• Je remets en avant ce poème écrit pour nous rappeler qu'ils ne sont jamais très loin nos chers disparus 

    ***

    L’eau de l’au-delà (10/05/2021) 

     

    Ils ne font pas de bruit, les gens de l’au-delà,

    C’est à peine s’ils troublent l’eau de notre vie.

    Pour beaucoup ils ne sont que rêve et fantaisie

    Que s’inventent tous ceux qu’a brisés leur trépas.

      

    Ceux qui restent et pleurent, noyés de chagrin

    Refusant le départ jusqu’à la déchirure,

    Refusant de la mort la cruelle morsure,

    Refusant jusqu’au bout d’écrire le mot « fin ».

     

    Ils guettent dans la nuit, les ombres disparues,

    Attentifs, ils s’abîment dans un grand silence…

    Incapables de croire en l’éternelle absence,

    Ils attendent un signe descendant des nues.

     

    Enfer ou paradis, quel est cet au-delà,

    Flammes de la torture ou grand flot de lumière ?

    Qui les a emportés, insondable mystère

    Vers ce monde inconnu où se perdent leurs pas ?

     

    Ou vivent-ils en nous, dans les recoins secrets

    Où notre âme s’enfuit quand le sommeil arrive ?

    Par la grâce du rêve ils accostent nos rives

    Et d’un souffle d’un seul, effacent nos regrets.

     

    C’est l’eau de l’au-delà qui les ramène à nous,

    Éternels passagers de nos voiliers nocturnes.

    Nul besoin de scruter les anneaux de Saturne ,

    Attirés par l’amour, ils sont au rendez-vous.

     

    Et cet amour les garde en nos cœurs à l’abri.

    L’au-delà est en nous, en cela je veux croire !

    Ils vivent à jamais au creux de nos mémoires

    Et ne meurent vraiment que lorsque vient l’oubli

    ©A-M Lejeune

     

     


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  • Pour Emma dont je vous invite à  aller lire le beau poème  : ici

    Un texte écrit en 2011 :

    La maison déserte (20/11/2011)

     

    Le silence grandit dans la maison déserte

    Où il trottait menu de la table au fauteuil,

    Du fauteuil à leur lit qu’il occupait inerte.

    Il ne pouvait dormir, son cœur portait le deuil

     

    De sa tendre moitié, de son ombre fidèle,

    Sa bien- aimée compagne durant soixante ans

    Dans la nuit, solitaire il rêvait encor d’elle

    Et de ce temps lointain où ils étaient amants

     

    Il la voyait toujours gracieuse et légère

    Blottie tout contre lui, plus fine qu’un roseau,

    Puis inquiète parfois comme l’est une mère

    Le front un peu plissé, penchée sur un berceau

     

    Un seul berceau hélas pour un fils qu’une guerre

    Au sable d’un désert un jour leur enleva

    Aujourd’hui c’est son tour d’être porté en terre.

    Si seul depuis longtemps, qui donc le fleurira ?

     

    Dans un coin poussiéreux de la maison déserte

    Un gamin a trouvé une lettre d’amour.

    Deux cœurs entrelacés où une main experte

    Autrefois écrivit : je t’aimerai toujours.

    ©A-M Lejeune

     


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  • Bonjour !

    J'ai beaucoup de mal à poursuivre cette histoire alors je vais publier au fur et à mesure chaque nouveau chapitre que je parviendrai à écrire, en espérant que ça me reboostera l'imagination.

    Voici donc le chapitre 12.

    Bonne lecture

    Anne-Marie

    ***

    Si beaucoup de choses se sont éclaircies pour Élisa. depuis son réveil et ces trois ans à Liberté, beaucoup d'autres se bousculent encore dans sa tête. Trop des souvenirs de ses rêves continuent à perturber sa vision du Monde tel qu'il est devenu. Elle regarde et compare.. Elle regarde et ne cesse de s'extasier devant le diversité de la faune et de la flore que mille ans d'inoccupation humaine ont refaçonnées. L'ensemble est un fabuleux mélange entre ce que la Terre saccagée par le cataclysme, a réparé d'elle même au cours des siècles, et ce que les robots de l'Arche y ont réintroduit, programmés pour le faire par les Noé.

    Parce que oui, tout avait été programmé pour organiser le retour des Humains dans les meilleures conditions possibles. Les robots anthropomorphes dernière génération que les plus géniaux informaticiens avaient créés dix ans avant Armaggeddon, ne l'avaient été que dans un unique dessein : suppléer à l'Homme pendant le grand sommeil.

    Ultime degré d'une technologie de pointe, ces androïdes paraissaient tellement humains qu'il y avait de quoi s'y tromper. Ils étaient capables de s'auto- régénérer, de se mettre en sommeil et de se "réveiller" à des périodes prédéterminées. Ceci dans le but outre de maintenir le bon fonctionnement de l'Arche et de toutes ses installations en vue du lointain réveil des survivants, mais également de vérifier régulièrement le retour à la vie en dehors des Arches : qualité de l'air, de l'eau, régénérescence de la flore, tout autant que de la faune dont on avait estimé que certaines espèces se montreraient plus aptes à résister aux effets dévastateurs du cataclysme qui allait décimer l'Humanité:: certains insectes, des animaux cavernicoles, la faune des grandes profondeurs marines.... Cependant, en l'absence de toute certitude quant à ces estimations, tout avait été fait pour que chaque espèce soit réimplantée périodiquement dans l'écosystème pour en mesurer l'avancement de la guérison. A cet effet, des millions et des millions de graines, d'échantillons d' ADN, de fœtus, de larves de toute sorte, avaient été cryogénisés ou conservés dans l'une des vastes sphères de l'Arche, construite et équipée pour cela, et aussi bien surveillée, contrôlée, protégée, que l'étaient les caissons cryogéniques des survivants.

    Ainsi, chaque espèce animale ou végétale réimplantée par périodes de dix ans  dans l'écosystème bouleversé, était observée méthodiquement pas les androïdes. Ils en suivaient l'évolution et consignaient soigneusement le résultat final de la réimplantation. Soit elles mouraient, soit elles survivaient. Tout ce qui avait la chance de survivre finissait par se croiser avec les espèces qui avaient résisté. Ceci expliquait la plupart des mutations génétiques que ses rêves lui avaient montrées et qui finalement, à quelques détails près issus de son imagination, étaient bien réelles.

    Les robots avaient parfaitement rempli leur office !

    Leur présence pérenne depuis sa "mise en service" expliquait elle à elle seule le maintien en activité de l'Arche ?

    Les avait-on réactivés et reprogrammés à la surveillance des extraits de Liberté ?

    Obéissaient-ils toujours aux anciennes lois de la robotique ou étaient ils si perfectionnés qu'ils avaient évolués et agissaient de leur propre chef ?

    Toutes ces questions se lisent sur son visage bien qu'elle n'ose pas les formuler à haute voix. "Tu sauras bien assez tôt !" Semble lui dire le regard narquois de Khaled

    En attendant, il faut continuer à marcher en redoublant de prudence, surtout à la tombée de la nuit où des animaux sauvages tels qu'elle n'en a jamais vus au XXIe siècle, les suivent à la trace, avides du sang frais des humains.

    Pour couronner le tout, une pluie fine et persistante s'est mise à tomber et chaque refuge lui paraît chaque soir plus éloigné que le précédent. Trouver des abris sûrs pour se reposer, se sécher, se nourrir, est devenu la priorité de Jonathan que la toux de leur fils inquiète. Le petit bonhomme habituellement si calme et d'une éternelle bonne humeur, est devenu grincheux. Il ne cesse de pleurer et ne supporte plus de passer de bras en bras, si bien qu'elle se retrouve seule à le porter. Elle ne se plaint pas pourtant, trop consciente qu'elle ne devrait pas être là ! Pas besoin que son compagnon le lui répète, sa mauvaise humeur permanente parle pour lui.

    Leur petite expédition s'épuise. Martha se traîne. Elle a commencé à tousser elle aussi. Voir sa vieille amie dans cet état lamentable, n'est pas sans lui rappeler un triste épisode de ses rêves : la maladie puis la mort de Jacob sur le chemin de Liberté. Elle sait à présent que cet homme a réellement existé et que les circonstances de son décès se sont déroulées exactement de la façon que lui ont montré ses songes. Elle a peur !

    Il n'y en a qu'un que la situation semble réjouir, c'est leur prisonnier. Elle a même la sensation que ses forces augmentent au fur et à mesure que les leurs diminuent. Heureusement, Jonathan ne relâche pas sa vigilance. Il sait que son ennemi est capable de profiter de la moindre de ses défaillances. Il le connaît si bien et depuis si longtemps ! Le bougre mange comme quatre, dort comme un bébé, si bien qu'il récupère sans problème au contraire des autres que le surveiller sans cesse oblige à rester en en permanence sur le qui-vive.. Du coup, il ne se prive pas de montrer à quel point il est en forme en dépit de ses liens serrés. Il rit à tout propos, lance des piques à son vieil ami ou à Martha qui crache se poumons. Le pire c'est qu'il semble énormément s'amuser à exacerber la colère latente de Jonathan en laissant tomber sans préavis des propos salaces sur elle.. Si elle encaisse sans piper mot , ce n'est pas le cas de son homme à bout de patience.

    Son dernier "Je me la ferais bien ta petite pute, elle a l'air bonne !" Lui a valu une deuxième dent cassée. Et quand il s'en est pris à leur fils en jetant : "Il ne te ressemble pas beaucoup cet avorton ! T'es sûr qu'il est de toi ?", la rage de Jonathan a explosé. .Il s'en est fallu de peu qu'il ne tue Khaled sur place ! Elle a dû déployer des trésors de persuasion pour qu'il ne le fasse pas, pourtant une folle envie d'écraser elle-même cette punaise l'envahit avec une force décuplée par son immense fatigue, chaque fois que son regard goguenard se pose sur elle..

    Les journées s'écoulent avec une lenteur désespérante. La végétation anarchique brouille les pistes. Ils se sont déjà plusieurs fois perdus. La toux de Jacob leur vrille les nerfs. L'état de Martha s'est aggravé. Pour elle c'est marche ou crève parce qu'il n'est pas question de lui fabriquer un brancard de fortune ! Qui le tirerait ? . L'exaspération de Jonathan est à son comble.

    Combien de temps encore vont ils pouvoir ainsi cheminer dans cette atmosphère humide et pesante ?


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  • Mystification

     

    C'est matin. Mistikella émerge doucement, presque voluptueusement d'une nuit peuplée de rêves pré programmés. Avant de s'abandonner au repos réparateur, elle en avait sélectionné trois dans l'impressionnante banque de données de sa puce corticale.

    Le premier, un combat homérique dont elle sortait victorieuse bien sûr, avec une meute de redoutables et sanguinaires vélociraptors de la préhistoire. Pour satisfaire son goût de l'action celui-là !

    Le deuxième, dans lequel, réincarnée en Alice, elle se promène avec délectation au Pays des merveilles. Celui-là, c'est pour apaiser son besoin récurrent de retrouver son enfance perdue et parce qu'elle adore ces vieux contes de fées qu'on lisait aux gosses pour les endormir, du temps de son arrière, arrière, arrière, arrière-grand-mère.

    Le troisième enfin, pour assouvir ses désirs les plus secrets de folle volupté, une joute amoureuse d’un érotisme torride avec l'un des acteurs en vogue de l'Universal Holofilm, le macho-mâle par excellence, le troublant, séduisant, sensuel en diable Jim Clooney, descendant en droite ligne d'une idole des antiques écrans du cinéma mondial du vingt et unième siècle que devait priser cette fameuse aïeule d'un autre temps.

      Encore toute alanguie d'oniriques caresses et de fougueux ébats aussi vrais que nature, nue, nimbée de la douce lumière bleu-vert et irisée qu'elle a choisie pour envelopper ses songes, elle flotte en apesanteur...

      « Allez Mistikella ! Secoue-toi, il est temps !  Se morigène-t-elle.

    D'un double clic déterminé de la paupière droite, elle désactive la bulle de sommeil et, avant même que le halo bleu-vert ne se soit totalement dissipé, elle atterrit sur le sol de sa chambre. En douceur, telle une feuille morte tout juste tombée de l'arbre...

    « Une feuille ? Un arbre ? J'en ai de ces idées bizarres moi parfois ! » Pense-t-elle furtivement.

    Après une douche aseptique ionisante réglée à l'exacte température de son corps au réveil, suivie illico d'une autre plus régénératrice aux microbulles glacées, elle passe quelques secondes dans la cabine UV pour un rapide séchage-bronzant. Puis elle enfile en un tournemain sa combi-peau thermorégulatrice préférée. La turquoise iridescente qui la fait ressembler à une sirène, ce personnage mythique décrit dans les contes qu'elle a lus gamine à la médiathèque locale. Elle glisse ses petits pieds délicats dans les bottes à semelles anti-G, moulées sur mesure pour eux et qui les épousent sans les comprimer. Elles montent jusqu'à ses mollets joliment galbés. La matière «automass» dans laquelle elles sont fabriquées, du latex composite, a depuis des lustres remplacé le cuir rigoureusement interdit et qui se monnaye aujourd'hui à prix d'or au marché noir tant il en reste peu. 

    Voilà ! Elle est prête. D'un double clic de la paupière gauche, elle active les électro- miroirs tridi qui tapissent les murs de la salle de bain. Ils lui renvoient aussitôt le reflet holographique élogieux de sa silhouette sans défaut. Elle s'admire sous toutes les coutures.

    Rien à redire : ovale parfait, taille mince, poitrine haute et menue, jambes longues. Son crâne parfaitement lisse et brillant sur lequel se dessinent les électro-tatouages éphémères de soleils radieux et d'étoiles scintillantes pour lesquels elle a opté aujourd'hui, lui fait immanquablement penser aux femmes d'autrefois qui passaient chaque jour tant de temps devant leur miroir à se pomponner, se peindre le visage de couleurs parfois criardes, discipliner des tignasses courtes ou longues dont elles semaient de peu ragoûtants reliquats pullulant de microbes dans leurs archaïques lavabos.  

    Un dernier regard, un petit sourire satisfait à ce flatteur reflet tridimensionnel, une dernière pensée pour ses pauvres ancêtres féminines, pour leurs hideux oripeaux tellement inconfortables, pour leur hygiène douteuse...

    Cette fois, elle est fin prête. Fraîche comme un bouton de rose à peine éclose.

    « Tiens encore une de ces étranges idées ! »

    La chassant d’un revers de main agacé, elle se dirige d'un pas aérien vers le nutri-distributeur pour y commander un petit déj' consistant : une gélule de café au lait dont raffolait ses lointains aïeux, une de pain beurre confiture au goût exquis et suranné, bien meilleur que toutes ces saveurs totalement artificielles vantées quotidiennement par les télé-pubs. Pour compléter cet énergétique et délicieux premier repas de la journée, elle avale un gobelet de sa boisson supra vitaminée favorite. Elle en a toujours au frais dans son frigo. Quoique très sophistiqué, c'est un très vieux modèle auquel elle tient parce qu'elle en a hérité de ses grands-parents paternels.

    Tout comme elle a reçu en legs de ses deux autres grands parents, un salon en cuir antédiluvien que lui envient ses amis, même s'ils s'en moquent ouvertement.

    « Quel plaisir éprouves-tu à garder ces vieilleries d'un autre âge ? » Lui demandent-ils régulièrement.

    Mais elle n'a cure de leurs sarcasmes car dans leurs yeux, elle lit la jalousie à l'état pur de ceux qui n'ont pas la chance comme elle de posséder de si précieuses reliques des temps anciens. Si précieuses parce que si rares au vingt cinquième siècle où les logements ne sont que des lieux de passage hyper fonctionnels, entièrement gérés par la domotique et qui vous obéissent au doigt et à l’œil. Ce qui est précisément son cas puisqu’elle a choisi l’appli clic paupières pour activer toutes les fonctions de ce loft ou elle a élu domicile dès sa majorité, à 16 ans, au cœur même de cette mégapole où elle mène une existence de célibataire indépendante bien remplie depuis 9 ans déjà...

    Mistikella est heureuse et elle gagne très bien sa vie. Elle fait partie des privilégiés de la Cité, à la fois crainte et enviée par les citoyens moyens de Googleland. Et pour cause, elle tient leur destinées entre ses jolies mains...Elle est le PDG incontesté de Googlenet, société puissante sur laquelle elle règne sans partage depuis 5 ans. Elle dirige, conseille, pose et lève les interdits comme bon lui semble. Son droit inaliénable de censure lui permet, sans avoir à en référer à quiconque, de sanctionner toute indiscipline avérée ou non. Elle a le droit et ne s'en prive pas quand elle l'estime justifié, de supprimer un blog ou un site Internet qu'elle juge non conforme à son éthique personnelle. Pire, elle peut déconnecter un internaute ou un « Googlenaute » qui n'a pas l'heur de lui plaire !

    Ses amis l'adorent autant qu'ils la craignent. Ses ennemis la craignent et font semblant de l'adorer... Entre eux, les uns et les autres l'appellent « Le Napoléon du Net» sans savoir qu'elle est au courant de ce sobriquet. Sans savoir non plus qu'elle apprécie ce personnage aimé autant qu'il fut détesté, encensé autant qu'il fut décrié. Oui, ils peuvent ironiser tous ! Elle s’en moque. Elle sait que dès qu'elle apparaîtra, flagorneurs et fanfarons se feront tout sucre tout miel et viendront lui manger dans la main... Concentré de sucre et de miel artificiels bien entendu !

    C'est d'un pas assuré « Impérial ! » se dit-elle in petto en riant sous cape, qu'elle quitte le loft après l'avoir minutieusement sécurisé.

    Elle règle ses semelles anti-G sur le mode apesanteur et pénètre dans le flux tiède de la cheminée gravitationnelle  faisant immédiatement face à la porte de son appartement du 777ème niveau. En deux micros secondes, elle est au sommet de la tour, juste dans le mini parking perso où l'attend sa petite astrauto monoplace, rouge comme tous les véhicules des VIP de Googleland. Elle s'y allonge béate, referme sur elle la bulle protectrice et active l'itinéraire préprogrammé qui lui permettra d'arriver au siège de Googlenet sans lever le petit doigt. .

    Elle doit y rencontrer Karl le prestigieux PDG de Metanet avec lequel elle va signer un fructueux accord de partenariat, après des décennies d’une sauvage compétition, non exempte de terribles coups-bas des deux côtés !

    Elle y sera dans 5 minutes. Elle préfère cela à la méga vitesse de la télé transportation qu'elle n'utilise qu'en cas de force majeure.

    Le minuscule astronef s'élève en douceur jusqu'à son couloir aérien de circulation. À cette heure matinale, il n'est pas encore trop encombré. L'engin rutilant se déplace sans bruit, sans à coup. La voix soft du pilote automatique (elle a programmé le timbre de velours de de Jim Clooney) va la bercer de douces paroles durant ce court mais délicieux trajet jusqu'à Googlenet. Elle ferme les yeux...

      Soudain, la voix inquiète de son idole la sort brutalement de sa langoureuse béatitude :

     « Mistikella, Mistikella ! Nous avons été heurtés par un astronef non immatriculé... Nous tombons, nous tombons... »

      - AHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!

      Derrière son écran qui s'est mis en veille, le nez presque sur le clavier, An’Maï se réveille en sursaut...

    Zut ! Trop tôt, comme d'hab' ! Encore une fois elle a raté la fin ! Elle ne saura donc jamais si Mistikella s'en est sortie...Sûrement ! L'invisible pilote à la voix de velours aura su redresser la situation à la dernière seconde, juste avant l'impact mortel avec le sol de Googleland

    C'est presque matin. L'invétérée noctambule s'est une fois de plus endormie sur son clavier, devant sa page Facebook. Son mari va la gronder, c'est sûr, ça lui arrive trop souvent ces derniers temps... Les commentaires se sont affichés pendant qu'elle dormait.Et les petits mots sur Messenger .

    «Alors An’Maï, pas encore couchée toi non plus ? » « À demain l'oiseau de nuit ! » « Salut la couche tard ! Moi, je vais au lit ! » « Bonne nuit An’Maï ! @+ ».

    Combien de ses amis(es) sont comme elle, encore devant leur écran à cette heure indue? Plus que probablement, la plupart d'entre eux dort depuis longtemps du sommeil du juste ! »

    Sa nuit va être brève pour ne pas changer !

     

     ***

    Mystification (suite)

     

    Zzzzzzzzz ….Le bourdonnement est si ténu, qu’elle le ressent plus qu’elle ne l’entend. Il a pris possession de tout son corps meurtri. Dans sa bulle aseptique tiède et confortable du Robopital de Googleland, Mistikella se réveille et s’agite soudain, en proie à une sourde inquiétude. Que fait elle ici, et surtout, pourquoi est-elle envahie de bizarres réminiscences ? Qui est cette…An’Maï dont le fatras d’idées hallucinantes squatte son propre cerveau ?

    -Matricule B725, cessez de vous agiter. Ronronne la voix désincarnée et lénifiante d’un robot-infirmier. Vous perturbez le travail des nanomorphes dans votre organisme.

    MatriculeB725… Elle est donc dans le service des polyblessés… Pourquoi ? Que lui est-il arrivé qui nécessite son admission au Robopital ? Elle ne parvient pas à se souvenir en dépit de cette prodigieuse mémoire dont elle est si fière ! La faute à ce bouillonnement étranger qui en parasite le siège.

    Une légère sensation de piqûre à la base de son cortex cérébral, puis une autre à la saignée de son bras droit…Elle sursaute et grimace. Dans son corps malmené, le bourdonnement s’intensifie.

    - Matricule B725, Nous venons de vous injecter 2 doses supplémentaires de nanomorphes.

    Reprend la voix métallique du Robot infirmier

    - Pourquoi ?

    - Le dernier holoscan a laissé apparaître des microlésions résistantes au centre même du siège de votre mémoire. Une injection de psycho-nanomorphes s’est avérée indispensable. Ainsi qu’une seconde injection de nano réparateurs pour quelques petites lésions internes au niveau du foie et de la rate.

    - Mais…

    - Rien de grave B725. Les lésions externes sont en cours de résorption totale. Votre rate et votre foie seront eux aussi réparés dans une heure si vous cessez de réfléchir et de vous agiter ainsi.

    - Mais…

    - Reposez-vous Matricule B725 ! C’est un ordre. Nous ne pouvons vous administrer de nouveaux tranquillisants. Ils ralentiraient l’action réparatrice des nanomorphes.

    Le ton du robot infirmier a beau être monocorde, il recèle pourtant une charge de suggestion si puissante que Mistikella ne peut lui résister. Elle s’efforce de se détendre et de faire le vide dans son esprit occupé.

    Zzzzzzzzzz! Pas vraiment apaisée, elle ferme néanmoins les yeux et, bercée par le bourdonnement des nanomorphes dans son corps et dans sa tête, elle ne tarde pas à s’endormir…

    Instantanément, elle retombe dans ce rêve étrange qui l’emplit à la fois de curiosité et de crainte.

    Anne-Marie… Quel drôle de prénom ! Tellement désuet ! Et ces trucs devant ses yeux, maintenus derrières ses oreilles par des espèces de petits bras recourbés...C’est quoi ? On dirait...du….du verre ! C’est ça, du verre ! Elle se souvient. Elle possède, entre autres trésors précieux des temps anciens, deux bibelots en verre. Un récipient creux et profilé à long col dont elle ignore l’usage. Pas encore eu le temps de se renseigner à ce sujet. L’autre représente un petit animal avec un tel luxe de détails morphologiques qu’elle en est émue chaque fois qu’elle le regarde. Celui-là, elle sait qu’il s’agit d’un …chat. Un chat en… verre filé ! Minuscule, transparent et si beau, si adorable, si fragile aussi, qu’une fois, elle a été jusqu’à gifler violemment son meilleur ami, juste parce qu’il avait failli le laisser tomber !

    Anne-Marie. Le nom explose dans son crâne endolori par l’incessant bourdonnement des psychonano… Elle la voit, comme si elle se tenait derrière un miroir sans tain… Miroir sans tain….c’est quoi encore ce truc ? Et cette femme un peu enveloppée dans des rondeurs inimaginables aujourd’hui, la tête couverte d’une épaisse toison châtain disciplinée, certes mais…beurkkkk ! Qui est-elle ? Et surtout, pourquoi feint elle de s’appeler An’Maï, assise devant ce qui paraît être un de ces ordinateurs préhistoriques, tels ceux que les anciens-anciens utilisaient au 21ème siècle ?

    Ses doigts boudinés et malhabiles pianotent avec une stupéfiante lenteur sur un énorme clavier noir. Sur l’écran, une…page blanche sur laquelle les lettres, les mots, s’alignent laborieusement. La femme ne se sert que de deux doigts. À quoi bon en avoir dix à sa disposition alors ? Vraiment loufoque cette…Anne-Marie  !

    Secouée, Mistikella s’aperçoit soudain qu’elle peut voir, à travers les yeux de la femme chevelue, ce qu’elle est en train d’écrire...

    - AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !


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  • Voici une histoire totalement farfelue dont les personnages sont à la fois très extraordinaires et d’une incroyable banalité…

    *

     

    L’heure du bain

     

    Ouf ! C'’est l’heure du bain, enfin ! Après cette longue journée de boulot, c’est largement mérité ! Je suis sale comme mon pote Peigne qui vit à l’étage au-dessus et que je n’ai rencontré qu’en de rares occasions, tout à fait par hasard ! Soit dit en passant, je suis heureuse et soulagée que nous n’utilisions pas la même baignoire (Lol !)

    Un vrai hippy celui- là ! Toujours plein de cheveux comme Brosse, sa meuf qui est encore plus chevelue que lui !

    Bon, revenons-en à nos moutons ! Vous voulez savoir pourquoi je suis si dégueu en fin de journée ? C‘est à cause de mon taf : je suis "touilleuse". C’est ma principale fonction même si mes patrons m’utilisent à d’autres tâches de bouche à l’heure du dessert en particulier, comme cela aurait dû être le cas aujourd’hui.

    Que je vous raconte ma journée à présent.

    Aujourd’hui donc, c’était réception des Grandes Occasions dans l’entreprise : le repas du nouvel an que les patrons fêtent chaque année avec toute la famille. Mes copines et moi, tout comme les autres membres de l’honorable confrérie de la Ménagère en Argent à laquelle je suis si fière d’appartenir, nous avons été sorties très tôt du grand "dorbuffet" quatre étoiles de la Salle-à-manger, puis retirée une à une avec beaucoup de ménagement, de la mallette-lit très confortable que nous partageons. Passage des troupes en revue, obligatoire !

    La tenue se devait d’être parfaite : propreté impeccable, teint brillant, dos droit. Les tordus ou les ternis finissent inévitablement dans les casiers-lits de métal du "dortiroir" de la cuisine, réservé aux subalternes. Un lieu horrible d’après que j’en sais par ouï-dire, où règne une abominable promiscuité ! Les exclus de la Ménagère en Argent y finissent leurs jours sans plus jamais connaître ces moments de gloire et d’intense satisfaction que nous autres, employés exclusivement pour ces grands moments, sommes les seuls à vivre !

    Ouf, j’étais nickel chrome ! Les autres aussi ! Nous avons donc été disposés comme il se doit à la place qui nous revient. De même que mes amies Petites Cuillères d’Argent, on m’a installée au pied de deux potes des grandes occasions, Verre à Vin et Verre à Eau qui font partie de la confrérie des Verres en Cristal. Les membres particuliers de la joyeuse famille des Verres à Apéritif, ont été installés à part dans le salon. Quant aux gracieuses Flûtes à Champagne, elles ne nous ont rejoints qu’à la fin des agapes.

    Verres en Cristal et Couverts en Argent, nous étions tous au garde-à-vous autour de celles qui dominent généralement la tablée de leur incontestable majesté, ces dames Assiettes en Porcelaine à Liseré d’Or, héritage sacré légué à son fils par la mère du patron.

    Nous étions prêts pour le service ! Certains officièrent seuls, comme les Cuillères à Soupe, les Cuillères à Dessert et les Petites Cuillères, d’autres en doublon, comme les Fourchettes et les Couteaux, par catégorie et en respectant l’ordre donné.

    Pour ma part, afin que vous compreniez mieux mon état de saleté avant ce bain tant attendu, il faut que je vous raconte finalement à quoi j’ai servi et à qui surtout !

    J’étais à la disposition d’un enfant ! Ceci explique cela ! Il ne connaissait pas les règles en usage pour une Petite Cuillère en Argent digne de ce nom ! Il m’a trempée dans la mayonnaise, vous vous rendez compte ! Moi, dans de la mayonnaise ! Beurk ! Et plusieurs fois je vous prie ! Quel petit malotru ! Ils auraient dû lui prêter une des Cuillères en inox de la cuisine ! Pour pouvoir continuer à se servir de moi à sa guise, il m’a trempée dans son verre d’eau. Gloupsss ! J’ai horreur d’être ainsi baignée dans de l’eau froide sans savon ! Ensuite, il m’a essuyée sans délicatesse avec un coin de sa serviette !

    Et ça a continué ! Après le saumon mayonnaise, j'ai eu droit au foie-gras généreusement tartiné par le sale gosse -avec mon aide bien sûr- de compotée de figue et d'oignons confits et hop, trempette dans le verre d'eau !

    Puis ce fut la sauce du civet de sanglier "Grand-Veneur"! Nouvelle baignade forcée ! Pomme de terre en papillote tout juste sortie du four, ouille ! Ça brûle ! Vinaigrette, aïe ! Ça pique ! Il y a même un chien qui m’a léchée ! Dégoûtant ! Et chaque fois un tour dans Verre à Eau dont le contenu devenait de plus en plus infâme ! J’étais écœurée, lui aussi ! Pauvre Verre à Eau bafoué de la plus horrible des façons ! Servir de baignoire occasionnelle à une Petite Cuillère fût elle en argent, quelle indignité pour un Verre en pur cristal de Baccarat !

    Et je ne vous dis pas l’état de Serviette Blanche ! Tachée de partout, humide, froissée ! Comme tous les employés temporaires de ce sale gamin, elle avait hâte que ça se termine. Même Verre à Vin n’en pouvait plus ! Censé ne pas servir pour cet invité-là, on l’avait rempli d’un  jus de fruit trop sucré qui l’avait rendu aussi poisseux qu’un pot de miel ! Il détestait ça ! Quel déshonneur pour lui qui n’aimait rien autant qu’être  à-demi rempli comme il se doit, de grands crus millésimés blancs ou rouges !

    Pour en revenir à moi, j’ai terminé baveuse de mousse au chocolat, de coulis de framboise et de crème Chantilly ! Je n’ai même pas eu droit à un bon café bouillant qu’on amène aux grands invités dans ces jolies demoiselles Tasses à Café, en porcelaine blanche assortie à celle de leurs aînées Assiettes ! J’aurais touillé avec un plaisir intense ce délicieux breuvage fumant !

    Le petit sagouin m'a posée sans ménagement dans Assiette à son service, encore pleine de reliquats peu ragoûtants, en compagnie de Fourchette et de Couteau aussi sales que moi ! Il s’est essuyé une dernière fois avec Serviette Blanche si crasseuse qu’elle en aurait pleuré de honte, comme nous tous ! Puis il a quitté la table sans attendre d’en avoir la permission, en faisant tomber Chaise et en hurlant comme un goret qu’on égorge !

    Vous comprenez mieux à présent, je l’espère, pourquoi j’ai attendu l'heure du bain avec impatience ! Un bain de luxe réservé uniquement à nous autres, dignes membres du Service des Grandes Occasions ! Dans une jolie baignoire remplie d’eau chaude, parfumée, savonneuse à souhait. Nous y sommes lavés puis essuyés avec une délicatesse infinie, avant d’être déposés dans nos mallettes-lits capitonnées de satin champagne, elles -mêmes ramenées avec moult précautions jusqu’à l’imposant dorbuffet fleurant bon la cire d’abeille. Là, nous profitons alors enfin d’un long repos bien mérité jusqu’à la prochaine Grande Occasion !

    Tout compte fait, en dépit de ce type de désagrément pas si fréquent ma fois, je suis une touilleuse heureuse !

    Je pense parfois à nos collègues de la cuisine !

    Moins bien lotis que nous, ils doivent se contenter de la douche commune où ils sont lavés sans les douces mains de Maria et où ils sèchent seuls, enfermés jusqu’à ce que des mains secourables se rappellent qu’ils sont là. Parfois, c’est inimaginable pour moi, ils y passent même la nuit !

    Ça y est, c’est le tour des membres de la Ménagère en Argent ! En douceur, nous sommes plongés dans la baignoire …

    Ahhhh quel délice !

    ©A-M Lejeune

    (Extrait du recueil "Mes histoires farfadesques"  )

     


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