ta vie pour cet homme Mary ! Pense à tes enfants !
- Cet homme, c’est mon mari et justement, je pense à nos enfants, car il est leur père Gertrud, ne l’oublie pas !
- Mais…
- Il n’y a pas de mais ! Je le dois ! Quelque chose de plus fort que moi me le commande. C’est MA mission à moi !
- Sais-tu où tu vas au moins ?
La question n’était pas anodine. Mis à part le fait qu’elles avaient été sauvées des Gops lancés à leur poursuite en Russie, Gertrud ne savait rien du rôle prépondérant de ce Solomon Mitchell dont elle avait entendu parler par hasard. On la tenait délibérément à l’écart. Après tout ce qu’elle avait fait pour Mary et les jumeaux, c’était injuste ! Si elle avait noté les nombreux conciliabules entre ces drôles de gens, elle n’avait jamais été conviée à y participer.
- Elle le sait ! Confirma Léo laconique.
Cette réponse était en soi un accord tacite. Gertrud parut le comprendre aussi car elle s’inclina.
- Donc pas besoin d’essayer nous fausser compagnie Mary, nous ne vous lâchons pas d’une semelle jusqu’à Washington. Enchaina-t-il.
- Exactement ! Renchérit Gertrud le regard noir.
Plus ils s’approchaient de Washington, plus Mary se sentait oppressée, comme broyée dans les mâchoires d’acier d’un piège mortel. Léo lui aussi paraissait écrasé. Elle savait d’instinct que ce n’était pas uniquement par le poids du remords d’avoir désobéi à Blue Hawk. Elle était persuadée qu’en cet instant précis, il pensait à cette fameuse Mission dont ils discutaient tous très souvent et qui semblait d’une importance capitale, non seulement pour leur mouvement, mais plus encore pour la liberté de milliards de gens.
Qui donc étaient ces membres de la Roue Universelle, ainsi qu’ils appelaient leur…secte, pour se croire investis d’une telle mission messianique et pour peser d’un tel poids sur l’avenir du Monde ?
Qui étaient ces Élus, dont Hawk lui avait maintes fois répété qu’elle-même faisait partie de par sa naissance ?
Et surtout, qui était réellement cet omnipotent Dragon noir que son mari était parti combattre sans autre arme que ses dons paranormaux ? Oui, qui était ce Solomon Mitchell dont la simple évocation lui faisait une peur terrible sans qu’elle sache pourquoi ?
Autant de questions dont les réponses se trouvaient dans sa mémoire effacée. Elle devait en retrouver la clé. Pour Hawk, parce qu’elle l’aimait.
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1er août, l’Odysséus
Mary se réveilla glacée, tremblante et en larmes.
Poussée par une espèce d’instinct, la veille elle avait décidé de partager à nouveau le lit de son mari. Depuis deux ou trois jours, il avait l’air particulièrement préoccupé. Sa mère bien sûr ! Elle avait pensé que sa présence à ses côtés l’apaiserait. Ce matin-là, la tension de Blue Hawk avait été si palpable qu’elle l’avait ressentie comme s’il avait fait partie d’elle.
Elle ne pouvait nier le courant magnétique qui passait entre eux, les liant malgré son amnésie persistante. Il lui semblait de plus en plus évident que ce qui le touchait la touchait en retour. Et la réciproque était vraie. C’est la raison pour laquelle elle s’était tenue éloignée de lui ces derniers jours. Mais en le voyant si sombre au fur et à mesure que se rapprochaient les côtes américaines, elle avait fait marche arrière. Voilà pourquoi au cours de cette nuit, elle s’était retrouvée lovée contre lui au creux du grand lit.
Elle s’ébroua. Près d’elle la place de Blue Hawk était vide et froide. Il n’était pas dans la cabine. Était-ce la frustration qui l’avait fait quitter le lit conjugal ? Il ne l’avait pas touchée. Comme la première fois, c’est uniquement dans le sommeil qu’elle s’était blottie contre lui. À cet instant précis, la chaleur de ses bras lui faisait cruellement défaut. Le terrifiant cauchemar qui l’avait brusquement réveillée, revenait en effet avec force et précision.
Il avait pourtant commencé comme un conte de fée.
…Elle était la princesse d’un château fort aux épaisses murailles, éprise d’un chevalier à l’armure étincelante, aussi beau et courageux que l’étaient ceux des contes merveilleux que lui narrait sa mère pour l’endormir quand elle était petite, croyait-elle d’un seul coup se rappeler. Tout le monde l’appelait Blue Hawk, dit le Faucon. Magnifique sur son fier destrier, il s’apprêtait à partir combattre le Dragon noir qui terrorisait la contrée. Ce serait un duel à mort. Elle avait si peur pour lui qu’elle essayait de le retenir. Au loin, retentissait à l’infini le ricanement démoniaque du Dragon, tandis que les relents fétides de son haleine brûlante se faisaient sentir jusqu’aux abords du château.
- Je vous aime ma mie ! Mais je dois accomplir ma mission. Je reviendrai, je vous en fais la promesse ! Lui disait-il. Soudain, il ne fut plus là. Elle ne percevait presque plus son aura. Il était trop loin d’elle, confronté au Mal. Il était en grand danger !
Sans réfléchir, elle enfourcha l’étalon blanc que son père lui avait offert avant de mourir. C’était un cheval ailé dont le front était marqué d’une étoile verte. Il s’envola, l’emportant à travers le ciel qui s’obscurcissait. Elle allait au secours de son chevalier bien aimé. Elle le sauverait, dût-elle y perdre la vie.
À l’approche de la forteresse du dragon noir bâtie à même le roc de la montagne, la puanteur était telle qu’elle en suffoqua, à demi asphyxiée. L’odeur était celle de la haine, de la violence, du mal et de la mort. Rétive, sa monture recula. Des talons, elle l’enjoignit d’avancer mais le bel étalon se cabra, les naseaux écumants de frayeur. Elle mit pied à terre et monta seule à l’assaut de la forteresse couronnée de lourds nuages sombres. Elle n’avait pas fait dix mètres qu’une horde de cavaliers féroces, tout de noir vêtus, lui tomba dessus. Ils se saisirent d’elle et la traînèrent par les cheveux jusqu’à leur Maître. Là, ils la forcèrent à s’agenouiller devant lui.
Elle leva les yeux et le reconnut. Elle en frémit d’angoisse et de désespoir. Il y avait bien longtemps de cela, elle avait déjà vu la bête hideuse et assoiffée de sang qui parlait en vomissant des flammes. Des flammes pourpres qui venaient à présent lécher le bas de sa longue tunique verte tandis qu’il crachait, haineux :
- Regarde catin ! Vois ce que j’ai fait de ton preux chevalier et de sa mère !
Elle obéit, découvrant Blue Hawk et une belle femme qui lui ressemblait. Lui était enchaîné au mur, presque nu, ensanglanté. Sa mère était immobile, sanglée sur un siège noir. Elle eut une fugace sensation de déjà vu…Ils n’avaient l’air ni humiliés ni vaincus et dardaient sur le Dragon, leur regard bleu et fier si semblable.
- Libère-les Dragon ! As-tu besoin de deux faibles femmes pour me vaincre ? Serais-tu lâche ? Dit son brave chevalier.
- Non pas Faucon ! C’est juste qu’elles doivent périr elles aussi afin que ma victoire sur toi soit totale ! Tu les regarderas mourir ! Garde donc tes injures, elles ne m’atteignent pas !
Désespérée, elle fixait Blue Hawk. Elle était venue le sauver et ils allaient périr tous les trois. Soudain, dans son esprit elle entendit sa voix grave et douce.
« Mary, aide-moi ! Aide-nous ! Toi seule le peux ! Rappelle-toi ma Sirène et nous vaincrons ! »
« Que dois-je faire Hawk ? » Répondit-elle de la même manière, à peine étonnée d’en être capable.
« Fouille ta mémoire mon amour ! Tu possèdes les clefs du Pouvoir !»
La voix grinçante du Dragon retentit, rompant l’invisible lien qui l’unissait au Faucon. Il l’avait senti.
Sa colère grondait. Une joie mauvaise s’alluma dans son regard.
- C’est donc toi la sorcière ? Mais tu ne peux plus rien contre moi. Je t’ai ôté le Pouvoir ! Tu as perdu Faucon, elle a tout oublié ! Je vais vous tuer l’un après l’autre. Ta mère d’abord, puis elle, et toi pour finir ! Après quoi je dégusterai vos inestimables cerveaux. Il n’est pas de met plus délicieux à mon palais délicat !
Son rire cynique résonnait, faisant trembler les hauts murs de sa forteresse.
- Je vais vous tuer, oui ! Mais avant je veux que tu me voies prendre ta femme !
Il s’approchait d’elle…Elle ferma les yeux, cherchant désespérément en elle les clés dont lui avait parlé Blue Hawk. Elle sentit le souffle brûlant de la gueule infernale du Dragon noir sur ses cheveux. Elle voulut hurler mais aucun son ne put franchir la barrière de sa gorge nouée d’effroi…
Et elle se retrouva assise dans un grand lit vide, inondée de sueur froide. Une migraine atroce la taraudait et une mortelle angoisse lui étreignait le cœur. Elle se souvint que juste avant de se réveiller, elle avait vu quelqu’un d’autre entrer dans la Forteresse du Dragon.
Où était son mari ?
- Hawk ! Cria-t-elle.
Dans la pénombre de la cabine, elle le sentit approcher
- Hawk…Où étiez-vous ?
- Je suis là maintenant, calme-toi !
- Je…J’ai peur !
- Ce n’était qu’un cauchemar mon amour !
- Mais…
- Il n’y a pas de dragon ma douce
- Comment savez-vous ? Ne vous moquez pas !
Elle le sentit pénétrer dans son esprit. Ça la brûlait comme dans le rêve.
- Ne faites pas ça ! Vous me faites mal ! Arrêtez, je vous en prie ! Hurla t-elle en se tenant la tête à deux mains.
Elle sentit aussitôt refluer la vague de son étrange et douloureuse intrusion. Elle eut néanmoins le temps de percevoir l’étonnement et la joie qu’il avait éprouvée à sa réaction. Cet homme était décidément anormal ! Il lui faisait mal et ça le réjouissait !
- Ma chérie, pardonne-moi si je t’ai fait souffrir ! Mais tu as senti que je te sondais ! Tu l’as senti Mary ! C’est ça qui me rend heureux ! Je m’abstiendrai à l’avenir ! Je m’abstiendrai jusqu’à ce que tu sois totalement guérie.
- Je ne suis pas malade Hawk
- Je sais mon ange ! C’est seulement que tu n’as pas encore recouvré tous tes moyens d’avant !
- Quels moyens ? Et avant quoi ?
- Ne t’en fais pas ma douce, ça te reviendra, j’en suis sûr à présent ! Allez, dis-moi plutôt ce qui te préoccupe pour que tu aies fait un tel cauchemar alors que tu ne rêvais plus !
C’était si frustrant qu’il en sache plus sur elle qu’elle n’en connaissait elle-même ! Il la prit dans ses bras, très doucement pour ne pas l’effaroucher.
- Allez, dis-moi mon cœur !
- N’y allez pas Hawk ! Cet être malfaisant veut votre mort !
- Qui veut me tuer Mary ?
- La bête de mon cauchemar ! C’est un homme puissant et mauvais qui veut vous tuer. Je le sais, je le sens ! N’y allez pas, je…Je ne veux pas que vous mourriez !
- Pourquoi Mary ?
- Je…Les enfants ont besoin de vous…Vous…Vous êtes leur père.
Ses yeux bleus plongés dans les siens insistaient. Elle comprit qu’il croyait à la prémonition de son rêve. Qu’au contraire d’elle, il en comprenait toutes les significations cachées et que rien ne le ferait renoncer à sa mission. Elle s’accrocha à lui suppliante.
- Ne partez pas ! Vous êtes mon mari. Je vous…Je ne veux pas vous perdre encore une fois.
- Tu ne m’as jamais perdu et tu ne me perdras jamais ! Je te le jure mon amour !
Serrée contre lui, elle entendait les battements désordonnés de son cœur. Ou bien était-ce les siens propres ? C’était le moment ou jamais…
- Aimez-moi Hawk ! Aimez-moi maintenant !
Son souffle se précipita. Il ferma les yeux. Le pouvoir qu’elle détenait sur lui la grisait. Du bout des doigts elle caressa le torse musclé qu’elle avait si souvent admiré en douce. Il frémit.
- Mary...Sais-tu ce que…
- Oui Hawk…Fais-moi l’amour, j’ai envie de toi !
Elle avait attiré sa tête et murmuré cette supplique contre sa bouche. Le tutoiement lui était venu naturellement. Ou revenu… Il capitula et s’effondra sur le lit en l’entraînant au-dessus de lui, toujours captive de son étreinte.
- Je suis à toi Mary, fais de moi ce que tu veux.
Penchée sur lui elle l’embrassa et but son souffle rauque de désir. Elle étancha enfin la soif qu’elle avait de lui depuis si longtemps et qu’elle avait si ardemment refoulée…
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31 juillet
Dans deux jours, ils atteindraient New-York. Hawk faisait le vide en lui. Il se concentrait sur la mission qui l’attendait. Depuis le baiser sur le pont promenade, Mary l’évitait. Elle passait beaucoup de temps avec Gertrud et les jumeaux, excluant tous les autres, lui compris, de ce petit cercle rassurant. Ils faisaient de nouveau chambre à part et bien qu’elle n'ait pas déserté leur cabine, elle n’acceptait plus d’être séparée de ses enfants. Ils constituaient à ses yeux le plus sûr des remparts. Il avait tellement besoin de calme et de maîtrise sur ses émotion pour se concentrer, qu’il ne pouvait se permettre d’en perdre à rétablir son autorité. Gertrud jubilait tandis que Félie s’assombrissait. Quant à lui, il serrait les poings chaque fois que sa femme lui disait bonne nuit avant de s’enfermer de son côté. Océane et Petit Faucon souffraient de cette situation. Ils pleuraient beaucoup et quand ils ne pleuraient pas, ils étaient grognons.
- Normal, Ils font leurs dents ces pauvres petits ! Affirmait Gertrud.
Mais les messages désespérés qu’ils lançaient à leur père démentaient les paroles de l’autoritaire nounou.
- Ça va s’arranger mes trésors. Soyez gentils avec maman, elle a besoin de vos gazouillis de bébé pour se sentir bien. Leur répondait-il rassurant.
Et ils lui obéissaient. Pour un temps. La tension était trop forte pour les deux bébés, même s’ils étaient extraordinaires !
Pour l’heure, il était en contact avec sa mère. Seul sur le grand lit, les yeux clos il se laissait envahir par les visions émanant de son esprit. Par ses yeux, il voyait assez clairement le repaire de Solomon, situé sous la Maison Blanche. C’était bien le lieu que lui avait décrit Adam avant d’être surpris par le propriétaire. Il ne savait que trop le sort que ce dernier leur réservait à tous deux dès qu’il aurait forcé l’entrée de l’édifice gouvernemental. Aussi s’efforçait-il d’oublier ses déconvenues avec Mary pour fixer son attention sur les images qu’il captait. Il sentait bien que sa mère lui cachait des choses et que l’effort qu’elle faisait pour y parvenir, la minait. Que cherchait- elle à lui épargner de si abominable ?
« Dis-moi mum’ ! Dis-moi, je t’en conjure ! » L’implorait-il désespérément, inquiet de la voir dans cet état. Mais elle tenait bon. Solomon l’avait droguée. La substance qu’il lui administrait, annihilait en partie ses défenses. Elle était immobile, paralysée. L’homme en noir qu’il n’avait fait qu’entrevoir lors de ses précédentes transes, la dominait, sombre et menaçant. Il le voyait plus nettement à présent. C’était impossible ! Pourtant…
Solomon était debout devant un planisphère géant sur lequel clignotaient des points de couleur… Et il riait. Il riait comme un fou. Il se tourna vers Blue Moon. Sa tête était retombée. Elle avait l’air évanouie. Il la lui redressa en la saisissant par les cheveux. Son rire dément redoubla à la vue du visage émacié de son otage sur lequel il lisait les signes avant-coureurs de la défaite proche du leader de la secte maudite. Il allait le vaincre, enfin !
- Allez, viens Hawk Bluestone ! Je t’attends !
« J’arrive Démon ! Fais en sorte que ma mère soit encore en vie d’ici là ! » Lui lança-t-il brûlant de haine.
Oh oui ! Solomon attendait Blue Hawk et son impatience grandissait au fur et à mesure de cette attente. Il patientait en fignolant ses plans. Sur le planisphère scintillait son avenir. Les points rouges représentaient les capitales mondiales. Les étoiles noires marquaient les emplacements des bases secrètes où « dormaient » ses troupes d’élite robotisées. Les clignotants verts enfin, signalaient les lieux stratégiques où il avait lâché ses futurs gouvernants. Il exultait. Ses doigts fébriles pianotaient sur le clavier. Véritable démiurge, il impulsait l’avenir, manipulait, programmait sa victoire. Il régnait !
Pour être bien certain que seul Hawk Bluestone en franchirait les grilles, il avait renforcé la sécurité autour de la Maison Blanche, donnant l’ordre aux gardes de tirer à vue sur toute personne ressemblant peu ou prou à un mutant. Ils ne devaient laisser passer que le gourou et le lui amener vivant ! Pour expliquer cet exceptionnel regain sécuritaire, il avait fait courir le bruit d’un éventuel attentat contrer les Sages, fomenté par les amis du fameux leader tant recherché. Ce maudit faiseur de miracles de pacotille serait bientôt à sa merci. Il se promettait de le tuer lentement pour qu’il ait bien le temps de se voir mourir. Puis devant sa mère, il prélèverait son cerveau unique afin d’en percer tous les secrets. Après quoi il la tuerait elle aussi, non sans avoir au préalable profité largement de son corps délectable. Alors, sa vengeance serait totale. La secte privée de son chef charismatique serait désorganisée, paniquée, anéantie. Il ne lui resterait plus qu’à envoyer ses troupes d’élite pour les écraser. Il n’y a qu’ainsi que le Monde serait débarrassé de cette engeance du Démon et que lui, Solomon Mitchell, régnerait enfin sans partage.
Il avait réchappé de justesse aux grandes épidémies et autres fléaux de la Grande crise. À bien pire que cela même puisqu’il avait survécu à la folie meurtrière de son propre géniteur. Il n’y avait donc aucune raison pour qu’il ne puisse vaincre Blue Hawk ! Même s’il ne possédait pas son fameux Pouvoir ! Dieu lui avait donné une arme bien plus puissante en dehors de sa foi inaltérable. Lui, Solomon Mitchell, fils adoptif de Jebediah Mitchell, pasteur de l’Éternel, était l’unique détenteur de l’incroyable secret qui allait détruire les Mus. Enfin, pas tout à fait ! Il y avait aussi cette salope à laquelle il avait à dessein laissé la possibilité de sonder son esprit le jour de sa capture, pour qu’elle l’y découvre. Ce savoir délétère était en train de la tuer. L’inébranlable volonté qu’elle déployait pour cacher la vérité à son fils, drainait toutes ses forces.
Le seul autre qui savait était mort depuis longtemps sans transmettre ce qu’il savait. Oui, seul cet homme-là avait su qui il était réellement. Solomon avait voulu le tuer mais il ne l’avait pu. Un jour, il s’en souvenait parfaitement, cet autre détenteur de tous les secrets lui avait dit : « Quelqu’un viendra Solomon ! Quelqu’un qui saura en te voyant toute la noirceur de ton âme ! Prends garde frère ! ».
Pourquoi ce souvenir -là était-il si précis alors qu’il avait oublié tant d’autres choses ? Il n’avait pas de frère. Il en avait eu un mais celui-ci l’avait trahi. Ils l’avaient tous trahi ! Seul Dieu ne l’avait jamais abandonné.
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23 juillet, Le Havre
Le 11 juillet à l’aube, l’expédition avait quitté la Russie. Ils avaient laissé les voitures des Forces Spéciales sur place et repris le train sans être inquiétés. Ils étaient arrivés exténués à Paris. De là, sans prendre le temps de se reposer, ils avaient rejoint le Havre, seul grand port capable de recevoir les hélio-transatlantiques géants qui faisaient la liaison entre la France et les USA. Celui sur lequel ils avaient embarqué, « l’Odysséus », venait de quitter le Havre. C’est avec une pointe de regret que les ressortissants français des Mus, voyait s’éloigner les côtes de leur pays natal. Leur retour dépendait de ce Sixième Rassemblement primordial mais surtout de l’issue de la confrontation entre leur Rassembleur et le Dragon noir de la Maison Blanche.
Malgré sa hâte de partir délivrer sa mère et d’affronter enfin face à face celui qui les pourchassait lui et les siens avec un tel acharnement, Hawk avait pris le temps de contacter tous ceux qui pouvaient se rendre rapidement à Washington. Ainsi qu’il le leur avait affirmé, il aurait besoin d’eux pour avoir une chance de vaincre leur ennemi commun. Leur pouvoir concentré, lié au sien, serait sa seule arme contre Solomon. Il n’avait pas d’autre plan de bataille. Pas d’autre choix non plus, puisque Solomon ne voulait voir que lui.
En attendant, il devait gérer un présent difficile. Pas autant que de savoir sa mère entre les griffes de Solomon mais presque !
Mary n’était pas guérie, loin s’en faut. Non seulement elle ne recouvrait pas la mémoire mais encore, elle se raccrochait à ses maigres souvenirs d’Ielo. Gertrud ne l’aidait pas, bien au contraire ! Elle se plaisait à maintenir sa protégée dans l’illusion de ce passé tout fait et faisait le maximum pour la tenir éloignée de son mari. Elle le regardait sans aménité bien qu’il l’ait guérie de ses terribles blessures, ou peut-être même à cause de cela. Elle le considérait comme un sorcier de la pire espèce. Pire que Lûba qui ne lui apparaissait plus que comme une simple herboriste aujourd’hui. Lui, c’était un démon !
Revenue de son étonnement et de la gratitude qui avait suivi sa miraculeuse guérison, elle avait reconsidéré la question sous son aspect le plus négatif. Blue Hawk et ses amis lui faisaient peur. Elle ne les trahirait pas puisqu’ils les avaient sauvés elle, Mary et les jumeaux mais elle ne pouvait les aimer et encore moins adhérer à leur cause.
Hawk n’en pouvait plus d’avoir dans les jambes ce dragon en jupons, agressive, étouffante, intraitable. S’il voulait regagner, à défaut d’amour, l’amitié de sa femme, il allait devoir prendre contre Gertrud, des mesures drastiques. Il avait à sa disposition les meilleurs arguments. L’ex-gardienne-chef de Krépotz’7 vénérait les jumeaux. Elle ne supporterait pas d’en être totalement privée. Il lui avait déjà été pénible d’avoir à les partager avec leur véritable grand-mère. Sa haine pour Félie était si palpable que chacun la percevait et en souffrait pour elle, même Mary. Là-dessus il avait été ferme. Sa femme et ses enfants voyageraient avec lui et lorsqu’il aurait besoin d’intimité avec son épouse, Océane et petit Faucon seraient confiés à sa belle-mère. C’était à prendre ou à laisser !
- Mais ils sont habitués à moi. Et puis Mary a peur de vous ! Avait objecté Gertrud vexée.
- Il n’y a pas de mais ! Vous devez vous soumettre ou partir madame Baumann ! Lui avait-il répondu inflexible.
Elle avait cédé la rage au ventre.
Il savait quelle disait la vérité, hélas ! Mary le craignait. Elle se rétractait dès qu’il s’aventurait à la toucher. Heureusement, il n’en était pas de même avec ses enfants. Il les adorait et les chérubins lui rendaient au centuple cet amour sans borne.
25 juillet, Océan atlantique.
Accoudée au bastingage du vaste pont promenade de l’Odysséus, Mary regardait l’océan bleu-vert qui s’étalait à perte de vue. C’était féérique ! Elle se sentait totalement en harmonie avec cet élément liquide si vivant.
Le grand navire mu par les volontés conjuguées du vent et du soleil, semblait fendre les flots de son étrave majestueuse. Il laissait derrière un profond sillage d’écume. L’air vif et iodé chargés d’embruns lui fouettait le visage et emmêlait ses cheveux dénoués. Un seul hic à sa sérénité, Hawk était bien trop près d’elle. Lui aussi savourait visiblement la paix de cet instant privilégié. Il se taisait, respectant son propre silence mais ses yeux lui lançaient des messages explicites et muets. Tels ceux que les naufragés glissaient autrefois dans des bouteilles qu’ils jetaient à la mer, ceux de son mari se perdaient dans les vagues tumultueuses de son esprit. Lequel demeurait pour elle comme pour lui, aussi insondable que les profondeurs abyssales.
Elle l’observait à la dérobée. C’était plus fort qu’elle ou que sa peur. Elle ne pouvait s’empêcher de l’admirer. Ses yeux étaient du même bleu profond que ce ciel de fin d’après-midi. Un bleu à faire tomber les midinettes en pâmoison comme disait son père…
Il sursauta soudain, comme piqué par une guêpe.
- Que te rappelles-tu de ton père ma mie ?
- Mais…Je…Rien ! Pourquoi ?
- Tu viens de l’évoquer Mary !
Qu’avait-il lu en elle qui l’ait déjà totalement fuie ? Son pouvoir étrange la gênait. Pire, il l’effrayait. Il guettait sa réponse, son beau regard plongé dans le sien jusqu’à la faire défaillir.
- Pardonnez-moi ! Je…j’ai oublié…
- Ce n’est rien ma douce. Et je t’en prie, cesse de t’excuser à tout bout de champ ! Tu n’as rien à te faire pardonner.
Elle sentait bien qu’il était déçu, agacé aussi. Mais quand il était si proche d’elle, presque à la frôler, elle perdait totalement ses moyens. Elle se troublait, devenant incapable de se fixer sur les bribes de souvenirs fugaces qui la traversaient parfois puis éclataient très vite, aussi fragiles que des bulles de savon.
Il la détaillait avidement. Trop pour sa tranquillité d’esprit. Si elle ne parvenait pas à se remémorer ce qu’ils avaient été l’un pour l’autre, il ne la laissait pas indifférente pour autant. Elle n’osa pas lui faire face tant l’examen auquel il la soumettait la mettait mal à l’aise, la faisant trembler d’un inexplicable émoi. Les yeux fermés, elle continua à l’évoquer tel qu’elle le voyait quand elle l’étudiait discrètement et que lui, ne la regardait pas.
Il était d’une si virile beauté qu’il devait plaire aux femmes, forcément ! Il alliait puissance contrôlée et sveltesse. Pas une once de graisse chez cet homme-là. Le jean qui moulait ses longues jambes lui faisait comme une seconde peau. Il avait les hanches minces, le ventre plat, le torse musclé, les épaules larges, le profil altier. Une veine palpitait au creux de son cou. Elle rouvrit les yeux, coulant un regard vers lui. La crispation de sa mâchoire lui prouva qu’il était conscient de cette évocation mentale tellement précise.
- Aimes-tu ce que tu vois ? Lui demanda-t-il, la voix légèrement altérée et le souffle un peu court.
Le rouge au front, elle esquissa un mouvement de retraite. Il la retint d’une main impérieuse et tendre.
- Reste ma douce !
Comme lui sans doute, elle se souvenait des deux nuits écoulées. Ils avaient passé la première séparés par une mince cloison. Elle avait dormi auprès des jumeaux dans la deuxième petite chambre de leur cabine de luxe. Elle l’avait entendu se tourner et se retourner avant de pouvoir elle-même trouver le sommeil. Pour la suivante, il avait été inflexible. Félie avait emmené les enfants, les laissant seuls. La cabine avait paru rétrécir tant le silence qui avait rempli l’espace était dense. Il n’y avait là qu’un grand lit pour deux. Elle avait voulu fuir alors il l’avait retenue comme il venait de le faire à l’instant.
- Il le faut Mary ! Avait-il plaidé malheureux mais déterminé.
- Non…Vous n’avez pas…
- Si ! J’ai le droit ! Tu es ma femme !
- Vous n’allez pas…
- Non, je ne te toucherai pas ! Je veux seulement que nous dormions ensemble.
Elle avait capitulé la tête basse.
Ce fut difficile pour tous les deux. Elle dut supporter la proximité à la fois troublante et effrayante de son grand corps nu. Il accepta sans broncher la longue et pudique chemise de nuit qu’elle avait revêtue comme on endosse une armure. De même, il dut accepter qu’elle se tienne aussi loin de lui qu’elle put le faire sans tomber du lit. Il soupirait à fendre l’âme. Elle se retenait de respirer. Quand il se fut enfin endormi ou feignit de l’être, elle se glissa hors de la couche trop moelleuse et, munie d’une couverture, elle se recroquevilla en chien de fusil sur l’épaisse moquette de la cabine, à bonne distance de lui. Alors seulement, elle put se laisser aller. Elle sombra dans un sommeil sans rêve, comme d’habitude. Lorsqu’elle se réveilla, alanguie de bien-être, elle était de nouveau dans le grand lit, étroitement moulée au corps de son mari, le dos contre son torse, et les fesses calées contre son ventre. Il la maintenait d’un bras possessif plein de douceur. Embarrassée, elle tenta en vain de se soustraire à son étreinte.
- Les enfants…Ils doivent avoir faim…Il faut…
- Laisse mon cœur ! Ta mère s’occupe d’eux. Reste près de moi, il est encore tôt.
- Non…Je…
- Ne me crains pas amour ! Je t’aime et je ne prendrai rien que tu ne sois prête à me donner. Reste !
Résolue à lui faire confiance, elle resta, tremblante et confuse, blottie entre ses bras où elle finit par se détendre.
« C’est mon mari, il a le droit ! » Pensa-t-elle en soupirant.
- L’amour n’est pas un droit, c’est un don ! Pardonne-moi si je t’ai laissé entendre le contraire. La corrigea-t-il doucement tandis qu’elle se rendormait, rassurée pour la première fois.
À présent, près de lui face à l’océan, elle se sentait soudain libérée. Si légère qu’elle en éclata de rire.
- Quelque chose t’amuse mon ange ? Demanda-t-il en posant un bras amical autour de ses épaules.
Elle tressaillit sans toutefois s’écarter.
- Non ! C’est seulement que d’un seul coup, je me sens absurdement…heureuse.
- Mary…Murmura-t-il d’une voix rauque.
Elle se méprit sur le ton.
- Oh ! Pardonnez-moi…Votre mère…
Elle les avait entendus discuter. Ils parlaient d’un ennemi redoutable qui détenait Blue Moon prisonnière.
- Vous la retrouverez comme vous m’avez retrouvée.
Dit-elle apaisante en se serrant contre lui pour le consoler, inconsciente du supplice qu’elle lui faisait endurer. Incapable de résister d’avantage, il lui fit face, l’entoura, posant sur son visage levé vers lui, des yeux interrogateurs et suppliants.
Dieu il allait…
- Seulement si tu veux mon amour. Chuchota-t-il penché sur sa bouche. Veux-tu ?
« Une fois, rien qu’une fois ! Pour savoir…Me rappeler peut-être… » Lui conseillait son esprit en déroute
- Oui…Murmura-t-elle.
Et sa réponse mourut contre la bouche chaude qui s’appuyait à peine sur la sienne. C’était une invite, un avant goût de ce qu’elle ressentirait si…Il alla au-devant de ses désirs inavoués. Ses mains encadrèrent son visage. Son souffle devint rauque. De la langue, il écarta ses lèvres, les pénétra…Il la goûtait, s’enivrait d’elle. Elle se laissa aller contre lui en soupirant d’aise et lui rendit son baiser. Leurs soupirs se mêlèrent, leurs ventres se cherchèrent…Le temps se suspendait à leurs lèvres jointes. C’était affolant, bouleversant, dangereux. Lui aussi le sentit car il la lâcha brusquement, la libérant de l’envoûtement où il la tenait. Interrogateur, il attendait la permission d’aller plus loin. Mais elle s’enfuit.
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10 juillet, Washington
En regardant Blue Moon assise en face de lui, hautaine en dépit de sa position inconfortable et humiliante, Solomon comprenait beaucoup de choses.
De ces choses qui lui avait échappé depuis des années. Trop d’années…
Elle n’était pas liée à son siège, juste retenue par une sangle pour ne pas tomber. Il n’avait pas eu besoin de la ligoter serré, vu qu’elle ne pouvait pas remuer le petit doigt. Elle ne sentait plus ses membres. Elle était comme engourdie, statufiée. Seul son esprit, une partie du moins, fonctionnait encore normalement. Elle pouvait parler bien qu’elle s’en abstienne la plupart du temps. En revanche, elle ne pouvait pas utiliser ses autres pouvoirs démoniaques. La drogue puissante qu’il lui avait administrée l’en empêchait tout en la laissant parfaitement lucide ainsi qu’il la voulait. Une semi liberté psychique qui lui permettait encore la télépathie. Cela aussi il l’avait voulu, afin qu’elle puisse lire en lui tout ce qui l’attendait sans avoir besoin de le lui détailler.
Il allait la chercher puis la ramenait lui-même à sa cellule, maintenue dans un fauteuil roulant. Chaque fois que l’effet de la drogue diminuait, il lui en réinjectait une bonne dose. Elle avait été mise au point tout exprès pour les mutants par ses chimistes personnels. Son action sélective sur le psychisme avait d’abord été essayée sur des normaux dont le cerveau plus fragile n’avait pas résisté. Réduits à l’état de légumes, ils ne lui servaient plus alors il les avait purement et simplement éliminés tels des cobayes de laboratoire. C’était la première fois qu’il l’utilisait sur un de ces monstres. Il avait pris un gros risque mais ça marchait.
La mère de Blue Hawk sortit de son mutisme.
- Tu t’amuses bien Solomon ?
La peste soit de cette femelle mutante ! Elle ne montrait aucune peur, le fixant avec impudence sans ciller. Oui, Blue Moon Bluestone, née Gwénaëlle Le Crouhennec - c’est du moins ce qu’elle croyait - était bien la mère de son pire ennemi. Même regard bleu acier, même chevelure d’ébène, même nez droit et fin, ce qui n’avait rien d’étonnant vu les circonstances, mais surtout, même insupportable arrogance ! Cette femme qui se croyait supérieure à lui alors qu’elle ne connaissait pas même une once de la vérité avant qu’il ne la lui laisse découvrir au fond de son esprit machiavélique, n’avait fait que confirmer ce qu’il avait pressenti en découvrant Blue Hawk à la télévision lors de ce gigantesque rassemblement de sa secte à Pékin. Un rassemblement illégal au cours duquel cet immonde salopard avait joué les stars en toute impunité. Lui non plus ne connaissait pas la vérité ! Incroyable ! S’il avait su, se serait-il exhibé avec une telle impudence ?
Pour celle qui l’avait porté dans son ventre, Hawk Bluestone viendrait se jeter dans les mailles du filet tendu tout exprès pour lui. Alors, il le tuerait de ses mains. Mais avant, il percerait les mystères de ce cerveau si particulier.
- Oui Solomon, il viendra et sa colère sera terrible ! Tu ne peux lire en lui mais lui lira en toi. Et quand il saura ce que tu es parvenu à nous cacher jusqu’ici, il te détruira !
Maudite télépathe ! Il allait…
- N’y pense même pas ! Si tu me touches ou si tu tentes de trafiquer mon cerveau autrement qu’avec la drogue que tu m’injectes, il le saura instantanément ! Le lien qui nous unit ne peut être rompu que par la mort et tu n’en profiterais pas, l’as-tu donc oublié ?
- Comment aurais-je pu l’oublier sorcière ?
- Et c’est bien là que le bât blesse, n’est-ce pas Solomon ?
- Tais-toi chienne !
Il mourait d’envie de la frapper ou mieux, de tester sur elle son dernier analyseur de pensées… Non ! Il savait qu’elle avait raison. Elle n’était que l’appât. Celui qu’il voulait, c’était son fils. En le tenant, non seulement il décapiterait son mouvement honni mais encore, il se vengerait de toutes ces années perdues et enfin, il percerait le mystère du Pouvoir des mutants. Il ne pouvait se permettre d’abimer sa chèvre. Elle était en contact permanent avec son mari et ses enfants. Avec Hawk surtout et c’était exactement ce qu’il souhaitait. Blue Moon était sa ligne directe avec le leader de la Roue. Ça faisait partie de sa vengeance qu’il sache tout ce qu’endurait sa mère. Tout ce qu’elle allait encore endurer jusqu’à ce qu’il se livre. Pas des blessures physique non, hormis celle qui consistait à la droguer pour la maintenir dans cet état de paralysie artificielle qui l’obligeait à subir sa présence sans pouvoir s’y soustraire autrement qu’en fermant les yeux et en se taisant.
La pire torture pour cette femme fière c’était également de ne pouvoir se fermer à l’esprit de son geôlier. Il y avait veillé en affaiblissant ses défenses mentales. Elle utilisait le peu de force qui lui restait pour cacher à Blue Hawk, le plus affûté des mutants, ce qu’elle ne voulait pas qu’il apprenne. Il ne lui en restait plus assez pour être capable de faire abstraction de son tourmenteur ni de la noirceur de son cerveau dans lequel elle découvrait malgré elle tout ce qu’il ferait subir à son salaud de fils quand il le tiendrait. Tout ce qu’à ce moment là, il lui ferait encore subir à elle pour faire vivre l’enfer sur terre à son ennemi avant de le tuer.
Parfois il la voyait pâlir sous son hâle de fausse indienne. Elle perdait alors de sa superbe. Son magnétique regard se ternissait. Son corps s’affaissait sur lui-même et elle serait tombée sans la sangle qui la maintenait au dossier du siège dur et étroit qu’il lui avait imposé. Quand elle s’effondrait ainsi, épuisée par la lutte qui se livrait en elle, il devinait sa peur de ne pouvoir encore longtemps continuer à masquer à son fils ce qu’elle s’efforçait de lui cacher.
Blue Moon avait exactement le même âge que lui. Elle faisait cependant beaucoup plus jeune. Le fameux pouvoir des mutants sans doute. La garce était encore plus que baisable. Ce serait un plaisir à savourer longuement que de la violer avant de la tuer. Il gardait en réserve pour elle tout une panoplie de délicieux jeux pervers. Il allait lui faire payer très cher ce qu’il était contraint d’endurer du fait de sa simple présence dans son repaire. Elle l’attirait autant qu’elle le révulsait, avec une telle force qu’il en tremblait intérieurement. Il avait tellement honte d’avoir ramené ça chez lui, dans son monde propre et sans souillure, qu’il avait fait éliminer sous de faux prétextes tous ceux qui avaient été témoins de ce qu’il considérait comme une déchéance. Les gops qui l’avaient arrêtée et le traître qui l’avait livrée aux autorités. Ah ! L’étrangler en la violant ! Jouir en la regardant étouffer, bleuir peu à peu…
- Je me tuerai avant Solomon !
- Comment feras-tu femelle du Diable ?
- Il y a décidément beaucoup de choses que tu ignores sur nous Solomon Mitchell !
Elle lui mentait sciemment. Elle devait continuer à semer le doute en lui. Lui faire croire qu’elle était capable de mettre fin à ses jours avec l’aide du Pouvoir s’il allait trop loin. Il se rappelait parfaitement du suicide d’Antonio lors du Procès de Mary. Un suicide que personne n’avait pu expliquer. Le poison qu’il avait utilisé ne laissait aucune trace ! Les Mus ne possédaient pas le pouvoir de se donner la mort ! C’était de surcroît totalement contraire à leurs préceptes !
- Qu’importe femme ! La mort de ton rejeton me fera jouir bien plus que ton corps ne serait capable de le faire, même s’il était en meilleur état qu’il ne l’est en ce moment !
- Ensuite, tu seras le Maître du Monde, pas vrai ? Crois-tu vraiment que nous te laisserons faire ?
- Et toi, crois-tu vraiment que ta sale engeance pourra m’en empêcher?
Blue Moon ne se donna pas la peine de lui répondre. Elle s’abima dans le silence, se persuadant que sa capture n’était encore que l’une des manifestations du Destin tout puissant. Une étape de plus dans la mission de son fils. À quoi lui servirait-il d’exciter d’avantage ce chien puisque dans la position où elle se trouvait, elle ne pouvait rien faire pour changer le cours des évènements à venir.
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