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Bonjour aux oiseaux de passage ! Et je ne parle pas de mes habituelles et fidèles lectrices
C'est gentil de passer souhaiter le bonjour ou la bonne nuit mais ce blog est un lieu de partage de mes écrits, donc un blog d'auteur ceci dit sans prétention aucune, en conséquence de quoi, la moindre des choses est de s'intéresser un tant soit peu aux articles proposés à la lecture des visiteurs
Tout commentaire qui ne prouvera pas que l'article a été lu, sera automatiquement supprimé.
Personnellement, quand je passe sur un blog, soit je m'arrête, je regarde, je lis et je commente l'article proposé, soit je m'envole discrètement si je n'ai rien à dire...
Merci d'avance de bien vouloir respecter les heures de travail en solitaire qu'impose l'écriture.
Anne-Marie Lejeune
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En parallèle avec "Marilou", un texte écrit pour répondre à un atelier de mon amie Arlette, voici l'histoire de Violette, qui figure dans le recueil "Mes histoires farfadesques", pas encore publié
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Mot de passe : « Je t’aime !»
« On a la vie que l’on mérite ! » Se dit Violette quand tout lui semble trop pesant, trop monotone et elle sait de quoi elle parle puisqu’elle mène une existence sans surprises. Elle-même est sans surprises : caractère calme, taille moyenne, poids moyen, petits moyens. Elle passe inaperçue mais n’est-ce pas là le lot moyen, réservé justement au commun des mortels?
Derrière son guichet à la poste, elle est l’archétype de la femme ordinaire qu’elle est effectivement tout au long du jour. 40 ans, des yeux bleu gris, des cheveux châtains coupés courts parce que c’est plus pratique, des lunettes à monture dorée on ne peut plus discrètes. Elle porte tel un uniforme, une éternelle jupe grise, droite, qui descend juste à un centimètre au-dessus du genou. Son tout aussi éternel chemisier blanc sans fioritures est sagement fermé juste à un bouton de son cou où ne rutile aucun bijou tape à l’œil en dehors de sa chaîne de baptême à peine visible.
Chaque soir, après le travail, elle regagne son modeste foyer sans histoire, y retrouve ses deux enfants rentrés à l’heure de l’école et du collège voisins où ils suivent des études moyennes. Puis son gentil mari, aussi ordinaire qu’elle, facteur de son état, préposé comme on dit, rentre à son tour après être allé faire son loto ou son tiercé au bistrot du coin en buvant un pot avec ses collègues. Ce petit monde enfin réuni s’adonne alors aux joies simples d’un bonheur familial sans tapage. Mais la nuit venue, à l’insu des siens, Violette, la simple et insignifiante Violette, endosse une personnalité diamétralement opposée à celle, falote, qu’elle montre d’ordinaire.
Elle pénètre dans un univers parallèle et secret où rien n’est tranquille ni banal. Ce monde de la nuit où elle se glisse avec bonheur comme un serpent dans sa nouvelle peau, est plein d’imprévus, d’aventures trépidantes et de rencontres extraordinaires et fascinantes. Elle-même y devient une autre femme, totalement méconnaissable…
Dans ce monde-là, la petite voiture qu’elle est si fière de conduire habituellement, est remisée au garage de l’oubli. On y roule en Roll Royce, en Bentley ou en Cadillac ; quand ce n’est pas en rutilant coupé sport ou en longue limousine noire ou blanche de super star hollywoodienne. On y galope à perdre haleine à travers les terres sauvages de Mongolie ou du Far West. On s’y pavane dans d’élégantes calèches ou dans de gracieux phaétons tirés par de magnifiques chevaux. On y voyage également en Jet privé ; ou encore en vaisseau intergalactique, en diligence ou en chariot de pionnier. On y parcourt toutes les mers et tous les océans, capitaine de superbes trois-mâts, de bricks racés de corsaires ou de galions aux cales chargées d’or, d’épices rares ou de tissus précieux. On peut aussi y risquer sa vie sur le « radeau de la Méduse » ou y faire la fête à gogo sur de luxueux yachts appartenant à des milliardaires aux goûts dispendieux…
Dans ce monde-là, on se nourrit de caviar et on s’abreuve de champagnes millésimés, d’aventures sans lendemain et de passions folles, à moins que ce ne soit de pemmican, d’amour et d’eau fraîche. Dans ce monde-là, on vit à plein temps, à plein régime. Rien n’y est tabou. Pas d’interdits ni aucun de ces ennuyeux garde-fous que la vie quotidienne dresse à plaisir devant chacun d’entre nous. Tout y est sublime, exaltant, extraordinaire. Et ce dernier qualificatif revêt aux yeux de Violette son sens le plus littéral. Pour elle, est extraordinaire tout ce qui la propulse hors de son banal et ordinaire quotidien. Car dans ce monde-là enfin, Violette est jeune, belle, grande, mince, la poitrine haute et arrogante, les hanches joliment galbées, les jambes interminables. Ses yeux frangés de longs cils recourbés sont du plus bel azur ou du vert le plus profond. Ses cheveux, masse soyeuse qui lui retombe en souples ondulations sur les reins, sont ou blonds comme les blés de l’Ukraine ou d’un noir d’ébène ou encore d’un roux flamboyant. Tout ce qu’elle porte lui sied à ravir, que ce soit des haillons ou des vêtements de grands couturiers, des costumes d’époque ou des tenues résolument futuristes.
Dans ce monde-là, Violette qui ne s’appelle jamais Violette mais arbore le plus souvent des prénoms fantaisistes et originaux en accord avec ses nouvelles et fluctuantes identités, est tour à tour une beauté évanescente, altière et un peu froide, pulpeuse et charnelle, troublante et mystérieuse, émouvante et timide. Ou encore passionnée, volcanique, sulfureuse. Ses partenaires y sont magnifiquement virils et follement séduisants. Ces beaux mâles forts mais pas trop qui peuvent se montrer cruels, tendres ou violents sont toujours de romantiques et invincibles héros, à l’image de ceux qu’incarnent dans les films qu’elle adore, ses acteurs préférés.
Si Violette peut à ce point changer et d’apparence et de personnalité, c’est parce que ce monde-là, celui de sa vie nocturne, est celui de ses fantasmes. Non pas celui des rêves qu’elle fait en dormant car sur eux, elle n’a aucune prise, mais celui des songes que chaque soir elle bâtit tout éveillée et qui l’aident à accéder sereinement au sommeil réparateur. Ceux-là, elle les contrôle totalement vu qu’elle en est l’auteur, le producteur et la vedette. Dans les films qu’elle s’invente, les seconds rôles, c’est pour les autres !
Curieusement, elle a besoin d’un mot de passe pour pénétrer dans cet univers, pour allumer chaque nuit l’écran noir de ses fantasmes. C’est toujours le même depuis des années : « Je t'aime ! ». Il lui suffit de prononcer dans le silence de son esprit ce magique sésame à l’un de ses héros, pour que tout s’anime et que l’histoire commencée plusieurs nuits auparavant ou entamée de la veille, reprenne son cours le plus souvent tumultueux. L’héroïne qu’elle y redevient instantanément, éprouve des sentiments d’une rare intensité et connaît des passions charnelles si débridées qu’elles rendraient ternes la tendresse inaltérable et les étreintes douces de son mari si elle n’était pas si lucide malgré tout. Mais Violette, en dépit de ce jardin si bien caché, est une femme sage qui ne mélange pas les rêves et la réalité. Aussi peut-elle sans rougir ni comparer avec ses expériences sexuelles fantasmatiques, accomplir de bonne grâce le devoir conjugal.
C’est par souci d’équilibre, le sien et celui des autres, qu’elle défend absolument à ce monde nocturne d’interférer avec sa vie de tous les jours et cela depuis bien longtemps. Car Violette, d’aussi loin qu’elle se souvienne, a toujours été une rêveuse éveillée. Dès l’enfance et avec plus de force encore à l’adolescence, elle a eu recours aux fantasmes pour trouver le sommeil. Jamais elle n’a eu besoin d’autres somnifères, pas plus que toute petite elle ne demandait à sa mère de conte ou de berceuse. Déjà alors, les yeux ouverts dans le noir total, elle se construisait un univers personnel peuplé de héros fabuleux où elle était tout naturellement le personnage clé. Ainsi se racontait-elle des histoires nées de son propre imaginaire et les vivait-elle intensément jusqu’à ce que le sommeil l’emportât. Elle retardait cet instant le plus longtemps possible quand le « film» en cours était particulièrement palpitant. C’est en effet ainsi que se déroulaient invariablement ces rêves éveillés, comme des films en technicolor sur le grand écran dolby stéréo de son esprit inventif.
Cette double vie aurait pu durer sans anicroche si elle avait réussi à maintenir l’intangible frontière entre les deux mondes… Jusqu’à présent, elle vivait ses journées paisibles et sans surprises et se satisfaisait de leur fadeur sans en souffrir en attendant de replonger dans ses nuits aventureuses. Mais depuis quelque temps, elle est de plus en plus possédée par ses fantasmes. Et il en est même plus d’un désormais qui gouverne simultanément ses nuits. Sitôt qu’elle est dans ses draps, elle revit et fignole les multiples scénarios qu’elle s’est inventés, se refusant de plus en plus souvent à l’étreinte conjugale sous de fallacieux prétextes.
Si encore elle se contentait de la nuit ! Mais le jour aussi à présent, au travail ou à la maison, aux moments les plus inopportuns, la surprend à réécrire une scène ou une page entière d’une de ces histoires. La journée achevée, elle compte les heures qui la séparent du coucher. Des heures qui s’étirent à l’infini, lui semble-t-il, rendant l’attente frustrante et douloureuse jusqu’au paroxysme. Elle devient alors agressive, irritable, inquiétant chaque fois d’avantage son mari et ses enfants habitués à sa proverbiale équanimité. Loin de soupçonner la vérité, le brave facteur va même jusqu’à suggérer les symptômes d’une ménopause un tantinet précoce pour expliquer cette nervosité. Hypothèse qui met le feu aux poudres, accentuant d’autant l’irritabilité de Violette qui ne peut alors s’empêcher de comparer son falot d’époux aux amants superbes de ses nuits. Néanmoins, elle est bien heureuse d’invoquer ce retour d’âge inopiné pour excuser le peu d’enthousiasme qu’elle éprouve à faire l’amour.
C’est avec impatience que le soir venu, elle s’empresse de se coucher avant lui au nom d’une compréhensible fatigue due à son état. Puis elle prononce mentalement le magique mot de passe : « Je t’aime ! » et saute à pieds joints dans ses rêves éveillés, feignant un profond sommeil quand il se couche à son tour. Elle se voue alors tout entière aux fantasmes qui la dévorent et dans lesquels elle retrouve tous les personnages qui peuplent ses chimères…
C’est ainsi que les rêves qu’elle s’est créés prennent peu à peu le pas sur sa banale réalité quotidienne. Et la timide Violette s’efface pour laisser la place aux divines créatures dans la peau desquelles elle se sent si bien.
Personne, que ce soit de son entourage professionnel, de sa famille ou de son foyer, n’est capable de la tirer de cette étrange léthargie où elle sombre petit à petit. Pour tout un chacun, pas besoin de médecin ou de psychiatre, le diagnostic est clair même si nul n’en devine la vraie raison : dépression nerveuse. Un seul remède à ce mal sournois : repos, repos, repos ! Ça tombe bien, c’est tout ce dont Violette a besoin pour s’adonner en paix à son péché mignon.
Dans la chambre close aux rideaux tirés où personne n’ose la déranger, elle feint d’avaler consciencieusement les pilules que le médecin lui a prescrites et qui la feraient dormir puis, étendue dans le noir, les yeux ouverts, elle se laisse aller à ses fantasmes secrets.
Dans sa tête, c’est la sarabande infernale. Elle est devenue incapable de démêler l’imbroglio de ses histoires où les héros se croisent et s’entrecroisent. Dans son esprit, ils se disputent la place et se livrent, pour y rester seul, de terribles duels et de sanglantes bagarres. Comme elle ne veut en perdre aucun, elle s’ingénie à les empêcher de s'entre-tuer. Pour ce faire, elle doit mener chacun de ses rêves à un train d’enfer afin que chacun d’entre eux puisse jouer sa partie à tour de rôle. Elle ne dort plus, ne mange presque plus. Le regard fixe, comme halluciné, pâle, immobile dans son lit, elle est entrée dans une espèce de coma éveillé dont elle ne parvient plus à sortir. Elle y est prisonnière avec ses personnages…
Sur son lit blanc d’hôpital, nourrie par perfusion, elle suscite l’incompréhension la plus totale chez les spécialistes perplexes penchés à son chevet. Elle représente à leurs yeux une énigme médicale pour le moins extraordinaire. Mais elle ne s’en rend pas compte. Elle est perdue dans ce monde irréel né de sa fertile imagination. Perdue sans espoir de retour !
La banale, l’ordinaire Violette ne réintégrera jamais son guichet à la poste. Elle ne veut plus revenir de ses oniriques errances. Elle ne veut plus retrouver sa modeste existence ni les êtres sans couleur qui la hantent. La sage Violette ne mène plus de double vie. Elle se consacre totalement, à corps perdu, à celles multiples qu’elle s’est inventées…
Elle n’apprendra jamais les étranges nouvelles qui, peu à peu, commencent à fleurir dans les médias internationaux. Si elle pouvait en prendre connaissance, peut-être accepterait-elle de revenir parmi les siens et de rendre au monde ceux qu’elle leur a enlevés… Peut-être ?
Des tas d’acteurs qui ont fait la gloire du cinéma mondial, frappés simultanément du même mal mystérieux : une espèce d’incompréhensible coma éveillé dont aucune médecine ne semble capable de les faire émerger…
©A-M Lejeune
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Eh oui, il n'est plus très loin !
Peut-être que cette magnifique saison m'inspirera de nouvelles rimes couleur de rouille et d'or
J'avais écrit celles-ci pour une atelier de mon amie Evy dont la thématique était : " La danse au rythme de la poésie "
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L'automne sied aux poètes
Quand reviendra l'automne au vent qui s'époumone
Quand les feuilles tombées sous mes pas craqueront
Mon cœur se remplira de ce flot d'émotions
Dont l'âme d'un poète si souvent résonne.
Déjà les mots se tordent brûlant d'impatience
Tant sur la page blanche ils rêvent de danser,
Au rythme de mes rimes de tourbillonner
Et de s'offrir à vous sans souci d'élégance.
Car mes mots voyez-vous, arrivent comme ils peuvent.
Ils hésitent parfois et se font désirer,
Ou bien par la musique ils se laissent porter...
Qu'importe comme ils dansent pourvu qu'ils émeuventSi toutes les saisons ont ce pouvoir immense
De me souffler parfois quelques vers harmonieux,
L'automne en moi toujours, allume mille feux
Et toujours il m'inspire mes plus belles stances.
Il m'attend quelque part ce vieux banc solitaire.
J'y trouverai deux roses, cœurs abandonnés,
Laissées là par l'amant d'un rendez-vous manqué,
Geste ultime d'amour ou dernière prière...
Je prendrai contre moi cet humble témoignage
Et j'en respirerai, les yeux clos, le parfum,
Senteurs sucrées des fleurs, sel piquant du chagrin..
Puis je le remettrai au milieu du feuillage...
Alors je laisserai en moi danser l'automne.
Je laisserai les mots me chanter ses chansons
Les oiseaux de leurs trilles l'accompagneront
Faisant taire un instant, le vent qui s'époumone...
27/06/2022
©A-M Lejeune
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Pour l'atelier d'Arlette N°18 dont le thème était "L'écriture"
Ma plume
La plume dans ma main, écrit le temps qui passe
Elle dit mes errances, mes sorties de route,
La trace de mon pas qui hésite et qui doute,
La crainte qui m’étreint et bien trop fort m’enlaceElle écrit la poussière et dévoile l’obscur
Du grenier où je cache mes plus noirs secrets…
Cahiers tachés de larmes à l’encre des regrets,
Soupirs et chagrins lourds des instants les plus durs…Ma plume est l’instrument souvent thérapeutique
Pour exprimer ma peur de vieillir, de mourir
De partir sans laisser le moindre souvenir
Sans croire que m’attend un jardin édénique.Mais elle sait aussi écrire le bonheur
L’amour et l’amitié, d’un enfant le sourire
Et de belles histoires qu’après on peut lire
Remplies de fiers héros sans reproche et sans peur.Vibrante elle décrit la lumière magique
Des rêves un peu fous qui me font voyager…
Quand je veux, grâce à elle je peux m’envoler
Et d’un coup d’elle atteindre un monde féerique.
26/11/2022
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Martha a parlé.
En entendant ses explications Élisa n'a pu retenir un cri de surprise. Jacob s'est réveillé et s'est mis à pleurer. Découverte elle n'a pu que descendre, contrite mais déterminée, rejoindre le trio sous le regard courroucé de Jonathan. Comme elle ne pouvait rebrousser chemin, force a été d'admettre à son compagnon qu'elle devait faire route avec eux. Heureusement, Jacob n'est pas un enfant difficile. Martha et elle se relaient pour le porter et il mange sans rechigner baies, fruits et racines comestibles que les deux femmes récoltent pour nourrir tout le monde. Un peu de petit gibier améliore cet ordinaire frugal.
Khaled toujours solidement attaché, le groupe se dirige vers l'Arche d'où ils sont sortis trois années auparavant. L'air hargneux, il marche à contre cœur mais il marche, une fois tiré, une fois poussé par un Jonathan dont la colère ne désempare pas. Colère contre son traître d'ami, colère contre Martha qui lui a sciemment caché les manigances des Noé, colère contre Élisa qui a si légèrement à ses yeux, mis leur fils en danger.
Retourner dans les profondeurs du dôme pour y déterrer les secrets d'une bande de savants fous qui ont joué aux apprentis sorciers, n'enchante pas la jeune femme. Mais il en va de la vie des disparus.
Un sourire carnassier aux lèvres, Khaled a assuré que s'ils ne sont pas morts, leur sort ne vaut guère mieux ! Jonathan qui ne lui connaissait pas cette propension au sadisme, lui a décroché un violent uppercut. Depuis, l'ennemi juré d’Élisa a la mâchoire de travers ! Du coup, on ne l'entend plus !
Les surprenantes révélations de Martha l'ont laissée dans un état de sidération tel qu'elle avance machinalement, comme un automate bien remonté sans dire un mot. Ça tombe bien, parce que Jonathan ne desserre pas les dents même pour elle. Quant à Martha qui arbore l'air d'une condamnée qu'on mène à l'échafaud, elle est silencieuse elle aussi. Il n'y a que le babil de Jacob pour égayer un peu ce morne cortège !
Tout ce qu'a raconté Martha a confirmé à un Khaled plus belliqueux que jamais, que non seulement Élisa est une rêveuse spéciale, mais qu'en plus ce dérèglement n'est pas causé par une défaillance de l'implant pour la bonne raison qu'elle ne l'a tout simplement pas reçu comme les autres ! Et cela, c'est lui-même qui l'a avoué à la vieille femme stupéfaite. Laquelle comprenait brusquement pourquoi il n'avait cessé de parler à sa compagne avant son réveil. Il savait bien lui, qu'il alimentait son subconscient. Non seulement il savait qu'Élisa rêvait, mais en plus elle lui avait tout raconté de ses errances oniriques dès sa sortie du "coma"..
.En dehors des Noé, dont Jonathan faisait partie, qui s'étaient arrogé le droit de garder toutes leurs facultés d'avant le grand sommeil, dont celui des rêves antérieurs et des souvenirs, Élisa était la seule autre survivante des Arches à avoir gardé ces mêmes facultés.
Une traîtrise de plus de Jonathan aux yeux de son ancien ami !
Le fameux implant Procréa créé au départ dans le seul but de pousser les survivants à former des couples et à procréer, a été considérablement modifié par Septime, Serena, Andrew , Khaled et Martha,, même si cette dernière n'y a consenti qu'à contre cœur. Elle a admis qu'il était dangereux que le hasard puisse présider à la reconstruction de l'Humanité d'où la programmation indispensable liée à la formation des couples reproducteurs. Ce fut la première variation des paramètres codifiés de l'implant. Plus qu'une seconde variation, la nécessité absolue que le passé apocalyptique disparaisse de la mémoire collective, avait contribué à un total bouleversement de ces paramètres de base avec l'introduction du code "effacement des souvenirs" liés à cette période en particulier. Puis, de fil en aiguille, un marqueur spécial avait été ajouté pour gommer purement et simplement tout le passé des survivants, ce qui avait naturellement conduit à l'éradication des rêves antérieurs. Tout cela, Jonathan le savait. Et grâce à son aveu, Élisa connaissait l'effet de la Procréa modifiée sur les rêves antérieurs et comprenait mieux qu'il lui ait demandé de se taire !
Mais ce qu'ils avaient fait après, dans le dos de Jonathan, était inimaginable.
Si l'ensemble des futurs cryogénisés avait bien reçu la Procréa modifiée, Élisa exclue bien sûr et pour cause, un groupe de sujets, choisi par la bande des cinq, avait fait l'objet d'une injection très spéciale. Une Procréa dans laquelle avait été inscrit un code redoutable puisque qu'il privait purement et simplement celles et ceux qui la recevaient, de toute faculté de rêver, même au présent. Exit les rêves, exit les souvenirs.
Ces survivants-là en somme fonctionnaient comme les robots qu'on avait fait d'eux ! On peut dire qu'ils avaient la mémoire courte, leurs souvenirs n'excédant pas la journée de la veille. De plus, aussi inexplicable que cela puisse paraître, les habitants de Liberté qui rêvaient, ne partageaient que très peu leurs songes, pour ne pas dire jamais ! Avait-on insidieusement introduit ce marqueur spécifique de l'extrême discrétion dans les codes de l'implant ? Le système était par conséquent parfaitement huilé puisque ceux qui ne rêvaient pas, ignoraient que les autres rêvaient et inversement. Et tout le monde s'en portait très bien ! Sauf Élisa qui devait sa sauvegarde à son silence, alors qu'eux se taisaient sans avoir besoin de s'y forcer !
Mais voilà, tout rouage même bien huilé peut être enrayé par un grain de sable !
Une non rêveuse se mit à rêver.
Annaëlle.
Paniquée par cette intrusion brutale dans la platitude de ses nuits, elle alla consulter le médecin habilité de Liberté, lequel ignorait qu'il existait des non-rêveurs dans la communauté. Aussi ne s'inquiéta-t-il pas plus que ça, Il la renvoya chez elle avec un calmant. Mais quand elle revint le lendemain et que, très agitée pour le coup, elle lui raconta une histoire totalement abracadabrante de catastrophe apocalyptique qui aurait eu lieu dans un passé si lointain que c'en était inimaginable. il se dit qu'il avait en face de lui une malade mentale semblable aux patients qu'il soignait à la Maison de Santé Il en informa aussitôt le Conseil où siégeaient les Noé. Il arrivait que des mal réveillés soient tardivement détectés mais ce cas-là était autrement plus inquiétant.
Annaëlle disparut opportunément. Le médecin oublia qu'il l'avait reçue. Liberté oublia qu'elle avait existé. La vie reprit son cours . Jusqu'aux cas suivants qui survinrent à intervalle régulier. La Procréa spéciale avait de gros ratés ! Elle réveillait un passé dangereux.
Dès le premier cas, Martha l'avait compris et s'était violemment insurgée après la disparition d'Annaëlle. Elle avait aussitôt été mise à l'écart et pour être sûrs qu'elle ne vende pas la mèche, les quatre autres l'avait ravalée au rang de citoyenne ordinaire, droguée comme les autres, elle avait aussitôt oublié l'existence de la couturière de Liberté ! Il en avait été ainsi à chaque nouvelle disparition. Sans l'intervention d’Élisa, elle aurait continué à ignorer les machinations des hauts dignitaires du conseil.
La réflexion cruelle de Khaled concernant le sort des disparus, trotte dans la tête d’Élisa. Si elle peut comprendre de quelle façon ses complices et lui ont pu les extraire de Liberté sans attirer l'attention pour les ramener dans les profondeurs de l'Arche, elle se demande dans quel but inavouable ils l'ont fait..
Elle sait désormais, comment grâce aux technologies avancées et hyper sophistiquées qui ont présidé à sa construction, l'immense complexe souterrain a pu continuer à fonctionner durant un millénaire. Mais elle était persuadée que devenu inutile après le réveil de tous les survivants, il s'était auto désactivé.
C'était compter sans le machiavélisme des Cinq dont Martha fait toujours partie, même si elle a été mise à l'écart.
Là bas l'attendent toutes les réponses.
Hormis celle d'y retourner, sa plus grande crainte et celle de Jonathan aussi manifestement, c'est d'y faire entrer leur fils.
Qui règne encore là-bas puisque Septime, Serena et Andrew sont restés à Liberté ? Et à quelles horribles expériences se livre-t-on sur les disparus de la communauté ?
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