• 1er janvier 1967. La genèse des Alphas

     

    Ce jour-là, chez les Zagrozny, modeste famille d’origine hongroise émigrée aux États-Unis, naissait Alexander, un magnifique bébé de cinq kilos, très brun, dont les yeux qui restèrent d’un bleu étonnants intriguèrent très vite et très fortement Tanya et Stéphan, ses parents.

    Alexander n’avait hérité d’aucun des deux ces extraordinaires iris indigo. Quant à ses cheveux de jais déjà très fournis à la naissance, il ne les tenait pas d’eux non plus. Stéphan était massif, blond-roux et ses yeux étaient marrons. Tanya elle, était petite et ronde, blonde comme les blés. Ses yeux, s’ils étaient bleus, c’était d’un azur pâle perpétuellement noyé de brume.

    Ils avaient déjà six enfants, trois garçons et trois filles qui étaient nés avec une régularité métronomique, à raison d’un par an depuis leur mariage. Ce septième bébé était un accident de plus. Un sujet de discorde de plus aussi entre les époux qui s’en rejetaient mutuellement la responsabilité.

    C’était une bouche supplémentaire à nourrir pour ces braves gens dont les revenus n’étaient pas lourds. Pour eux, Alexander représentait en fait une véritable calamité ! D’autant que dès le départ, ce rejeton encore moins désiré que les deux derniers, se montra différent de ses frères et sœurs.

    Plus grand, plus vorace, plus éveillé, plus braillard, plus remuant…C’était comme s’il avait senti, à peine sorti du ventre de sa mère, qu’il allait devoir lutter plus que les autres pour vivre et se faire une place dans cet univers hostile où même ses parents ne voulaient pas de lui !

    Très vite, il put se passer du lait maternel. À deux mois à peine, il tenait assis seul, à trois il perçait ses premières dents sans pleurer. Quatre d’un coup ! À sept, il marchait, à neuf, il commençait à parler ! Ses parents avaient peur de lui. Une peur terrible née de l’incompréhension totale d’un tel phénomène. À leurs yeux, Alexander était étrange, inquiétant, anormal !

    Il faisait tout trop vite !

    Il avait à peine trois ans quand ils le découvrirent un jour à plat ventre par terre en train de lire à haute voix la une du quotidien local étalé devant lui. Ils en furent si choqués qu’ils n’osèrent en parler à personne. Ils préféraient garder pour eux ce honteux secret qu’était l’abominable tare de leur petit dernier.

    Alexander était un génie mais pour ces gens simples, besogneux, pas incultes mais au savoir aussi modeste que leur bourse, cet enfant à l’intelligence anormalement développée pour son âge, était ni plus ni moins qu’un monstre. Leur légitime terreur grandissait chaque fois qu’ils découvraient chez lui un nouveau don. Une nouvelle tare pour eux ! Ils ne savaient plus à quel saint se vouer, croyant à une punition de Dieu ou pire, à une intervention du Diable en personne.

    Les objets lui obéissaient. Comme s’ils avaient été doués de vie, ils se déplaçaient au gré de sa volonté et défiaient les lois de la pesanteur en s’élevant au-dessus du sol. Magie? Sorcellerie? Un jour - il n’avait que quatre ans- rien qu’en le touchant, il guérit le chat de leur voisin qui s’était blessé. La plaie se referma aussitôt. L’animal s’enfuit en feulant, le poil hérissé de frayeur. Plus abominable encore, il devinait les pensées des gens et avec la candeur de son jeune âge, il racontait ce qu’il voyait dans leur tête. Sans comprendre ce qui leur arrivait, ses victimes souffraient horriblement de ses innocentes intrusions.

    Pour le soustraire à l’attention des autres plus que pour le punir, ses parents l’enfermaient à double tour. Mais aucune serrure ne résistait bien longtemps à sa redoutable force psychique. Il se vengeait alors de l’injustice de son sort en fracassant tous les objets qui lui passaient par la tête au sens littéral du terme, sans même lever le petit doigt.

    À sept ans, il avait perdu son innocence enfantine à force de solitude, d’humiliation et de châtiments corporels. Il aurait pu user de son pouvoir sur ses parents, toutefois jamais il ne le fit. Il préférait s’en prendre à ceux de son âge sur lesquels il s’exerçait en quelque sorte. Il hypnotisait ses frères et sœurs ainsi que les gamins du quartier. Tous lui obéissaient comme des toutous.

    Le rejet de ses parents qui le blessait profondément, le poussait à la révolte. Il commença à utiliser ses dons pour faire mal. Il devint méchant, agressif, bagarreur, cruel parfois. Cependant, la plupart du temps isolé des autres, il se forgeait un monde utopique où il n’était pas le seul de son espèce. Un monde où il régnait et où tous les enfants étaient comme lui.

    À dix ans, las de respirer l’air vicié de peur et de méfiance que les siens diffusaient autour de lui, il s’enfuit. Pendant trois semaines il erra, déjouant toutes les tentatives pour le retrouver. Il voulait que ses parents souffrent de la même façon qu’ils le faisaient souffrir en le rejetant et en le tenant à l’écart de ses frères et sœurs.

    Il ne se laissa prendre que lorsqu’il sentit de leur part du regret, du remords et une sorte d’élan chaleureux qui, à ses yeux désabusés, pouvait passer pour de l’amour.

    Écoutant les conseils avisés de leur médecin de famille venu à son chevet – il avait considérablement maigri – Ils l’amenèrent voir un psychologue qui les décida à confier leur petit génie à un institut spécialisé où l’enfant rencontrerait d’autres gamins aussi surdoués que lui. En apparence du moins car évidemment Alexander se garda bien d’étaler sa « monstruosité » devant l’éminent spécialiste. Ce qui arrangeait bien Stéphan et Tanya. L’octroi d’une bourse d’étude leur facilita la tâche. Ils purent se débarrasser de l’indésirable gosse sans toucher à leurs maigres ressources.

    Ce n’est qu’à partir de là qu’Alexander Zagrozny put enfin être heureux. À l’institut, on ne le traitait qu’au regard de son exceptionnel QI. Il avait mûri et comprenait qu’il lui fallait désormais se fondre dans le décor. Plus question pour lui de montrer à quiconque ses talents sulfureux. La paix était à ce prix !

    Il ne savait pas encore qu’il n’était pas le seul de son espèce !

     

    1er février 1967, Vannes, France

    Le moment était venu. Après une ultime poussée laborieuse de sa mère trempée de sueur acide, naissait Anne Yvonnic. Quatre kilos huit-cents, brune, les yeux d’un bleu peu commun pour un nouveau-né. On pouvait supposer qu’ils ne changeraient pas de couleur. Anne était la septième enfant d’une famille déjà trop nombreuse. En la voyant, son père avait traité sa mère de putain avant de partir en claquant la porte de sa chambre sans se soucier du regard courroucé de l’infirmière qui reposa le bébé gigotant dans son berceau. La maman ne voulait pas la prendre dans ses bras !

    Le père lui, avait filé au troquet le plus proche histoire d’y noyer sa honte au fond de quelques verres. Il allait rentrer soûl chez lui, comme d’habitude…

     

    1er mars 1967, Kardhítsa, Grèce

    Les Xénopoulos accueillaient en leur sein joyeux le septième de la couvée. Un fils de plus ! Quatre kilos six-cents, le poil noir et la prunelle aussi bleue que la mer Égée. On le baptisa Constantin. Toute la famille des deux côtés, des patriarches chenus aux tantes les plus éloignées, s’extasia devant ce bébé peu commun qui se démarquait des six autres membres de sa fratrie…

     

    1er avril 1967, Newcastle, Royaume Uni

     

    Ce matin-là était particulièrement brumeux. Ann, Peter, Leslie, Thomas, Andrew et Lisa Walton, renfrognés, la morve au nez, apprenaient par la voisine, la naissance de leur nouveau petit frère. Où est-ce qu’on allait le caser celui-là ? Il n’y avait déjà pas assez de place alors !

    Dennis Walton, cinq kilos, noir de cheveux, le regard azuréen, n’était pas le bienvenu. Il allait regretter d’être né…

     

    1er mai 1967, Le Cap, Afrique du sud

     

    Penché sur le berceau, Pieter Vandervoort regardait intrigué sa petite dernière, Élisabethe, née le jour-même à la maison. Totalement différente de ses six frères et sœurs, tous blonds et blancs de peau. Celle-ci dont les iris d’un bleu plus profond que ce que l’on a coutume de voir chez un nouveau-né, paraissaient le fixer, avait le teint mat et une impressionnante touffe de cheveux d’un noir d’ébène. Se pouvait-il que Clare…Non ! C’était impossible, pas Clare, elle était trop intègre ! Une sainte femme, assurément !

     

    1er juin, Rimini, Italie

     

    En vigoureux italien de bonne souche, Federico Uccello poussait son premier cri. « Un vrai ténor, comme moi ! » S’exclama papa Uccello très fier. Comme les six autres, trois garçons et trois filles, c’était un bon gros bébé, joufflu à souhait. Comme eux, il avait les cheveux très noirs. Une seule chose le différenciait de ses frères et sœurs. Alors que leurs yeux variaient du marron au brun-vert, les siens étaient étonnamment bleus et pétillant d’une intelligence hors du commun. Déjà ! Ses yeux deviendront marrons comme les miens affirma le papa péremptoire. Il se trompait…

     

    1er juillet 1967, Hanovre, Allemagne

     

    Gisela Trautmann venait à peine de voir le jour qu’elle était, déjà une épine dans le pied de ses parents.

    Kurt Trautmann était né en 1927, Magda Krüger en 1929. Ils avaient tous deux grandi, nourris par l’idéologie nazie de leurs parents respectifs. Ils en avaient gardé une haine farouche de « la juiverie internationale ». Et voilà que Gisela, au contraire de ses six frères et sœurs bon teint comme eux, avait tout d’une juive hormis ses yeux bleus qui allaient forcément foncer selon eux. Elle avait la peau très mate et le nez légèrement busqué. Pour eux dont l’évangile secret était « Mein Kampf », c’était trop ! Gisela ne vit jamais la maison où elle avait été conçue. Jamais elle ne sut qu’à cause d’elle, Magda et Kurt avaient divorcé. Le jour-même où elle devait faire son entrée officielle dans la famille Trautmann, ses parents l’abandonnèrent en catimini sous le porche de leur église.

    Elle fut adoptée trois mois plus tard par un couple d’américains dont le mari était diplomate en Allemagne et dont la femme était stérile. Monsieur et Madame Trent la rebaptisèrent Ginny…

     

    1er août 1967, Toronto, Canada

     

    Helena venait compléter la nichée Saint-John déjà dotée de six beaux enfants en pleine santé. Ses parents ne s’étonnèrent pas plus que ça qu’elle soit brune alors que ses frères et sœurs étaient tous roux. Ce devait être l’héritage de l’arrière-grand-père Mohawk. Ce qui les étonna le plus par la suite, ce fut ce regard étonnamment bleu et vif qu’elle fixait si souvent sur eux comme pour leur dire : « Aimez-moi de toutes vos forces car je vous réserve bien des surprises ! »

     

    1er septembre 1967, Moscou, URSS

     

    Dans un quatre pièces surpeuplé naissait Ivan Semionov, quatre kilos neuf-cents, alors que la petite Natalia, sixième enfant d’Igor et de Macha, commençait tout juste à marcher. Ivan s’était annoncé sans crier gare. Macha n’avait pas eu le temps de dire ouf que déjà, il poussait pour sortir. Pas le temps d’aller à la maternité. Juste celui d’avertir une voisine pour l’aider à accoucher. Igor en était bien incapable.

    « Ce petit moricaud n’est pas de moi ! Impossible ! » Pensa le père quand il découvrit le nourrisson. Pourtant, il devait bien admettre que sa femme était trop occupée avec leur marmaille toujours sale et affamée, pour avoir le temps ou l’envie de faire autre chose. Comment en aurait-elle trouvé pour le tromper ? Alors de qui donc pouvait tenir ce gosse pour avoir hérité de cheveux aussi noirs et d’yeux aussi intelligents ? Pas de lui en tous cas !

     

    1er octobre 1967, Rio de Janeiro, Brésil

     

    Une favela n’est pas précisément le meilleur endroit pour mettre un enfant au monde ! Pourtant les Santos qui en avaient déjà six dont la moitié en âge de le faire, mendiait dans les rues de Rio, venaient d’en pondre un septième !

    « Quelle tristesse ! » Pensait le curé qui tentait d’aider ces pauvres gens dont la misère était criante.

    Rafaela et Gustavo eux, se réjouissaient de cette nouvelle naissance. Juliana était tellement mignonne ! Brune, le teint mat mais plus clair que celui de ses frères et sœurs, elle avait en plus des yeux d’un bleu !

    Elle deviendrait une vraie beauté ! Elle leur rapporterait beaucoup d’argent quand elle aurait l’âge de plaire aux hommes. Et ce serait très tôt, à coup sûr ! On mûrit vite dans les favelas…

     

    Ces neuf enfants dont la naissance avait suivi celle d’Alexander Zagrozny de mois en mois, eurent à peu de chose près le même parcours que lui.

    Rejet, incompréhension, peur…

    Ils profitèrent des longues années de solitude forcée que leur imposa très vite leur différence, pour développer en secret leurs incroyables facultés paranormales. Ils le firent en poursuivant à la face du monde de hautes et brillantes études scientifiques. Leur statut de surdoués leur valut de devenir précocement d’éminents généticiens, physiciens, neurologues ou biologistes de génie…Un jour, à l’instigation d’Alexander, premier né d’entre eux qui avait également été le premier à déceler leur existence grâce à des pouvoirs télépathiques surdéveloppés, ils se rencontrèrent et mirent sur pied l’inimaginable « Projet Alpha »

    Ils avaient 20 ans.


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  • C’était à cette époque que son père avait minutieusement effacé de son esprit tout ce qu’elle avait enregistré ce jour-là sans vraiment comprendre ce qu’elle avait appris dans toute l’innocence de ses deux ans. Tout ce qu’il avait gommé remontait à présent à la surface en même temps qu’une foule de souvenirs plus récents tout aussi destructeurs.

    Cet homme qui la toisait, c’était bien « oncle » Solomon, comme le lui avait alors dit son père. Elle se rappelait également la dernière fois qu’elle l’avait vu. C’était la veille de la mort de Patrick Defrance. Elle arrivait à l’hôpital de Villejuif et pénétrait dans le service oncologique pour sa visite hebdomadaire. Elle était à quelques pas de sa chambre quand elle vit un homme en sortir l’air furieux.

    Le sosie de son père !

    Instinctivement, elle fit volte-face, saisie d’une incompréhensible frayeur à sa vue. Elle ne voulait pas qu’il l’aperçoive. Elle se cacha dans le renfoncement d’une porte afin de l’observer. Sa démarche saccadée, ses poings serrés et le rictus qui déformait son beau visage, témoignaient de la rage qui l’habitait.

    - Je te hais Patrick ! Je vous maudis tous ! Fulminait-il en s’éloignant rapidement.

    Il était passé devant elle sans la remarquer.

    Elle entra dans la chambre de son père sur la pointe des pieds et l’entendit murmurer comme pour lui-même :

    - Oui frère, un jour quelqu’un te reconnaîtra et saura qui tu es, hélas !

    Elle se rendit compte à son état que son heure était proche. Elle eut le pressentiment qu’il le savait lui aussi et qu’il en était presque soulagé en dépit du fait qu’il allait les laisser seules sa mère et elle. Plus que de son cancer foudroyant, c’était du douloureux secret qui le rongeait depuis des années qu’il se mourait. Qu’il se laissait volontairement mourir en refusant de se laisser soigner par ses semblables.

    Patrick Defrance, enfant adopté à l’âge de trois mois par un couple stérile choisi par son géniteur, était un clone.

    Tous ceux que le monde avait baptisés « mutants », étaient des clones ou des descendants de clones. Solomon Mitchell en était un lui aussi mais imparfait. Il était en outre le seul clone raté encore en vie. Tous ceux sur lesquels le clonage humain à grande échelle n’avait pas donné le résultat parfait escompté par leurs dix géniteurs, avaient été purement et simplement détruits tels des objets défectueux !

    Soumis à l’influence exceptionnellement puissante de l’un d’entre eux, Alexander Zagrozny, quatre hommes et cinq femmes avaient joué aux apprentis sorciers, durant trente six années et dans le plus grand secret, défiant et vainquant les lois de la génétique dont ils bafouèrent impunément l’éthique.


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  • Elle est encore petite mais elle suce plus son pouce. Dad’ et Mum’ disent souvent qu’elle est grande et dégourdie pour son âge. Tellement qu’on dirait qu’elle a au moins quatre ans. Ils disent aussi que c’est normal…

    Hier, elle a eu deux ans. Les deux bougies sur son gâteau brillaient comme des étoiles. C’était si beau qu’elle voulait pas les souffler. C’est papa qui l’a fait pour elle en riant. Y avait qu’eux trois pour fêter son anniversaire. Elle a plus de papy ni de mamy.

    - Ils sont au paradis, ils te voient. Lui a dit maman

    Si c’est vrai, c’est comme s’ils étaient là. Elle a vu dans la tête de papa qu’ils étaient très malades avant de monter au ciel. Elle a aussi vu que pour papa, c’étaient pas ses vrais parents. Comment on peut avoir un papa et une maman qui soient pas vrais ?

    Elle, elle est jamais malade, alors sûrement qu’elle ira jamais au ciel. C’est embêtant parce qu’elle aurait bien aimé les voir un jour ses grands-parents. Les vrais et les pas vrais. Ceux de France et ceux d’Amérique.

    Ça doit faire bizarre d’être mort !

    Aujourd’hui, papa travaille pas. C’est dimanche. Elle aime beaucoup le dimanche parce que papa et maman sont là tous les deux et qu’ils s’occupent d’elle. Pendant que maman prépare à manger, papa joue à cache-cache avec elle. Elle adore ça ! C’est son tour de se cacher. Elle s’est accroupie sous le guéridon du salon. Avec la grande nappe brodée qui descend jusqu’en bas, il la verra pas mais comme d’habitude, il saura exactement où elle est. Il fera juste semblant de pas la trouver. Elle, elle fera semblant de pas savoir qu’il sait où elle est. C’est toujours pareil et c’est ça qui est amusant !

    Elle crie : « Ça y est ! »Pour qu’il vienne la chercher.

    C’est long ! C’est pas comme la dernière fois ! Qu’est ce qu’il fait papa? Elle en a marre d’attendre. Il fait chaud là-dessous et en plus, elle a envie de faire pipi !

    Ah ! Ça y est, il entre ! Elle se fait encore plus petite sous la nappe…Tiens ! Il fait même pas semblant de la chercher ! Et y a un autre monsieur avec lui. Ils ont l’air énervés et très en colère ! Ils crient. Ça lui fait peur.

    Oh ! C’est bizarre, ils ont presque la même voix ! Ils l’ont pas vue…Ils parlent très très fort. Dans la tête de l’autre monsieur, y a plein de vilaines choses, comme des bêtes noires et méchantes qui rampent et grouillent….Elle soulève la nappe pour le voir. Elle écarquille les yeux.

    Oh la la ! On dirait qu’y a deux papas dans le salon ! Sauf que l’autre il a les cheveux longs et une queue de cheval, comme elle. Il a les yeux bleus tout comme papa mais les siens sont méchants, aussi méchants que les bêtes noires dans sa tête…

    Maman a dû entendre les cris car elle arrive en courant. Elle est inquiète, ça se voit. Aucune des grandes personnes fait attention à la petite fille sous le guéridon. Elle voudrait bien sortir de sa cachette maintenant car elle a peur de mouiller sa culotte. Elle irait se jeter dans les bras de maman. Mais elle ose pas. Elle a encore plus peur de l’autre papa que de se faire gronder si elle fait pipi sous elle.

    Ils sont tellement occupés à se disputer qu’ils l’ont oubliée. Elle a envie de pleurer. Pour se consoler, dans sa tête elle chante la berceuse que mum’ a inventée pour elle :

    « Petite Mary,

    Lorsque vient la nuit,

    Ferme tes beaux yeux… »

    Ils crient vraiment trop fort. Elle arrive plus à retrouver les paroles.

    - Va-t-en ! Fiche-nous la paix ! Patrick ne peut rien pour toi ! Hurle maman

    - Reste en dehors de ça Ophélia ! Ça ne te regarde pas ! Crache le vilain monsieur.

    - Elle a raison, je ne peux faire ce que tu me demandes, même si je le voulais. Répond papa.

    - Tu mens ! Je suis sûr que tu peux, seulement tu ne veux pas ! Donne-les-moi puisque tu ne t’en sers pas ! Je suis ton frère après tout ! C’est à moi que ça revient !

    - Je te répète que c’est impossible !

    - Tu refuses ! Après tout ce que j’ai dû endurer tu refuses de m’aider !

    - Je n’y suis pour rien et je n’y peux rien non plus ! Va-t-en !

    - Mais bordel ! Puisque tu ne les utilises pas, pourquoi m’en priver ?

    - Tu ne comprends décidément rien ! Je ne peux pas ! J’y ai renoncé et je m’en passe très bien tu sais! Le simple fait de savoir ce que je suis a failli me détruire comme ça te détruit ! Oublie tout ça Solomon ! Vis ta vie comme je vis la mienne. Marie-toi, fais des enfants et oublie ce que tu es !

    - Ce que je ne suis pas au contraire de toi salaud ! Moi, je suis un raté total. La seule chose que nous ayons en commun en dehors de notre père, c’est de savoir ce que les autres ignorent. Avec le Pouvoir en plus de ce que nous savons, nous pourrions être les maitres du monde. Partage au moins ! Je suis sûr que tu peux partager !

    - Non je te dis ! Seule la mort pourrait peut-être me permettre de te donner ce que tu veux ! Et je dis bien peut-être vu les circonstances ! Mais même si je le pouvais, sachant ce que tu en ferais, ce n’est pas à toi que je le lèguerais. Alors n’essaie pas de me tuer Solomon, ça ne te servirait à rien ! Va-t-en et ne t’approche plus de moi ni de ma famille !

    - Fumier !

    - Tu as bien tué notre père, n’est-ce pas ? Qu’as-tu obtenu ? Rien ! Pas plus qu’avec les innocents que tu as sacrifiés sur l’autel de la vengeance !

    - C’étaient des monstres ! Comme toi ! Mais un jour, j’en fais ici le serment, je vous détruirai tous comme j’ai détruit ceux-là ! Les complices de notre père ont réussi à s’enfuir mais je finirai par les retrouver eux aussi. Et je les abattrai comme des chiens pour ce qu’ils ont fait. J’ai brûlé la ferme Patrick mais j’ai gardé les preuves de leurs crimes. Ils paieront ! Vous paierez tous !

    Une porte claque si fort qu’un carreau s’est cassé. Le vilain monsieur est parti. Elle est toujours sous le guéridon. Papa console maman qui pleure. Ils l’ont pas encore vue. Papa est tellement en colère, qu’il l’a pas sentie. Elle a plus du tout envie de jouer maintenant. Sa culotte est mouillée. Le pipi fait une mare sous ses pieds. Elle va se faire disputer, c’est sûr ! Elle a appris plein de choses terribles en lisant dans les têtes des grands et maintenant, elle a mal, très mal ! C’est comme si elle s’était cognée très fort ! À quatre pattes, en pataugeant dans son pipi, elle sort de sa cachette. Elle se met à pleurer comme maman. Son nez coule et elle a pas de mouchoir, c’est dégoûtant ! Elle veut que papa la console elle aussi. Elle s’accroche à ses jambes.

    - Dad’, pourquoi il était en colère le monsieur pareil ? Et pourquoi y veut tous nous tuer Et pourquoi y dit plein de gros mots ?

    - Oh mon Dieu ! Elle a tout entendu ! Tu crois qu’elle a compris chéri ? Demande maman d’une drôle de petite voix, comme si elle avait peur.

    - Hélas, je le crains fort ma douce ! Il va falloir que je la conditionne.

    Quel vilain mot ! Elle aime pas ça du tout !

    - Elle est encore si petite Pat !

    - Il le faut Félie, il est plus que temps !

    Elle s’accroche encore plus fort à la jambe de papa

    - Dad’, c’est quoi conditionne ? J’aime pas !

    Enfin, il la prend dans ses bras. Elle soupire d’aise. Il est si grand papa, si beau et fort ! Ça lui irait bien les cheveux longs ! Oh, et puis non ! Il ressemblerait trop à l’autre méchant !

    - Mon trésor ! Mon tout petit trésor !

    Elle sent très bien maintenant qu’il lit dans sa tête tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle a vu et que ça lui plait pas du tout ! C’est pas contre elle qu’il est fâché, mais contre lui-même et contre le méchant monsieur pareil qui vient de partir.

    Il a l’air tout triste quand il l’embrasse en la serrant très fort contre lui.


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  • 5 Août, Washington. L’antre du Dragon

     

    Hawk tressaillit malgré lui. On lui avait désobéi. Mary approchait et il ne pourrait pas l’empêcher de tomber dans le piège. Rien ne pouvait l’arrêter. Elle l’aimait.

    L’immuable locataire de la maison Blanche depuis plus de vingt ans était devant lui et le dévisageait, comme lui-même le faisait depuis quelques instants en cachant sa stupeur derrière un masque impassible.

    « Oh Mary mon amour ! »

    Il s’était mis sciemment dans les griffes du Dragon. Mais il avait manqué de vigilance et le piège s’était refermé sur lui. Dès son arrivée à Washington, il s’était rendu directement à la Maison Blanche. Là, il avait passé sans difficulté aucune les barrages mis en place par Solomon pour les Mutants. Pas pour lui ! En effet, comme prévu les plantons l’avaient laissé passer. C’était à l’intérieur, derrière les grilles qu’on l’attendait. Il était animé d’une telle haine, d’une rage si froide qu’il ne lui avait fallu qu’un regard pour libérer le Pouvoir et désarmer les hommes des Forces Spéciales chargés de le neutraliser dès qu’il apparaîtrait. Ils étaient censés l’amener pieds et poings liés et surtout vivant à leur maître. Mais c’était lui qui en avait fait pour quelques heures des pantins amorphes. C’est donc librement qu’il avait franchi les portes du palais gouvernemental. Nul n’avait plus tenté de l’arrêter. Ce géant au magnétique regard d’un bleu intense était impressionnant. Il dégageait une telle aura de puissance contenue qu’on s’écartait à son passage. Il avait trouvé sans peine le chemin du repaire souterrain de Solomon à travers les dédales secrets de la maison Blanche interdits aux personnes non habilitées par le maître de ce lieu. Et ces personnes là se comptaient sur les doigts d’une main. Grâce aux plans que lui avait fournis Phil Adams avant de mourir, il avait pu s’y repérer facilement.

    Depuis deux jours, il ne parvenait plus à communiquer avec sa mère. Même se connecter à son esprit était devenu impossible. La ligne était coupée. Son père avait également perdu le contact avec elle. Ce n’était pas bon signe. Il essayait vainement de rétablir la liaison. L’inquiétude le dévorait, aussi n’était-il plus sur ses gardes quand la fulgurance d’un éclair rouge le frappa à l’épaule gauche d’abord puis à la jambe droite. Il s’effondra sur lui-même sous le coup d’une insupportable douleur. C’est délibérément qu’on l’avait blessé alors qu’il suffisait de le neutraliser. « On » voulait qu’il en bave. Dans la semi inconscience où la souffrance le mettait, il senti plus qu’il ne le vit, un homme de haute stature se pencher sur lui. Une aiguille s’enfonça dans son bas. Il fut instantanément paralysé tandis qu’une terrible douleur diluait sa conscience. L’homme était fort. Il le traîna sans mal jusqu’à sa tanière. Ce ne fut que là qu’il s’évanouit.

    Quand il revint à lui, il était enchaîné au mur. Son cou, ses poignets et ses chevilles étaient étroitement enserrés dans des anneaux cadenassés. Ses membres étaient encore engourdis par l’injection paralysante et son crâne bourdonnait. Debout devant lui, Solomon se repaissait du spectacle de son ennemi vaincu. Près de lui, sanglée dans un fauteuil roulant, la tête affaissée sur l’épaule droite, pâle et amaigrie, sa mère paraissait inconsciente.

    Et voila que Mary n’était plus loin de tomber à son tour dans la gueule du Dragon.

    Il n’avait que très peu de marge de manœuvre mais d’où il était placé, probablement à dessein par Solomon, il voyait sans mal le planisphère géant ainsi que l’immense écran de contrôle qu’il avait entrevu lors de ses visions. Tout comme il n’avait fait qu’entrevoir l’homme qui lui faisait à présent face.

    « Mary… »

    Il ne savait plus s’il devait espérer ou redouter qu’elle recouvre la mémoire. Ce qu’il lisait dans l’esprit de l’innommable créature qui le fixait en jubilant, dépassait de loin tout ce qu’il avait pressenti. Confrontée à l’inconcevable vérité, sa raison vacillait. Écœuré, il s’extirpa en hâte de ce cloaque où son propre esprit déjà vaseux menaçait de s’embourber.

    - Alors ! Surpris hein ! S’exclama Solomon.

    Son éclat de rire victorieux brisa le silence lourd de leur mutuelle inspection. Une joie haineuse faisait briller les yeux du Dragon noir d’un éclat démentiel.

    « Ces yeux Mary…Ces yeux ! »

    Surpris ! My God ! Le mot était un milliard de fois trop faible pour décrire ce qu’il ressentait !

    « Mary ! »

    - On m’amène ta femelle Hawk Bluestone ! Mais ça, tu le sais déjà sorcier, non ? En revanche, malgré ton satané pouvoir, tu n’avais rien deviné à mon sujet, je me trompe? 

    Oh que si ! Mais il avait nié l’évidence des images, bien que floues, que ses transes lui imposaient.

    Un bruit de bottes résonna derrière l’épaisse porte blindée qui protégeait l’antre du Dragon. Il en commanda l’ouverture sans quitter Hawk du regard, guettant sur son visage le signe de sa totale défaite. Mary apparut. Comme dans le cauchemar qu’elle avait fait, trois hommes en noir l’encadraient. L’un d’eux la traîna par les cheveux jusqu’à Solomon puis la força à s’agenouiller devant lui. On lui avait bandé les yeux. Le dragon se pencha vers elle, un sourire cruel sur les lèvres. Il allait enlever le bandeau.

    « Mary ! » Hurla mentalement Hawk, espérant que son cri percerait les brumes de son amnésie.

    - Madame Bluestone je suppose ? Je ne vous attendais plus ! La chasse a été longue mais vous voilà ! Quelle joie de vous rencontrer enfin !

    Il avait devant lui la femme arrêtée puis jugée sommairement un an auparavant sur son ordre. On ne l’avait alors accusée que de coercition avec la secte maudite. Elle avait été très sévèrement punie pour ce crime qui s’apparentait à de la haute trahison ! Ce n’est que depuis peu qu’il avait deviné les liens plus puissants qui l’unissaient au leader des mutants. Intuition largement vérifiée aujourd’hui puisqu’elle s’était présentée aux grilles de la maison Blanche comme son épouse ! S’il avait su avant…Curieusement et entre autres choses, il ne parvenait plus à se rappeler son nom de jeune fille.

    Elle était très belle ! Ce serait un ineffable plaisir que de la violer sous les yeux de son mari avant de la tuer elle aussi. Sa traîtrise envers la caste des normaux ne méritait pas d’autre punition ! Quel dommage qu’il ne détienne pas aussi son bâtard! Sa victoire aurait été complète!

    « Immonde salaud ! » Pensa Hawk mais il se garda bien de proférer cette injure à haute voix. Le Pouvoir l’avait abandonné, probablement inhibé par la drogue que lui avait injectée Solomon. Il ne pouvait rien! Le rêve de Mary était devenu réalité. Seul le retour de sa mémoire pouvait les sauver tous les trois. Toujours inconsciente, très affaiblie et sans nul doute droguée elle aussi, sa mère ne lui serait d’aucun secours.

    Solomon arracha le bandeau des yeux de Mary sans ménagement. Elle garda cependant la tête baissée et les yeux clos.

    « Regarde-le Mary, je t’en prie ! » Entendit-elle dans sa tête où tout s’embrouillait. Elle reconnaissait la voix de son mari bien sûr ! Mais elle se mêlait insidieusement à une autre, très réelle celle-là, qui s’adressait à elle avec une fausse cordialité et dont le timbre grave ne lui était pas étranger …Où l’avait-elle déjà entendue ?

    La position à laquelle le Gop l’avait contrainte l’humiliait terriblement. Pourtant ce n’était rien comparé à la crainte qu’elle éprouvait pour Hawk et pour Blue Moon. Elle se sentait tellement présomptueuse d’avoir cru qu’elle pourrait sauver son mari et sa belle-mère à elle seule !

    Elle s’était présentée au cordon de gardes en faction devant la Maison Blanche, en déclarant hautaine :

    - Je suis la femme de Blue Hawk !

    Ils l’avaient crue sur parole, d’autant plus qu’elle avait exhibé le pendentif, signe de son appartenance au mouvement proscrit. Ils l’avaient donc menée sans brutalité excessive aux hommes des Forces Spéciales tout juste sortis de l’hébétude provoquée par la décharge de Pouvoir de Blue Hawk.

    - Menez-moi à votre maître ! Leur avait-elle ordonné. Je suis la prisonnière évadée de Krépotz’7 !

    On lui avait si souvent raconté cette histoire dont elle n’avait pas souvenance, qu’elle finissait par y croire.

    - Sale femelle de mutant ! Avaient-ils craché en se saisissant d’elle.

    - Vous ! Restez là et surveillez bien ! On ne sait jamais, d’autres pourraient venir à la rescousse ! Et vous deux, venez avec moi !

    Avait braillé celui qui paraissait être le chef en s’adressant au groupe d’hommes en noir encore un peu groggy.

    Les deux qu’il avait désignés pour le seconder s’était avancés vers elle, menaçants. L’un d’eux l’avait empoignée sans ménagement par un bras, l’autre lui avait violemment agrippé les cheveux tandis que chef détachait le foulard noir imprégné de sueur qu’il avait autour du cou pour lui en faire un bandeau qu’il avait noué très serré sur ses yeux. Ensuite, les trois gardes l’avaient trainée et poussée du canon de leur laser sous le regard médusé de tout le petit peuple de la Maison Blanche.

    - C’est la complice des terroristes mutants ! Hurlait le chef en réponse aux dizaines d’interrogations qui fusaient à leur passage.

    Elle avait eu l’impression de marcher longtemps à travers un véritable labyrinthe. Petit à petit, le silence avait succédé aux bruits familiers de la vaste ruche gouvernementale. Un silence de tombeau seulement troublé par le claquement des bottes des hommes en noir et par leurs éclats de rire chaque fois qu’elle trébuchait et tombait lourdement sur le sol de marbre, rendue aveugle par le bandeau puant dont les remugles de sueur lui donnait envie de vomir. Ils la relevaient alors brutalement et elle sentait de nouveau le canon d’une arme s’enfoncer dans ses côtes pour la faire avancer.

    Une image fugitive l’avait traversée. Elle avait déjà vécu quelque chose de similaire. Cette impression s’était renforcée quand ils l’avaient poussée dans un ascenseur de service, la coinçant contre la froide paroi métallisée. Une panique aussi soudaine qu’irraisonnée s’était emparé d’elle, qu’elle avait maîtrisée à grand peine, se retenant de hurler pour ne pas leur donner la satisfaction de la voir mourir de peur.

    C’était le noir…La sensation d’étouffement liée à l’exiguïté de la cabine…L’odeur forte de la transpiration des hommes brutaux et sans vergogne qui se livraient sur elle à d’obscènes attouchements en les ponctuant de ricanements et d’injures ordurières…

    Une nouvelle image l’avait traversée puis avait disparu aussi vite que la première. Un endroit sombre…humide et glacial…Des rires…Des coups…La douleur…« Une nouvelle descente aux enfers ! » Pensa-t-elle lorsqu’elle sentit une main d’homme s’insinuer sous sa robe sous les rires gras des deux autres. Elle voulut se débattre mais une gifle violente la repoussa contre la paroi de la cabine. La honte et la rage éveillaient en elle des envies de meurtre.

    « Non, pas encore une fois ! » Criait une voix dans sa tête et elle ne savait pas si c’était la sienne ou celle de Hawk.

    Puis l’ascenseur avait stoppé. Elle avait encore marché longtemps. Ils s’arrêtèrent enfin.

    - On est arrivé ! Dit le chef goguenard.

    Elle avait entendu le chuintement d’une porte. Une main rude l’avait poussée pour la faire entrer dans l’antre du Dragon noir. Le lieu suintait la haine et la méchanceté…Et il était trop tard pour se fustiger de sa présomptueuse témérité.

    Elle était à genoux, tête baissée, toujours aveugle car elle refusait d’ouvrir les yeux et de les lever, redoutant obscurément l’instant de regarder en face son implacable ennemi. Quand il avait arraché le foulard qui la protégeait encore de lui, ses doigts sur sa nuque l’avait fait frémir d’une instinctive répulsion.

    - Alors madame Bluestone, vous ne répondez pas ? C’est très inconvenant ça ! Éclairez donc ma lanterne ma chère, comment votre complice et vous, avez-vous pu vous échapper de Krépotz’7 ?

    Elle se tut. Elle sentait la présence de son mari par toutes les fibres de son corps. Pourquoi ne disait-il rien ? Avait-elle réellement entendu sa voix tout à l’heure ? Il l’enjoignait de regarder l’homme qui lui parlait. L’idée l’emplissait d’effroi sans qu’elle puisse s’en défendre.

    - Vous m’intriguez au plus haut point jolie madame, savez-vous ? Seriez vous immortelle ou bien fabriquée d’un autre bois que le commun des mutants pour avoir survécu plus de huit mois à la lobotomie et au régime dur de dur des QHI ? Quoi qu’il en soit, merci infiniment de vous être si obligeamment livrée à moi ! Je n’en demandais pas tant mais puisque vous êtes là, je me ferai une joie de disséquer votre cerveau. Il doit différer quelque peu de celui de votre époux. Lui est un pur-sang, pas vous madame ! Non, ce qui m’intéresse ce sont les traces que peut avoir laissé le fameux « fluide » guérisseur des mutants sur vos neurones endommagés !

    Elle ne comprenait rien à ce qu’il disait, uniquement concentrée sur cette voix qu’elle tentait d’identifier. Elle croyait pourtant bien la reconnaître. S’il n’y avait eu cette intonation cruelle ni cette mordante ironie… Sans comprendre d’où lui venait cette certitude, elle savait qu’il voulait sa mort autant que celle de son mari et de sa mère. C’était comme s’il avait voulu assouvir une vengeance personnelle ! Que lui avait-elle fait ?

    Cependant, plus encore que de mourir, elle craignait de lever la tête et de découvrir le visage du Dragon noir.

    Pourquoi Hawk ne se manifestait-il pas ?

    - Ta femme est bien timide Hawk ! Car c’est bien ta femme, pas vrai ?

    - Tu divagues Solomon ! Si elle t’a dit ça c’est qu’elle est mythomane ! Je ne l’ai jamais vue de ma vie !

    Répondit froidement l’homme qu’elle aimait.

    - Tu mens !

    - Pourquoi te mentirais-je ?

    - Et cette expédition pour la récupérer ?

    - Accessoirement ! Nous voulions surtout récupérer les enfants qu’elle a mis au monde !

    - Les enfants ? Il n’y en a pas qu’un alors !

    - Eh non ! Il y en a deux. Tu ne devines donc pas qui est le père ?

    - Cesse de m’entourlouper Faucon ! Je ne te crois pas !

    - Allons Solomon ! Rappelle-toi le mutant qui s’est suicidé lors de son procès ! C’est lui le père, pas moi ! N’est-il pas le seul à avoir tenté quelque chose pour elle ? Il s’est mis hors la loi de notre mouvement pour ça ! La survie de la Roue Universelle vaut plus que la vie d’une «normale», même si elle a été assez stupide pour s’amouracher de celui qu’elle a guéri ! Nous n’avons décidé de la sauver que lorsque nous avons su qu’elle était enceinte d’Antonio Rivera !

    Ça paraissait plausible ! Les certitudes du Dragon s’effritaient. Mary qui se remettait du choc qu’avait provoqué en elle la réponse de son mari, comprit qu’il mentait pour gagner du temps. Elle tourna légèrement la tête vers la source de cette voix aimée et le vit. Il était enchaîné au mur, blessé. Le regard qu’il posait sur elle était faussement froid et indifférent. Un homme très grand était à demi tourné vers lui. Elle ne voyait que son dos. Sa haute silhouette cachait en partie un fauteuil roulant où était assise une femme apparemment évanouie. Blue Moon ! La mère de Fleur de Lune et de Blue Hawk pour laquelle il s’était volontairement jeté entre les pattes du Dragon.

    - Voyons Hawk ! Qui crois-tu donc abuser ? Que vient faire ici cette femelle si elle n’est pas ta femme hein ? Je déteste qu’on se moque de moi !

    - Je te dis que je ne la connais pas ! Laisse-la partir ! Et libère ma mère aussi ! C’est une affaire entre toi et moi ! Serais-tu lâche pour te cacher derrière deux faibles femmes ?

    - Et toi, serais-tu idiot pour persister dans un mensonge aussi flagrant ?

    Répondit l’homme retors en assénant u violent coup de crosse sur la blessure de son épaule qui se remit aussitôt à saigner. Elle le vit serrer les dents pour ne pas crier, tandis que Solomon Mitchell se tournait vers elle…

    « Mary ! » Hurla Hawk dans sa tête où ce cri résonna comme un avertissement.

    Un voile noir se déchira au fond de son esprit.

    Papa !


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  • Pour celles et ceux qui y croient

    Pour celles et ceux pour lesquels(les) ces fêtes sont des moments difficiles à traverser

    Pour celles et ceux qui vivent ces jours comme des jours ordinaires.

    Que chacune et chacun trouve sa place dans ce tourbillon des fêtes.

    J'aime Noël en dépit de toutes les épreuves qui ont jalonné ma vie et l'ont noircie si souvent avant que je rencontre mon mari et que je fonde avec lui cette famille qui fait mon bonheur.

    Cette fête, au-delà de toute croyance,  m'a toujours apporté réconfort et lumière.

    A mes yeux, c'est comme un grand anniversaire commun qui nous réunit dans l'amour, la chaleur, la joie et le partage.

    Joyeux Noêl

    Quelques voeux  de  ma liste : Paix sur terre

    Paix pour les enfants d'Ukraine et pour tous ceux que la guerre déchire

    A manger et de l'eau pour tous ceux qui manquent cruellement de tout

    Liberté pour tous ceux qui sont injustement emprisonnés

    Que la conscience revienne à tous ceux qui mettent en péril notre planète.

    Chacun de nous a sa part de responsabilité dans le respect d'un juste équilibre

    Il y a tant de choses que j'aimerais voir changer mais la liste serait trop longue.

    Un dernier souhait cependant, que ceux qui ne manquent pas de l'essentiel, cessent de se "plaindre d'aise" comme dit mon cher et tendre. Je sais que j'en fais trop souvent partie.

    Mon coeur est tout tout près de celles et ceux qui seront seuls ces jours là comme ils le sont tous les autres jours,  près de celles et ceux qui travaillent samedi, dimanche et fêtes, près des malades chez eux ou dans les hôpitaux....

    Je vous embrasse très fort

    Que la lumière et la paix soient en vous 

    Joyeux Noêl

     

    Anne-Marie 

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